Si elle craignait

Tekst
0
Recenzje
Przeczytaj fragment
Oznacz jako przeczytane
Czcionka:Mniejsze АаWiększe Aa

CHAPITRE QUATRE

La maison dans laquelle la première victime avait été tuée était un peu plus grande que celle sur Hammermill Street. Elle était située à une dizaine de kilomètres de la maison où Tamara Bateman avait été assassinée. Le voisin le plus proche était à environ trois cents mètres et les maisons étaient séparées par un petit bois et des herbes sauvages, typiques des terrains sablonneux. La construction ressemblait à une maison de plage, mais elle présentait également certains éléments de style fermette.

En gravissant les marches jusqu’à l’énorme porche, DeMarco tendit à Kate un dossier qu’elle avait pris sur le siège arrière de la voiture. « Pour te faire une idée de la scène de crime, il faut que tu jettes un coup d’œil aux photos. Mais je te conseille d’attendre avant de le faire. »

DeMarco ouvrit la porte d’entrée à l’aide de la clé qu’on lui avait donnée et laissa passer Kate. La porte s’ouvrait sur un énorme vestibule – tellement spacieux qu’un siège y était installé contre le mur de droite et qu’un tapis de la taille de la chambre à coucher de Kate recouvrait le sol. Le tapis était de couleur blanche et turquoise, et des taches de sang y étaient bien visibles.

Au fond du vestibule, sur la droite, se trouvait l’escalier qui menait au premier étage. En levant la tête, Kate remarqua un magnifique lustre accroché au plafond. Il semblait fabriqué en acier et il était décoré d’un entrelacs de torsades. On aurait dit qu’il était pendu légèrement de travers.

« Le lustre, » dit DeMarco. « Magnifique, n’est-ce pas ? »

« Vraiment superbe. »

« OK, maintenant, jette un coup d’œil aux photos dans le dossier. »

Kate obtempéra. Elle passa les notes et les rapports de police pour aller directement aux photos de la scène de crime. La première d’entre elles montrait le lustre, mais il était beaucoup moins joli. En fait, on aurait dit qu’il était tout droit sorti d’un film d’horreur.

Le corps d’une femme y était pendu. Une corde lui entourait le cou mais la photo donnait l’impression que c’étaient ses bras, accrochés aux branches du lustre, qui la maintenaient en l’air. Sur la photo, Kate ne pouvait pas voir le bout de la corde, qui était probablement accrochée quelque part derrière le lustre, peut-être aux attaches qui le raccrochaient au plafond.

Le visage de la femme était recouvert de sang et elle semblait avoir les yeux baissés vers le tapis sur lequel elle saignait. C’était une femme assez menue. Sous son poids léger, le lustre ne s’était pas décroché du plafond.

« Mon dieu, » dit Kate. « Comment est-ce que l’assassin a fait pour l’accrocher là-haut ? »

« La victime s’appelle Béa Faraday. Elle a vingt-huit ans et elle ne pèse pas plus de cinquante-cinq kilos. La police pense que l’assassin l’a traînée jusqu’en haut des escaliers et qu’il l’a jetée par-dessus la balustrade, pour essayer de la pendre de la même manière que Tamara, mais le lustre était sur le chemin. »

« Tu penses que c’est possible ? » demanda Kate.

« Oui. Il y a du sang sur la balustrade qui corrobore cette version. Je pense que c’est là qu’il a d’abord attaché la corde. Mais quand il s’est rendu compte qu’elle était pendue au lustre, il a coupé la corde et a laissé la scène parler d’elle-même. Il l’a apparemment d’abord frappée avec un objet contondant, puis il a pris son temps pour la traîner à l’étage et la jeter par-dessus la balustrade. »

Kate vit l’endroit depuis lequel Faraday avait apparemment été pendue. Le lustre se trouvait à moins de deux mètres de la balustrade. Il était facile d’imaginer qu’un homme costaud puisse lancer une femme menue aussi loin.

« Qui a découvert le corps ? » demanda Kate.

« L’agence immobilière a envoyé une femme de ménage faire un rapide nettoyage deux heures avant une visite. C’est elle qui l’a trouvée et qui a appelé la police. »

« Tu l’as interrogée ? »

« Non. Mais le shérif Armstrong l’a fait. »

Kate hocha la tête et baissa les yeux vers le tapis taché de sang. Elle pensa au plaid et à la bouteille d’eau qu’elles avaient trouvés à la maison sur Hammermill Street et elle se demanda s’il y avait des endroits dans cette maison où un squatteur pourrait facilement se cacher.

« C’est une maison construite récemment ? » demanda Kate.

« Je n’en suis pas sûre. Mais ça fait un bon mois qu’elle est sur le marché. Ils l’ont fait visiter dix-huit fois et il y a eu six personnes intéressées. Seul l’une d’entre elles était du coin. »

Kate et DeMarco traversèrent silencieusement la maison. Le bruit de leurs pas résonnait à travers les pièces désertes. Ça avait un côté un peu mystérieux d’être dans une maison qui renfermait les souvenirs de personnes qu’elles ne rencontreraient jamais. Kate avait toujours été intéressée par tout ce qui touchait aux esprits et elle pensait qu’il était tout à fait possible que chaque maison soit hantée par le souvenir de familles qui y avaient vécu.

Elles jetèrent un coup d’œil dans le vaste espace qui servait de salon, puis dans la cuisine. Vu que la maison était vide, il était assez facile de voir que rien n’avait été volé. Elles montèrent ensuite à l’étage. Kate regarda s’il y avait un accès à une sorte de grenier ou de combles. Mais elle ne vit rien de tel. La maison n’avait apparemment pas de grenier. Elle devait donc sûrement avoir une sorte de cave. Dans ce genre de communautés, les maisons avaient toujours un espace de rangement.

Elles retournèrent au rez-de-chaussée et se dirigèrent vers la première porte dans le couloir principal. Elle s’ouvrait sur une cave aménagée qui était tout aussi vide que le reste de la maison. Au fond, il y avait une double porte qui semblait mener à l’extérieur. Kate s’en approcha, l’ouvrit et se retrouva face à un magnifique jardin. Elle sortit, suivie par DeMarco, dans une cour en forme de demi-lune. Sur leur droite, il y avait une petite construction en briques qui contenait un parterre de fleurs. Sur leur gauche, il y avait un petit espace en-dessous de l’escalier en bois qui menait à la terrasse arrière. L’espace était sûrement destiné à abriter un appentis avec une tondeuse et quelques outils.

Elle s’en approcha et regarda de plus près. Elle s’agenouilla et jeta un coup d’œil au sol tassé, sans vraiment savoir ce qu’elle cherchait. Elle allait se relever quand elle vit quelque chose dans le coin, tout au fond.

En grimaçant de douleur, elle essaya de s’approcher pour y voir de plus près. Ça ressemblait à de vieux chiffons. Ils étaient empilés l’un sur l’autre. À environ un mètre des chiffons, elle vit des marques au sol.

« Tu as trouvé quelque chose ? » demanda DeMarco.

« Peut-être. Viens jeter un coup d’œil et dis-moi ce que tu en penses… juste pour m’assurer que je ne saute pas trop vite aux conclusions. »

Elles changèrent de place et Kate regarda DeMarco se plier en deux pour s’introduire dans l’espace confiné. Elle regarda autour d’elle avant de se mettre à parler.

« Des chiffons, » dit-elle. « Ça paraît plutôt bizarre à cet endroit, non ? Et… aussi quelques marques au sol. On dirait qu’il y avait quelque chose de lourd posé ici. »

DeMarco ressortit de l’espace. « Les chiffons, » dit-elle. « Tu penses que quelqu’un les a utilisés comme coussin ? »

« Oui, je pense. »

« Un autre squatteur ? Ce serait vraiment une coïncidence. Mais c’est vrai que ces légères marques au sol pourraient avoir été faites par un genou ou par un pied, j’imagine. » Elle regarda à nouveau l’espace et ajouta : « Et récemment. »

« Il se pourrait que ce soit une conclusion hâtive, » dit Kate. « Surtout que ce tas de vieux chiffons peut très bien avoir été laissé là par des ouvriers. »

« Je pense qu’il faut qu’on parle à la femme de ménage, » dit DeMarco.

« C’est une bonne idée. »

« J’appelle l’agence immobilière pour avoir son adresse. Sinon, le shérif Armstrong pourra certainement nous aider. »

DeMarco s’éloigna de Kate pour passer ses appels. Pendant ce temps, Kate regarda à nouveau l’espace confiné. Elle essaya de se plier en deux comme DeMarco l’avait fait, mais elle n’était plus assez souple pour ça. Elle se mit à genoux et rampa pour jeter un dernier coup d’œil. Elle ne remarqua rien de spécial. Mais plus elle regardait la pile de chiffons et les marques au sol, plus elle était certaine que quelqu’un s’était caché là au cours des derniers jours. Elles obtiendraient peut-être des réponses en faisant analyser ces chiffons en laboratoire.

Au moment où elle ressortit du trou, elle vit DeMarco qui remettait son téléphone en poche.

« Tu as son adresse ? » demanda Kate.

« J’ai encore mieux que ça. Le shérif lui a demandé de repasser au commissariat pour répondre à quelques questions. Et elle veut bien que nous assistions à l’interrogatoire. »

« C’est une super nouvelle, » dit Kate, en essayant de dissimuler une grimace de douleur en se redressant.

En suivant DeMarco à travers le jardin, elle ne put s’empêcher de sourire. DeMarco avait vraiment pris le contrôle de cette enquête et ce, malgré le fait que Kate ait été appelée en renfort. Elle sourit et se rendit compte qu’elle était bien trop fière de DeMarco pour se sentir offensée.

***

Quand elles arrivèrent au commissariat, le shérif Armstrong les attendait dans le hall d’entrée. Elle eut l’air soulagée de les voir arriver. Elle ne sourit pas mais elle avait l’air contente. Elle devait avoir la cinquantaine et elle était de corpulence assez forte, mais sans être grosse. Elle avait un visage assez ordinaire, qui devait être assez joli avec un peu de maquillage et les cheveux tirés. Mais ce qui plut le plus à Kate, c’était qu’elle avait un regard profond… c’était le regard d’une femme qui prenait son boulot très au sérieux.

 

« Je suis contente que vous soyez là, » dit Armstrong. « Mademoiselle Seibert est dans une salle à l’arrière et elle commence à être extrêmement sur la défensive. Je n’ai aucune raison de croire qu’elle a quelque chose à voir avec ces meurtres, mais elle pense que nous la considérons comme une suspecte, juste parce qu’on lui a demandé de revenir pour répondre à d’autres questions. »

« Je me demande s’il y a des antécédents criminels dans sa famille, » dit Kate. Elle sourit en voyant qu’Armstrong la regardait d’un air étonné. « Désolée, » dit Kate. « Agent Kate Wise. Ravie de vous rencontrer. »

« De même, » dit Armstrong. « Quant à votre question, je vous avoue que je n’en sais rien. »

« Ça arrive souvent, » dit Kate. « Si des membres de sa famille ont eu des problèmes avec la police, il est normal qu’elle soit rapidement sur la défensive, même si elle est bien traitée. »

« Je lui ai laissé cinq minutes pour se calmer. Je lui ai dit qu’il se pourrait que quelqu’un d’autre vienne lui poser des questions et elle n’était pas trop enchantée à l’idée. »

« Ça ne vous dérange pas qu’on aille l’interroger ? » demanda DeMarco.

« Pas du tout. Troisième porte à gauche, dans le couloir. »

Kate et DeMarco se dirigèrent dans cette direction. Kate se rendit compte qu’elle avait pris légèrement les devants sur DeMarco, mais elle n’en ralentit pas pour autant le pas. Quand elles arrivèrent devant la porte indiquée par Armstrong, Kate frappa légèrement et l’ouvrit.

Il y avait une seule table et quelques chaises dans la pièce. La femme qui était assise à la table devait avoir la soixantaine. Elle était de race blanche, avec des cheveux filiformes qui se dressaient en touffes. Elle regarda Kate et DeMarco d’un air méfiant.

« Vous êtes Mary Siebert ? » demanda DeMarco.

Mary se contenta de hocher la tête. Kate vit tout de suite ce qu’Armstrong avait voulu dire. Mary Siebert avait vraiment l’air de s’attendre au pire.

« Nous sommes les agents DeMarco et Wise du FBI. Nous aurions aimé vous poser quelques questions concernant la découverte du corps de Béa Faraday. »

Mary resta silencieuse. Elle se redressa un peu sur sa chaise, mais le reste de son attitude resta la même.

« Mademoiselle Seibert, » continua DeMarco, « le shérif Armstrong nous a dit que vous aviez peur d’être considérée comme une suspecte. Nous sommes là pour vous dire que ce n’est pas du tout le cas. Si nous voulons vous poser des questions, c’est parce que vous étiez la première personne sur la scène de crime. Et vu votre profession, nous espérions que vous auriez peut-être vu ou entendu quelque chose qui pourrait nous aider sur l’enquête. Rien de plus. Nous aimerions essayer de savoir depuis combien de temps le corps se trouvait là et si vous avez remarqué quoi que ce soit de bizarre, ce genre de choses. »

Mary commença à se détendre légèrement. Kate fut émerveillée par la manière dont DeMarco s’y était pris. Elle avait non seulement réussi à calmer les appréhensions de Mary, mais elle lui avait également fait sentir que sa contribution pourrait être très importante – ce qui était le cas.

« Non, je n’ai rien vu d’autre, juste le corps, » dit Mary. « Et tout ce sang. »

« Est-ce que vous connaissiez mademoiselle Faraday ? » demanda Kate.

« Non. Mais plus tard, quand on m’a montré des photos d’elle, je l’ai reconnue. Je l’avais déjà vue. Ce n’est pas une très grande ville, vous savez. »

« Et vous étiez seule, c’est bien ça ? » demanda DeMarco.

« Oui, j’étais seule. »

« Combien d’autres personnes travaillent pour votre entreprise de nettoyage ? »

« On est cinq. Mais vu que cette maison n’était plus meublée et qu’il n’y avait pas eu beaucoup de visites dernièrement, on m’y a envoyée toute seule. C’était supposé être un simple boulot de dépoussiérage. Il n’y avait même pas besoin de faire les fenêtres. »

DeMarco feuilleta le dossier qui se trouvait sur la table devant elle. « Et vous êtes arrivée à quatorze heures quart cet après-midi-là, c’est bien ça ? »

« Oui. Je devais aller nettoyer une autre maison ce jour-là, mais vu les circonstances, je n’y suis pas allée. »

« C’est peut-être une question un peu dérangeante, » dit Kate, « mais est-ce que vous vous rappelez si le sang était encore frais ? »

« Oh oui, bien sûr. Il était encore frais. Il y avait encore du sang qui coulait du corps. Bien que ça puisse paraître bizarre… c’est ce qui m’empêche de dormir le soir. Ce n’est pas le visage de cette pauvre femme, ni même la scène en elle-même, c’est le bruit de ce sang frais tombant goutte à goutte jusqu’au sol. »

« Mademoiselle Siebert… qui a fait appel à vos services pour nettoyer cette maison ? »

« L’agence immobilière. »

« Et c’était quelle agence exactement ? » demanda DeMarco.

« L’agence Davis et Hopper. »

« Est-ce que ça fait longtemps que ce sont vos clients ? » demanda Kate.

« Ça fait peut-être deux ans. Ils paient bien et les agents immobiliers qui y travaillent sont vraiment très gentils. »

Le silence s’installa dans la pièce, pendant que Kate et DeMarco réfléchissaient. Mary Seibert avait maintenant l’air plutôt détendue – son attitude n’avait plus rien à voir avec celle que le shérif Armstrong leur avait décrite dix minutes plus tôt. Ce fut finalement Kate qui brisa le silence. Il était impossible que Mary Seibert ait tué Béa Faraday, qu’elle l’ait traînée jusqu’en haut des escaliers et qu’elle ait jeté son corps par-dessus la balustrade. Kate savait que c’était tout simplement impossible.

« Mademoiselle Seibert, est-ce que vous étiez déjà entrée dans cette maison ? »

« Non, c’était la première fois. »

« Et quand vous y êtes entrée, » dit DeMarco, « est-ce que vous avez remarqué quoi que ce soit d’autre ? Un quelconque indice que quelqu’un d’autre se trouvait sur les lieux ? »

« Comme je vous l’ai dit… tout ce que j’ai vu, c’est le corps. Enfin… j’ai d’abord remarqué les taches de sang sur le sol au moment où je suis entrée, puis j’ai vu son corps accroché au lustre. J’ai été un moment sous le choc. Je me rappelle avoir eu du mal à respirer, puis je me suis mise à hurler. J’ai couru à l’extérieur et j’ai appelé la police. Ils m’ont dit d’attendre dans ma voiture et c’est ce que j’ai fait. »

DeMarco jeta un coup d’œil en direction de Kate. Kate acquiesça d’un hochement de tête, tout en souriant à Mary Seibert. DeMarco commença à se diriger vers la porte.

« Ça fait combien de temps que vous nettoyez des maisons dans la région ? » demanda Kate.

« Ça doit faire huit ou neuf ans. »

« Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de remarquer des trucs bizarres dans certaines maisons ? »

« Oh, ça arrive qu’on entre dans une maison qui a visiblement été utilisée. Mais en général, il s’agit juste d’adolescents qui sont venus y faire la fête. Il arrive aussi parfois que des personnes y aient passé la nuit. Un jour, une de mes amies s’est même retrouvée face à face avec un sans-abri qui dormait dans le dressing de l’une des chambres. »

« C’est arrivé ici, à Estes ? » demanda DeMarco.

« Non, quelque part dans la région de New Castle. »

Kate et DeMarco échangèrent un regard qui se passait de tout commentaire. Elles savaient toutes les deux ce qu’il signifiait : « Cet interrogatoire est terminé. »

« Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez consacré, mademoiselle Seibert. À moins que le shérif Armstrong ait encore besoin de vous, vous êtes libre de partir. Merci pour votre aide. »

Mary se leva de sa chaise, prête à sortir de la pièce. « J’ai entendu dire qu’il y avait eu un autre meurtre. C’est vrai ? »

« On ne peut pas vous en dire plus pour l’instant, » dit DeMarco. Elle se dirigea vers la porte, puis s’arrêta, avant de se retourner vers Mary et d’ajouter : « Mais je vous suggère de rester loin de toute maison actuellement mise en vente et ce, jusqu’à nouvel ordre. »

« Il est possible qu’on donne également le même conseil à tous les agents immobiliers de la région, » dit Kate.

Mary hocha la tête et baissa les yeux vers la table. Kate avait souvent vu cette expression. C’était le regard d’une femme qui aimait sa petite ville, mais qui commençait à se rendre compte que ce n’était pas un endroit aussi sûr qu’elle le pensait.

CHAPITRE CINQ

Kate se rendit très vite compte que le shérif Armstrong avait une personnalité qui lui plaisait beaucoup. C’était une femme solide, qui prenait son boulot au sérieux. Quand elle s’installa avec Kate et DeMarco dans une petite salle de réunion à l’arrière du commissariat un quart d’heure après le départ de Mary Seibert, elle le fit avec une certaine anxiété. Elle devait avoir entre cinquante et cinquante-cinq ans, mais l’incertitude qui se lisait sur son visage lui donnait l’air beaucoup plus jeune. Elle était assez jolie. Elle regarda les agents avec des yeux verts rayonnants.

« Vous savez, » dit-elle, en prenant sa tasse de café en main tout en s’appuyant contre le dossier de sa chaise, « j’aurais vraiment aimé que vous ayez pu visiter la région pour d’autres raisons. Est-ce que vous étiez déjà venues à Estes ? »

Kate et DeMarco lui répondirent toutes les deux par la négative. Kate but une gorgée de son café, en réfléchissant aux différents éléments de l’affaire. Elle observa également la salle dans laquelle elles se trouvaient, en se disant qu’il s’agirait probablement de leur centre d’opérations jusqu’à la fin de l’enquête.

Il y avait une grande carte de la région accrochée au mur du fond, juste à côté d’un tableau. Ce dernier n’avait pas l’air d’être souvent utilisé. Dans le coin supérieur droit, Kate put y lire une date qui y avait été griffonnée et partiellement effacée, et qui remontait à presque un an.

« Normalement, la région est plutôt tranquille, » dit Armstrong. « Et mon boulot est assez confortable. Même en période estivale et avec l’arrivée des touristes, il ne se passe pas grand-chose. Quelques contraventions pour excès de vitesse et des bagarres le samedi soir, mais c’est tout. Alors, bien évidemment, ce qui s’est passé cette semaine a été… »

Elle s’interrompit, comme si elle ne voulait même pas essayer de trouver le terme approprié pour terminer sa phrase.

DeMarco regarda Kate, en faisant un geste de la tête en direction d’Armstrong. « Le shérif et ses hommes ont déjà rassemblé tout ce dont on pourrait avoir besoin – dossiers, rapports, listes des maisons mises en vente, tout ça. On a déjà travaillé un peu dessus hier, mais pas plus d’une heure. »

« Est-ce que vous avez une liste mise à jour de toutes les maisons en vente dans la région ? » demanda-t-elle.

« Oui, » dit Armstrong. « On l’a reçue ce matin, après que j’ai demandé à toutes les agences immobilières dans la région de nous envoyer la liste des maisons qui sont actuellement sur le marché. La liste se trouve dans mon bureau, mais je peux aussi vous l’envoyer par email. »

« Est-ce que c’est une longue liste ? »

« Dans la ville d’Estes, il y a actuellement seize maisons en vente et cinq en location. En s’éloignant d’Estes et en se rapprochant du lac, ce nombre augmente. Quarante et une maisons en vente et dix-neuf en location. »

Kate se leva de sa chaise et s’approcha de la carte qui était accrochée au mur. Elle l’observa pendant un moment et trouva la ville d’Estes dans le coin supérieur droit. « Vous pouvez me montrer où se trouve Hammermill Street sur cette carte ? »

« Oh, vous allez user vos yeux si vous essayez de trouver une rue sur cette carte. » Elle s’appuya contre le dossier de sa chaise et cria en direction de la porte : « Hé, Jimmy ! Est-ce que tu peux nous apporter la carte topographique d’Estes ? »

Une voix se fit entendre quelque part dans le commissariat « Oui, tout de suite ! ». Cet échange était plutôt amusant et presque rafraîchissant. Kate avait toujours aimé la cordialité qui existait au sein des forces de police des petites villes et Estes ne faisait pas exception.

« J’ai également pensé à ça, » dit Armstrong. « Les quartiers sont assez similaires. Les maisons aussi, j’imagine – à part le fait que l’une d’entre elles était neuve et l’autre un peu moins. Mais ce sont des agences immobilières différentes, alors je ne pense pas que cela consiste un lien. »

 

« Les escaliers ont été utilisés dans le cadre des deux meurtres, » dit DeMarco. « Je pense que l’assassin devait connaître la disposition des maisons avant de commettre ses meurtres. »

« Nous pensons également qu’il y avait peut-être un squatteur dans les deux maisons, » dit Kate. « Nous n’en sommes pas encore tout à fait certaines, mais il y a assez d’indices pour le penser. »

« Quel genre d’indices ? » demanda Armstrong.

DeMarco se mit à lui expliquer ce qu’elles avaient trouvé. Pendant ce temps, un jeune policier, qui devait probablement être Jimmy, entra dans la salle de réunion avec une grande carte en main. Il la posa sur la table et la déplia sous leurs yeux. Il le fit de manière un peu gauche, en recouvrant les dossiers qu’elles avaient étalés devant elles.

« Merci, Jimmy, » dit Armstrong, sur un ton qui indiquait clairement qu’elle voulait qu’il sorte rapidement de la pièce.

Jimmy hocha la tête, regarda Kate et DeMarco (ses yeux s’attardèrent un peu plus longtemps sur DeMarco) et il sortit de la pièce.

« Comme je vous le disais, » dit Armstrong, en remarquant la manière dont Kate avait regardé Jimmy, « c’est une petite ville assez tranquille. Nous n’avons pas spécialement besoin de durs à cuire. »

Les trois femmes pouffèrent de rire. Puis elles se levèrent de leur chaise et se penchèrent sur la carte d’Estes. Les rues y étaient dessinées avec précision et il y avait une sorte de sérénité dans la manière dont elles s’entrecroisaient.

« Voici Hammermill Street, » dit Armstrong, en montrant une rue du doigt. Elle y dessina un X au marqueur et dit, « c’est l’endroit où a eu lieu le meurtre le plus récent. Et ici, » dit-elle, en faisant glisser ses mains sur la carte et en y dessinant un autre X, « c’est l’endroit où a eu lieu le premier meurtre. Leander Drive, à environ dix kilomètres de Hammermill Street. »

Kate regarda les deux X, mais elle savait qu’il était trop tôt pour faire des déductions sur base de l’emplacement des meurtres. En même temps, elle espérait qu’elles retrouveraient l’assassin avant que de telles déductions puissent être faites.

« J’aimerais… » commença à dire Kate, mais elle fut interrompue par la sonnerie de son téléphone. Elle regarda l’écran, vit que c’était Allen et elle faillit ignorer son appel. Mais vu la manière dont son boulot affectait leur relation, c’était probablement la dernière chose à faire. Elle devait lui montrer qu’il était une priorité dans sa vie… même s’il appelait sans crier gare, en interrompant d’importantes réunions.

Un peu à contrecœur, elle regarda DeMarco et Armstrong. « Je reviens tout de suite. »

Elle sortit dans le couloir et s’éloigna de la salle de conférence avant de décrocher. Quand elle le fit, elle essaya de ne pas avoir l’air trop agacée.

« Salut, toi, » dit-elle.

« Salut, » dit Allen. « Je voulais te dire que je suis bien arrivé. J’ai déjà rencontré l’un des types que je dois voir ici et les trois prochains jours sont déjà programmés. Je pense que les réunions vont bien se passer. »

« C’est super. » Mais en s’écoutant parler, elle entendit de la distance dans sa voix. Et si elle pouvait l’entendre, elle était sûre qu’il le pouvait également.

« Excuse-moi… tu es occupée, peut-être ? »

« Oui. Deux meurtres et aucune piste. »

Il soupira à l’autre bout de la ligne. « Désolé de t’avoir dérangée. »

« Je sens que tu es contrarié, » dit Kate.

« Excuse-moi, je n’avais pas l’intention de te le faire ressentir. »

« Alors, comment s’est passée la première réunion ? » demanda-t-elle. Elle voulait lui donner l’impression de s’intéresser à sa journée et d’avoir le temps de parler avec lui au téléphone.

« Bien. Je suis juste un peu nerveux. Les choses se passent bien jusqu’à présent mais… tu sais quoi ? On peut en parler plus tard. Je sais que tu es occupée et… »

« Je le suis, mais ce n’est pas grave. »

« C’est juste que si ces réunions se passent bien, je pourrais prendre ma retraite avec un joli bonus à la clé. Tu le sais, n’est-ce pas ? »

« Oui. Je veux le meilleur pour toi et j’espère que tu l’obtiendras. Mais j’ai aussi mes propres soucis ici. »

« Oui, j’ai l’habitude et… tu sais quoi ? Ça ne vaut même pas la peine d’en parler. On s’appellera quand on sera rentré à la maison. C’est mieux comme ça. Tu vis ta vie, je vis la mienne, et on fera de notre mieux pour les maintenir séparées. »

« Allen, tu… »

« Il faut que j’y aille, » dit-il.

Et sur ces mots, il raccrocha. Kate regarda un moment son téléphone, en essayant de se rappeler si Allen lui avait déjà raccroché au nez. La colère qu’elle sentit monter en elle fut très vite radoucie par le sentiment de culpabilité d’avoir à nouveau fait passer son boulot avant lui.

Elle remit son téléphone en poche et retourna dans la salle de réunion. Armstrong et DeMarco étaient toujours debout au-dessus de la carte. Kate vit qu’Armstrong dessinait une sorte itinéraire du bout des doigts.

« Désolée, » dit Kate.

« Pas de problème, » dit Armstrong. « Qu’est-ce que vous disiez avant de sortir de la salle ? »

Kate dut faire un effort pour se rappeler ce à quoi elle avait pensé. Quand elle s’en souvint, toutes les émotions liées à Allen disparurent rapidement, remplacées par l’excitation liée à l’envie d’élucider cette enquête.

« J’aimerais avoir une liste de toutes les propriétés disponibles sur le tracé séparant ces deux maisons. Si l’hypothèse d’un squatteur tient la route, je pense qu’il y a de grandes chances qu’il soit actif sur cette zone en particulier. »

Armstrong hocha la tête, d’un air approbateur. « C’est un bon début… mais pourquoi là ? Pourquoi l’assassin – ou le squatteur – serait-il intéressé par cette zone en particulier ? »

« Aucune idée, » dit Kate. « Mais je pense que c’est l’une des choses qu’il va falloir qu’on découvre. »

To koniec darmowego fragmentu. Czy chcesz czytać dalej?