Liaisons Interdites

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Liaisons Interdites
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Victory Storm

table des matières

  Liaisons interdites

  Exergue

  Chapitre 1

  Chapitre 2

  Chapitre 3

  Chapitre 4

  Chapitre 5

  Chapitre 6

  Chapitre 7

  Chapitre 8

  Chapitre 9

  Chapitre 10

  Chapitre 11

  Chapitre 12

  Chapitre 13

  Chapitre 14

  Chapitre 15

  Chapitre 16

  Chapitre 17

  Chapitre 18

  Chapitre 19

  Chapitre 20

  Chapitre 21

  Chapitre 22

  Chapitre 23

  Chapitre 24

  Chapitre 25

  Chapitre 26

  Chapitre 27

  Chapitre 28

  Chapitre 29

  Chapitre 30

  Chapitre 31

Liaisons interdites
Victory Storm

Copyright ©2020 Victory Storm

Editeur: Tektime

Traducteur (ita --> fr): Jean-Luc Dollat

Cover: https://stock.adobe.com | Projet graphique de Victory Storm

Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

LIAISONS INTERDITES

Est-ce qu`un amour qui défie la loi de deux familles séparées par une haine ancestrale pourra survivre ? ”Liaisons interdites” est la réinterprétation de l`œuvre de Shakespeare ”Roméo et Juliette”, dans une version au goût du jour et une touche de suspense supplémentaire.

Ginevra Rinaldi n`a jamais su ce qu`était la liberté. Ayant vécu dans une prison dorée, étouffante et surchargée de règles édictées par son père, elle est habituée à obéir et à subir la sanction de sa famille pour tout manquement. Lorenzo Orlando a renoncé à la succession de sa famille afin d`avoir la liberté de faire ce qui lui plaisait, même au risque de sa propre vie. Aujourd`hui, toutefois, c`est un homme respecté et il est propriétaire de l`établissement le plus prestgieux de Rockart City, le Bridge. Décidé à rompre le carcan préétabli, Ginevra pénètrera dans l`antre du loup. Que lui arrivera-t-il lorsqu`elle sera envoûtée par le regard pénétrant de Lorenzo et découvrira qu`elle ne peut plus le fuir ? De combien de temps disposera Ginevra avant de finir dans les filets de Lorenzo ?

Exergue

Deux familles, égales en noblesse,

Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,

Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles

Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.

Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies

A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux

Dont la ruine néfaste et lamentable

Doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.

Les terribles péripéties de leur fatal amour

Et les effets de la rage obstinée de ces familles,

Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,

Vont en deux heures être exposés sur notre scène.

Si vous daignez nous écouter patiemment,

Notre zèle s'efforcera de corriger notre insuffisance.

( Extrait de Roméo et Juliette

de William Shakespeare,

traduction de François-Victor Hugo)

Chapitre 1
GINEVRA

"Je ne sais pas, Maya. Il vaudrait peut-être mieux laisser tomber", murmurai-je en m’efforçant de maîtriser l'angoisse qui m'envahissait.

"Allez, Ginevra, laisse-toi aller pour une fois ! N'en as‑tu pas assez de toujours devoir te soumettre aux règles de ta famille ? Tu ne me feras pas croire qu'une partie de toi‑même ne désire pas sortir des sentiers battus pour s'amuser comme n’importe quelle fille de ton âge !", laissa échapper mon amie en râlant.

Bien sûr que je le voulais ! Mais ce n'était pas évident pour quelqu'un qui, comme moi, avait le sang italien des Rinaldi dans les veines.

Être la fille d'un boss de la mafia signifiait mener une vie prédéterminée, encadrée par des règles et des limitations édictées par un padre-padrone.

Le fait d'être la plus jeune ne me donnait pas plus de liberté et toute erreur ou transgression était sévèrement sanctionnée. C'était la raison pour laquelle j'avais appris assez tôt à respecter les volontés familiales.

Je m'étais toujours parfaitement comportée mais, au cours des dernières années, depuis que je fréquentais l'université, j'avais commencé à souffrir de cette rigidité typique de mon père et de ce perfectionnisme maniacal de ma mère.

J'avais changé depuis que j'avais été confrontée avec une réalité aussi ample que celle de l'université, dont les étudiants n'étaient pas sélectionnés ni évalués selon les mêmes critères que l'école catholique féminine où j'avais étudié jusqu'alors.

J'avais appris qu'il existait d'autres styles de vie et que, en l'absence de mon père du conseil de faculté, le fait que je fûsse une Rinaldi n'intéressait absolument personne.

Pour la première fois de ma vie je m’étais permise d'être moi‑même et d'embrasser des idéaux que mon père abhorrait.

Ces deux dernières années j'étais devenue la brebis galeuse de la famille, celle qu'il fallait éviter ou traiter comme une pauvre dégénérée ; la vérité était que je ne m'étais jamais sentie vivre pleinement jusqu'alors.

Petit à petit j'avais coupé tous ces liens qui m'ancraient dans la famille ; mais j'étais encore loin de jouir pleinement de la liberté et de la faculté de faire ce qui me plaisait, comme prendre des décisions relatives à mon avenir sentimental ou professionnel.

Jusque là je m'étais contentée d'observer Maya, la fille du comptable du patrimoine des Rinaldi et ma seule amie tandis qu'elle transgressait allègrement les règles de sa famille, laquelle respectait à la lettre les lois de mon père.

J'enviais Maya à chaque fois qu'elle m'appelait pour me demander de la couvrir pendant qu'elle fréquentait des amis à elle, non appréciés par ses parents, ou qu’elle sortait avec un garçon.

J'avais toujours admiré sa crânerie vis‑à‑vis de sa famille dont elle défiait la volonté.

Combien de fois aurais‑je voulu l'accompagner, mais le poids de mon nom m'en avait toujours empêchée.

 

Cependant Maya avait raison : il ne m'était plus possible de continuer ainsi. Je venais de terminer ma première année à l'université sans avoir éprouvé l'ivresse d'une liaison, de la rencontre secrète d'un garçon ou d'une folle soirée en vadrouille en compagnie de parfaits inconnus.

"Ok, allons-y !" m'exclamai‑je enthousiaste, la voix encore nimbée d'appréhension.

"Tout ira bien, tu verras. Je l'ai fait plus d'une centaine de fois et je te garantis que je n'ai jamais eu de problème", me rassura Maya.

"J'ai tout simplement peur que quelqu'un me reconnaisse et que mon père l'apprenne."

"J'ai pris toutes les précautions utiles. Regarde un peu", dit‑elle en me tendant une perruque aux longs cheveux blonds ondulés.

Comprenant, je blêmis :"Ce n'est pas vrai ! Tu plaisantes ?"

"Ma chérie, tu es la fille du propriétaire de la moitié de Rockart City. Tu ne peux pas sortir sans attirer l'attention."

"Personne ne sait plus qui je suis. Cela fait deux ans que mon père ne m'inclut plus dans ses interviews et il ne m'invite même pas aux cérémonies d’inauguration. Tout le monde pense qu’il n’a que deux enfants et pas trois. Mes apparitions à ses côtés sont plus qu’épisodiques depuis que je suis devenue végétarienne et que j’ai commencé à parler des droits civiques."

Maya gloussa :“Il ne t’a pas encore pardonnée d’être devenue végétarienne ?”

“Non. Quand nous mangeons ensemble il fait déposer un bifteck dans mon assiette que j’éloigne de moi à chaque fois, ce qui l’énerve au plus haut point. Maintenant je mange toujours en solitaire dans l’annexe où j’ai été reléguée”, lui expliquai‑je tristement. Il était assez douloureux de se sentir rejetée en permanence par sa famille.

“Trop cool ! Là tu es toute seule et tu peux faire tout ce que tu veux !”

“Si seulement c’était vrai ! Rappelle‑toi qu’il y a des caméras de vidéo-surveillance disséminées un peu partout dans la maison. Je n’ai pas de vie privée et, souvent, je me demande si je réussirai jamais à me détacher de la famille et à vivre pleinement ma vie, trouver un travail et épouser l’homme que j’aime...”

“C’est impossible tant que tu demeureras à Rockart City. Une feuille ne peut pas bouger à l’est de la Safe River sans que ton père en soit tenu au courant... Ton unique espoir est de partir loin, très loin d’ici, là où ton père ne pourra pas parvenir car tu sais parfaitement qu’il ne te laissera jamais agir de ton propre chef. Il mettra tout en œuvre pour t’empêcher de travailler pour subvenir à tes propres besoins, t’empêchant de couper ce cordon ombilical qui t’enchaîne encore à lui malgré tes vingt-trois ans !”

“Et à coup sûr, il ne me laisserait jamais épouser qui je veux.”

“Oublie tout cela, Ginevra ! Pense simplement à toutes les relations amoureuses que tu as eues jusqu’à présent.”

“Je n’en ai eu qu’une seule, trois jours durant, pendant ma dernière année de high school.”

“Daniel Spencer, n’est-ce pas ?”

“Oui. À peine ai‑je pu échanger un premier baiser avec lui avant d’apprendre que lui et toute sa famille avaient été exilés de Rockart City pour toujours.”

“Tout ça pour un baiser... Je n’ose même pas imaginer ce qui se serait passé si tu avais couché avec lui.”

Je ris faiblement : “J’aurais atterri dans les oubliettes du château, comme un prisonnier de guerre”, même si j’étais convaincue que je subirais le même sort. Je n’avais pas oublié le coup de sang de mon père ni la gifle dont il m’avait gratifiée lorsqu’il avait découvert le béguin que j’éprouvais pour le fils de David Spencer, l’individu qui lui avait fait louper une affaire deux ans auparavant.

Edoardo Rinaldi avait la rancune tenace.

“Bah, cette fois je te promets qu’il n’arrivera rien et ton père n’en sera jamais informé”, me rassura Maya, passant la perruque blonde sur mes cheveux châtains qui me descendaient sur les épaules.

Je me regardai dans le miroir.

J’eus envie de rire parce que j’étais méconnaissable avec cet eye-liner noir et ces cheveux qui m’arrivaient à la taille. De plus, la robe que m’avait faite endosser Maya était à l’opposé de mon style bon chic-bon genre habituel.

Cette robe rouge sans épaulettes et cette veste noire aux manches courtes me donnaient une aura de femme cosmopolite, entreprenante et transgressive, tout le contraire de ma personnalité.

Surprise, je m’exclamai : “Est-il possible que ton père ne remarque rien de tout ces achats ?”

“Mon père n’est pas aussi circonspect que le tien mais il pointe toutes les dépenses effectuées par carte de crédit. Quant à ma mère, elle passe ma garde-robe en revue une fois par mois si mon père se plaint du relevé.”

“Ta mère est comme la mienne. Comment se fait-il qu’on ne te reproche pas tous ces achats ?”

“Ma mère n’est pas au courant de ma double vie. J’ai un accord avec la vendeuse du magasin de fringues : elle me laisse emporter ces vêtements à la maison pour les essayer pendant vingt‑quatre heures ; je les lui ramène le lendemain, intacts, lorsque je vais acheter des habits plus conformes aux goûts de ma mère”, dit-elle, me dévoilant son stratagème. Ce faisant elle me montra l’étiquette encore attachée à la robe avant de la cacher dans le décolleté, sous l’aisselle droite.

“Tu es géniale !”

“Je sais mais souviens‑toi de prendre bien soin de cette robe car demain je dois la rapporter en parfait état au magasin.”

“Promis, juré !”

“Bon, alors allons-y. L’employée de maison m’a laissé les clés de la voiture qui sert à faire les courses et, ainsi accoutrées, nul ne nous reconnaîtra lorsque nous nous dirigerons vers la sortie. Pas même le garde du corps qui t’a conduite ici et qui t’attend, garé à l’extérieur de la grille.

“Je l’espère, autrement je suis morte.”

“Par précaution laissons les téléphones portables ici pour éviter que le signal GPS nous fasse pincer ; enfin nous n’emporterons dans nos sacs à main que de l’argent liquide et le faux document d’identité que je t’ai procuré. Ce soir, rappelle‑toi que je ne m’appelle plus Maya Gerber mais Chelsea Faye ; quant à toi tu n’es plus Ginevra Rinaldi mais Mia Madison, de Los Angeles.”

“Tu as vraiment tout prévu, n’est-ce pas ?”

Maya pouffa de rire. “Ginevra, après cinq années d’escapades secrètes, je pourrais même m’évader d’une prison”, dit‑elle, ce qui détendit l’atmosphère.

Chapitre 2
GINEVRA

Mon cœur battait à tout rompre.

C’était la première fois que je faisais quelque chose de dingue et j’étais morte de trouille.

Je suivis Maya en silence, malgré mes hauts talons.

Tout le monde était parti se coucher et la maison était déserte.

Nous sortîmes par la porte de derrière et nous nous dirigeâmes vers la voiture garée à proximité immédiate, d’après les ordres donnés par mon amie.

Nous montâmes à bord d’une vieille Toyota Corolla et, l’instant d’après, nous démarrions.

Lorsque la voiture franchit la grille d’entrée je me cachai afin de ne pas me faire remarquer des occupants du véhicule garé à proximité. C’était dans cette voiture qu’on m’avait amenée ici et elle ne serait pas repartie sans moi.

Je détestais ce contrôle permanent de tous mes faits et gestes mais je ne savais pas comment me libérer de cette prison sans barreaux.

Le fait d’être une Rinaldi était ma croix et je la porterais jusqu’à ma mort.

Je commençai à me détendre lorsque nous empruntâmes la voie rapide. Mais à peine entrevis‑je la Safe River que ma respiration s’arrêta : c’était la première fois que je la voyais réellement.

Aussitot la peur pénétra toutes les cellules de mon corps.

Je m’agitai nerveusement, voyant que mon amie franchissait le pont qui reliait les quartiers est et ouest de Rockart City : “Maya, où allons-nous ?”

“Nous nous rendons dans un endroit où ta famille ne viendra jamais nous chercher.”

“Es‑tu devenue folle ?! Il est interdit aux Rinaldi de s’approcher du fleuve ! Si un membre de la famille Orlando découvre ma présence dans cette partie de la ville, il me descend !”, m’écriai-je terrorisée. Je haïssais toutes les règles et limitations imposées par mon père, sauf une : celle de ne pas traverser le fleuve. Je l’avais acceptée de mon plein gré, promettant de ne jamais l’enfreindre si je ne souhaitais pas mourir prématurément.

“Je suis parfaitement au courant. C’est la raison pour laquelle nous avons de faux documents d’identité.”

“Ceci ne me rassure pas beaucoup, Maya.”

“Chelsea ! Rappelle-toi que je m’appelle Chelsea et toi Mia ! Ne te trompe pas ou nous sommes fichues !”

Le voyage se poursuivit, moi enfoncée dans le siège du passager, les battements de cœur qui me martelaient les tempes, incapable de profiter du panorama de cette partie de la ville que je n’avais jamais vue.

“Tout ira bien, tu verras”, me répétait Maya alors que j’étais prête à m’enfuir à l’instant‑même pour revenir sur mes pas en jurant de ne jamais renouveler l’expérience.

C’est à peine si je me rendis compte que Maya venait de couper le contact à proximité d’une autre voiture garée sur le bas‑côté, avec deux charmants garçons à son bord.

“Le conducteur s’appelle Lucky Molan. C’est celui qui m’a tourné la tête et dont je t’ai beaucoup parlé ces derniers temps. Je l’ai connu grâce au site Privatelessons.com. C’est lui qui me donne des cours particuliers d’économie via internet, en cachette de ma mère qui me prend pour un génie. Cela fait deux ans que je me morfonds après lui et ce n’est que maintenant, après avoir décroché mon master, qu’il a consenti à sortir avec moi. Toutefois, lorsqu’il a proposé une sortie en groupe avec son frère qui vient de rompre d’avec sa copine, je n’ai pas pu refuser.”

“C’est la raison de ma présence ici, pas vrai, pour occuper le petit frère pendant que toi tu te la coules douce avec l’amour de ta vie ?”

“Je ne dirais pas les choses comme ça mais... oui c’est vrai. Je t’en prie Gin... Mia, il est vital que tout se passe bien parce que je n’ai pas l’intention de m’arrêter à une seule sortie à quatre.”

“Il y quelque chose qui m’échappe. Sait‑il que tu es Maya Gerber ?”

“Absolument pas. Tu sais que je ne tiens pas à dévoiler ma véritable identité. Je ne tiens pas à ce que l’on sache que je prends des cours particuliers.”

“Donc votre relation est basée sur le mensonge. Comment crois‑tu qu’il soit possible de construire quelque chose de durable en agissant ainsi ?”

“Pour l’instant je m’amuse, vu ? J’ai envie de sortir avec Lucky et peut‑être de coucher avec lui. Je n’ai pas dit que je vais l’épouser !”

“Je pense que ton père ne le permettrait pas.”

“Lucky habite à l’ouest du fleuve, donc c’est zone interdite. Même si je ne m’appelle pas Rinaldi, Papa ne veut pas que je fréquente ces quartiers.”

“Si on tient compte de tout ce que ton père sait de ma famille et ce qu’il gère pour elle, je pense que tu es autant en danger que moi par ici.”

“C’est possible mais je m’en fiche ! Je suis trop jeune pour penser à ces choses‑là.”

“Ou trop stupide”, murmurai-je, ce à quoi elle répondit par une grimace.

En silence, comme si j’avais peur qu’on m’entendît, je sortis de la voiture et me dirigeai avec Maya en direction des deux garçons.

Ils étaient tous les deux blonds aux yeux bleus.

De la chaleureuse embrassade que Maya échangea avec le plus grand et plus mince des deux, je devinai qu’il s’agissait de Lucky.

L’autre s’approcha de moi : “Enchanté, je m’appelle Mike”, l’air déprimé et d’une taille de quelques centimètres supérieure à la mienne.

“Mia”, me présentai-je, m’efforçant d’étouffer un soupir, de crainte de révéler mon nom véritable.

Combien aurais‑je voulu être aussi souple et désinvolte que Maya !

“J’ai réservé au Bridge. Sachez que j’ai dû solliciter un ami pour la faveur d’obtenir un pass de cette boîte. C’est un lieu très exclusif, inapprochable pour nous autres simples mortels”, dit Lucky en rigolant et nous indiquant un édifice à quelques pas de nous.

“Écoutez, je pensais que nous aurions pu nous rendre au Lux... J’y suis déjà allée et j’ai bien aimé l’endroit”, intervint Maya dont la pointe d’anxiété dans la voix me préoccupa. Ce n’était pas son genre d’avoir peur et la crainte resurgit en moi de plus belle.

 

“Chelsea, l’occasion ne se représentera pas et le pass n’est valable que ce soir. En outre c’est l’occasion d’entendre la fameuse pianiste Folkner”, l’interrompit Lucky.

Je regardai Maya et lus une forte indécision dans ses yeux sombres, jusqu’à ce qu’elle acquiesçât faiblement.

“Tout ira bien”, me glissa‑t‑elle à l’oreille, saisissant ma main avec trop de force pour qu’elle ne m’effrayât point.

Je ne sais pas où je trouvai le courage de placer un pied devant l’autre pour me diriger vers ce qui me semblait être un nid de vipères.

Ce n’est qu’à deux pas de l’entrée que, levant les yeux, je lus l’enseigne ; pour la enième fois ce soir, je sentis la terre s’affaisser sous mes pas : “ The Bridge. Orlando’s Night”.

Comme s’il avait lu dans mes pensées, Mike m’expliqua que cet établissement appartenait à la puissante famille italienne des Orlando, les premiers arrivés à Rockart City (même si certains soutenaient que les Rinaldi fussent les premiers installés), qui avaient transformé cette vallée désolée en pôle d’attraction pour les migrants, donnant naissance à ce qui était l’une des villes historiques les plus prospères des États-Unis.

Cet établissement avait été la première activité commerciale au cœur de Rockart City, à l’ouest du fleuve.

Mike me fournit quelques informations : “Après le décès du grand Giacomo Orlando, la gestion de l’établissement est passée aux mains de son petit‑fils Lorenzo, la brebis galeuse de la famille. Il s’est chamaillé avec tous et a refusé de prendre la succession de son père Salvatore. Il a échappé à l’ire des Orlando parce qu’il était l’aîné, fils unique et le préféré de son grand‑père : sur son lit de mort, ce dernier l’avait prié de ne pas abandonner la ville et de poursuivre l’activité de l’établissement, pierre angulaire de la famille Orlando. Par amour pour son grand‑père, Lorenzo a accepté et a transformé cet établissement en lieu le plus exclusif et prestigieux de Rockart City.”

“Ce doit être un type génial.”

“Oui, et il n’a que vingt-neuf ans. Mais ne t’attends pas à un chevalier dans une brillante armure ; c’est un requin comme tous les Orlando et il ne pardonne pas le moindre écart. Un seul faux‑pas avec lui et on risque de faire une triste fin. Je me souviens d’une bagarre que deux types avaient déclenché l’an dernier, bagarre qui avait entraîné une intervention de la police. Eh bien, depuis ce jour on se demande bien la fin qu’on faite ces deux abrutis. Si la famille Orlando dirige tout le monde et tout ce qui bouge à l’ouest de Rockart City, au Bridge l’unique loi en vigueur est celle de Lorenzo. Tout ce qui gravite autour de lui est archi‑blindé et le rend inaccessible s’il n’y consent pas. La ville était convaincue qu’en renonçant à l’héritage de la famille, il aurait perdu tout pouvoir ; et malgré tout Lorenzo a démontré qu’il s’en sortait très bien tout seul. Il dispose aujourd’hui d’un pouvoir comparable à celui de sa famille, chose d’autant plus remarquable qu’il se l’est construit tout seul.”

“Bof, le nom de sa famille l’aura aidé.”

“À présent, oui. Pas au moment où il avait coupé les ponts avec sa famille. La moitié des parents voulait sa tête lorsqu’il les a envoyés balader. Son grand‑père, chef de tous les Orlando, l’aurait protégé mais, après son décès, Lorenzo s’est retrouvé tout seul.”

“Il doit avoir un sacré courage pour défier aussi ouvertement sa famille”, m’exclamai-je avec une pointe d’envie. Combien aurais‑je voulu être comme lui ou avoir un grand‑père qui me soutînt. Mais mes grands‑parents étaient tous morts ou retournés en Italie.