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Les enfants des bois

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CHAPITRE XLVII
LES CHIENS

Depuis qu'on avait dompté les couaggas, la chasse se continuait avec succès. Chaque semaine on ajoutait une paire de défenses, quelquefois même deux ou trois paires à la collection, qui formait au pied du nwana, une petite pyramide d'ivoire.

Néanmoins, Von Bloom n'était pas encore satisfait; il pensait qu'il aurait obtenu des résultats plus décisifs s'il avait eu des chiens. Les couaggas lui permettaient souvent d'atteindre l'éléphant, mais souvent aussi, ils le laissaient échapper. Ce malheur n'est pas à craindre avec les chiens. A la vérité, ces animaux ne peuvent triompher de l'énorme quadrupède, ils ne sont pas même en état de le blesser; mais ils le suivent partout et le contraignent à s'arrêter par leurs aboiements.

Un autre service que rendent les chiens, c'est de détourner l'attention de l'éléphant, qui, comme nous l'avons fait remarquer, est formidable quand il entre en fureur. Importuné par les mouvements brusques et les vociférations des limiers, il les prend pour des agresseurs sérieux, et fond sur eux avec rage. Le chasseur n'a donc pas à affronter une rencontre mortelle, et trouve l'occasion de lâcher un coup de fusil.

Pendant les dernières chasses, nos amis avaient couru les plus grands dangers. Leurs couaggas n'avaient ni la vivacité d'allure, ni la docilité des chevaux. D'un moment à l'autre, un écart de ces montures pouvait causer un malheur. C'était ce qu'appréhendait Von Bloom, et il aurait volontiers acheté des chiens à raison d'une défense par tête, eussent-ils été les plus misérables roquets. La qualité est de peu d'importance en ce cas: il suffit que l'animal puisse suivre la piste de l'éléphant et le harceler de ses aboiements.

Von Bloom songea à dresser des hyènes à la chasse, et cette idée n'avait rien de fantasque. L'hyène est souvent domptée dans ce but, et s'acquitte de sa tâche mieux que beaucoup d'espèces de chiens.

Un jour Von Bloom réfléchissait sur ce sujet. Il était assis sur une petite plate-forme qu'il avait fait construire à l'extrême cime du nwana, et d'où la vue s'étendait sur toute la campagne. C'était le lieu de prédilection, la tabagie du porte-drapeau; c'était là qu'il venait tous les soirs fumer tranquillement sa grande pipe d'écume de mer.

Pendant qu'il s'abandonnait à sa distraction favorite, il aperçût dans la plaine des antilopes d'une espèce particulière. Elles avaient le dos et les flancs de couleur de terre de Sienne; le ventre blanc; une bordure noire à la partie extérieure des jambes, et sur la face des raies noires aussi régulièrement tracées que par le pinceau d'un artiste. Leurs têtes, longues et roides, étaient surmontées de cornes noueuses recourbées en forme de faucilles.

Ces animaux étaient loin d'être gracieux. Leur train de derrière s'abaissait comme celui de la girafe, mais à un moindre degré; leurs épaules avaient une élévation démesurée; leurs membres étaient osseux et anguleux; chacun d'eux avaient environ neuf pieds de long et cinq pieds de haut depuis les pieds de devant jusqu'à l'épaule. Ils appartenaient à l'espèce de l'antilope caama (acronotus caama), connue par les colons hollendais du Cap sous le nom de hartebeest.

Lorsque Von Bloom les remarqua, les caamas broutaient paisiblement; mais quelques minutes après elles se mirent à courir en désordre à travers la prairie. Elles avaient été surprisées par une meute de chiens.

Von Bloom vit en effet à leur poursuite quelques-uns de ces animaux, que les colons du Cap appellent chiens sauvages (wildehonden), et que les naturalistes désignent improprement sous la qualification de chiens chasseurs ou d'hyènes chasseresses (hyena venatica).

Ces deux noms sont également absurdes; car l'animal dont il s'agit n'a aucune analogie avec l'hyène, et le titre de chien chasseur peut être mérité indistinctement par tous les animaux de la race canine. Je propose donc d'adopter le nom de chien sauvage, adopté par les boors.

C'est calomnier le chien sauvage que de le comparer à l'hyène, dont il n'a ni le poil rude, ni les formes disgracieuses, ni les habitudes repoussantes. Il ressemble plutôt au braque ou au chien courant ordinaire. Sa robe est couleur de tan, diaprée de large taches de noir et de gris. Il a, comme le braque, de longues oreilles; mais elles sont droites au lieu d'être pendantes, ainsi qu'on le remarque dans toutes les espèces sauvages du genre canis.

Ses habitudes complètent la ressemblance. Le chien sauvage, pour chercher le gibier, s'organise en meutes nombreuses et il montre autant d'adresse et de sagacité que s'il était guidé par des piqueurs armés de fouet et le cor en bandoulière.

Von Bloom eut la bonne fortune d'être témoin d'une chasse à courre des plus remarquables. Les chiens sauvages étaient tombés à l'improviste sur le troupeau de caamas, et leur premier élan en avait isolé une. C'était ce qu'ils désiraient, et toute la meute se mit à ses trousses au lieu de suivre le troupeau.

La caama, malgré sa structure étrange, est une des antilopes les plus agiles, et ne se laisse prendre qu'après une longue chasse.

Elle échapperait même au danger, s'il lui suffisait de lutter de vitesse avec les chiens; mais ceux-ci possèdent des qualités qui lui manquent et qui leur assurent l'avantage. L'antilope caama ne court pas toujours en ligne droite; elle s'écarte d'un côté ou de l'autre, suivant la conformation du terrain. Les chiens sauvages profitent de cette marche irrégulière, et ont recours à une manœuvre qui indique certainement de la réflection.

Von Bloom en eut la preuve. Sa position élevée le mettait à même d'embrasser tout le terrain et de suivre les mouvements des deux partis.

En partant, le caama courait en droite ligne et les chiens marchaient sur ses traces. Au bout de quelques instants, toutefois, un d'eux devança ses compagnons. Avait-il de meilleures jambes? non; mais tandis que les autres se ménageaient, il était chargé de presser l'antilope. L'ayant atteinte par un effort désespéré, il la fit légèrement dévier de sa course primitive.

En observant ce changement de direction, la meute prit la diagonale, et elle évita ainsi le détour qu'avaient fait le caama et son adversaire.

Celui-ci, dès que l'antilope se fut détournée, rentra dans les rangs et fut relégué à l'arrière-garde. Sa tache était accomplie. Un autre lui succéda, avec la mission de continuer ce qu'il avait si bien commencé.

L'antilope dévia de nouveau, et de nouveau la meute courut obliquement pour la couper.

Quand le second chien fut fatigué, un troisième lui succéda. La même manœuvre fut réitérée à plusieurs reprises, jusqu'à ce que l'antilope fut réduite aux abois. Alors, comme s'ils eussent compris qu'elle était en leur pouvoir, les chiens renoncèrent à leur stratégies pour se précipiter simultanément sur ses traces.

L'antilope caama fit un dernier effort pour s'enfuir; mais, voyant que l'agilité lui était inutile, elle se retourna brusquement et se mit sur la défensive. L'écume découlait de ses lèvres, et ses yeux rouges étincelaient comme des charbons ardents.

Une seconde après les chiens étaient autour d'elle. – Quelle magnifique meute! s'écria Von Bloom. Oh! si j'en avais une semblable! Mais pourquoi n'en aurais-je pas? Ces braques sauvages sont susceptibles d'être apprivoisés, exercés à la chasse, surtout à celle de l'éléphant. J'en ai eu de nombreux exemples; seulement il faut que les chiens soient pris jeunes, et comment s'en procurer? Tant qu'il ne sont pas en état de bien courir, leurs mères les retiennent dans leurs tanières au milieu de rochers inaccessibles. Par quel moyen les atteindre?

Les réflections de Von Bloom furent interrompues par l'étonnement que lui causa la singulière conduite des chiens sauvages. Il avait supposé naturellement qu'ils se jetteraient sur la bête aux abois, et la dépèceraient en un clin d'œil; et pourtant la meute s'était arrêtée, comme pour laisser à l'antilope le temps de reprendre des forces; quelques chiens même étaient couchés; les autres avaient la gueule ouverte et la langue pendante; mais ils ne paraissaient avoir nulle envie d'achever leur victime.

Le porte-drapeau était à même de bien observer la situation. L'antilope était rapprochée de lui et environnée des chiens. Non-seulement ils la laissèrent tranquille, mais, après avoir fait quelques bonds autour d'elle, ils abandonnèrent la position. Avaient-ils peur de ses vilaines cornes? voulaient-ils se reposer avant la curée? Le chasseur, que leur attitude surprenait, et qui ne savait à quoi s'en tenir, fixa sur eux des regards avides.

Au bout de quelque temps l'antilope eut repris haleine, et, profitant de l'éloignement de la meute, elle se dirigea vers une éminence dont le versant était une position favorable pour se défendre. Aussitôt qu'elle fut lancée, les chiens la poursuivirent, et au bout de cinq cents pas ils l'avaient derechef réduite aux abois. Ils la laissèrent seule, et elle essaya encore de fuir. Les chiens se remirent à sa poursuite, mais en la poussant dans une direction nouvelle, du côté des rochers qui formaient la lisière du désert.

La chasse passa près du figuier-sycomore, et toute la famille put jouir à l'aise du spectacle. L'antilope courait plus vite que jamais, et les chiens ne semblaient pas gagner de terrain sur elle. Il était permis de présumer qu'elle finirait par se soustraire à ses infatigables persécuteurs.

Les yeux de Von Bloom et de ses enfants suivirent la chasse jusqu'à ce que les chiens eussent disparu. Le corps luisant de l'antilope se détachait alors comme une tache jaune sur le front brun des rochers; mais tout-à-coup la tache jaune disparut aussi: point de doute, l'antilope était abattue.

Un étrange soupçon passa dans l'esprit de Von Bloom; il ordonna de seller les couaggas, et s'achemina avec Hans et Hendrik, vers la place où la caama avait été aperçue pour la dernière fois.

 

Ils s'approchèrent avec circonspection, et, cachés derrière un massif d'arbustes, ils purent observer ce qui se passait.

L'antilope-caama, étendue à douze yards du pied des hauteurs, était déjà à moitié dévorée, non par les chiens qui l'avaient chassée, mais par leurs petits de différents âges. Ces derniers entouraient le cadavre et s'en disputaient en grognant les lambeaux. Quelques-uns des chiens qui avaient pris part à la poursuite pantelaient allongés sur le sol; mais la plupart avaient disparu, sans doute dans les grottes nombreuses qui s'ouvraient le long des rochers.

Il était donc positif que les chiens sauvages avaient conduit l'antilope jusqu'à l'endroit où elle devait servir de nourriture à leurs petits, et qu'ils s'étaient abstenus de la tuer pour s'épargner la peine de la traîner. Ces animaux ne possèdent pas, comme ceux de l'espèce féline, la faculté de transporter une lourde masse à une distance un peu considérable. Leur prodigieux instinct leur avait suggéré l'idée de mener leur proie à la place même où sa chair devait être consommée. C'était une pratique à laquelle ils avaient l'habitude de recourir, comme l'attestaient les os et les cornes de plusieurs antilopes amoncelés dans ce charnier.

Les trois chasseurs s'élancèrent sur les petits; mais leur tentative échoua. Ces jeunes chiens, aussi rusés que leurs parents, abandonnèrent leur repas à l'aspect des étrangers, et s'enfoncèrent dans leurs cavernes.

Toutefois ils n'eurent pas assez d'intelligence pour échapper aux pièges qu'on leur tendit chaque jour pendant la semaine suivante. Au bout de ce temps, on en avait pris plus d'une douzaine, qu'on installa dans une niche construite exprès pour eux à l'ombre du nwana.

En moins de six mois, plusieurs de ces jeunes élèves avaient été dressés à la chasse de l'éléphant, et ils s'acquittaient de leur tâche avec le courage et l'habileté qu'on aurait pu attendre de chiens de la race la plus pure.

CHAPITRE XLVIII
CONCLUSION

Pendant plusieurs années Von Bloom mena la vie de chasseur d'éléphants. Pendant plusieurs années il logea dans le grand nwana, et n'eut pour société que ses enfants et ses domestiques. Ce ne fut peut-être pas le temps le moins heureux de leur existence, car ils jouirent du plus précieux des biens terrestres, la santé.

Il n'avait pas laissé ses enfants grandir sans instruction, en véritables enfants des bois. Il leur avait fait étudier dans le livre de la nature bien des choses qu'ils n'auraient pas apprises au collège. Il leur avait, en outre, inculqué des principes d'honneur et de moralité sans lesquels la meilleure éducation est incomplète. Ils étaient élevés à aimer Dieu et à s'aimer les uns les autres; ils avaient des habitudes de travail, savaient se suffire à eux-mêmes, et possédaient assez de connaissances pour accomplir, en rentrant dans la vie civilisée, tous les devoirs qu'elle imposait. En somme, ces années d'exil passées dans le désert n'avaient pas été perdues et devaient laisser de doux souvenirs.

Toutefois l'homme est né pour la société, et le cœur humain, quand il n'est pas vicieux, aspire à communiquer avec le cœur humain.

L'intelligence surtout, si elle est développée par l'éducation, se complaît dans les relations sociales et souffre d'en être privée.

Aussi le porte-drapeau désirait-il revoir le pittoresque district de Graaf-Reinet, et s'établir de nouveau au milieu des amis de ses jeunes années. Son existence de chasseur avait fini par avoir pour lui une sorte d'attrait; mais il était désormais inutile qu'il la prolongeât.

Les éléphants avaient complètement abandonné les environs du camp à vingt milles à la ronde. Ils savaient combien le roer était redoutable; ils avaient appris à craindre l'homme, et les chasseurs passaient souvent des semaines entières sans rencontrer un seul éléphant. Cette disposition ne préoccupait point Von Bloom, dont les idées avaient pris un autre cours. Son unique désir était de retourner à Graaf-Reinet, et rien ne l'empêchait de le réaliser. La proscription qui l'avait frappé était levée depuis longtemps par l'amnistie générale que le gouvernement britannique avait accordée. Ses biens ne lui avaient pas été rendus, mais la perte qui lui était sensible quelques années auparavant lui était devenue indifférente. Il s'était créé une propriété nouvelle, représentée par la pyramide d'ivoire qui s'élevait à l'ombre du grand nwana. Il suffisait de la transporter au marché pour s'assurer une magnifique fortune.

Von Bloom trouva moyen d'effectuer le transport. On creusa près de la passe des hauteurs une vaste fosse où tombèrent plusieurs couaggas. Ces animaux sauvages furent dressés, non sans peine, à souffrir le harnais et à traîner une voiture. Les roues, qui étaient heureusement intactes, tenaient lieu de break. La caisse de la charrette fut ensuite descendue, et renouvela connaissance avec les roues, ses anciennes compagnes; la couverture de toile étendit sur le tout son ombre protectrice. On empila dans l'intérieur les croissants blancs et jaunes. Les couaggas furent attelés; Swartboy remonta sur le siège, fit claquer son fouet, et les roues, ointes avec de la graisse d'éléphant, tournèrent rapidement.

Quelle fut la surprise des bonnes gens de Graaf-Reinet quand un beau matin ils virent arriver sur la grande place une charrette traînée par douze couaggas, et suivie de quatre cavaliers montés sur des animaux de même espèce! Quel fut leur étonnement quand ils remarquèrent que le véhicule était rempli de défenses d'éléphant, sauf un coin, occupé par une jolie fille aux joues roses, aux cheveux blonds! Quelle fut leur joie en apprenant que le père de la jolie fille, le propriétaire de l'ivoire, n'était autre que leur ancien ami, leur respectable compatriote, le porte-drapeau Von Bloom!

Le chasseur d'éléphants trouva sur la grande place de Graaf-Reinet un accueil cordial, et, ce qui avait son importance, des débouchés immédiats.

Par un heureux hasard, l'ivoire était en hausse en ce moment. Il entrait dans la composition de certains bijoux dont j'ai oublié le nom, et qui étaient à la mode en Europe. Von Bloom trouva donc à échanger sa provision contre de l'argent comptant, à un prix presque double de celui qu'il s'attendait à recevoir.

Il avait recueilli une quantité d'ivoire trop considérable pour la transporter en un seul voyage. Il retourna au nwana, près duquel il avait caché le reste des défenses, et les ramena à Graaf-Reinet, où elles étaient vendues d'avance.

Von Bloom était redevenu riche. La fortune qu'il avait réalisée en espèces sonnantes lui permit de racheter son ancien domaine, et d'y mettre les meilleures races de chevaux, de bœufs et de moutons. Ses affaires prospérèrent; il obtint la confiance du gouvernement, qui, après l'avoir réintégré d'abord dans ses fonctions de porte-drapeau, le promut à la dignité de landdrost ou magistrat en chef du district.

Hans poursuivit au collège du Cap le cours de ses études. L'impétueux Hendrik embrassa la profession qui lui convenait le mieux et obtint une lieutenance dans les carabiniers à cheval de la colonie.

Le petit Jean fut mis à l'école, et la belle Gertrude, en attendant qu'elle fût en âge de s'établir, fit avec grâce les honneurs de la maison paternelle.

Comme par le passé, Totty gouverna la cuisine; Swartboy, devenu un homme important, fit claquer son fouet plus que jamais et soumit à son jambok les bœufs à longues cornes du riche landdrost.

Plus tard, mes chers lecteurs, si nous faisons une nouvelle tournée dans le pays des boors, nous y retrouverons encore le digne Von Bloom, le Bosjesman et les enfants des bois.

FIN DES ENFANTS DES BOIS

NOTICE
SUR
LE CAP DE BONNE-ESPÉRANCE
PAR LE TRADUCTEUR

I
PRÉAMBULE

Les Enfants des bois se rattachent à la série d'ouvrages dont le Robinson suisse est le type, et qui ont pour but d'encadrer dans un récit romanesque des notions de géographie et d'histoire naturelle. Il est bon de faire remarquer toutefois en quoi le capitaine Mayne Reid a une supériorité incontestable sur ses devanciers. Ceux-ci empruntent leurs matériaux à des livrets de zoologie, de botanique ou de cosmographie: c'est Buffon, c'est Daubenton, Cuvier, Lacépède, Jussieu ou Malte-Brun qu'ils accommodent à leur guise. Leur travail se réduit à combiner ingénieusement des observations antérieures, auxquelles ils donnent une forme nouvelle sans y rien ajouter. Le capitaine Mayne Reid, au contraire, peint d'après nature; il décrit ce qu'il a vu. Quand il met en action des animaux, c'est qu'il les a étudiés, non pas dans les livres ou dans les collections zoologiques, mais au milieu de vastes forêts, dans les solitudes dont ils ont encore la possession presque exclusive. Notre auteur, loin de copier les écrivains antérieurs, rectifie leurs inexactitudes, et révèle des particularités assez curieuses pour pouvoir être consulté avec avantagé, même par les savants.

Il serait donc superflu de parler après le capitaine Mayne Reid des productions du règne animal et du règne végétal dans l'Afrique du Sud; mais il nous a semblé qu'il n'était pas sans intérêt de compléter sa narration par quelques détails sur le théâtre de la scène et sur l'histoire des pays où vivent ses héros.

II

Limites de la colonie du Cap. – A-t-elle été connue des anciens? – Expédition de Barthélémy Diaz. – Voyage de Vasco de Gama. – Joâo de Infante. – Les Hottentots. – Les Portugais renoncent à coloniser le Cap.

La colonie du cap de Bonne-Espérance, située à la pointe méridionale de l'Afrique, s'étend entre les 29° 50" et 35° de latitude nord, et les 15° et 26° de latitude est. Elle est bordée au nord par la Hottentotie indépendante, au sud par l'océan méridionale, à l'est par la Cafreria, à l'ouest par l'océan Atlantique.

Cette contrée, à laquelle le développement du commerce a donné tant d'importance depuis le seizième siècle, était-elle connue des anciens? Il résulterait de quelques fragments de Possidonius et de Cornelius Nepos que la circumnavigation de l'Afrique avait été accomplie par les Tyriens, par le Carthaginois Hannon et par Eudoxe de Cyzique; toutefois leurs expéditions, si elles réussirent, ne furent pas accomplies dans des conditions assez favorables pour qu'ils trouvassent des imitateurs. Quelques érudits surent peut-être qu'il était possible de doubler la pointe de l'Afrique australe; mais le succès d'une pareille entreprise était purement accidentel. Une découverte n'est réelle que lorsqu'elle accroît efficacement le domaine et la puissance de l'homme. Des Asiatiques, voguant au hasard ou poussés par les vents, ont pu traverser la mer Pacifique et venir peupler quelques parties du continent américain; mais ils n'avaient aucun moyen de regagner leur patrie, et si quelques-uns parvinrent à en retrouver la route, ils perdirent celle des régions inconnues dont le hasard leur avait révélé l'existence. C'est donc à tort qu'on dispute à Cristophe-Colomb le mérite et l'honneur d'avoir frayé le chemin du nouveau monde.

C'est à tort aussi qu'on dispute aux navigateurs portugais du quinzième siècle le mérite et l'honneur d'avoir doublé les premiers la pointe méridionale de l'Afrique. En admettant avec quelques auteurs que, sous le règne du Pharaon Nekoh, les Phéniciens aient fait le tour de l'Afrique, il est certain qu'ils ne le recommencèrent pas. Le Perse Sataspes, criminel auquel Xerxès avait accordé la vie, à la condition qu'il renouvellerait cet exploit, recula devant les obstacles, et, plutôt que de les affronter, revint avec résignation subir le supplice du pal. Il n'y a point de découverte tant que le pays nouveau n'est pas mis en communication régulière avec le pays ancien.

Le grand cap africain ne fut reconnu d'une manière utile et pratique qu'en 1486. Au mois d'août de cette année, Jean II, roi de Portugal, fit fréter deux navires de cinquante tonneaux chacun et un aviso, pour explorer la côte d'Afrique. Le commandement de l'expédition fut confié à Barthélémy Diaz, qui, battu par des vents furieux, doubla le Cap sans s'en douter et poursuivit sa route jusqu'aux îles de la Croix, situées dans la baie de Lagoa. A son retour, au milieu d'une effroyable tempête, il détermina la position de la baie et des montagnes du Cap. Il avait été tellement frappé des dangers qui l'avaient accablé à la hauteur de l'extrémité sud de l'Afrique, qu'il proposa de la nommer cap des Tempêtes, cabo Tormentoso ou cabo de Todos Tormentos; mais, persuadé qu'en la doublant on avait fait un pas décisif sur le chemin des Indes, on voulut la désigner sous le nom de cap de Bonne-Espérance, cabo de Bouna-Esperanza.

 

Emmanuel, successeur de Jean II, mit trois vaisseaux et cent soixante hommes d'équipage à la disposition de Vasco de Gama, qui, en 1497, doubla le Cap pour se rendre aux Indes; mais ni lui ni Diaz ne descendirent sur le sol africain. Ce fut un autre navigateur portugais qui aborda le premier au Cap, en 1498. Il s'appelait Joâo de Infante, et nous ne savons pourquoi d'anciennes relations lui ont donné le nom de rio del Elephanter, qui est celui d'une rivière. D'après les renseignements qu'il recueillit, l'occupation de la côte africaine fut décidée à Lisbonne, mais elle ne se réalisa pas. Les hommes chargés de fonder l'établissement furent effrayés de l'aspect farouche et des mœurs barbares des aborigènes. C'étaient les Gaiquas, que les Hollandais nommèrent plus tard Hottentots, en les entendant chanter une chanson dont le refrain était Hottentottum brokana. Ils se divisaient en tribus, dont les principales, suivant les vieilles cartes, étaient les Garinhaiquas, les Sussaquas, les Nessaquas, les Obiquas, les Sonquas, les Khirigriquas, les Houteniquas, les Attaquas, etc.

Ces sauvages avaient le teint basané, les pommettes saillantes, le nez fortement épaté, les narines d'une largeur énorme, la chevelure laineuse. Ils ne savaient point cultiver la terre, mais ils élevaient des troupeaux et chassaient les animaux, qu'ils tuaient avec des flèches empoisonnées, et dont ils enlevaient la partie blessée avant de les manger. Leurs huttes, de forme ovale, étaient faites avec des pieux recourbés qu'ils couvraient de nattes ou de peaux. Il leur était impossible de s'y tenir debout, et ils y vivaient accroupis ou couchés. Ils reconnaissaient un être suprême, qu'ils appelaient Gounga Tekquoa (le dieu de tous les dieux), et auquel ils offraient des bestiaux en sacrifice. Ils regardaient la lune comme un Gounga inférieur et admettaient une divinité malfaisante, Kham-ouna, le génie du mal. Ils croyaient que les premiers parents, ayant offensé le grand Dieu, étaient punis dans leur postérité. Ils croyaient aussi, selon Kolben, que ces premiers parents s'appelaient Noh et Hingnoh; qu'ils étaient rentrés en Afrique par une petite lucarne, et avaient enseigné à leurs enfants l'art d'élever les bestiaux: traditions qui ont une vague mais frappante concordance avec celles de la Bible.

Chaque tribu se subdivisait en kraals, en villages, dont les principaux fonctionnaires étaient le konquer ou chef militaire, le juge, le médecin ou sorcier et le prêtre.

La saleté des Hottentots, leur langage rauque et inarticulé, leurs physionomies stupides, leurs longues zagaies, les firent prendre par les Portugais pour des anthropophages. Après avoir abattu sur le continent quelques pièces de gibier, les colons envoyés par le roi Emmanuel se retirèrent dans une île de la baie, et se rembarquèrent dès que le temps fut favorable.

Une douloureuse catastrophe acheva de faire abandonner au Portugal ses projets de colonisation. François d'Almeyda, vice-roi des Indes, relâcha au Cap en 1509; des matelots qu'il envoya à terre pour se procurer des vivres au moyen d'échanges furent repoussés; il voulut les venger et fut tué avec soixante-quinze des siens. Deux ans plus tard, un détachement portugais descendit sur la même plage avec une pièce de canon chargée à mitraille, et décima les indigènes qui étaient accourus en foule à la rencontre des étrangers.