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Czyta Sir John Gielgud
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XX

Tu as un visage de femme, peint de la main de la nature, toi le maître et la maîtresse de ma passion; tu as le coeur tendre d'une femme, mais tu ne connais pas les inconstances auxquelles la perfidie des femmes est sujette; tu as les yeux plus brillants qu'elles, mais tu ne les roules pas faussement comme elles, tes regards voient l'objet sur lequel ils se portent; tu as le teint d'un homme, toutes les nuances sont à ta disposition pour attirer les yeux des hommes et pour surprendre les âmes des femmes. Tu avais d'abord été créé pour être une femme, mais la nature en te façonnant est tombée dans la rêverie, et par ses additions elle m'a privée de toi en ajoutant quelque chose qui ne m'était bon à rien. Mais puisqu'elle t'a destiné à la satisfaction des femmes, que ton amour m'appartienne et qu'elles usent de ton amour comme d'un trésor.

XXI

Il n'en est pas de moi comme de cette muse animée à versifier par une beauté fardée, qui emprunte au ciel même ses ornements, et qui compare toutes les beautés à sa belle, accumulant les similitudes les plus ambitieuses, le soleil et la lune, les riches joyaux de la terre et de la mer, les premières fleurs du mois d'avril et tout ce que les airs du ciel renferment de rare dans leur vaste sein. Pour moi qui suis sincère en amour, permettez-moi d'écrire sincèrement, et puis, croyez-moi, celle que j'aime est aussi belle qu'aucun enfant des hommes, bien qu'elle ne soit pas aussi éclatante que ces flambeaux d'or fixés dans les cieux; que ceux qui aiment à parler par ouï-dire en disent davantage, je ne veux pas vanter ma marchandise, puisque je n'ai pas l'intention de la vendre.

XXII

Mon miroir ne me persuadera pas que je suis vieux, tant que la jeunesse et toi serez du même âge; mais lorsque j'apercevrai chez toi les rides du temps, alors j'attendrai la mort pour expier ma vie, car toute cette beauté qui te pare n'est que le vêtement charmant de mon coeur qui vit dans ton sein, comme le tien en moi. Comment donc pourrais-je être plus âgé que toi? C'est pourquoi, mon amour, prends soin de toi comme je prends soin de moi-même; non pour moi, mais pour toi, puisque je porte ton coeur, que je garderai tendrement comme une bonne nourrice garde son enfant du mal. Ne compte pas sur ton coeur; si le mien expire, tu m'as donné le tien, mais non pour le reprendre.

XXIII

Comme un pauvre acteur sur la scène qui, dans son effroi, oublie son rôle, ou comme un animal furieux qui, plein de rage, affaiblit son propre coeur par l'excès de sa force, ainsi moi, par manque de confiance, j'oublie d'accomplir toute la cérémonie des rites de l'amour, et surchargé du fardeau de la force de mon amour, l'énergie de mon amour semble décroître. Oh! que mes lèvres servent d'éloquence et d'avocats muets à mon coeur qui te parle, ils plaident mon amour et réclament ma récompense mieux que cette langue qui en a souvent dit bien davantage. Oh! apprends à lire ce qu'a écrit un amour silencieux, c'est un apanage de l'intelligence de l'amour que d'entendre avec les yeux.

XXIV

Mes yeux m'ont servi de peintre et ont retracé l'usage de ta beauté sur la table de mon coeur; mon corps est le cadre qui contient ce portrait, et la perspective est le plus grand art du peintre; mais il faut que vous jugiez du talent à travers le peintre, pour trouver votre fidèle image là où elle repose suspendue dans le magasin de mon coeur; les fenêtres en sont vitrées de tes yeux. Vois quels services les yeux ont rendu aux yeux. Mes yeux ont retracé ta personne, et les tiens servent de fenêtre à mon sein; le soleil prend plaisir à regarder au travers pour te contempler à son aise, mais il manque aux yeux un secret pour compléter leur art, ils ne retracent que ce qu'ils voient, ils ne connaissent pas le coeur.

XXV

Que ceux qui sont en faveur auprès de leurs étoiles se parent d'honneurs publics et de titres orgueilleux; pour moi à qui la fortune refuse de semblables triomphes, je trouve une joie inespérée dans ce que j'honore le plus. Les favoris des grands princes étendent leurs pétales au soleil comme le tournesol; leur orgueil reste enfoui dans leur sein, car un froncement de sourcil les fait périr dans toute leur gloire. Le guerrier qui a lutté toute sa vie, célèbre par son courage, n'a qu'à perdre une fois la partie après un millier de victoires, il est effacé du livre de l'honneur, et on oublie tout ce qu'il avait gagné; tandis que moi, je suis heureux, j'aime et je suis aimé, là où je ne puis changer et où l'on ne changera pas pour moi.

XXVI

Maître de mon amour, ton mérite ayant fortement uni ma fidélité à ton allégeance, je t'envoie cette ambassade écrite pour te témoigner ma fidélité, non pour faire montre de mon esprit. Une fidélité si grande qu'un esprit aussi pauvre que le mien peut faire croire sans valeur, faute de mots pour la dépeindre, si je n'avais l'espoir que quelque bonne pensée à toi, dans le fond de ton âme, donnera ce qui manque à ma nudité, jusqu'à ce que toutes les étoiles qui guident les hommes dans leur marche luisent sur moi gracieusement et, d'un visage favorable, revêtissent mon affection déguenillée d'un vêtement convenable, pour me rendre digne de ta précieuse tendresse. Alors j'oserai me vanter de l'amour que je te porte, jusque-là je n'ose pas montrer mon visage là où tu pourrais me mettre à l'épreuve.

XXVII

Épuisé de fatigue, je me hâte d'aller chercher mon lit, doux repos des membres lassés par la marche; mais voici que ma tête commence un voyage, pour faire travailler mon esprit, maintenant que le travail du corps est achevé; alors toutes mes pensées m'emportent bien loin du lieu où je me trouve, pour entreprendre avec ardeur un pèlerinage vers toi, elles tiennent ouvertes mes paupières qui retombent, et je contemple cette obscurité que voient les aveugles; seulement la vue imaginaire de mon âme présente ton ombre à mes yeux sans regard, et, comme un joyau apparaissant à travers une nuit obscure, elle embellit la nuit sombre et rajeunit son vieux visage. C'est ainsi que mon corps le jour, et la nuit mon esprit ne trouvent point de repos, grâce à toi, grâce à moi.

XXVIII

Comment donc puis-je me conserver dans un état satisfaisant, lorsque je suis privé des bienfaits du repos? lorsque la nuit ne soulage pas le poids du jour, mais que le jour est opprimé par la nuit et la nuit par le jour? Lorsque tous deux, bien qu'ennemis de leurs règnes respectifs, joignent les mains pour me torturer, l'un par la fatigue, l'autre par ses plaintes, de l'éloignement où je travaille, éloigné surtout de toi. Pour lui plaire, je dis au jour: Que tu es brillant, et que tu lui fais honneur quand les nuages couvrent le ciel; je flatte de même la nuit au teint sombre en lui disant que lorsque les étoiles étincelantes ne scintillent pas, tu dores la soirée, mais le jour allonge tous les jours mes peines, et toutes les nuits la nuit me fait paraître plus pénible la longueur de mes souffrances.

XXIX

Dans ma disgrâce auprès de la fortune et aux yeux des hommes, lorsque je déplore tout seul mon abandon, et que j'assiège de mes cris inutiles un ciel qui m'est sourd, lorsque je me contemple, et que je maudis mon sort, lorsqu'il m'arrive de souhaiter les riches espérances de l'un, les traits de celui ci, les amis de celui-là, lorsque je désire l'habileté de cet homme et la portée de cet autre, jouissant le moins possible de ce que je possède le plus, tout en méprisant presque moi-même de pareilles pensées, il m'arrive de songer à toi, et alors ma situation, semblable à l'alouette qui s'élance au point du jour d'une terre morne, va chanter des cantiques aux portes du ciel, car le doux souvenir de ton amour m'apporte tant de richesse, que je dédaigne alors de changer de place avec les rois.

XXX

Lorsque dans mes séances de réflexions silencieuses et douces je rappelle le souvenir des choses passées, je soupire à la pensée des choses que j'ai cherchées et que j'ai manquées, et je déplore de nouveau, à propos des malheurs passés, le précieux temps que j'ai perdu. C'est alors qu'il m'arrive de noyer des yeux qui ne sont pas habitués à couler, au souvenir d'amis bien chers cachés dans la nuit éternelle de la mort; c'est alors que je pleure de nouveau les douleurs dès longtemps effacées de l'affection, et que je déplore la disparition de tant de choses évanouies. C'est alors que je puis regretter des chagrins passés en énumérant lentement malheur après malheur dans la triste liste des gémissements qui m'ont déjà arraché tant de larmes; mais s'il m'arrive de penser à toi, dans ce moment-là, chère amie, toutes mes pertes sont réparées, tous mes chagrins sont finis.

XXXI

Ton coeur m'est cher au nom de tous les coeurs qui m'ont manqué et que j'ai crus morts; là règnent l'amour et tous les tendres dons de l'amour, et tous ces amis que je croyais enterrés. Combien de saintes et tristes larmes le pieux amour n'a-t-il pas dérobées à mes yeux au nom des morts qui m'apparaissent maintenant comme des êtres qui ont changé de place et qui se sont tous réfugiés en toi! Tu es le tombeau où réside l'amour enseveli, tout paré des trophées de ceux que j'ai aimés et qui t'ont tous donné la part qu'ils possédaient en moi; ce que je leur devais à tous t'appartient maintenant à toi seul, je retrouve en toi leurs images que j'aimais, et toi qui les représentes tous, tu me possèdes tout entier.

XXXII

Si tu survis à la carrière qui me suffira, lorsque l'avare mort couvrira mes ossements de poussière, s'il t'arrive par hasard de relire encore une fois les pauvres et rudes vers de ton amant défunt, compare-les avec les progrès du temps, et lors même que toutes les plumes les auraient surpassés, conserve-les à cause de mon amour, non à cause de leurs rimes, que la valeur d'hommes plus heureux a dépassées. Accorde seulement cette pensée affectueuse, «si la muse de mon ami avait grandi avec les progrès de ce temps, son amour eût enfanté des choses plus précieuses que celles-ci, pour marcher d'un même accord dans un meilleur équipage, mais puisqu'il est mort, et qu'il se trouve de meilleurs poëtes que lui, je les lirai en l'honneur de leur style, et lui en l'honneur de son amour.»

 

XXXIII

J'ai vu bien des fois un soleil éclatant flatter, le matin, d'un oeil dominateur le sommet des montagnes, baiser de ses lèvres dorées les vertes prairies, dorer les pâles ruisseaux par une céleste alchimie, permettant parfois aux plus vils nuages de passer avec leurs impures exhalaisons sur son divin visage, et de cacher ses traits au monde éperdu, tandis qu'il descendait vers l'occident dans cette disgrâce; de même j'ai vu un matin mon soleil briller de bonne heure sur mon front avec un éclat triomphant; mais hélas! ô malheur! il ne m'a appartenu qu'une heure, les nuages qui passaient me l'ont caché maintenant. Mais mon amour ne voit là dedans aucune cause de dédain, les soleils de ce monde peuvent être voilés, puisque le soleil du ciel est bien voilé.

XXXIV

Pourquoi m'as-tu promis une si belle journée et m'as-tu fait sortir sans mon manteau, pour permettre ensuite à de vils nuages de me rejoindre par le chemin, et de cacher ton éclat sous leur épaisse fumée? Il ne me suffit pas que tu perces à travers le nuage pour sécher la pluie sur mon visage battu par l'orage, car personne ne peut bien parler d'un baume qui guérit la plaie sans parer à l'ignominie; tes regrets ne remédient pas à mon chagrin, tu te repens, mais la perte reste mienne, la douleur de l'offenseur n'apporte qu'un faible soulagement à celui qui porte la croix d'une grande injure. Ah! mais les larmes que répand ton amour sont des perles, elles sont précieuses et payent la rançon de toutes tes mauvaises actions.

XXXV

Ne te chagrine plus de ce que tu as fait, les roses ont des épines et les fontaines argentées de la vase, les nuages et les éclipses voilent le soleil et la lune, et des vers hideux dévorent les plus beaux boutons. Tous les hommes commettent des fautes, et moi-même j'en commets une ici, en autorisant tes fautes par des comparaisons, en me corrompant moi-même, en palliant tes torts, en excusant tes péchés plus que tes péchés ne le rendent nécessaire, car j'apporte un sens à ta faute sensuelle (ton adverse partie devient ton avocat), et je commence contre moi-même un légitime plaidoyer; mon amour et ma haine se font une guerre civile si acharnée que je suis contraint de devenir complice de cet aimable voleur qui me vole si méchamment.

XXXVI

Laisse-moi avouer que nous devons rester deux, bien que notre amour indivisible ne soit qu'un, afin que je puisse porter tout seul et sans ton secours les défauts qui me restent. Dans nos deux amours, il n'y a qu'un seul respect, mais il y a dans nos vies une humeur qui nous sépare, qui n'altère pas l'unique effet de l'amour mais dérobe de douces heures aux joies de l'amour. Je ne puis pas toujours te reconnaître, de peur que les fautes que je pleure ne te fassent honte; tu ne peux pas toujours m'honorer publiquement de tes bontés, de peur d'enlever cet honneur à ton nom, mais ne le fais pas, je t'aime de telle sorte que, puisque tu es à moi, ta bonne réputation est mienne.

XXXVII

Comme un père décrépit prend plaisir à voir son enfant animé et à lui voir accomplir les exploits de la jeunesse, de même moi qui suis devenu infirme par les disgrâces acharnées de la fortune, je tire toute ma consolation de tes mérites et de ta fidélité, qu'il s'agisse de ta beauté, de ta naissance, de ta richesse ou de ton esprit, de l'une de ces qualités, de toutes, ou d'autres encore qui résident en toi et te font une couronne, je greffe mon amour sur tes trésors, en sorte que je ne suis ni infirme, ni pauvre, ni méprisé, tant que cette ombre me donne une substance qui fait que ton abondance me suffit, et que je vis d'une part de ta gloire. Vois, ce qu'il y a de mieux, je le désire pour toi, mon voeu est exaucé, et je me suis dix fois heureux!

XXXVIII

Comment ma muse peut-elle manquer de sujets d'invention, tant que tu respires, toi qui te répands dans mes vers comme une matière charmante; toi précieuse pour les éloges des plumes vulgaires? Oh! rends-en grâces à toi-même s'il se trouve en moi quelque chose qui soit digne de subsister devant tes yeux; qui pourrait être assez muet pour ne pouvoir t'écrire lorsque tu donnes toi-même le jour à l'imagination? Sois la dixième muse, dix fois plus précieuse que ces neuf soeurs d'autrefois, que les anciens invoquent, et que celui qui t'appellera à son aide sache produire des vers immortels qui survivent aux longues mémoires. Si ma muse légère plaît à quelqu'un dans ce temps curieux, c'est à moi que revient la peine, mais c'est à toi qu'appartient l'honneur.