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Scène IX

Pandolfe, Mascarille.

Pandolfe

 
Mascarille !
 

Mascarille

 
Monsieur.
 

Pandolfe

 
A parler franchement,
Je suis mal satisfait de mon fils.
 

Mascarille

 
De mon maître ?
Vous n’êtes pas le seul qui se plaigne de l’être :
Sa mauvaise conduite, insupportable en tout,
Met à chaque moment ma patience à bout.
 

Pandolfe

 
Je vous croyais pourtant assez d’intelligence
Ensemble.
 

Mascarille

 
Moi ? Monsieur, perdez cette croyance ;
Toujours de son devoir je tâche à l’avertir,
Et l’on nous voit sans cesse avoir maille à partir[2].
A l’heure même encor nous avons eu querelle
Sur l’hymen d’Hippolyte, où je le vois rebelle,
Où, par l’indignité d’un refus criminel,
Je le vois offenser le respect paternel.
 

Pandolfe

 
Querelle ?
 

Mascarille

 
Oui, querelle, et bien avant poussée.
 

Pandolfe

 
Je me trompais donc bien ; car j’avais la pensée
Qu’à tout ce qu’il faisait tu donnais de l’appui.
 

Mascarille

 
Moi ! Voyez ce que c’est que du monde aujourd’hui,
Et comme l’innocence est toujours opprimée ?
Si mon intégrité vous était confirmée,
Je suis auprès de lui gagé pour serviteur,
Vous me voudriez encor payer pour précepteur :
Oui, vous ne pourriez pas lui dire davantage
Que ce que je lui dis pour le faire être sage.
Monsieur, au nom de Dieu, lui fais-je assez souvent,
Cessez de vous laisser conduire au premier vent ;
Réglez-vous ; regardez l’honnête homme de père
Que vous avez du ciel, comme on le considère ;
Cessez de lui vouloir donner la mort au coeur,
Et, comme lui, vivez en personne d’honneur.
 

Pandolfe

 
C’est parler comme il faut. Et que peut-il répondre ?
 

Mascarille

 
Répondre ? Des chansons dont il me vient confondre.
Ce n’est pas qu’en effet, dans le fond de son coeur,
Il ne tienne de vous des semences d’honneur ;
Mais sa raison n’est pas maintenant la maîtresse.
Si je pouvais parler avecque hardiesse,
Vous le verriez dans peu soumis sans nul effort.
 

Pandolfe

 
Parle.
 

Mascarille

 
C’est un secret qui m’importerait fort
S’il était découvert ; mais à votre prudence
Je le puis confier avec toute assurance.
 

Pandolfe

 
Tu dis bien.
 

Mascarille

 
Sachez donc que vos voeux sont trahis
Par l’amour qu’une esclave imprime à votre fils.
 

Pandolfe

 
On m’en avait parlé ; mais l’action me touche
De voir que je l’apprenne encore par ta bouche.
 

Mascarille

 
Vous voyez si je suis le secret confident…
 

Pandolfe

 
Vraiment je suis ravi de cela.
 

Mascarille

 
Cependant
A son devoir, sans bruit, désirez vous le rendre ?
Il faut… J’ai toujours peur qu’on nous vienne surprendre :
Ce serait fait de moi, s’il savait ce discours.
Il faut, dis-je, pour rompre à toute chose cours,
Acheter sourdement l’esclave idolâtrée,
Et la faire passer en une autre contrée.
Anselme a grand succès auprès de Trufaldin ;
Qu’il aille l’acheter pour vous dès ce matin :
Après, si vous voulez en mes mains la remettre,
Je connais des marchands, et puis bien vous promettre
D’en retirer l’argent qu’elle pourra coûter,
Et malgré votre fils, de la faire écarter ;
Car enfin, si l’on veut qu’à l’hymen il se range,
A cet amour naissant il faut donner le change ;
Et de plus, quand bien même il serait résolu,
Qu’il aurait pris le joug que vous avez voulu,
Cet autre objet, pouvant réveiller son caprice,
Au mariage encor peut porter préjudice.
 

Pandolfe

 
C’est très bien raisonner ; ce conseil me plaît fort…
Je vois Anselme ; va, je m’en vais faire effort
Pour avoir promptement cette esclave funeste,
Et la mettre en tes mains pour achever le reste.
 

Mascarille (seul.)

 
Bon ; allons avertir mon maître de ceci.
Vive la fourberie, et les fourbes aussi.
 

Scène X

Hippolyte, Mascarille.

Hippolyte

 
Oui, traître, c’est ainsi que tu me rends service !
Je viens de tout entendre, et voir ton artifice :
A moins que de cela, l’eussé-je soupçonné ?
Tu couches d’imposture[3], et tu m’en as donné.
Tu m’avais promis, lâche, et j’avais lieu d’attendre
Qu’on te verrait servir mes ardeurs pour Léandre ;
Que du choix de Lélie, où l’on veut m’obliger,
Ton adresse et tes soins sauraient me dégager ;
Que tu m’affranchirais du projet de mon père :
Et cependant ici tu fais tout le contraire !
Mais tu t’abuseras ; je sais un sûr moyen
Pour rompre cet achat où tu pousses si bien ;
Et je vais de ce pas…
 

Mascarille

 
Ah ! que vous êtes prompte !
La mouche tout d’un coup à la tête vous monte[4],
Et, sans considérer s’il a raison ou non,
Votre esprit contre moi fait le petit démon.
J’ai tort, et je devrais, sans finir mon ouvrage,
Vous faire dire vrai, puisque ainsi l’on m’outrage.
 

Hippolyte

 
Par quelle illusion penses-tu m’éblouir ?
Traître, peux-tu nier ce que je viens d’ouïr ?
 

Mascarille

 
Non. Mais il faut savoir que tout cet artifice
Ne va directement qu’à vous rendre service ;
Que ce conseil adroit, qui semble être sans fard,
Jette dans le panneau l’un et l’autre vieillard[5] ;
Que mon soin par leurs mains ne veut avoir Célie,
Qu’à dessein de la mettre au pouvoir de Lélie ;
Et faire que, l’effet de cette invention
Dans le dernier excès portant sa passion,
Anselme, rebuté de son prétendu gendre,
Puisse tourner son choix du côté de Léandre.
 

Hippolyte

 
Quoi ! tout ce grand projet, qui m’a mise en courroux,
Tu l’as formé pour moi, Mascarille ?
 

Mascarille

 
Oui, pour vous.
Mais puisqu’on reconnaît si mal mes bons offices,
Qu’il me faut de la sorte essuyer vos caprices,
Et que, pour récompense, on s’en vient, de hauteur,
Me traiter de faquin, de lâche, d’imposteur,
Je m’en vais réparer l’erreur que j’ai commise,
Et dès ce même pas rompre mon entreprise.
 

Hippolyte (l’arrêtant.)

 
Eh ! ne me traite pas si rigoureusement,
Et pardonne aux transports d’un premier mouvement.
 

Mascarille

 
Non, non, laissez-moi faire ; il est en ma puissance
De détourner le coup qui si fort vous offense.
Vous ne vous plaindrez point de mes soins désormais ;
Oui, vous aurez mon maître, et je vous le promets.
 

Hippolyte

 
Eh ! mon pauvre garçon, que ta colère cesse !
J’ai mal jugé de toi, j’ai tort, je le confesse.
 

(Tirant sa bourse.)

 
Mais je veux réparer ma faute avec ceci.
Pourrais-tu te résoudre à me quitter ainsi ?
 

Mascarille

 
Non, je ne le saurais, quelque effort que je fasse ;
Mais votre promptitude est de mauvaise grâce.
Apprenez qu’il n’est rien qui blesse un noble coeur
Comme quand il peut voir qu’on le touche en l’honneur.
 

Hippolyte

 
Il est vrai, je t’ai dit de trop grosses injures :
Mais que ces deux louis guérissent tes blessures.
 

Mascarille

 
Eh ! tout cela n’est rien ; je suis tendre à ces coups.
Mais déjà je commence à perdre mon courroux ;
Il faut de ses amis endurer quelque chose.
 

Hippolyte

 
Pourras-tu mettre à fin ce que je me propose
Et crois-tu que l’effet de tes desseins hardis
Produise à mon amour le succès que tu dis ?
 

Mascarille

 
N’ayez point pour ce fait l’esprit sur des épines.
J’ai des ressorts tout prêts pour diverses machines ;
Et quand ce stratagème à nos voeux manquerait,
Ce qu’il ne ferait pas, un autre le ferait.
 

Hippolyte

 
Crois qu’Hippolyte au moins ne sera pas ingrate.
 

Mascarille

 
 
L’espérance du gain n’est pas ce qui me flatte.
 

Hippolyte

 
Ton maître te fait signe, et veut parler à toi :
Je te quitte ; mais songe à bien agir pour moi.
 

Scène XI

Lélie, Mascarille.

Lélie

 
Que diable fais-tu là ? Tu me promets merveille ;
Mais ta lenteur d’agir est pour moi sans pareille.
Sans que mon bon génie au-devant m’a poussé,
Déjà tout mon bonheur eût été renversé.
C’était fait de mon bien, c’était fait de ma joie,
D’un regret éternel je devenais la proie ;
Bref, si je ne me fusse en ces lieux rencontré,
Anselme avait l’esclave, et j’en étais frustré ;
Il l’emmenait chez lui : mais j’ai paré l’atteinte,
J’ai détourné le coup, et tant fait que, par crainte,
Le pauvre Trufaldin l’a retenue.
 

Mascarille

 
Et trois ;
Quand nous serons à dix, nous ferons une croix.
C’était par mon adresse, ô cervelle incurable,
Qu’Anselme entreprenait cet achat favorable ;
Entre mes propres mains on devait la livrer ;
Et vos soins endiablés nous en viennent sevrer.
Et puis pour votre amour je m’emploierais encore !
J’aimerais mieux cent fois être grosse pécore,
Devenir cruche, chou, lanterne, loup-garou,
Et que monsieur Satan vous vînt tordre le cou.
 

Lélie (seul.)

 
Il nous le faut mener en quelque hôtellerie,
Et faire sur les pots décharger sa furie.
 

ACTE II

Scène première

Lélie, Mascarille.

Mascarille

 
A vos désirs enfin il a fallu se rendre :
Malgré tous mes serments, je n’ai pu m’en défendre,
Et pour vos intérêts, que je voulais laisser,
En de nouveaux périls viens de m’embarrasser.
Je suis ainsi facile ; et si de Mascarille
Madame la nature avait fait une fille,
Je vous laisse à penser ce que ç’aurait été.
Toutefois n’allez pas, sur cette sûreté,
Donner de vos revers au projet que je tente,
Me faire une bévue, et rompre mon attente.
Auprès d’Anselme encor nous vous excuserons,
Pour en pouvoir tirer ce que nous désirons ;
Mais si dorénavant votre imprudence éclate,
Adieu, vous dis, mes soins pour l’objet qui vous flatte.
 

Lélie

 
Non, je serai prudent, te dis-je, ne crains rien :
Tu verras seulement…
 

Mascarille

 
Souvenez-vous-en bien ;
J’ai commencé pour vous un hardi stratagème.
Votre père fait voir une paresse extrême
A rendre par sa mort tous vos désirs contents
Je viens de le tuer (de parole, j’entends) :
Je fais courir le bruit que d’une apoplexie
Le bonhomme surpris a quitté cette vie.
Mais avant, pour pouvoir mieux feindre ce trépas,
J’ai fait que vers sa grange il a porté ses pas ;
On est venu lui dire, et par mon artifice,
Que les ouvriers qui sont après son édifice,
Parmi les fondements qu’ils en jettent encor,
Avaient fait par hasard rencontre d’un trésor.
Il a volé d’abord ; et comme à la campagne
Tout son monde à présent, hors nous deux, l’accompagne,
Dans l’esprit d’un chacun je le tue aujourd’hui,
Et produis un fantôme enseveli pour lui.
Jouez bien votre rôle ; et pour mon personnage,
Si vous apercevez que j’y manque d’un mot,
Dites absolument que je ne suis qu’un sot.
 

Scène II

Lélie.

Lélie

 
Son esprit, il est vrai, trouve une étrange voie
Pour adresser mes voeux au comble de leur joie ;
Mais quand d’un bel objet on est bien amoureux,
Que ne ferait-on pas pour devenir heureux ?
Si l’amour est au crime une assez belle excuse,
Il en peut bien servir à la petite ruse
Que sa flamme aujourd’hui me force d’approuver,
Par la douceur du bien qui m’en doit arriver.
Juste ciel ! qu’ils sont prompts ! Je les vois en parole[6].
Allons nous préparer à jouer notre rôle.
 

Scène III

Anselme, Mascarille.

Mascarille

 
La nouvelle a sujet de vous surprendre fort.
 

Anselme

 
Etre mort de la sorte !
 

Mascarille

 
Il a certes, grand tort :
Je lui sais mauvais gré d’une telle incartade.
 

Anselme

 
N’avoir pas seulement le temps d’être malade !
 

Mascarille

 
Non, jamais homme n’eut si hâte de mourir.
 

Anselme

 
Et Lélie ?
 

Mascarille

 
Il se bat, et ne peut rien souffrir :
Il s’est fait en maints lieux contusion et bosse,
Et veut accompagner son papa dans la fosse :
Enfin, pour achever, l’excès de son transport
M’a fait en grande hâte ensevelir le mort,
De peur que cet objet, qui le rend hypocondre,
A faire un vilain coup ne me l’allât semondre[7].
 

Anselme

 
N’importe, tu devais attendre jusqu’au soir ;
Outre qu’encore un coup j’aurais voulu le voir,
Qui tôt ensevelit, bien souvent assassine ;
Et tel est cru défunt, qui n’en a que la mine.
 

Mascarille

 
Je vous le garantis trépassé comme il faut.
Au reste, pour venir au discours de tantôt,
Lélie (et l’action lui sera salutaire)
D’un bel enterrement veut régaler son père,
Et consoler un peu ce défunt de son sort,
Par le plaisir de voir faire honneur à sa mort.
Il hérite beaucoup ; mais comme en ses affaires
Il se trouve assez neuf et ne voit encor guères,
Que son bien la plupart n’est point en ces quartiers,
Ou que ce qu’il y tient consiste en des papiers,
Il voudrait vous prier, ensuite de l’instance
D’excuser de tantôt son trop de violence,
De lui prêter au moins pour ce dernier devoir…
 

Anselme

 
Tu me l’as déjà dit, et je m’en vais le voir.
 

Mascarille (seul.)

 
Jusques ici du moins tout va le mieux du monde.
Tâchons à ce progrès que le reste réponde ;
Et, de peur de trouver dans le port un écueil,
conduisons le vaisseau de la main et de l’oeil.
 

Scène IV

Anselme, Lélie, Mascarille.

Anselme

 
Sortons ; je ne saurais qu’avec douleur très forte
Le voir empaqueté de cette étrange sorte.
Las ! en si peu de temps ! Il vivait ce matin !
 

Mascarille

 
En peu de temps parfois on fait bien du chemin.
 

Lélie (pleurant.)

 
Ah !
 

Anselme

 
Mais quoi, cher Lélie ! enfin il était homme.
On n’a point pour la mort de dispense de Rome.
 

Lélie

 
Ah !
 

Anselme

 
Sans leur dire gare, elle abat les humains,
Et contre eux de tout temps a de mauvais desseins.
 

Lélie

 
Ah !
 

Anselme

 
Ce fier animal, pour toutes les prières,
Ne perdrait pas un coup de ses dents meurtrières ;
Tout le monde y passe.
 

Lélie

 
Ah !
 

Mascarille

 
Vous avez beau prêcher,
Ce deuil enraciné ne se peut arracher.
 

Anselme

 
Si malgré ces raisons, votre ennui persévère,
Mon cher Lélie, au moins faites qu’il se modère.
 

Lélie

 
Ah !
 

Mascarille

 
Il n’en fera rien, je connais son humeur.
 

Anselme

 
Au reste, sur l’avis de votre serviteur,
J’apporte ici l’argent qui vous est nécessaire
Pour faire célébrer les obsèques d’un père.
 

Lélie

 
Ah ! ah !
 

Mascarille

 
Comme à ce mot s’augmente sa douleur !
Il ne peut, sans mourir, songer à ce malheur.
 

Anselme

 
Je sais que vous verrez aux papiers du bonhomme
Que je suis débiteur d’une plus grande somme :
Mais quand par ces raisons je ne vous devrais rien,
Vous pourriez librement disposer de mon bien.
Tenez, je suis tout vôtre, et le ferai paraître.
 

Lélie (s’en allant.)

 
Ah !
 

Mascarille

 
Le grand déplaisir que sent monsieur mon maître !
 

Anselme

 
Mascarille, je crois qu’il serait à propos
Qu’il me fît de sa main un reçu de deux mots.
 

Mascarille

 
Ah !
 

Anselme

 
Des événements l’incertitude est grande.
 

Mascarille

 
Ah !
 

Anselme

 
Faisons-lui signer le mot que je demande.
 

Mascarille

 
Las ! en l’état qu’il est, comment vous contenter ?
Donnez-lui le loisir de se désattrister ;
Et quand ses déplaisirs prendront quelque allégeance,
J’aurai soin d’en tirer d’abord votre assurance.
Adieu. Je sens mon coeur qui se gonfle d’ennui,
Et m’en vais tout mon soûl pleurer avecque lui.
Ah !
 

Anselme (seul.)

 
Le monde est rempli de beaucoup de traverses ;
Chaque homme tous les jours en ressent de diverses ;
Et jamais ici-bas…
 

Scène V

Pandolfe, Anselme.

Anselme

 
Ah ! bon Dieu ! je frémi !
Pandolfe qui revient ! Fût-il bien endormi[8] !
Comme depuis sa mort sa face est amaigrie !
Las ! ne m’approchez pas de plus près, je vous prie !
J’ai trop de répugnance à coudoyer un mort.
 

Pandolfe

 
D’où peut donc provenir ce bizarre transport ?
 

Anselme

 
Dites-moi de bien loin quel sujet vous amène.
Si pour me dire adieu vous prenez tant de peine,
C’est trop de courtoisie, et véritablement
Je me serais passé de votre compliment.
Si votre âme est en peine, et cherche des prières,
Las ! je vous en promets ; et ne m’effrayez guères !
Foi d’homme épouvanté, je vais faire à l’instant
Prier tant Dieu pour vous que vous serez content.
Disparaissez donc, je vous prie,
Et que le ciel, par sa bonté,
Comble de joie et de santé
Votre défunte seigneurie !
 

Pandolfe (riant.)

 
Malgré tout mon dépit, il m’y faut prendre part.
 

Anselme

 
Las ! pour un trépassé vous êtes bien gaillard.
 

Pandolfe

 
Est-ce jeu, dites-nous, ou bien si c’est folie,
Qui traite de défunt une personne en vie ?
 

Anselme

 
 
Hélas ! vous êtes mort, et je viens de vous voir.
 

Pandolfe

 
Quoi ! j’aurais trépassé sans m’en apercevoir ?
 

Anselme

 
Sitôt que Mascarille en a dit la nouvelle,
J’en ai senti dans l’âme une douleur mortelle.
 

Pandolfe

 
Mais, enfin, dormez-vous ? êtes-vous éveillé ?
Me connaissez-vous pas ?
 

Anselme

 
Vous êtes habillé
D’un corps aérien qui contrefait le vôtre,
Mais qui dans un moment peut devenir tout autre.
Je crains fort de vous voir comme un géant grandir,
Et tout votre visage affreusement laidir.
Pour Dieu ! ne prenez point de vilaine figure ;
J’ai prou[9] de ma frayeur en cette conjoncture.
 

Pandolfe

 
En une autre saison, cette naïveté
Dont vous accompagnez votre crédulité,
Anselme, me serait un charmant badinage,
Et j’en prolongerais le plaisir davantage :
Mais, avec cette mort, un trésor supposé,
Dont parmi les chemins on m’a désabusé,
Fomente dans mon âme un soupçon légitime.
Mascarille est un fourbe, et fourbe fourbissime,
Sur qui ne peuvent rien la crainte et le remords,
Et qui pour ses desseins a d’étranges ressorts.
 

Anselme

 
M’aurait-on joué pièce et fait supercherie ?
Ah ! vraiment, ma raison, vous seriez fort jolie !
Touchons un peu pour voir : en effet, c’est bien lui.
Malepeste du sot que je suis aujourd’hui !
De grâce, n’allez pas divulguer un tel conte ;
On en ferait jouer quelque farce à ma honte :
Mais, Pandolfe, aidez-moi vous-même à retirer
L’argent que j’ai donné pour vous faire enterrer.
 

Pandolfe

 
De l’argent, dites-vous ? Ah ! voilà l’encolure !
Voilà le noeud secret de toute l’aventure !
A votre dam. Pour moi, sans m’en mettre en souci,
Je vais faire informer de cette affaire ici
Contre ce Mascarille ; et si l’on peut le prendre,
Quoi qu’il puisse coûter, je le veux faire pendre.
 

Anselme (seul.)

 
Et moi, la bonne dupe à trop croire un vaurien,
Il faut donc qu’aujourd’hui je perde et sens et bien.
Il me sied bien, ma foi, de porter tête grise,
Et d’être encor si prompt à faire une sottise ;
D’examiner si peu sur un premier rapport…
Mais je vois…