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La finance au service de l'Afrique

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Tendances régionales et sectorielles

Concernant l’évolution de l’activité de capital-investissement en Afrique, une mise en garde importante s’impose : comme il y a relativement peu d’opérations chaque année, les parts de marché régionales peuvent être dominées par quelques valeurs extrêmes, et elles se caractérisent par d’amples fluctuations d’une année sur l’autre. Pour autant, certaines tendances se détachent visiblement dans les données. La prépondérance de l’Afrique australe et de l’Afrique de l’Ouest dans les destinations du capital-investissement s’est quelque peu estompée au fil du temps (figure 6). L’Afrique du Sud accueille à elle seule la quasi-totalité des investissements en Afrique australe, excepté pour l’année 2019, où le Botswana, étonnamment, a attiré la moitié des opérations en valeur. Malgré un léger tassement au fil des ans, l’Afrique de l’Ouest détient toujours la plus grande part de marché agrégée sur les trois dernières années. Le Nigeria est le plus grand marché de la région et capte régulièrement au moins la moitié des investissements non cotés ; le Ghana se classe en deuxième position.

L’Afrique du Nord représente généralement moins de 15 % des investissements non cotés du continent, malgré la présence en son sein de quelques économies à revenu intermédiaire comme le Maroc et l’Égypte, et son poids dans le PIB africain (28 % en 2019). La part de marché de l’Afrique de l’Est a augmenté à la suite de la crise financière mondiale, mais a fluctué depuis, en dépit d’une croissance assez régulière dans la plupart des grandes économies de la région. Ce marché régional est plus fragmenté que celui des autres régions, mais il compte aussi le plus grand nombre de pays qui contribuent de manière constante à l’activité d’investissement. Le premier d’entre eux est le Kenya, qui a attiré la moitié des investissements non cotés de la région depuis 2008. Derrière viennent Maurice, avec une part de marché de 12 %, puis le Zimbabwe avec 6 % – là encore, en valeur agrégée depuis 2008. L’Éthiopie, pourtant l’une des plus grandes économies de la région, ne reçoit que 5 % des investissements non cotés en Afrique de l’Est. La part de marché de l’Afrique centrale est bien plus modeste, à moins de 1 % pour la plupart des années antérieures à 2017, mais avec un sursaut à plus de 10 % en 2017 puis, de nouveau, en 2020.

L’importance de l’investissement régional « Afrique » a augmenté au fil du temps, mais, à l’exception de 2018, sa part du marché de l’investissement non coté est restée en deçà de 20 %. Par « investissement régional », on entend les investissements réalisés par des fonds de capital-investissement dans des sociétés qui sont généralement établies hors de la région, mais qui ciblent exclusivement ou principalement les marchés africains. En ce sens, l’intérêt des investisseurs étrangers pour les marchés africains croît depuis quelques années. Une dernière remarque à propos des parts de marché commentées ici : il faut préciser que l’ensemble de données ayant servi au calcul n’est pas exhaustif, toutes les opérations concernant un marché n’étant pas forcément divulguées.

En ce qui concerne les principaux secteurs cibles des investissements, la taille relativement petite du marché africain signifie, là encore, que leur part relative varie d’une année sur l’autre. Les investissements dans le secteur des énergies, renouvelables et non renouvelables, représentent fréquemment une part importante des investissements non cotés (figure 7). Les deux segments ont vu leur part augmenter autour de 2014-2015 grâce à quelques grandes opérations, mais depuis, celui des énergies non renouvelables attire moins d’investissements, peut-être parce que les institutions de financement du développement mettent de plus en plus en avant la problématique environnementale. Même si sa part de marché a également diminué, en partie du fait de résultats médiocres en 2017, le segment des énergies renouvelables semble plus résilient que celui des énergies traditionnelles, les investisseurs continuant à se ranger derrière le programme environnemental.

Figure 7 : Affectations sectorielles des investissements non cotés en Afrique


Sources : GPCA ; calculs de l’auteur.

Le secteur des services financiers a reçu un volume substantiel d’investissements au début de la période étudiée, avec quelques grandes opérations en 2010 et 2012. Par la suite, sa part de marché n’a pas dépassé 11 %, jusqu’en 2020, année où elle a bondi à 20 %. Les montants absolus investis dans les entreprises financières ont, en réalité, légèrement augmenté, mais le marché dans son ensemble a progressé plus vite. Par ailleurs, un report s’est opéré vers les sociétés de technologie financière, entraînant une forte augmentation du nombre des opérations, mais une baisse de leur valeur ; il semble en effet que ce nouveau segment se caractérise par des opérations de moindre envergure que les investissements classiques dans la banque, l’assurance et la gestion d’actifs. La valeur des opérations a connu un pic en 2014, à 25 millions d’USD en moyenne sur trois ans, mais était redescendue à 10 millions d’USD en 2019. Dans une analyse du marché africain des technologies financières, Katz, 2020 note que deux types d’acteurs des technologies financières s’arrogent la part du lion des investissements dans ce secteur : les prestataires de services de paiement et les prêteurs numériques.

Si la pandémie a eu peu d’effet sur le volume total des investissements en 2020, il semble bien qu’elle ait modifié les choix sectoriels. Ainsi, le secteur de la santé, destinataire de 4 % des investissements (en moyenne sur trois ans) de 2016 à 2019, a vu sa part de marché bondir à 14 % en 2020, son record absolu à cette date. L’informatique, dont la part de marché n’avait jamais dépassé 1 % par an entre 2011 et 2019, a connu une embellie similaire en 2020, en recueillant 12 % des investissements totaux. Enfin, comme nous l’avons vu, le secteur des services financiers a augmenté sa part de marché en 2020. L’activité de capital-investissement a donc la capacité de contribuer à une réaffectation rapide des financements entre les secteurs lorsque les circonstances changent.

Stratégies de sortie

Pour le capital-investisseur, la rentabilité de son investissement dépend des options de sortie adaptées qui s’offrent à lui. Les principales stratégies de sortie sont la cession stratégique, la cession « secondaire », l’introduction en Bourse et le rachat par l’actionnaire entrepreneur. Dans la cession stratégique, l’investisseur en capital-investissement ou en capital-risque vend sa participation à un acteur du secteur qui se porte acquéreur de l’entreprise dans un but stratégique. La cession « secondaire » consiste à vendre sa participation à un autre capital-investisseur – un autre fonds de capital investissement – qui a vocation à soutenir une nouvelle phase de croissance de l’entreprise. Entre dans cette catégorie toute cession à un autre investisseur financier qui n’a pas pour activité la gestion de fonds classiques. L’introduction en Bourse implique la cotation ou la négociation sur un marché boursier du capital de l’entreprise, généralement par le biais d’une offre au public d’actions, d’une introduction en Bourse avec augmentation de capital ou d’une cotation directe sans offre publique. Enfin, le rachat par l’actionnaire entrepreneur est une opération financière dans laquelle l’investisseur revend sa part du capital à l’actionnaire initial ou à l’équipe dirigeante en place.

Figure 8 : Total des entreprises cédées par type de sortie


Source : GPCA.

Le mode de sortie le plus courant en Afrique ces 13 années a été la cession stratégique à un autre acquéreur du secteur, avec 122 sorties sur 389. Deuxième stratégie de sortie privilégiée : la cession secondaire à un autre acteur du capital-investissement, fonds ou société financière (79 sorties). Il y a eu 72 cessions par offre au public, mais moins de la moitié concernait des introductions en Bourse avec admission à la cote, lesquelles ne représentent généralement que trois ou quatre sorties chaque année. Le rachat par l’actionnaire entrepreneur a été la stratégie de sortie dans 35 cas. Les 81 sorties restantes sont classées dans la catégorie « autres », qui comprend les rachats d’actions, le remboursement d’actions privilégiées et les sorties non divulguées.

La pandémie a vraisemblablement joué sur le nombre des sorties en 2020, qui est tombé à 31, contre 54 en 2019 (figure 8). Certes, le chiffre de 2019 était exceptionnellement élevé, mais le recul reste valable si l’on compare avec 2017 et 2018 (respectivement 41 et 39 sorties). Il est intéressant de noter que les deux catégories les plus affectées par ce recul sont l’introduction en Bourse et le rachat par l’actionnaire entrepreneur, qui totalisent quatre sorties en 2020. La grande majorité des sorties se sont faites par cession stratégique ou cession secondaire, les deux catégories enregistrant des niveaux proches de ceux de 2017-2018.

Les cessions secondaires étaient rares avant 2014, mais, avec l’essor du secteur du capital-investissement en Afrique s’est créé une véritable activité de cession de participations entre capital-investisseurs, en fonction des différents stades de développement des entreprises bénéficiaires. Cependant, le niveau des levées de fonds indique la taille du marché secondaire potentiel ; aussi, si l’activité de levée de fonds ne se redresse pas après la pandémie, les possibilités de sortie, pour les fonds existants, pourraient se réduire encore. Le nombre des introductions en Bourse a été au plus haut entre 2013 et 2017 ; ces dernières années, en revanche, il a été moindre. La forte baisse du nombre total de sorties pour l’Afrique en 2020 contraste avec la hausse de 8 % des cessions pour l’ensemble des marchés émergents et des économies en développement.

 

Les possibilités limitées de sortie par introduction en Bourse sont une caractéristique du marché africain qui décourage les opérations en capital-investissement. La tendance générale à la baisse du nombre des sorties (si l’on exclut le pic de 2019) se constate alors même que le nombre d’opérations augmente (figure 6), d’où l’on peut déduire que la durée de détention des investissements s’allonge, ce qu’elle ne peut pas faire à l’infini. La valeur des investissements non cotés est liée à la valorisation des actions ; à moins qu’il n’y ait des possibilités de sortir au moment où la valorisation est favorable, les entrées d’investissements risquent de se trouver restreintes.

Défis et possibilités
Les défis

Comprendre les défis auxquels est confronté le marché africain du capital-investissement et du capital-risque pourrait aider à enrayer le déclin de la part du continent dans l’investissement non coté mondial. Groh et al., 2018 ont réalisé la plus récente d’une série d’études de l’IESE Business School qui tente de classer les pays au niveau mondial en fonction de l’attractivité de leurs marchés de capital-investissement et de capital-risque. Le classement se fait sur les critères suivants (dont la pondération au sein de l’indice global est indiquée entre parenthèses) : Activité économique (14 %), Profondeur du marché des capitaux (32 %), Fiscalité (5 %), Protection des investisseurs et gouvernance (14 %), Environnement humain et social (14 %), et Culture entrepreneuriale et potentiel d’opérations (23 %). L’étude établit également un classement des régions sur ces mêmes critères, comme le montre le tableau 1.

Tableau 1 : Attractivité de la région pour le capital-risque et le capital-investissement


Source : tableau repris de Groh et al., 2018.

Parmi les huit régions du monde, l’Afrique se classe dernière pour tous les indicateurs, sauf la protection des investisseurs et la gouvernance, pour lequel elle devance de peu l’Amérique latine (tableau 1). C’est pour les critères de profondeur du marché des capitaux et de culture entrepreneuriale et potentiel d’opérations, soit les deux premières pondérations de l’indice, que l’écart avec les autres régions est le plus grand. Les indicateurs qui mesurent la culture entrepreneuriale et le potentiel d’opérations concernent l’innovation, la facilité de créer ou de fermer une entreprise, et l’activité de recherche-développement ; sans ces éléments, de nouvelles entreprises susceptibles d’être ciblées par les fonds de capital-investissement et de capital-risque ont moins de chances de voir le jour. La profondeur du marché des capitaux se mesure par la taille du marché boursier, les introductions en Bourse (et leur potentiel de sortie avec plus-value pour le capital-investisseur), l’accès aux financements et les performances du secteur financier. Or, comme indiqué précédemment, l’effet de levier est beaucoup plus faible dans les opérations africaines, ce qui s’explique peut-être davantage par la taille réduite des opérations que par les contraintes de financement. La petite taille des marchés d’actions peut aussi inciter les capital-investisseurs à s’exposer à des secteurs non représentés dans l’indice boursier. De ce point de vue, le marché africain présente sans doute certaines particularités qu’il convient de garder à l’esprit.

Au-delà des facteurs mis en évidence par Groh et al., 2018, la baisse de la rentabilité du capital-investissement ces dernières années a probablement modifié l’attractivité relative des investissements non cotés en Afrique. Quel que soit l’horizon d’investissement, les marchés avancés offrent des rendements plus élevés que les marchés émergents et les économies en développement (figure 9), mais en Afrique, la rentabilité à un horizon de trois à dix ans est comprise entre 2 % et 4 %, ce qui est nettement inférieur aux 8 à 10 % de l’ensemble des MEED. Les rendements ont, en outre, pâti de l’évolution défavorable des taux de change (figure 10) ; plusieurs grandes monnaies du continent se sont en effet considérablement dépréciées au cours des dix dernières années. Il est probable que, tant que le risque de change restera élevé, certains investisseurs hésiteront à entrer sur le marché africain.

Figure 9 : Rendements du capital-investissement et du capital-risque par région (pour des participations conservées de bout en bout, en %)


Source : Cambridge Associates LLC (données reproduites avec l’autorisation spéciale de la société).

Figure 10 : Taux de change de quelques monnaies par rapport à l’USD (base : 2010 = 100 ; un point plus élevé sur la courbe indique une dépréciation)


Sources : Bloomberg ; calculs de l’auteur. Remarque : ZAR = rand (Afrique du Sud) ; KES = shilling kényan, NGN = naira (Nigeria) ; MAD = dirham marocain.

Un autre problème auquel sont confrontés les investisseurs dans toutes les régions est le niveau général élevé des valorisations, réaffirmé par le rebond rapide des indices boursiers après le début de la pandémie. La figure 11 montre l’évolution de l’indice boursier d’un échantillon de pays africains. Presque tous ont d’ores et déjà retrouvé, voire dépassé, leur niveau d’avant la pandémie. Les Bourses de valeurs de l’Afrique du Sud et du Nigeria – deux des plus grands marchés africains pour les flux de financements privés – ont enregistré des hausses respectives de 19 % et 31 % entre janvier 2020 et avril 2021. Deux exceptions à cette tendance haussière sont l’Égypte et le Maroc, dont les marchés d’actions sont en recul de 11 % et 8 %, respectivement, par rapport à janvier 2020. Étant donné la forte corrélation qui existe habituellement entre les valorisations des sociétés cotées et non cotées, la valeur élevée des marchés boursiers rend plus difficile, pour les investisseurs, de discerner les possibilités d’investissements rentables.

Figure 11 : Évolution de l’indice boursier de quelques pays (base : janvier 2020 = 100)


Sources : Bloomberg ; calculs de l’auteur.

Les possibilités

La taille du marché africain du capital-investissement ne pourra pas croître sans une plus grande participation locale et internationale. Les investisseurs locaux ne se heurtent pas aux obstacles des taux de change et ils peuvent avoir une préférence pour les actifs locaux. Abstraction faite du recul du PIB par habitant en 2020 dû à la pandémie, une combinaison de facteurs (croissance démographique, urbanisation et montée des classes moyennes) a donné lieu à une augmentation des actifs gérés par les fonds de pension qui pourrait alimenter les marchés du capital-investissement et du capital-risque. Irving, 2020 calcule que le total des actifs sous gestion dans le secteur des pensions du Nigeria (le plus grand d’Afrique subsaharienne après l’Afrique du Sud) a été multiplié par plus de 9,5 entre la fin de 2006 et la fin de 2019, où il atteignait un montant estimé à 33,3 milliards d’USD. D’autres pays, notamment le Kenya, la Namibie, le Botswana et le Ghana, ont également connu une forte hausse de cet indicateur – jusqu’à 30 % par an dans certains cas. Au Nigeria et au Kenya, les actifs nationaux représentaient 99 % des actifs sous gestion au 31 décembre 2019. Un fort biais domestique persistant dans l’allocation d’actifs de fonds de pension en pleine expansion ne peut que profiter au secteur africain du capital-investissement.

Aux États-Unis, une décision de 1987 autorisant pour la première fois les caisses de retraite à détenir des actifs de capital-investissement a été un catalyseur majeur pour la croissance de ce marché. Dans certains pays africains également, les règles ont été assouplies pour autoriser l’allocation d’actifs au secteur du capital-investissement ou relever le plafond d’une telle autorisation. Barry, 2017 note que le Nigeria a modifié sa réglementation sur les fonds de pension afin d’inclure spécifiquement le capital-investissement dans les catégories d’actifs que peuvent détenir ces investisseurs institutionnels, tandis que l’Afrique du Sud a relevé, de 2,5 % à 10 %, le pourcentage de leurs actifs totaux que les caisses de retraite sont autorisées à allouer au capital-investissement.

En général, les considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sont un aspect important des opérations en capital-investissement, en Afrique, en partie grâce au rôle des institutions de financement du développement dans la création et la promotion de cette activité sur le continent. Ces institutions ont très tôt mis l’accent sur les critères ESG, qui font donc partie de la stratégie du capital-investissement depuis la création de ce secteur. Dans une enquête menée en 2020 par la Société financière internationale (IFC) auprès des fonds de pension sud-africains, 119 des 139 répondants ont déclaré avoir une partie de leurs actifs allouée au capital-investissement. L’enquête a en outre révélé que le capital-investissement était un véhicule courant pour les investissements verts des fonds de pension. Dans une enquête plus large effectuée en 2017 par l’Africa Venture Capital Association, abordant le capital-investissement dans sa dimension ESG et couvrant 28 % de toutes les entreprises accompagnées par cette forme d’investissement, 60 % des sociétés de capital-investissement de l’échantillon ont déclaré rendre compte des aspects ESG à leurs investisseurs. En outre, 80 % des entreprises bénéficiaires d’investissements avaient intégré des considérations ESG dans leurs processus dès le début de l’accompagnement. Ces résultats n’ont rien à envier à ceux d’une étude mondiale à tropisme européen (66 % des sociétés de capital-investissement interrogées avaient leur siège en Europe), réalisée en 2016 par PwC, dans laquelle, malgré un questionnaire légèrement différent, 60 % des sondés ont répondu qu’ils examinaient le profil risques-perspectives ESG des entreprises ciblées avant de procéder à l’acquisition.

Ce souci des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance pourrait être un atout pour séduire davantage de capital-investisseurs étrangers et compléter la mobilisation de fonds locale. En Europe, la taxinomie de l’UE est un nouveau système de classification des activités économiques écologiquement durables. Obliger les investisseurs à divulguer la part des actifs durables dans le total de leurs participations a des chances de les amener à accroître ce type d’investissements. Cet intérêt particulier des investisseurs des marchés développés pour les questions ESG peut être profitable au capital-investissement africain. L’Afrique du Sud travaille actuellement aussi à la mise au point d’une taxinomie similaire, dont l’application réduira le coût du suivi des investissements ESG, coût que l’enquête de l’IFC, 2020 citait comme un obstacle majeur aux investissements verts par les fonds de pension. Les États-Unis ont récemment évolué dans la direction opposée, le ministère du travail ayant publié en novembre 2020 une décision qui décourage l’utilisation de critères non financiers dans le choix des investissements des fonds de pension (Bain, 2020). Cependant, le nouvel élan de soutien aux mesures pour l’environnement constaté dans la foulée de l’élection de M. Biden à la présidence des États-Unis peut laisser espérer que les investisseurs américains en viendront à porter le même intérêt aux critères ESG.

 

Des données récentes indiquent, de plus, que les investissements ESG génèrent de solides rendements. Cole et al., 2020 examinent les investissements en fonds propres de l’IFC (membre du Groupe de la Banque mondiale) dans les marchés émergents et les économies en développement, y compris l’encours de l’institution sur les pays très pauvres dont le PIB réel par habitant est inférieur à 1 000 USD. Ils concluent à des rendements cumulés supérieurs de 15 % à ceux de l’indice S&P 500 sur la période 1957-2019, et à des rendements plus élevés dans les pays les plus peuplés. Ils notent avec intérêt que si les facteurs macroéconomiques tels que la croissance du PIB ou la dépréciation de la monnaie ont eu une influence sur les rendements, les éléments du risque pays, comme l’aléa politique, le degré de corruption perçu et la facilité dans la pratique des affaires, au moment de l’investissement n’ont pas eu d’incidence notable.

Figure 12 : Dépenses de consommation des ménages (croissance annuelle en %)


Source : FMI.

Une autre incitation à l’investissement en Afrique est l’expansion de la classe des consommateurs. Quantifier le potentiel de ces marchés de consommateurs dans les différents pays africains est d’autant plus difficile que les indicateurs officiels excluent la part – importante – des revenus issus des activités informelles. Ce que l’on sait néanmoins, c’est qu’entre 2000 et 2019, la consommation des ménages a crû en moyenne de 4,8 % en Afrique subsaharienne et de 4,3 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, avec toutefois un ralentissement notable dès avant la pandémie. Le résultat de ces deux décennies de progression ininterrompue de la consommation est un marché de consommateurs en expansion, qui a nourri le développement du capital-risque sur les marchés africains du non-coté ces dernières années. Si la pandémie a inopportunément fait basculer dans la pauvreté des millions de personnes, les entreprises peuvent toujours compter, dans l’immédiat, sur des financements privés, pour peu qu’elles soient agiles et sachent adapter leur modèle commercial à l’environnement actuel, y compris en misant davantage sur la transformation numérique. Le poids croissant de la santé, de l’informatique et de la finance-technologies financières dans les affectations sectorielles en 2020 montre que la classe des consommateurs reste au coeur des priorités de l’investissement non coté et souligne la nécessité de mesures de relance économique et de soutien au pouvoir d’achat.