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A fond de cale

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CHAPITRE XLVII

Excelsior!

Ce fut encore la faim qui me tira de ma torpeur; l'estomac réclamait sa nourriture quotidienne, il fallait lui obéir. J'aurais pu manger sans bouger de place, ayant mon biscuit avec moi; mais la soif m'obligeait à retourner dans ma cabine. C'était là que se trouvait ma cave, s'il importait peu que je fusse ailleurs, soit pour manger, soit pour dormir, j'étais contraint pour boire d'aller retrouver mon tonneau.



Ce n'était pas une chose facile que de rentrer dans ma case; il fallait déranger cette masse d'étoffe qui s'élevait comme un mur entre elle et moi. Je devais le faire avec soin pour ménager la place; autrement je refoulais cette masse de laine dans la cabine, et je ne pouvais pas pénétrer jusqu'au fond.



Il me fallut beaucoup de temps pour gagner la futaille. Enfin j'y arrivai; et lorsque ma soif fut apaisée, ma tête s'inclina, puis je m'endormis, soutenu par le monceau d'étoffe qui se trouvait derrière moi.



J'avais eu soin de fermer la porte aux rats; et cette fois rien ne troubla mon sommeil.



Le matin, c'est-à-dire quand je m'éveillai; cela pouvait être le soir aussi bien que le milieu du jour, car je n'avais pas remonté ma montre; mes habitudes étaient détruites, et je ne savais plus rien des heures. Enfin, à mon réveil, je mangeai quelques miettes et bus énormément; j'étais désaltéré, mais l'estomac criait famine; j'aurais avalé sans peine ce qui me restait de biscuit, et j'eus besoin d'un courage extrême pour m'arrêter au début; il fallut me dire que ce serait mon dernier repas; sans la crainte de la mort je n'aurais pas eu la force de supporter cette abstinence.



Après avoir fait ce très-maigre déjeuner, l'estomac rempli d'eau, et le découragement au cœur, je retournai dans ma caisse avec l'intention de faire de nouvelles recherches. Ma faiblesse était grande, les côtes me perçaient la peau, et c'est tout ce que je pus faire que de remuer les pièces de drap pour me frayer un passage.



L'un des bouts de la caisse s'appuyait aux flancs du navire, je n'avais donc pas à m'en occuper; mais celui qui était en face regardait l'intérieur de la cale, et ce fut de ce côté-là que je poussai mes travaux.



Il est inutile de vous les raconter; l'opération fut la même que les trois précédentes; elle dura plus longtemps et me conduisit au même résultat. Je ne pouvais plus avancer, ni dans un sens, ni dans l'autre; le drap et la toile me bloquaient de toute part, nul moyen de me soustraire à mon sort, et cette conclusion me replongea dans la stupeur.



Mais ce nouvel accès de désespoir fut bientôt dissipé. J'avais lu un récit palpitant où était racontée la lutte héroïque d'un petit garçon qui, enseveli sous des ruines, avait fini par triompher de tous les obstacles, et littéralement vaincu la mort. Je me rappelais qu'il avait pris pour devise un mot latin qui voulait dire: «Plus haut, toujours plus haut!»



Ce fut un trait de lumière: «Plus haut! pensai-je; mais c'est là que je dois aller.» En suivant cette direction, je pouvais trouver un aliment quelconque; d'ailleurs je n'avais pas à choisir: c'était la seule voie qui me fût ouverte.



Une minute après j'étais couché sur un échafaudage de drap, et cherchant l'un des interstices que les planches laissaient entre elles, j'y fourrais mon couteau. Dès que l'entaille me parut assez grande, je saisis la planche à deux mains et l'attirai vers moi; elle céda… Juste ciel! ne devais-je rencontrer que déception sur déception?



Hélas! j'en acquérais la preuve; ces balles de toile, ces monceaux d'étoffe qui m'opposaient leur masse impénétrable, ou leurs plis moelleux, me répondaient affirmativement.



Il me restait la première caisse, où j'avais trouvé du drap, et celle où avaient été les biscuits. La partie supérieure en était encore intacte; je ne savais pas ce qu'il y avait au dessus d'elles; et cette ignorance me permettait d'espérer.



Je m'ouvris ces deux issues avec courage, mais sans être plus heureux: la première me fit trouver une caisse de drap, la seconde un ballot de toile.



«Seigneur! m'avez-vous abandonné?» m'écriai-je avec désespoir.



CHAPITRE XLVIII

Un torrent d'eau-de-vie

L'excès de fatigue avait amené le sommeil, je dormis longtemps, et me réveillai beaucoup plus fort que je ne l'avais été depuis quelques jours. Singulière chose! maintenant qu'il n'y avait plus d'espoir, le courage m'était revenu. Il semblait qu'une influence surnaturelle eût rendu à mon esprit toute sa vigueur. Était-ce une inspiration divine qui m'engageait à persévérer? Malgré l'amertume de mes déceptions, j'avais supporté le malheur sans murmurer, et ne m'étais pas révolté contre Dieu.



Je priai de nouveau le Seigneur de bénir mes efforts, et me confiai en sa miséricorde. Je suis persuadé que c'est à ce sentiment que je dois ma délivrance; car c'est lui qui m'empêcha de me livrer au désespoir, et qui me donna la force de poursuivre ma tâche. J'avais donc l'esprit plus léger, sans pouvoir l'attribuer à autre chose qu'à une influence céleste. Rien n'était changé autour de moi, si ce n'est que ma faim était plus vive, et mon espérance moins fondée.



Je ne pouvais pas pénétrer au delà de cette nouvelle caisse d'étoffe, puisque je n'avais pas de place pour en loger le contenu. Il y avait bien encore deux directions que je n'avais pas tenté de prendre: l'une était fermée par la futaille d'eau douce, l'autre conduisait aux flancs du navire. Pouvais-je traverser ma barrique sans perdre l'eau qu'elle renfermait? J'eus un instant la pensée d'y faire un trou dans la partie supérieure, de me hisser par ce trou, et d'en faire un second de l'autre côté; mais j'abandonnai ce projet avant de l'avoir terminé: une ouverture assez grande pour que je pusse m'y introduire causerait la perte du liquide; un coup de mer, une brise un peu plus forte, qui augmenterait le roulis, répandrait toute ma boisson.



Je renonçai d'autant plus vite à cette folle idée, qu'elle m'en suggéra une autre beaucoup plus avantageuse: c'était de traverser la pipe d'eau-de-vie; elle était placée de manière à rendre l'opération moins difficile, et je me souciais fort peu de la perte de sa liqueur. Peut-être y avait-il derrière elle une provision de biscuit; rien ne le prouvait; mais ce n'était pas impossible, et le doute c'est encore de l'espoir.



Couper en travers les douelles de chêne qui formaient le fond de la barrique, c'était bien autre chose que de trancher le sapin d'un emballage; et mon couteau n'avançait guère. Toutefois, j'y avais déjà fait une incision, lorsque j'étais à la recherche d'une seconde pipe d'eau douce, et passant ma lame dans cette première entaille, je continuai celle-ci jusqu'à ce que la planche fût entièrement coupée; je me mis alors sur le dos, je m'arc-boutai contre l'étoffe qui remplissait ma cellule, en appliquant le talon de ma bottine à la douelle, je m'en servis comme d'un bélier pour enfoncer le tonneau. La besogne était rude, et la planche de chêne fit une longue résistance; à force de cogner, je parvins cependant à briser l'un de ses joints; elle céda, et, redoublant de vigueur, je finis par la repousser dans la futaille.



Le résultat immédiat de cette prouesse fut un jet d'eau-de-vie qui m'inonda. La nappe était si volumineuse qu'avant que je fusse debout, la liqueur ruisselait autour de moi, et je craignis d'être noyé. Il m'était sauté de l'eau-de-vie dans la gorge et dans les yeux; j'en étais aveuglé, je fus pris d'une toux convulsive, et d'éternuments qui menaçaient de ne pas finir.



Je ne me sentais pas d'humeur à plaisanter; et cependant je pensai malgré moi au duc de Clarence, et au singulier genre de mort qu'il avait été choisir, en demandant qu'on le noyât dans un tonneau de Malvoisie.



Quant à moi, le flot qui me menaçait disparut presque aussi vite qu'il avait monté; il y avait plus d'espace qu'il ne lui en fallait sous la cale, et au bout de quinze à vingt secondes il avait été rejoindre l'eau de mer qui gargouillait sous mes pieds. Sans l'état de mes habits, qui étaient trempés, et l'odeur qui remplissait ma case, on ne se serait pas douté de l'inondation; mais cette odeur était si forte qu'elle m'empêchait de respirer.



Le mouvement du navire, en secouant la futaille, eut bientôt vidé cette dernière, et dix minutes après l'irruption du spiritueux, il n'en restait pas une pinte dans la barrique.



Mais je n'avais pas attendu jusque-là; l'ouverture que j'avais pratiquée suffisait pour que je pusse m'y introduire, – il n'y avait pas besoin qu'elle fût bien grande pour cela, – et aussitôt que mon accès de toux avait été calmé, je m'étais glissé dans la barrique.



Je cherchai la bonde, afin d'y passer mon couteau; quelle que fût sa dimension, c'était autant de besogne faite, et il est plus facile de continuer à couper une planche que d'y faire la première entaille. Je trouvai l'ouverture que je cherchais, non pas à l'endroit que je supposais qu'elle devait être, mais sur le côté de la barrique, et juste à un point convenable.



J'avais fait sauter le bondon, et je travaillais avec ardeur. Mes forces me paraissaient décuplées, c'était merveilleux; quelques minutes avant j'étais fatigué, et maintenant je me sentais capable de défoncer le tonneau, sans en couper les douelles.



Était-ce le bien-être que j'éprouvais de cette vigueur, ou la satisfaction qu'elle me donnait? Mais j'étais plein de gaieté, moi qui ne la connaissais plus; on aurait dit qu'au lieu de faire une besogne pénible, je me livrais au plaisir; et je ne me souciais pas mal du succès de l'entreprise.



Je me rappelle que je sifflais en travaillant, et que je me mis à chanter comme un pinson. Plus d'idées noires; celle de la mort était à cent lieues; tout ce que j'avais souffert me paraissait un rêve; je ne savais plus que j'avais besoin de manger; la faim était partie avec le souvenir de mes douleurs.

 



Tout à coup je fus pris d'une soif violente; je me souviens d'avoir fait un effort pour aller boire. Je parvins à sortir de la futaille, j'en ai la certitude; mais je ne sais pas si j'ai bu; à compter du moment où j'ai quitté mon travail, je ne me rappelle plus rien, si ce n'est que je tombai dans un état d'insensibilité voisin de la mort.



CHAPITRE XLIX

Nouveau danger

Pas un rêve ne troubla cette profonde léthargie qui dura quelques heures. Mais quand je revins à moi, je me trouvai sous l'influence d'une crainte indéfinissable; j'éprouvais une sensation étrange; comme si, lancé dans l'espace, j'avais flotté dans l'atmosphère, ou que je fusse tombé d'une étoile, et que, ne pouvant trouver un point d'appui, ma chute se continuât toujours. Cette hallucination, des plus désagréables, me causait le vertige et me saisissait d'épouvante.



Elle devint moins pénible à mesure que je repris mes sens, et finit par se dissiper tout à fait dès que je fus complétement réveillé. Mais il me resta une affreuse douleur de tête, et des nausées qui menaçaient de me faire vomir. Ce n'était pas la mer qui me faisait mal; j'y étais maintenant habitué; je supportais, sans m'en apercevoir, le roulis ordinaire du vaisseau.



Était-ce la fièvre qui m'avait saisi brusquement, ou m'étais-je évanoui par défaillance? Mais j'avais éprouvé l'un et l'autre, et cela ne ressemblait en rien à la sensation qui me dominait.



Je me demandais, sans pouvoir me répondre, ce qui avait pu me mettre dans un pareil état, lorsque la vérité se révéla tout à coup.



N'allez pas croire que j'avais bu de l'eau-de-vie; je n'y avais même pas goûté. Il était possible qu'il m'en fût entré dans la bouche au moment où elle avait jailli de la futaille; mais cette quantité n'aurait pas suffi pour m'enivrer, quand même il se fut agi d'une liqueur beaucoup plus pure que celle dont il est question. Ce n'était pas cela qui m'avait grisé; qu'est-ce que cela pouvait être? Je n'avais jamais ressenti de pareils symptômes; mais je les avais remarqués chez les autres, et j'étais bien certain d'avoir éprouvé tous les phénomènes de l'ivresse.



J'y réfléchis quelque temps, et le mystère se dévoila: ce n'était pas l'eau-de-vie elle-même qui m'avait enivré, c'en était l'émanation.



Avant de me mettre à la besogne, je me rappelais avoir non-seulement beaucoup éternué, mais senti quelque chose d'inexprimable, un revirement subit dans toutes mes pensées, une transformation de tout mon être, qui fut bien autrement sensible quand j'entrai dans la futaille.



Je crus d'abord que j'allais suffoquer; puis je m'y accoutumai graduellement, et cette sensation nouvelle me parut agréable. Je ne m'étonnais plus d'avoir été si fort et si joyeux.



En me rappelant tous les détails de ce singulier épisode, je compris le service que la soif m'avait rendu, et je me félicitai de lui avoir obéi. Ainsi que je l'ai dit plus haut, je ne savais pas si je m'étais désaltéré; je n'avais aucun souvenir de m'être approché de ma fontaine, surtout d'y avoir puisé. Je ne crois pas avoir été jusque-là; si j'avais ôté le fausset, il est probable que je n'aurais pas su le remettre, et la futaille se serait vidée, tout au moins jusqu'au niveau de l'ouverture, ce qui, grâces à Dieu, n'était pas arrivé. Je n'avais donc point à regretter d'avoir eu soif; bien au contraire, sans cela je serais resté dans la pipe d'eau-de-vie; mon ivresse eût été d'autant plus grande; et selon toute probabilité, la mort en aurait été la conséquence.



Était-ce à un effet du hasard que je devais mon salut? J'y voulus voir un fait providentiel; et si la prière peut exprimer la gratitude, la mienne porta au Seigneur l'élan de ma reconnaissance.



J'ignorais donc si j'avais été boire. Dans tous les cas ma soif était ardente, et l'eau que j'avais prise m'avait peu profité; je cherchai bien vite ma tasse, et ne la remis sur la tablette qu'après avoir bu au moins deux quartes.



Le mal de cœur disparut, et les fumées, qui obscurcissaient mon esprit, s'évanouirent sous l'influence de cette libation copieuse. Mais avec la possession de moi-même revint le sentiment des périls dont j'étais environné.



Mon premier mouvement fut de reprendre ma besogne au point où je l'avais interrompue; mais aurais-je la force de la poursuivre? Qu'arriverait-il si je retombais dans le même état, si la torpeur me gagnait avant que je pusse sortir de la futaille, si je manquais de présence d'esprit, ou de courage pour le faire?



Peut-être pourrais-je travailler quelque temps sans éprouver d'ivresse, et m'éloigner aussitôt que j'en ressentirais l'effet. Peut-être; mais s'il en était autrement? si j'étais foudroyé par ces effluves alcooliques? Savais-je combien de temps je leur avais résisté? je le cherchai dans ma mémoire, et ne pus pas m'en souvenir.



Je me rappelais comment l'étrange influence s'était emparée de moi, la douceur que je lui avais trouvée, la force qu'elle m'avait prêtée un instant, l'agréable vertige où elle m'avait plongé, la gaieté qu'elle m'avait rendue, en face de la plus horrible des situations; mais je ne savais pas la durée de ce moment d'oubli, qui me paraissait un songe.



Que tout cela vint à se renouveler, moins la circonstance favorable à laquelle je devais mon salut; qu'au lieu de sortir pour aller boire, je m'évanouisse dans la futaille, et le dénoûment était facile à prédire. Je pouvais cette fois ne pas avoir soif, ou ne pas l'éprouver d'une manière assez violente pour triompher de l'engourdissement qui m'aurait saisi. Bref, l'entreprise était si chanceuse que je n'osai pas m'aventurer.



Cependant il le fallait, sous peine de m'éteindre à la place où j'étais alors. Mourir pour mourir, il valait cent fois mieux ne pas se réveiller de son ivresse, que d'avoir à supporter les horreurs de la faim.



Cette réflexion me rendit toute mon audace. Il n'y avait pas à hésiter; je fis une nouvelle prière, et me glissai dans la pipe où avait été l'eau-de-vie.



CHAPITRE L

Où est mon couteau?

En entrant dans le futaille, j'y cherchai mon couteau; je ne savais plus quand je l'avais quitté, ni à quel endroit je l'avais mis. Avant de m'introduire dans la barrique, je l'avais cherché dans ma cabine; et ne l'ayant pas trouvé, je pensai qu'il était resté dans le tonneau; mais j'avais beau tâter partout, mes doigts ne rencontraient rien.



Cela commençait à m'alarmer; si j'avais perdu mon outil, il ne me restait aucun espoir. Où mon couteau pouvait-il être? Est-ce que les rats l'avaient emporté?



Je sortis de la futaille, et fis de nouvelles recherches; elles ne furent pas plus fructueuses. Je rentrai dans la barrique, et en explorai de nouveau toutes les parties, du moins celle où mon couteau pouvait se trouver, c'est-à-dire le fond de la pipe.



J'allais sortir une seconde fois, quand l'idée me vint d'examiner la bonde; c'était là que je travaillais, lorsque j'avais eu soif, et il était possible que j'y eusse laissé mon couteau; il s'y trouvait effectivement, la lame enfoncée dans la douelle que j'étais en train de couper.



Il vous est plus facile de vous figurer ma joie qu'à moi de vous la dépeindre; mes forces et mon courage s'augmentèrent de cet incident; et sans perdre une minute je me remis à la besogne. Mais, à force de servir, mon couteau s'était émoussé; il avait plus d'une brèche, et mes progrès étaient bien lents à travers cette planche de chêne, qui me semblait dure comme la pierre. Il y avait un quart d'heure que je travaillais de toutes mes forces; à peine avais-je prolongé mon entaille de trois millimètres, et je commençais à me dire que je ne couperais pas toute la douelle.



L'étrange influence se faisait de nouveau sentir; je m'en aperçus alors. J'en connaissais le péril, et cependant je m'y serais abandonné sans peur, car l'insouciance est l'un des effets de l'ivresse. Néanmoins, je m'étais promis de sortir du tonneau dès les premiers symptômes de vertige, quelque pénible que cela pût être, et j'en eus heureusement la force. Quelques minutes de plus, je perdais connaissance dans la futaille, ce qui aurait été le prélude de mon dernier sommeil.



Toutefois, lorsque les premières atteintes de l'ivresse se dissipèrent, j'en vins presque à regretter de leur survivre: à quoi bon prolonger la lutte? Je ne pouvais séjourner dans la futaille qu'un instant, n'y rentrer qu'après un long intervalle; le bois était dur, mon outil ne coupait plus; combien de jours me faudrait-il pour pratiquer une ouverture suffisante? et les heures m'étaient comptées?



Si j'avais pu m'ouvrir cette futaille, espérer de la franchir, le courage ne m'aurait pas abandonné; mais c'était impossible; et quand j'y serais parvenu, j'avais dix chances contre une d'arriver à autre chose qu'à un aliment quelconque.



Le seul bénéfice que m'eût donné la peine que j'avais prise à l'égard de cette futaille, c'est qu'en la défonçant j'avais gagné de l'espace. Quel dommage de ne pas pouvoir la traverser! En supposant qu'il y eût au-dessus d'elle une caisse d'étoffe, j'aurais pu vider celle ci comme j'avais fait la première, et m'avancer d'un degré.



Cette réflexion, qui me paraissait oiseuse, et que je faisais en désespoir de