L’ombre du mal

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L’ombre du mal
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L’OMBRE DU MAL

UNE ENQUETE DE KERI LOCKE – TOME 3

BLAKE PIERCE

Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série de romans policiers à succès Riley Page, qui compte six tomes (et d’autres sont à venir). Il a également écrit la série de policiers relatant les enquêtes de Mackenzie White, qui compte trois tomes (et d’autres sont à venir), ainsi qu’une autre série des enquêtes d’Avery Black (trois tomes, et d’autres à venir).

Grand amateur de polars et de thrillers depuis toujours, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'hésitez pas à visiter son site web www.blakepierceauthor.com pour en savoir plus et rester en contact!

Copyright © 2016 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la loi des Etats-Unis sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base données ou système de récupération, sans l’autorisation préalable de l’auteur. Ce livre électronique est réservé sous licence à votre seule utilisation personnelle. Ce livre électronique ne saurait être revendu ou offert à d’autres personnes. Si vous souhaitez partager ce livre avec une tierce personne, veuillez en acheter un exemplaire supplémentaire pour chaque destinataire. Si vous lisez ce livre sans l’avoir acheté ou s’il n’a pas été acheté pour votre seule utilisation personnelle, vous êtes prié de le renvoyer et d’acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur travail de cet auteur. Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, personnages, entreprises, organisations, lieux, évènements et péripéties sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés dans un but de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, n’est que pure coïncidence. Image de couverture : Copyright Rommel Canlas, utilisée en vertu d’une licence accordée par Shutterstock.com

AUTRES ROMANS DE BLAKE PIERCE

LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA A LA CHASSE (Tome 5)

A VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FERIR (Tome 9)

SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

POLAR AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome 2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

TABLE DES MATIERES

PROLOGUE

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 7

CHAPITRE 8

CHAPITRE 9

CHAPITRE 10

CHAPITRE 11

CHAPITRE 12

CHAPITRE 13

CHAPITRE 14

CHAPITRE 15

CHAPITRE 16

CHAPITRE 17

CHAPITRE 18

CHAPITRE 19

CHAPITRE 20

CHAPITRE 21

CHAPITRE 22

CHAPITRE 23

CHAPITRE 24

CHAPITRE 25

CHAPITRE 26

CHAPITRE 27

CHAPITRE 28

CHAPITRE 29

CHAPITRE 30

CHAPITRE 31

PROLOGUE

À seulement seize ans, Sarah Caldwell était une adolescente sensée et raisonnable, et elle savait reconnaître les situations douteuses. Et celle-ci en faisait partie.

Lorsque Lanie Joseph, sa meilleure amie depuis l’école primaire, lui avait proposé de la retrouver au centre commercial dans l’après-midi, elle avait failli refuser. Toutefois, elle n’avait pas réussi à trouver d’excuse convaincante.

Depuis qu’elle l’avait rejointe, Lanie semblait nerveuse, sans que Sarah ne parvienne à comprendre ce qu’il pouvait bien y avoir de stressant à errer dans le centre commercial de Fox Hills. Lorsqu’elles essayèrent des colliers bon marché chez Claire’s, les mains de Lanie tremblaient en manipulant le fermoir.

En vérité, Sarah ne savait plus vraiment ce qui pouvait bien rendre Lanie nerveuse. Elles avaient été incroyablement proches tout au long de l’école primaire, mais après que la famille de Sarah eut quitté Culver City pour le quartier modeste mais moins dangereux de Westchester, les deux jeunes filles s’étaient éloignées. Les deux quartiers n’étaient distants que de quelques kilomètres. Cependant, comme aucune des deux adolescentes ne possédait de voiture, ni ne s’était sérieusement engagée à rester en contact l’une avec l’autre, elles avaient cessé de se fréquenter.

Pendant qu’elles essayaient des produits de maquillage dans le magasin Sephora, Sarah en profita pour couler quelques regards vers Lanie, dans le miroir. Les cheveux d’un blond pâle de son amie étaient zébrés de mèches bleues et roses. Ses yeux étaient si lourdement maquillés qu’il était superflu d’appliquer un quelconque fard supplémentaire au présentoir. Sa peau pâle semblait plus pâle encore à cause du contraste de ses nombreux tatouages, de son débardeur noir et son short minuscule. Sarah ne put s’empêcher de remarquer que parmi les tatouages, il y avait plusieurs contusions.

Elle se tourna vers son propre reflet et fut surprise par le contraste entre elles deux. Elle était jolie elle aussi, elle le savait, mais d’une beauté plus discrète, presque humble. Ses cheveux bruns mi-longs étaient relevés en queue-de-cheval, et son maquillage discret soulignait ses yeux noisette et ses longs cils. Son teint mat était vierge de tout tatouage et elle portait des jeans blanchis et un haut de couleur bleu-vert, mignon mais loin d’être osé.

Elle se demanda si elle ressemblerait à Lanie, si sa famille n’avait pas déménagé. Sans doute pas. Ses parents ne l’auraient pas laissé prendre cette pente.

Si Lanie avait déménagé à Westchester, est-ce qu’elle aurait quand même cette allure de prostituée mineure sur une aire d’autoroute ?

Sarah sentit le rouge lui monter aux joues, et secoua la tête pour chasser cette pensée. Qui était-elle pour se faire ces réflexions affreuses, au sujet d’une personne avec qui elle avait joué aux Barbies étant petite ? Elle se tourna en espérant que Lanie ne verrait pas la culpabilité qui, elle en était sûre, se peignait sur son visage.

« Si on allait prendre un en-cas ? » demanda Sarah pour changer l’atmosphère. Lanie acquiesça et elles quittèrent le Sephora, laissant derrière elles la vendeuse déçue.

Une fois qu’elles furent assises à table, grignotant des bretzels, Sarah décida de découvrir ce qui tracassait son amie.

« Tu sais que ça me fait toujours plaisir de te voir, Lanie. Mais tu avais l’air carrément contrariée quand tu m’as appelée et maintenant, tu as l’air tellement mal à l’aise... Il y a un problème ?

— Non, tout va bien. C’est juste que... Mon petit copain va s’arrêter pour dire bonjour et j’imagine que ça me rend nerveuse de te le présenter. Il est un peu plus vieux que moi et ça ne fait que quelques semaines qu’on est ensemble. J’ai un peu l’impression qu’il est en train de me filer entre les doigts et je pensais que tu pourrais peut-être faire un peu mon éloge... Je pensais que s’il me voyait avec une amie d’enfance, il changerait de regard sur moi.

 

— Et quel est son regard sur toi, maintenant ? » demanda Sarah, inquiète.

Avant que Lanie n’ait le temps de répondre, un homme s’approcha de leur table, et avant même que les présentations soient faites, Sarah sut que c’était le petit copain.

Il était grand et très maigre, avec un jean serré et un t-shirt noir qui faisait ressortir sa peau blanche et ses nombreux tatouages. Sarah remarqua qu’il portait le même tatouage que Sarah sur le poignet gauche : le symbole pirate, un crâne et deux os croisés.

Avec ses longs cheveux noirs et son regard sombre et intense, il n’était pas tant beau garçon que beau tout court. Il rappelait à Sarah les chanteurs des groupes de hair metal des années 1980, sur lesquels s’extasiait sa mère, et qui portaient des noms avec « Row », tels que Skid Row ou Motley Row. Le jeune homme devant elle avait au moins vingt et un ans.

« Salut, poupée », dit-il en se penchant pour embrasser Lanie avec une fougue surprenante, du moins dans un snack de centre commercial. « Alors, tu lui as dit ?

— J’ai pas encore eu l’occasion », répondit Lanie avant de se tourner vers Sarah. « Sarah Caldwell, voici mon copain, Dean Chisolm. Dean, voici ma plus vieille amie, Sarah.

— Enchantée, dit Sarah en hochant poliment la tête.

— Tout le plaisir est pour moi », dit Dean en prenant sa main et en faisant une révérence exagérément profonde. « Lanie me parle tout le temps de toi, elle me dit à quel point elle voudrait que vous vous voyiez plus souvent. Donc je suis ravi que vous ayez pu vous retrouver aujourd’hui.

— Moi aussi » dit Sarah, impressionnée par le charme du garçon, auquel elle ne s’attendait pas. Elle restait toutefois sur ses gardes. « Alors, qu’est ce que Lanie devait me dire ? »

Le visage de Dean s’éclaira d’un sourire qui balaya toutes ses réserves.

« Ah, ça. Je vais inviter quelques amis chez moi cet après-midi et on pensait que ça pourrait être sympa que tu nous rejoignes. Quelques-uns d’entre eux sont dans des groupes de musique. L’un d’entre eux cherche un chanteur. Lanie pensait que ça pourrait te faire plaisir de les rencontrer. Elle dit que tu chantes très bien. »

Sarah regarda Lanie, qui lui sourit sans rien dire.

« Est-ce que c’est ça que tu veux ? lui demanda Sarah.

— Ça pourrait être sympa de tenter quelque chose de nouveau », lui répondit Lanie.

Elle parlait d’un ton égal mais Sarah reconnut son regard, qui la suppliait silencieusement de ne pas l’embarrasser devant son séduisant nouveau petit copain.

« Et tu habites où ? demanda Sarah à Dean.

— Près de Hollywood, dit-il, les yeux brillants de hâte. Allons-y. Ça va être mortel. »

*

Sarah s’installa à l’arrière du vieux fourgon de Dean, un antique Trans Am qui semblait bien entretenu de l’extérieur mais était jonché de mégots et d’emballages McDonald’s à l’intérieur. Dean et Lanie prirent place à l’avant. Il était impossible de discuter avec la musique à plein volume. L’équipage traversa Hollywood en direction de Little Armenia.

Sarah observait son amie, dans le siège passager, et se demandait si elle lui était d’une quelconque aide en l’accompagnant. Ses pensées retournèrent vers la conversation qu’elle avait eue avec Lanie dans les toilettes des femmes, au centre commercial, où Lanie avait fini par plus ou moins se confesser.

« Dean est super passionné », avait-elle dit en vérifiant son maquillage une dernière fois. « J’ai peur que si je ne tiens pas le rythme, je vais le perdre. Il est tellement sexy, il pourrait avoir n’importe quelle fille. Et il ne me traite pas comme une adolescente. Il me traite comme une femme.

— C’est pour ça que tu as ces bleus ? Parce qu’il te traite comme une femme ? »

Sarah avait voulu croiser le regard de Lanie dans le miroir, mais celle-ci refusait de la regarder.

« Il était juste contrarié, avait-elle dit. Il m’a accusée d’avoir honte de lui, que c’était pour ça que je ne le présentais pas à mes copines respectables. Mais la vérité, c’est que je n’ai plus d’amies comme ça, maintenant. C’est alors que j’ai pensé à toi. Je me suis dit que si je te le présentais, je ferais d’une pierre deux coups : il saurait que je ne cache pas notre relation et ça serait flatteur pour moi d’avoir au moins une amie qui a, tu vois, un avenir devant elle. »

Le fourgon heurta un nid-de-poule et Sarah fut projetée de nouveau dans l’instant présent. Dean était en train de faire un créneau dans une ruelle miteuse bordée d’une rangée de petites maisons avec des barreaux aux fenêtres.

Sarah sortit son portable et tenta pour la troisième fois d’envoyer un message rapide à sa mère. Mais son portable ne captait toujours aucun réseau. C’était étrange, car ils n’étaient pas en pleine nature mais au centre de Los Angeles.

Dean se gara et Sarah rangea son portable dans son sac à main. Si elle n’avait toujours pas de réseau chez Dean, elle utiliserait sa ligne fixe. Après tout, même si sa mère était plutôt coulante, c’était contraire aux règles de la famille de rentrer plus tard que prévu sans prévenir.

En remontant la petite allée qui menait à la maison, Sarah entendait déjà le rythme assourdi de la musique. Elle fut parcourue d’un sentiment de doute, mais le repoussa.

Dean frappa bruyamment à la porte d’entrée et attendit qu’on ouvre un à un les divers verrous. Finalement, la porte s’entrebâilla pour révéler un jeune homme au visage caché par une masse de longs cheveux emmêlés. Une puissante odeur de cannabis venue de la maison frappa Sarah, si inattendue qu’elle se mit à tousser. Le jeune homme aperçut Dean et le salua d’un coup de poing amical, avant d’ouvrir grand la porte pour les laisser entrer.

Lanie s’avança et Sarah lui emboîta le pas, restant juste derrière elle. L’entrée était séparée du reste de la maison par un grand rideau de velours rouge, rappelant un décor cliché de magicien. Le garçon aux cheveux longs referma la porte derrière eux tandis que Dean tirait le rideau et les guidait vers le salon.

Sarah fut choquée par ce qu’elle y vit. La pièce était remplie de canapés, fauteuils et poufs, et chacun accueillait un couple qui s’embrassait ou bien, dans certains cas, faisait beaucoup plus que cela. Toutes les filles semblaient avoir l’âge de Sarah, et la plupart semblaient sous l’emprise de la drogue. Quelques-unes avaient même l’air inconscientes, ce qui n’empêchait pas leurs partenaires, qui étaient tous plus âgés, de s’en donner à cœur joie. Le vague sentiment d’inquiétude qu’elle avait ressenti en approchant de la maison était de retour, mais cette fois beaucoup plus puissant.

Voilà un endroit où je n’ai aucune envie de rester.

L’air était parcouru des effluves de cannabis, et d’une odeur suave, plus forte, que Sarah ne reconnut pas. Comme à un signal, Dean tendit un joint à Lanie. Celle-ci tira profondément dessus avant de l’offrir à Sarah, qui refusa. Elle avait décidé qu’elle en avait assez de cet endroit qui ressemblait au décor d’un vieux film pornographique.

Elle sortit son portable pour commander un taxi Uber, mais elle n’avait toujours pas de réseau.

« Dean, cria-t-elle pour couvrir la musique, je dois appeler ma mère pour lui dire que je serai en retard, mais je n’ai pas de réseau. Tu as un fixe ?

— Bien sûr. Il y en a un dans ma chambre. Je te montre où c’est », dit-il en esquissant son large sourire chaleureux, avant de se tourner vers Lanie. « Ma poule, tu veux bien me prendre une bière à la cuisine ? C’est par là. »

Lanie hocha la tête et se dirigea où il l’avait indiqué. Dean fit signe à Sarah de le suivre dans un couloir. Elle ne savait pas pourquoi elle avait menti en disant devoir appeler sa mère. Quelque chose, dans cette situation, lui disait que si elle déclarait vouloir partir, ce ne serait pas bien reçu.

Dean ouvrit la porte au fond du couloir et s’effaça pour la laisser entrer. Elle regarda autour d’elle, sans apercevoir de téléphone fixe.

« Où est ton fixe ? » demanda-t-elle en se tournant vers Dean, en même temps que résonnait le bruit d’un verrou. Elle vit qu’il avait déjà tourné le verrou et qu’il attachait la chaînette en haut de la porte.

« Désolé », dit-il en haussant les épaules, tout en n’ayant pas du tout l’air désolé. « J’ai du le déplacer dans la cuisine. On dirait que j’ai oublié. »

Sarah essaya d’évaluer le degré d’agressivité dont elle devait faire preuve. Quelque chose de très grave se tramait. Elle était dans une chambre verrouillée, dans ce qui ressemblait fort à une maison close dans un coin scabreux de Little Armenia. Au vu des circonstances, il y avait peu d’intérêt à lui faire une remarque cinglante.

Fais l’ingénue. Joue la carte de la niaiserie. Sors d’ici au plus vite.

« C’est pas grave, dit-elle d’un ton joyeux. On a qu’à aller à la cuisine, alors. »

En prononçant ces mots, le bruit d’une chasse d’eau retentit. Elle se retourna pour voir s’ouvrir la porte de la salle de bains, révélant un énorme bonhomme d’origine latino-américaine, qui portait un t-shirt blanc duquel s’échappait une imposante bedaine poilue. Son crâne était rasé et il avait une longue barbe. Derrière lui, sur le sol en lino de la salle de bains, était étendue une fille qui devait avoir moins de quatorze ans. Elle ne portait qu’une culotte et semblait inconsciente.

Sarah sentit sa poitrine se contracter et sa respiration devenir superficielle. Elle s’efforça de cacher la panique croissante qui la submergeait.

« Sarah, je te présente Chiqy, dit Dean.

— Salut, Chiqy », dit-elle en s’obligeant à parler d’une voix calme. « Je suis désolée de couper court à ceci mais je vais me rendre à la cuisine pour passer un coup de fil. Dean, si tu veux bien déverrouiller la porte ? »

Elle avait décidé qu’au lieu d’essayer de trouver la cuisine, où elle doutait de trouver un téléphone fixe de toute façon, elle irait droit vers la porte d’entrée. Une fois dehors, elle arrêterait un automobiliste pour qu’on la conduise chez elle, et elle appellerait les secours pour Lanie.

« Fais-moi voir un peu à quoi tu ressembles », ordonna Chiqy d’une voix rocailleuse, ignorant ce qu’elle venait de dire. Sarah se tourna et vit l’homme obèse la détailler. Au bout d’un moment, il passa la langue sur ses lèvres. Sarah dut réprimer une envie de vomir.

« Qu’est ce que t’en penses ? demanda Dean d’un ton enthousiaste.

— Je pense que si on la met dans une robe à fleurs avec des couettes, elle fera une bonne source de revenus.

— Je vais y aller », fit Sarah en se précipitant vers la porte. À sa grande surprise, Dean fit un pas sur le côté, l’air amusé.

« Tu t’es servi du brouilleur pour qu’elle ne puisse pas appeler ou envoyer des messages ? demanda Chiqy, quelque part derrière elle.

— Ouais. J’ai fait bien gaffe à elle. Elle a essayé plein de fois mais n’avait apparemment jamais de réseau. N’est-ce pas, Sarah ? »

Elle batailla avec la chaînette en haut de la porte et était presque parvenue à la détacher lorsqu’une ombre obscurcit son champ de vision. Elle allait se retourner mais avant d’en avoir le temps, elle reçut un coup à l’arrière de la tête et sombra dans les ténèbres.

CHAPITRE 1

Le cœur de Keri Locke battait à tout rompre. Bien qu’elle soit au milieu d’un grand commissariat de police, elle parvint à bloquer tout ce qui l’entourait. Elle parvenait à peine à réfléchir clairement en lisant l’email qu’elle venait de recevoir. Il était difficile de croire que c’était vrai.

suis prêt à vous rencontrer si vous respectez les règles. vous recontacte bientôt.

Les mots en étaient simples, mais le message était porteur d’une signification colossale.

Pendant six semaines interminables, Keri avait attendu cela, espérant désespérément que l’homme qu’elle soupçonnait d’avoir enlevé sa fille cinq ans plus tôt la contacterait. Et il venait de le faire.

Keri repoussa son portable et ferma les yeux, essayant de garder sa contenance tout en réfléchissant à la situation. La première fois qu’elle avait trouvé le moyen de contacter cet homme, connu sous le seul surnom de Collectionneur, elle avait organisé un rendez-vous. Il n’était pas venu.

Elle lui avait écrit pour savoir pourquoi, et il avait répondu qu’elle n’avait pas respecté les règles, tout en suggérant qu’ils pourraient se recontacter à l’avenir. Il lui avait fallu toute sa patience et toute son autodiscipline pour ne pas faire le premier pas. Elle en mourait d’envie mais craignait de paraître trop empressée, qu’il prenne peur et supprime définitivement son compte email. Cela lui aurait enlevé toute possibilité de le retrouver un jour, ni lui ni Evie.

 

Et maintenant, après plusieurs semaines de torture et de silence, il avait fini par la recontacter. Évidemment, il ne savait pas qu’il communiquait avec la mère d’Evie, ni même que Keri était une femme. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il s’agissait d’un client potentiel, qui voulait discuter d’un enlèvement contre rémunération.

Cette fois-ci, elle trouverait un meilleur stratagème que la dernière fois, où il lui avait laissé moins d’une heure pour rejoindre le lieu de rendez-vous désigné. Elle avait mis en place un leurre, un fantoche, pour qu’il aille à sa place, et elle avait surveillé de loin la situation. Mais d’une façon ou d’une autre, le Collectionneur avait su que le leurre n’était pas son vrai client, et il n’était pas venu. Elle ne pouvait pas laisser cela se reproduire.

Reste calme. Tu as tenu tout ce temps et ça a payé. Ne ruine pas tout en faisant quelque chose d’impulsif. De toute façon, pour le moment, tu ne peux rien faire. La balle est dans son camp. Fais une réponse simple et attends qu’il réagisse.

Keri tapa un seul mot :

compris

Ensuite, elle rangea son portable dans son sac et se leva, trop tendue et fébrile pour rester assise. Comme elle savait qu’il n’y avait rien à faire de plus, elle s’efforça de chasser le Collectionneur de ses pensées.

Elle se dirigea vers la salle de repos pour manger un morceau. Il était 16h passées, et son estomac grondait, bien qu’elle ne sache pas si c’était parce qu’elle avait sauté le déjeuner ou à cause de son anxiété générale.

Lorsqu’elle arriva, elle vit son collègue de binôme, Ray Sands, qui fouillait le réfrigérateur. Il était connu pour s’approprier tout aliment dont le propriétaire ne soit pas correctement indiqué. Heureusement, sa salade au poulet, sur laquelle figurait clairement son nom, était cachée en bas, au fond du frigo. Ray, un grand Noir d’1,93 mètres et 105 kilos, au crâne chauve et à la carrure imposante, aurait du être vraiment affamé pour aller chercher jusque là une simple salade.

Keri resta un moment debout dans l’embrasure, profitant de la vue des fesses de Ray qui se tortillaient pendant ses manœuvres. En plus d’être son binôme, il était son meilleur ami, et depuis quelque temps, peut-être même plus que cela. Ils étaient tous les deux profondément attirés l’un par l’autre, et se l’étaient avoués moins de deux mois auparavant, lorsque Ray se remettait d’une blessure par balle reçue en combattant un kidnappeur d’enfants.

Mais depuis lors, ils n’avaient fait que dépasser des étapes minimes. Ils flirtaient plus ouvertement lorsqu’ils étaient seuls, et il plusieurs rendez-vous semi-romantiques avaient eu lieu, pendant lesquels ils se rendaient l’un chez l’autre pour regarder un film.

Mais ils semblaient tous deux avoir peur de faire le pas suivant. Keri savait pourquoi elle ressentait tout cela, et elle soupçonnait que Ray le savait également. Elle s’inquiétait de la possibilité que leur amitié et leur binôme soient compromis, s’ils se mettaient ensemble et que leur couple ne durait pas. C’était une inquiétude légitime.

Aucun des deux n’avait eu beaucoup de succès dans le domaine amoureux. Ils étaient tous deux divorcés. Ils avaient tous deux trompé leur partenaire. Ray, qui était un ancien boxeur professionnel, était aussi un homme à femmes notoire. Et Keri devait bien admettre que depuis l’enlèvement d’Evie, elle n’avait été qu’une boule de nerfs à vif, constamment au bord du précipice. Il était peu probable que Meetic fasse d’eux des porte-parole de la marque dans un futur proche.

Ray sentit qu’on le regardait, et il se retourna, un demi-sandwich non étiqueté à la main. En voyant qu’il n’y avait personne d’autre que Keri dans la salle, il lui demanda : « La vue t’a plu ? » en clignant de l’œil.

« Ne prends pas la grosse tête, Hulk », l’avertit Keri. Ils adoraient s’affubler de surnoms qui soulignaient leur grande différence de taille.

« Tant que ce ne sont pas mes fesses qui deviennent grosses, hein, Miss Bianca ? » fit-il en souriant.

Keri vit son expression changer, et elle devina qu’elle n’avait pas suffisamment bien caché sa fébrilité due au Collectionneur. Ray la connaissait trop bien.

« Qu’est ce qu’il y a ? demanda-t-il tout de suite.

— Rien », fit-elle en se faufilant à côté de lui et se penchant pour attraper sa salade.

Contrairement à lui, les espaces exigus ne lui posaient aucun problème. Bien qu’elle ne soit pas aussi menue que ne le suggérait son surnom de souris de dessin animé, comparée à Ray, sa stature d’1,67 cm et 59 kilos était lilliputienne.

Elle sentit son regard se poser sur elle, mais fit mine de ne rien remarquer. Elle ne voulait pas parler de ce qui la préoccupait, pour plusieurs raisons. Avant tout, si elle lui parlait de l’email du Collectionneur, il allait vouloir discuter de chaque détail avec elle, ce qui irait à l’encontre de ses efforts pour ne pas y penser afin de conserver son calme.

Mais il y avait une autre raison. Keri était surveillée par un avocat véreux nommé Jackson Cave, qui était connu pour représenter des kidnappeurs d’enfants et des pédophiles. Pour obtenir les informations qui lui avaient permis de trouver le Collectionneur, elle était entrée par effraction dans son bureau et avait fait une copie d’un fichier secret.

La dernière fois qu’ils s’étaient vus, Cave avait laissé entendre qu’il savait ce qu’elle avait fait, et il avait ouvertement déclaré qu’il la tiendrait à l’œil. Pour Keri, la signification en était claire. Depuis, elle vérifiait régulièrement qu’on n’avait pas placé de mouchard sur elle, et elle prenait garde de ne discuter du Collectionneur que dans des endroits sûrs.

Si Cave venait à savoir qu’elle avait trouvé la trace du Collectionneur, il risquait de le prévenir. Alors, le Collectionneur disparaîtrait et elle ne retrouverait jamais Evie. Il était donc hors de question de raconter quoi que ce soit à Ray dans cet endroit.

Mais Ray ne savait rien de tout cela, et il insista : « Je vois bien qu’il y a quelque chose ».

Mais avant que Keri puisse battre en brèche, leur chef fit irruption dans la pièce. Le lieutenant Cole Hillman, leur supérieur direct, avait cinquante ans mais semblait beaucoup plus vieux. Il avait des rides profondes, une chevelure poivre et sel emmêlée, et un ventre de buveur de bière en plein développement, qu’il ne parvenait pas à cacher sous ses chemises trop grandes. Comme d’habitude, il portait une veste et une cravate, mais la première était mal ajustée et la seconde ridiculement lâche.

« Bien, je suis ravi que vous soyez là tous les deux », dit-il, se passant de toute forme de salutation. « Venez avec moi. On a un nouveau dossier. »

Ils le suivirent jusqu’à son bureau, et s’assirent sur la causeuse défoncée placée contre le mur. Sachant qu’elle n’aurait sans doute pas l’opportunité de manger plus tard, Keri engloutit sa salade pendant que Hillman les mettait au courant. Elle remarqua que Ray avait fini le sandwich qu’il avait volé avant même qu’ils ne soient assis. Hillman entra tout de suite dans le vif du sujet :

« La possible victime est une fille de seize ans de Westchester, Sarah Caldwell. On ne l’a plus vue depuis la pause déjeuner. Ses parents l’ont appelée plusieurs fois, et disent qu’ils n’arrivent pas à l’avoir.

— Ils stressent parce que leur fille adolescente ne les rappelle pas ? demanda Ray, sceptique. On dirait la description de toutes les familles en Amérique. »

Keri ne répondit pas, malgré son envie naturelle de le contredire. Ray et elle s’étaient disputés de nombreuses fois à ce sujet. Elle estimait qu’il était trop lent à s’impliquer dans les cas comme ceux-ci, tandis que lui estimait que son expérience personnelle la rendait susceptible d’intervenir prématurément. C’était une source constante de frictions et elle n’avait aucune envie de s’infliger cela en ce moment. Mais apparemment, Hillman en avait envie.

« C’est ce que je me suis dit au début, dit Hillman, mais ils ont été très convaincants quand ils m’ont expliqué que leur fille ne passerait pas autant de temps sans les prévenir. Ils ont également essayé de vérifier où elle était grâce au GPS de son portanle, mais il était éteint.

— C’est un peu étrange, mais bon... répéta Ray.

— Écoutez, il se peut que ça ne soit rien. Mais les parents étaient insistants, et même paniqués. Et ils ont fait remarquer que pour les mineurs, la police n’a pas à atteindre les vingt-quatre heures de disparition réglementaires. Vous deux, vous n’avez pas de dossier urgent en ce moment, donc je leur ai dit que vous passeriez chez eux pour recueillir leur déposition. Il se peut que la fille revienne d’ici là, mais ça ne peut pas faire de mal. Et comme ça, s’il y a un problème, on est couverts.

— Ça m’a l’air bien, dit Keri en se levant pour partir, la bouche pleine d’une dernière bouchée de salade.

— Évidemment que ça t’a l’air bien, grogna Ray en notant l’adresse que lui dictait Hillman. Encore une folle équipée dans laquelle tu peux m’embarquer.

— On sait tous que tu adores ça, dit Keri en sortant avant lui.

— Est-ce que vous pourriez vous montrer un peu plus professionnels quand vous serez chez les Caldwell ? cria Hillman derrière eux. J’aimerais au moins qu’ils aient l’impression qu’on les prend au sérieux ! »

Keri jeta l’emballage de sa salade dans une poubelle et se dirigea vers le parking. Ray dut presser le pas pour tenir son rythme. Alors qu’ils atteignaient la sortie, il se pencha vers elle et murmura : « Ne t’imagine pas que je vais laisser tomber, pour ton petit secret. Tu peux me raconter maintenant ou plus tard. Mais je sais qu’il y a quelque chose. »