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Childéric, Roi des Francs, (tome second)

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Je me prosternai, et je jurai à Hirman de remplir les devoirs dont je reconnoissois l'importance; mais je lui témoignai le désir de ne pas quitter ces lieux sans offrir un sacrifice sur la tombe de mon père; il y consentit, ordonna les préparatifs. Nous nous rendîmes au temple; j'unis le nom et le souvenir de ma mère à celui d'Humfroi; je les confondis dans mon cœur. Après cette cérémonie, triste, lugubre, mais qui satisfaisoit ma douleur, j'offris à Hirman l'hommage de ma profonde reconnoissance, et me préparai au départ; le respectable Druide me conduisit par un souterrain, pour éviter les gardes que le roi défiant avoit placés; j'arrivai chez Taber avant la fin de la nuit, et j'eus le bonheur de trouver ma chère Eusèbe tout-à-fait rétablie. Ce jour s'écoula rapidement; déguisés, nous partîmes tous à l'entrée de la nuit, et nous voyageâmes ainsi jusqu'en France; ce ne fut que dans vos états que nous cessâmes de craindre, que nous commençâmes à être vraiment heureux; par-tout on vantoit, on chantoit; on adoroit Childéric, et mon cœur s'unissoit à tous les cœurs.

Le jeune monarque, pendant ce récit, pensoit avec douleur qu'il s'élevoit encore un obstacle entre Bazine et lui; cependant il n'osa troubler un si beau jour par une plainte; la princesse, d'ailleurs, l'entendoit sans qu'il parlât; elle souffroit comme lui… il alloit la quitter… il alloit combattre loin d'elle… L'heure de se retirer vint à son tour; les voyageuses étoient fatiguées; elles furent conduites à leur appartement; celui du capitaine des gardes fut ouvert à Eginard; le lendemain il en commença les fonctions, et la plus chère pour lui fut de ne pas quitter le roi. Valamir fut reçu parmi les braves avec les cérémonies usitées, et le roi annonça que dans deux jours on marcheroit contre les Saxons. Bazine applaudit à ce projet guerrier; Berthilie, tremblante, baissa les yeux, quelques larmes s'en échappèrent; la belle princesse s'en aperçut, et chercha à la consoler. Je ne suis point reine, lui répondit Berthilie, mon cœur est simple, j'aime mieux le bonheur que la gloire. Bazine sourit et l'approuva tout bas. Le lendemain fut donné, en partie, aux grands préparatifs du départ, l'aurore en fut le signal; les chants guerriers l'annoncèrent, et Childéric ne les fit pas répéter. Viomade ne le suivit point, le roi lui laissoit le gouvernement, il lui confioit le soin de Bazine. Des couriers annoncèrent bientôt la défaite des Romains, celle d'Odoacre, la prise d'Angers, celle des îles de la Loire. Egidius, toujours vaincu, perdit la vie dans la bataille. Childéric, poursuivant ses conquêtes, entra dans Beauvais, qui lui ouvrit ses portes, et là il médita un plus beau triomphe. Mais tandis qu'il reposoit un moment son infatigable armée, une femme éplorée vient tomber à ses genoux;… c'est la superbe Egésippe dans tout l'éclat de sa beauté, parée de ses larmes, et se flattant de reconquérir encore le cœur où elle a régné. Le roi, surpris à sa vue, la relève; il n'outrage point à ses malheurs, il y compatit même, et Egésippe se croit encore reine. Développant tout l'artifice de son esprit, elle s'excuse sur l'empire inconcevable qu'un maître, plus qu'un amant, avoit sur ses volontés, tandis que son cœur, malgré elle, se donnoit secrètement. Qu'il l'a bien punie de sa foiblesse! qu'elle a souffert dans son odieux esclavage! que de fois elle a versé des larmes! que de fois son ame a volé sur les pas du seul mortel qu'elle ait aimé! combien elle eût préféré son exil à ce trône où, esclave couronnée, elle n'éprouvoit que des remords! Qu'elle étoit belle en parlant ainsi! Ses yeux remplis de douces flammes, sa bouche embellie d'un tendre sourire, ses bras dont elle développoit les grâces, sa taille majestueuse dont elle dessinoit tous les mouvemens… Mais tant d'art et tant de charmes étoient sans puissance sur un cœur détrompé et tout à Bazine. Veuve d'Egidius, lui dit le roi, vos malheurs me touchent; que puis-je faire pour les adoucir? M'accorder, lui dit-elle, un asile dans votre cour, m'admettre au rang de vos sujettes, me laisser vivre à l'ombre de votre trône. Non! non! reprit le roi, trop de regrets et de honte empoisonneroient vos jours; retournez dans votre patrie, j'ordonnerai tout pour que votre voyage soit sans dangers; quittez des lieux occupés par les ennemis vainqueurs de votre époux; vous le devez à ses mânes. Egésippe, étonnée, furieuse, alloit répliquer; Childéric, sur l'heure même, ordonna son départ, et la fit reconduire chez elle pour s'y préparer. Quelle imposture! se disoit-il, et que Bazine, sans art, est bien plus belle! Un mot de sa bouche timide enchante et persuade; son regard modeste, et souvent baissé, parvient rapidement à l'ame; la vertu, la bonté respirent dans ses traits; l'air est plus pur en sa présence; on l'adore, on la respecte, on n'oseroit la désirer! Ah! céleste Bazine, si jamais mon trône s'embellit par toi, je croirai m'y asseoir auprès de l'innocence. Ainsi pensoit Childéric, et sa main traçoit sur ses tablettes, fidèles interprètes de son cœur, des sentimens purs et sincères, qui portoient à Bazine et l'amour et le bonheur.

Il ne restoit plus à faire qu'une seule conquête pour mettre au plus haut comble la gloire et la puissance de Childéric. Lutecia, ou plutôt Paris, cette ville toujours si chère à ses rois, et qui depuis Clovis fut toujours la capitale de la France, manquoit encore à ce royaume florissant et conquis en si peu d'années; la Seine et les marais dont elle étoit entourée en rendoit l'abord pénible, et le siége non moins difficile. Depuis Jules-César, elle appartenoit aux Romains; et l'heureux possesseur des plus belles contrées toujours embellies d'un ciel pur et serein, appeloit sa chère Lutèce, cette ville encore si loin de ce qu'elle est aujourd'hui, bâtie dans les eaux et sous des brouillards qui s'élevoient du sein des marais. Paris n'étoit alors que la partie connue aujourd'hui sous le nom de la Cité. On y parvenoit par deux ponts; à la tête de chacun des ponts étoit un château, le grand et le petit Châtelet; les Druides avoient un collége et un temple consacré à Isis (Saint-Vincent), depuis, Saint-Germain-des-Prés. Pluton avoit un temple sur le mont Leucotitius, devenu le couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques; Notre-Dame fut aussi un autel érigé à Jupiter, à Esus, à Vulcain, à Castor et Pollux; et le château des Thermes, bâti en 306, sur le modèle des bains de Dioclétien, fut la demeure des comtes qui gouvernèrent Paris, et devint celle de nos rois. Telle étoit alors cette ville aujourd'hui si belle, et qui réunit dans son enceinte tous les chefs-d'œuvre que les siècles ont enfantés, et qu'ils avoient distribués dans l'univers. Une seule main, un seul génie a tout rassemblé; l'artiste ne va plus au loin chercher ses modèles, et le curieux voyageur trouve au Muséum le but et les fruits des plus longs voyages. Cette ville, si belle par ses édifices, si intéressante par la réunion des beaux arts, des talens, du luxe et de la fortune, et que la présence de ses rois avoit si long-tems ornée, comme elle l'embellit aujourd'hui, n'a rien à souhaiter peut-être que d'avoir pu s'élever sur les bords attrayans de la Loire, qui lui eussent donné un sol plus fertile, un air plus doux, un ciel plus heureux, et une situation politique plus avantageuse. Childéric, craignant de perdre ses soldats dans les marais, ou d'entrer par un pont étroit et facile à défendre, fit construire un grand nombre de bateaux, traversa la Seine, et entra par ce terrain si bien bâti de nos jours, depuis l'église Saint-Gervais jusqu'au Louvre; il fit camper une partie de ses troupes à l'extrémité de chaque pont; les Parisiens ainsi enfermés, se rendirent après une courte résistance; le roi marcha au palais des Thermes dont il prit possession, et forma un camp sur la grande place dont il étoit environné. Bientôt il s'occupa de faire aimer son triomphe, en détruisant le fisc romain, en donnant de sages lois; les temples furent ouverts, les sacrifices les plus solennels y furent offerts aux dieux, et Childéric n'oublia point celui de Mars, bâti sur le mont que nous connoissons sous le nom de Montmartre. Ainsi fut conquise cette grande ville qui devoit avoir de si hautes destinées.

La gloire n'exigeoit plus rien du roi qui venoit d'en obtenir tant de faveurs; l'amour seul avoit encore des dons à lui faire; Childéric les souhaitoit depuis trop long-tems, il les avoit trop bien mérités pour ne pas les obtenir. Après avoir assuré par-tout sa domination, après l'avoir fait aimer, il reprit le chemin de Tournay, s'arrêtant dans toutes les villes, et y recevant les témoignages de l'amour et de la fidélité des peuples. Il approchoit de l'heureuse ville qui renfermoit l'objet de ses seuls désirs, le prix de son courage, de ses longues peines, de ses sacrifices. Mais de nouveaux obstacles n'alloient-ils pas l'écarter encore du bonheur? Bazine étoit-elle libre enfin? n'avoit-il plus rien à redouter? Plus il approche, plus son cœur palpite de crainte, plus il frémit. Mais des arcs de triomphe sont élevés, des festons de fleurs ornent son passage; un char doré, que traînent quatre bœufs de la couleur des neiges, marche au-devant de lui; plusieurs chars, une foule immense le suivent, Bazine en fait le plus bel ornement; sur son front d'albâtre étincellent les feux des diamans, son manteau en est couvert, le bonheur l'embellit, et Childéric, à son aspect, devine qu'il n'a plus de rival. Viomade, placé au-dessous de la princesse, sourit à la joie de son maître; ils arrêtent leurs dociles conducteurs; le roi s'approche; les cris du peuple se font entendre; la belle princesse invite le monarque à se placer près d'elle; il obéit, et tous reprennent la route de Tournay; les Bardes chantent, ils célèbrent les triomphes et le retour du roi; les instrumens se font entendre, les rues sont ornées de feuillages, et le cortége arrive ainsi au palais. Pendant la route, Valamir, Eginard se sont rapprochés d'un second char non moins décoré, non moins précieux, et le premier objet qui frappe en entrant les regards du roi, c'est Théobard, le vertueux père de Berthilie. Eginard, en l'apercevant, éprouva un sentiment de trouble qui tenoit de la joie et de l'inquiétude. Le roi ne craignoit plus rien, il lui fit le plus tendre accueil, et après les premiers mouvemens d'une arrivée si nombreuse, si imposante, on s'assit autour de Théobard, qui fit ainsi l'histoire des événemens qui le conduisoient en France, où il étoit depuis quelques jours.

 

Mon roi, dit-il, attendoit avec la plus vive impatience que le tems du sacrifice de la princesse fut expiré: il s'écoula enfin, et nous marchâmes au temple. A notre arrivée, les portes s'ouvrirent; Hirman parut dans toute la pompe qui précède les grands mystères. Roi! que voulez-vous? dit-il d'une voix terrible. Mon épouse, répondit Bazin. – Suivez-moi… Le roi marchoit rapidement, mais je le voyois pâlir. Nous entrâmes dans une salle de marbre noir, éclairée de torches funèbres; une tombe, aussi de marbre noir, s'élevoit dans ce lugubre séjour; Hirman s'arrêta… Roi! dit-il, votre cœur est-il muet? ce tombeau ne lui fait-il donc rien sentir? Bazin frissonnoit, ses cheveux se hérissoient, la sueur découloit de son front. – Vous voulez votre épouse?.. Eh bien! osez la demander à son père! il est là!.. s'écria Hirman, en lui montrant le tombeau, il est là!.. O Humfroi! ajouta-t-il, en étendant ses bras, roi malheureux! frère plus malheureux encore! sors de la tombe où le fratricide t'a plongé; et pour prix de ses crimes, viens lui livrer encore l'innocente Bazine! Ombre révérée, parois à nos yeux… Ciel! où suis-je! dit le roi; mon frère!.. ô mon frère! pardonne!.. et il erroit autour de la tombe… Sortons! sortons! me dit-il, fuyons ces horribles lieux! Hirman le rappeloit en vain; il marchoit à pas précipités, et dans son désordre, il renversa le trépied sur lequel brûloit le succin jaune, parfum des tombeaux. Le bruit épouvantable de sa chûte retentit en sons lugubres dans toutes les voûtes du temple; j'en fus moi-même effrayé. Arrache-moi d'ici, Théobard! disoit le roi; la tombe s'ouvre et va m'engloutir!.. Je vois Humfroi! je le sens! il me dévore les entrailles! il déchire mon sein! il me tue!.. Emu, touché de l'état terrible du roi, je l'entraînai hors du temple; il put à peine retrouver assez de raison pour cacher son trouble à ceux dont il étoit entouré; il lui tardoit d'échapper aux témoins curieux, dont les regards questionnoient le roi sur la princesse, et sur l'abattement qu'il ne pouvoit vaincre. Seuls, enfin, il m'ouvrit son cœur, me parla avec remords du crime affreux auquel il devoit le trône, mais dont le souvenir troubloit tous ses plaisirs, détruisoit son repos, ternissoit ses plus beaux jours. J'avouai alors au roi que je connoissois cette malheureuse époque de sa vie; je lui détaillai la mort lente d'Humfroi; je lui fis part du pardon que ce tendre frère lui avoit accordé à sa dernière heure, du silence qu'il avoit exigé des Druides, de Taber et d'Eusèbe; de leur obéissance, jusqu'au moment où il voulut forcer la princesse à un hymen qui paroissoit si criminel à ceux qui avoient vu périr Humfroi; enfin, des ordres d'Hirman, qui s'étoit vu forcé à recourir à cette ruse pour sauver la vie de Bazine, et la soustraire à ses rigueurs. Chaque mot que je prononçois parvenoit au cœur du roi; ses larmes couloient avec abondance. Ah! me disoit-il, j'entends encore sa voix, sa voix désolée m'appelle à son secours!.. cette voix d'un frère me suit en tous lieux!.. Ah! crois-moi, Théobard, je n'ai jamais joui paisiblement!.. Le ciel met dans le cœur du coupable une inquiète agitation qui l'empoisonne, et tôt ou tard un remords vengeur le déchire!.. Bazin, depuis ce jour, étoit triste, rêveur; il fuyoit tous les regards, offroit des sacrifices; le repentir gravoit son empreinte sur son front pâle et chargé d'ennuis… Théobard, me dit-il un jour, je ne puis résister à ma douleur; il faut que j'expire, ou que les justes dieux qui me persécutent s'appaisent enfin; ma vie n'est plus qu'un long supplice; va trouver Hirman, peins-lui mon sort, qu'il ordonne, j'obéirai, mais qu'il me délivre, s'il se peut, de mes tourmens! Le vénérable Druide daigna venir lui-même; il appaisa une partie des orageux transports du roi. Les dieux sont clémens, lui dit-il, et vos remords vont les fléchir. Humfroi lui-même prononça votre pardon, si vous rendiez constamment heureuse la fille si chère que vous veniez d'adopter; assurez son bonheur, et le pardon d'un frère à sa dernière heure va répandre sur vos jours une longue et délicieuse paix! Que dois-je faire pour Bazine? répondit le roi déjà moins agité; parlez, sage Hirman: faut-il descendre de ce trône qui lui appartient plus qu'à moi? Non, non, reprit le grand-prêtre; régnez, régnez avec gloire, avec justice! mais brisez les liens odieux qui enchaînent à vous une infortunée! Un trône aussi grand que le vôtre lui est offert; elle ne vous demande que de la rendre à elle-même; l'ombre d'Humfroi satisfaite, les dieux contens, vos remords appaisés, vous passerez encore d'heureux jours, et vous sentirez que l'ame ne jouit que par la vertu! Bazin consentit sans peine à rendre à la princesse une main qui n'avoit jamais dû lui appartenir, et ce même autel, qui vit former ces nœuds, les vit encore se rompre. Le roi ayant appris d'Hirman que la princesse étoit en France, me chargea de me rendre à votre cour, de vous y annoncer que rien ne s'oppose à votre union, à laquelle il donne son consentement. J'arrive avec de magnifiques présens pour la princesse, pour Eusèbe et Taber; j'avois déjà annoncé à Bazine qu'elle étoit libre, mais j'avois réservé ces détails pour l'instant qui vous rendroit à son cœur. A ces mots, Théobard faisant apporter un riche coffre garni d'or, le remit à la princesse, et offrit également à Eusèbe et à Taber une bourse d'or, des bracelets, un collier, un bandeau de pierreries. Eusèbe, à l'instant même, les attacha sur Elénire, qui refusoit de les recevoir, et Taber lui donna aussi la bourse d'or; elle s'opposoit encore plus vivement à ces dons: Acceptez, Elénire, dit le roi; Taber n'a plus besoin de rien, je me charge de sa fortune.

C'étoit beaucoup sans doute que d'être assuré de son bonheur; mais il falloit encore en jouir, et que l'hymen en assurât la durée. Tandis que Childéric en préparoit les instans, en arrêtoit le jour fortuné, de concert avec Bazine et Viomade, Berthilie, les yeux baissés, effeuilloit une rose en écoutant Eginard qui lui parloit un bien doux langage; Valamir, moins vif et moins sûr d'être aimé, parloit moins à Elénire, qui ne répondoit que par sa rougeur; Ulric sourioit au bonheur de ses enfans, et jouissoit de leurs plaisirs. Bazine ne pouvoit oublier long-tems la fille d'Eusèbe ni Valamir. Ah! dit-elle au roi, augmentons encore le nombre des amans fortunés! que notre fête soit encore celle de tant d'objets qui nous sont chers! Bonne Eusèbe! dit Bazine en embrassant tendrement sa nourrice, ton Elénire est ma sœur; permets que j'en dispose en faveur de Valamir… Eusèbe, unissant leurs mains, dit avec tendresse, en fixant Taber qui l'approuva d'un geste expressif: Aimez-vous!.. et servez vos maîtres comme nous vous en donnerons l'exemple. Ulric s'approcha, Valamir se jeta dans ses bras, et le vieux guerrier eut encore la gloire de cueillir sur le front virginal d'Elénire un premier baiser… Berthilie sourioit, versoit quelques pleurs; Bazine la regarda un moment; l'aimable fille ne put résister à son émotion, elle se jeta dans les bras de la princesse… Y consentez-vous, Théobard? dit Bazine. Le chef du conseil s'inclina respectueusement. Eginard, ajouta-t-elle, vous souvenez-vous de ce que je vous ai promis sur la roche sombre, en vous donnant un bracelet que sans doute vous avez encore?.. Eh bien! je vous donne aujourd'hui ce que je vous promis alors, cette Berthilie si sensible… Et si adorée! interrompit Eginard en se jetant aux genoux de la princesse; et prenant impétueusement la main de Berthilie qu'elle lui présentoit, il la couvrit en un instant de mille baisers… Confuse, troublée, Berthilie alla cacher dans le sein de son père son bonheur et son agitation; Eginard embrassoit Ulric et Valamir; Viomade admiroit ce spectacle charmant, et Bazine, dont l'ame se développoit à chaque instant, à chaque instant aussi lui paroissoit et plus sensible et plus belle.

Le jour qui devoit éclairer ces trois heureux hymenées, Diticas sortit de ses forêts, suivi des prêtresses et des Druides: le temple fut ouvert; il en prépara les ornemens. Bazine et ses deux compagnes, réunies depuis l'aurore, songeoient à ce que cette journée avoit pour elles de solennel. La belle reine fut parée des mains d'Eusèbe, et Berthilie voulut attacher elle-même le diadême étincelant; les beaux cheveux de Bazine s'en échappoient en boucles argentées. Elénire, plus ornée de son touchant embarras que des riches présens de Bazin, rougissoit de se voir si belle. Berthilie ne voulut point mêler d'ornemens à ses cheveux; une fraîche couronne de roses entoura sa figure plus fraîche encore que ces fleurs; un bouquet, voilà toute la parure de l'épouse d'Eginard… C'est ainsi qu'il m'aima, dit-elle… L'heure si belle dans la vie… cette heure qui confond à jamais les destinées, où l'on se reçoit et se donne pour toujours, où l'on s'unit pour ne plus se quitter, où l'on va se promettre de s'aimer, de s'appartenir jusqu'à la mort; cette heure qui couronne tous les vœux… vint assurer le bonheur des amans les plus parfaits, des époux les plus fidèles. La magnificence des rois se joignit au charme de l'amour, et des fêtes dignes d'eux firent partager au peuple entier la félicité de son maître. Bazine parut aux Français charmés la plus belle des mortelles, Berthilie la plus jolie, Elénire la plus touchante. Le roi enflamma tous les cœurs; l'admiration, la joie, l'alégresse furent générales.

FIN DU LIVRE DIX-HUITIÈME

CONCLUSION

Childéric régna glorieusement sur un peuple dont il assura le bonheur. Le comte Pol, qui obtint dans les Gaules le commandement confié à Egidius, ayant voulu troubler la paix de ses états, fut battu complètement, et forcé de se retirer à Soissons. Bazine, sur le trône, se montra toujours sensible au malheur, douce, bienfaisante, accessible aux infortunés; elle eût consolé le roi de ses disgrâces, s'il en eût éprouvé, elle ajouta à son bonheur; de cet hymen heureux naquirent la superbe Audeflède, épouse célèbre de Théodoric, roi des Ostrogoths, et le fameux Clovis, si digne des grands rois qui l'avoient précédé, et des rois plus grands encore qui lui succédèrent: heureux époux de la belle Clothilde, il fut le premier roi chrétien, et par la défaite de Siagrius, général romain, et la prise de Soissons, mit fin à l'empire des Romains dans les Gaules. Les Français, l'an 510, c'est-à-dire quatre-vingt-dix ans après l'entrée de Pharamond dans les Gaules, possédoient déjà toutes les provinces situées entre le Rhin, la Seine et la Loire. D'aussi rapides, d'aussi immenses conquêtes ont étonné l'univers jusqu'au moment où un nouveau génie, rallumant les feux indomptables de cette nation belliqueuse, laissa à peine à la renommée le tems de redire ses triomphes!

Viomade, que Bazine avoit nommé son père, en eut tous les droits, en inspira tous les sentimens. Berthilie resta près de la reine, et aima toujours Eginard avec la plus vive passion; elle eut quelques momens de jalousie, mais très-courts, et dont son époux sut bien la consoler. Elénire conserva sa pureté, sa douceur et l'amour de Valamir. Eusèbe fut honorée à la cour; la reine l'aima toujours tendrement. Théobard retourna en Thuringe, mais il finit par se fixer près de sa fille. Tournay eut la gloire de conserver ses rois: ce fut l'an 1653 que l'on y découvrit le tombeau de Childéric, de ce prince dont l'étonnante destinée fut agitée dès sa naissance, et qui reçut du malheur ces leçons ineffaçables qui font les grands rois et les grands hommes.