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Childéric, Roi des Francs, (tome second)

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Bazin, cédant à une impatience qu'il s'efforce vainement de dissimuler, hâte la fin du repas et sort de la salle; Théobard le suit au bout de quelques momens; Eginard, moins contraint, s'est rapproché de Berthilie; l'infortunée en avoit besoin; elle sait, hélas! qu'ils vont partir, et l'absence déchire déjà ce cœur trop tendre; son amant la rassure par mille projets enchanteurs, par le serment d'aimer toujours, ce serment que l'on trahit souvent, mais que l'on prononce de si bonne foi. Dès que l'on aime, on est si loin de croire le changement possible! Berthilie espère: peut-on dire ce que l'on ne pense pas, exprimer si tendrement ce que l'on ne sent point, changer d'amour? L'heureuse inexpérience de Berthilie lui épargne bien des maux, et son amant essuie les pleurs qu'il a fait répandre.

FIN DU LIVRE SEIZIÈME

CHILDÉRIC.
LIVRE DIX-SEPTIÈME

SOMMAIRE DU LIVRE DIX-SEPTIÈME

Childéric retrouve Bazine, il ne peut la délivrer sans le secours d'Hirman. Leur entretien est interrompu par l'arrivée de Berthilie; elle annonce que si Childéric rentre dans le palais il y sera assassiné par ordre du roi de Thuringe. Bazine exige qu'il parte sur l'heure, qu'il laisse Eginard caché chez Taber, époux d'Eusèbe. Childéric refuse de l'abandonner. Bazine l'exige; ils se séparent. Berthilie revient chez son père, à qui elle annonce que Childéric est sauvé. Bazin, qui a ordonné l'assassinat de Childéric, est blessé par ceux qu'il a apostés. Furieux, il ordonne que la roche sombre soit entourée d'une garde nombreuse. Il fait venir Théobard, qu'il menace, apprend que Childéric est déjà réuni à ses braves, et se livre à une fureur immodérée, qui augmente ses maux.

LIVRE DIX-SEPTIÈME

A peine les rayons argentés de l'astre des nuits éclairoient-ils foiblement les cieux, que Childéric, plein d'une amoureuse impatience, voloit vers la roche sombre; Eginard le devançoit, Ulric et Valamir suivoient ses pas. Ils ont déjà franchi les bois, déjà l'asile affreux qui renferme la belle et illustre captive, offre aux yeux du roi sa masse terrible et ses sauvages entours; Eginard place son frère à l'entrée du bois, son père au pied de la roche, pour prévenir en cas de surprise, et conduisant son maître du côté du torrent, il lui montre l'ouverture, à laquelle un long voile voltige attaché. Il veut monter le premier enseigner au roi la pierre saillante, la pampre flexible; Childéric, plus prompt, plus agile, plus impatient, s'élance, gravit, parvient, saisit le voile et aperçoit déjà Bazine. Quel moment! et qui pourroit le peindre! Amour! ah! je n'essaierai pas de te décrire; c'est au cœur à deviner ce qu'il n'appartient qu'au cœur de sentir. Un entretien si tendre fut suivi de détails plus importans; ce n'étoit plus ce roi proscrit, cherchant un asile et n'osant offrir à la beauté ses vœux téméraires; c'est un monarque puissant, c'est le maître d'une armée triomphante, qui vient déposer, aux pieds de celle qu'il adore, sa couronne éclatante, et l'appeler au rang des reines. Bazine aimoit assez Childéric pour le préférer au plus grand souverain du monde, mais elle chérissoit sa gloire et partagea vivement son bonheur. Cependant cette gloire est sans éclat, ce bonheur sans charme, si le roi ne délivre à l'instant même celle pour qui seule il respire. Bazine l'interrompt, l'instruit de tous les crimes du roi de Thuringe, du meurtre d'Humfroi, du serment de Théobard, des secours qu'elle en attend, des volontés de son père, et du devoir qui lui est imposé de ne rien entreprendre sans consulter Hirman; lui seul peut enseigner à ouvrir la caverne; et si Théobard est absent ou retenu par son obéissance, lui seul peut lui offrir un asile secret et inviolable, jusqu'à l'instant où Childéric, vainqueur des Romains et paisible possesseur de son trône, pourra la recevoir en reine, en épouse. Comment partir sans être rassuré sur son sort, sans l'avoir délivrée des mains d'un tyran, déjà souillé du meurtre d'un frère, et à qui un crime de plus semble ne devoir rien coûter? Childéric offre à la princesse d'aller à l'instant même trouver Hirman, et de revenir la délivrer. Ce projet les occupoit tous deux, ils en discutoient les moyens, tandis qu'Eginard, assis sur la pointe du rocher, admiroit la nuit silencieuse, dont le bruit seul du torrent troubloit la paix mélancolique; le feuillage jaunissant annonçoit déjà l'approche de l'hiver, sa verdure variée, qu'éclairoit à demi la lune tremblante, offroit un tableau touchant qui remplissoit son ame d'une douce tristesse. Tout-à-coup un cri de Valamir interrompt sa rêverie, il a donné le signal convenu, Ulric l'a répété, Eginard tire son épée et s'élance; mais que devient-il, lorsqu'au lieu de l'ennemi qu'il croit combattre, il reçoit dans ses bras Berthilie échevelée, palpitante. – Eh quoi! c'est vous, vous que j'aime, qui, bravant la nuit et les dangers… – Oui, oui, c'est Berthilie. Elle se tait, respire un moment, et se rassure en s'appuyant sur le cœur de son amant. Elle est venue seule, sans guide; elle a bravé les craintes d'une imagination vive et les terreurs, enfans des ténèbres; rien n'a pu la retenir. Effrayée du bruit de ses pas légers, du murmure des vents, du frémissement du feuillage, de la branche qui touche ses vêtemens, de son ombre, que projette au loin les rayons d'un jour pâle et mourant, elle a franchi ces bois inconnus, sans s'égarer, sans se reposer même; elle a couru sur ces cailloux qui ont déchiré ses pieds délicats; elle arrive enfin, elle a senti palpiter le cœur d'Eginard, tous ses maux sont oubliés. Cependant, ce n'est pas lui qu'elle cherche, c'est Childéric, c'est Bazine; un intérêt pressant l'amène; lui seul a pu donner à Berthilie tant de force et d'audace; les momens sont chers, il faut qu'elle leur parle à l'instant même. C'est alors qu'Eginard s'aperçoit que la roche est escarpée, que le danger est extrême et le chemin impraticable. Il le montre d'une main à Berthilie, lui enseigne par où il faut passer, lui recommande la prudence, la soutient, et tremble pour la première fois de sa vie; mais elle est adroite et légère, ses petits pieds trouvent partout un appui, et le plus jeune rameau la soutient; Eginard est éperdu, ils sont au sommet de la roche, et il craint encore. Childéric aperçoit alors Berthilie; ses beaux cheveux, qui s'étoient détachés pendant sa course rapide, flottoient en longs anneaux sur ses épaules; son vêtement d'une blancheur éclatante, sa taille souple et légère, les doux rayons qui éclairoient son charmant visage, son attitude pleine de grâce, tout lui donne une forme aérienne et céleste; on la prendroit pour la divinité protectrice de ces lieux. Le roi s'y trompa un moment, mais il la reconnut et la nomma. Bazine appela impatiemment son amie. Douce et généreuse amitié, vous manquiez encore au bonheur de Bazine! à présent elle est heureuse, et son ame s'enivre des célestes félicités. Berthilie troubla à regret ces doux instans; mais c'étoit un effort que l'amitié attendoit d'elle. Grand roi! dit-elle, c'est pour vous que je suis venue, c'est pour sauver vos jours menacés; peu de momens nous restent; écoutez-moi, et ne perdez pas un des instans qui vous appartiennent encore. Bazine, effrayée par ces mots, écouta avec attention; Eginard, qui s'étoit accroché à une plante sauvage, soutenoit de l'autre main sa chère Berthilie; Childéric, qui lui avoit cédé le voile protecteur, étoit debout près d'elle sur une saillie du rocher; Valamir plus bas, servoit d'appui à son frère; Ulric, au pied de la roche, étendoit ses bras vers eux comme pour les y recevoir tous; et Diane, du haut des airs, applaudissoit à ce tableau touchant, qu'elle se plaisoit à éclairer de sa lumière pâle et divine.

Prince, dit Berthilie, en s'adressant à Childéric, si vous eussiez eu plus de défiance, si vous eussiez mieux connu Bazin, vous vous fussiez sans peine aperçu du trouble dont il étoit dévoré, depuis que vous lui aviez annoncé votre retour au trône, et une puissance dont il craignoit les entreprises: mon père, plus habile à lire dans son cœur, ne se laissa pas tromper à sa feinte satisfaction; il suivit ses mouvemens, et ne sut pas sans inquiétude qu'il avoit mandé Vendorix, lâche complaisant de ses fureurs. Cependant il étoit encore loin de prévoir les excès où l'amour jaloux pouvoit précipiter son roi; il n'apprit qu'avec une vive douleur que Bazin, trahissant les droits de l'hospitalité, ces droits sacrés à tous les hommes, avoit placé lui-même des muets dans votre appartement, avec ordre de vous étouffer durant votre sommeil. Théobard aimoit trop la vertu pour ne pas s'opposer au crime; il chérissoit trop la fille d'Humfroi pour laisser immoler Childéric; il portoit encore à Bazin trop d'attachement pour ne pas le servir en lui épargnant la honte et le regret d'un attentat si horrible; mais il ne savoit comment vous prévenir; Vendorix ne le quittoit point dès qu'il sortoit de son appartement, et mon père voyoit que tous ses pas étoient observés; il trembloit de n'avoir prévu qu'en vain ce crime atroce; il étoit pâle, agité; j'osai lui en demander la cause, il hésitoit à me la confier. Cependant, espérant que moins suspecte que lui, je pourrois peut-être davantage, il se décida à m'ouvrir son cœur; je frémis comme lui de votre danger, mais je lui promis de vous sauver; il m'embrassa tendrement. Ne craignez rien, lui dis-je, ni pour Childéric, ni pour vous, ni pour moi-même; mais permettez-moi de vous quitter, les instans sont précieux; il y consentit. Je volai à mon appartement; je savois que vous deviez être à la roche sombre, Eginard m'en avoit prévenue, m'en avoit indiqué la route. Pensant que vous deviez être sans chevaux, sans armes, et forcée de partir sans retourner au palais, je me suis chargée, à la hâte, de mon or et de mes bijoux, qui serviront à vous en procurer. Craignant d'être arrêtée aux portes du palais, je me suis élancée par une fenêtre qui donne sur la terrasse, et courant hors des jardins, j'ai suivi, sans m'arrêter, la route qui m'avoit été indiquée. J'arrive, je vous trouve, profitez des instans; demain, quand on s'apercevra de votre départ, soyez loin de toute atteinte; craignez tout d'un rival puissant et irrité; échappé à ses muets, vous n'échapperiez pas demain aux ordres qui vous attendroient ailleurs. Berthilie se tut; Eginard, qui la tenoit embrassée, la pressa avec transport; elle entendit ce mouvement de la reconnoissance, il ajouta un nouveau prix à son zèle heureux. Bazine et Childéric sentirent que remercier Berthilie étoit presqu'un outrage; ils songèrent donc uniquement à profiter de ses bienfaits; le roi persistoit à parler à Hirman; la princesse exigea qu'il s'en remît à elle seule de sa destinée, et qu'il partît sur le champ pour la maison de chasse de Bazin, dont Taber, époux d'Eusèbe, étoit gouverneur; là, il se procureroit sans peine des chevaux, et marchant sans s'arrêter, il trouveroit la ville frontière, avant que l'on pût se douter de son départ. Mais, ajouta la princesse, laissez Eginard chez Taber, il portera à Hirman les tablettes que voici, ce sont celles de mon père. A cette vue, le sage Druide se confiera sans peine à lui, et Eginard m'instruira de ses volontés. Je n'ai rien à craindre sous la garde de Théobard, de Berthilie, protégée par Hirman, servie par le fidèle Eginard; épargnez à mon cœur des alarmes, et peut-être un malheur éternel. Partez, prince: si vous m'aimez, allez reprendre une couronne, dont j'accepte avec joie le glorieux partage; allez punir Egidius; montrez Childéric au peuple impatient de sa présence; je saurai vous rejoindre, l'amour vous promet Bazine. Partez à l'heure même, voici les tablettes d'Humfroi; j'en charge Eginard. Adieu, Berthilie, chère et tendre amie, cours rassurer ton père: adieu, vous que je me plais à nommer roi des Francs et de Bazine. A ces mots, la princesse, voulant forcer Childéric à un prompt départ, quitta l'ouverture du roc, et se retira dans le fond de la caverne. Childéric, qui sent tout ce que ses volontés ont de prévoyance et de sagesse, se détermine à lui obéir; Eginard transporte Berthilie au pied du rocher. Le roi ne pouvoit sans douleur abandonner ce ténébreux séjour; mais pressé par Berthilie et par ses braves, il partit pour la maison de Taber, dont il connoissoit bien la route; c'étoit là que Bazin avoit été transporté lorsque, blessé à la chasse, il avoit été secouru par Childéric. Berthilie présenta au roi, et en rougissant, la petite cassette qu'elle lui avoit apportée; il la reçut de ses belles mains avec reconnoissance, chargea Eginard de la ramener au palais, lui dit adieu, leur recommanda Bazine, et promit à Eginard de laisser à Taber de plus amples instructions. Le roi, suivi d'Ulric et de Valamir, prit le chemin de la forêt; il marchoit rapidement, mais en silence; la joie qu'il éprouvoit en songeant à son heureux retour dans sa patrie, à son cher Viomade, étoit empoisonnée par l'idée désespérante de la captivité de celle qu'il aimoit. Tous les dangers, tous les malheurs s'offroient à son imagination, mille inquiétudes l'agitoient; il arriva chez Taber, accablé de regrets et plongé dans la tristesse; il en fut distrait par la nécessité de songer à son départ. A peine eut-il expliqué à Taber ce qu'attendoit de son zèle la fille d'Humfroi, à peine lui eut-il raconté ce qu'elle souffroit dans la roche sombre, que Taber, aidé de sa fille Elénire, servit au roi un repas frugal: tandis qu'il étoit à table entre Ulric et Valamir, les chevaux étoient préparés; au bout de quelques momens, le roi et les deux braves partirent; Elénire fut chargée du soin de recevoir et de cacher Eginard. Taber les conduisit, par des chemins sûrs, à Eisnach; là, il les quitta, et revint promptement rejoindre sa fille.

 

Tandis que Childéric fuit à regret loin de celle qu'il adore, Berthilie, le bras passé dans celui d'Eginard, fait avec lui un plus doux voyage. Ils ne se quitteront pas… ils se le répètent mille fois, et l'avenir ne leur offre que projets charmans, flatteurs espoirs, jours enchanteurs, amour, hyménée. Les beaux cheveux de Berthilie enveloppent son amant de leurs boucles légères et parfumées, il les couvre de baisers, et Berthilie s'abandonne sans défiance à son heureux guide. Il soutient ses pas, la presse contre son cœur, s'étonne et s'afflige en se voyant si près de l'arrivée. Déjà! disoit sa douce amie, qui a oublié la fatigue et la route: mais pensant à son père, à l'inquiétude qu'il doit éprouver, elle se reproche ce mouvement. Il faut par prudence se séparer; déjà ils touchent aux allées du jardin, ils se disent adieu, et Eginard voit Berthilie fuir avec la légèreté d'un oiseau; il aperçoit flotter sa robe à travers les arbres; bientôt il cesse de la voir, et regarde encore, mais n'apercevant plus rien, il se hâte de revenir chez Taber. Ah! se disoit-il en soupirant, je ne serai point témoin du triomphe de mon roi; je n'entendrai point ces cris d'alégresse… Cette pensée affligeoit Eginard; mais s'il délivroit Bazine! s'il la conduisoit lui-même à son maître! cet espoir lui rendoit sa gaieté; il nommoit Berthilie, il retrouvoit son bonheur… Il arriva ainsi près d'Elénire, qui lui fit un accueil tel qu'il devoit l'espérer, lui offrit des rafraîchissemens, l'instruisit du départ du roi, et le fit conduire à la chambre qui lui étoit destinée. Pendant ce tems Berthilie, rentrée au palais par une porte qui donnoit dans le jardin, et dont elle avoit la clef, s'étoit glissée doucement jusqu'au bord du lit de Théobard; il ne dormoit pas, et reconnut sa fille chérie à ses pas légers. Est-ce toi, ma bien-aimée, dit-il à voix basse? Oui, mon père, répondit doucement Berthilie. Alors elle s'approcha du lit, embrassa son père, lui fit part de ses démarches, de ses succès, de l'éloignement de Childéric. Théobard remercia les dieux, applaudit à l'heureuse témérité de Berthilie, l'engagea à s'aller reposer, et à jouir sans trouble des douceurs d'un long sommeil. Berthilie lui obéit, et rien n'agita son cœur pendant le reste de la nuit; tout sourioit à sa jeunesse; la vie n'étoit pour elle que paix, amour, vertu, espérance.

Mais tandis qu'un si doux sommeil, que des songes heureux reposent et dédommagent la chaste fille de Théobard, il fuit la couche dévorante du fratricide; Bazin se sent brûler de mille feux, les furies secouent sur lui leurs noirs flambeaux; il appelle la vengeance, et Némésis est sourde à sa voix; les crimes qu'il a commis l'effraient, ceux qu'il médite ne le satisfont pas encore; tourmenté par ses souvenirs, inquiet sur les ordres sinistres qu'il a donnés, Bazin s'étonne de n'en pas avoir encore appris l'exécution… Les heures s'écoulent et le jour renaît, personne ne s'approche de lui… Childéric vivroit-il encore!.. Malheur à celui qui eût osé le trahir!.. Ses soupçons le déchirent, il fuit ce lit sans repos, et va s'assurer lui-même de sa victime; à peine il entre dans l'appartement du jeune roi, que les muets qui, depuis si long-tems cachés, attendent Childéric, croient enfin l'apercevoir, et se jettent tout-à-coup sur Bazin qu'ils renversent; sa tête va frapper contre un siége, ils sont prêts à l'immoler à ses propres fureurs; mais le roi, qui tient un poignard, le plonge dans le cœur d'un des muets; son compagnon, effrayé de sa méprise, fuit loin du courroux terrible de son maître; et Bazin, baigné dans son sang qui se mêle à celui du misérable exécuteur de ses forfaits, s'évanouit de rage autant que de douleur: on ignore dans le palais ce fatal événement, aucun secours n'est apporté, et Bazin, plusieurs heures sans mouvement, revient à lui, ranimé par la seule nature; il promène long-tems autour de lui ses regards incertains et surpris; bientôt sa terrible catastrophe se retrace à sa pensée; là, inondé de sang, est étendu ce muet qu'il a poignardé; le lit du prince n'annonce pas qu'il s'y soit couché, et cependant ses vêtemens, ses armes sont éparses dans l'appartement: où seroit-il donc? peut-être est-il encore tems de satisfaire sa haine? Cet espoir ranime de nouveau Bazin, il essaie de se relever; la blessure qu'il a reçue à la tête, le sang qui n'a cessé de couler, l'ont affoibli; il retombe, fait de nouveaux efforts, et parvient à se tenir debout, mais il peut à peine se soutenir, il est forcé de s'asseoir. Cependant il craint d'être surpris, il craint encore plus que Childéric ne lui échappe; enfin, rappelant toute sa vigueur, il sort de ce lieu fatal, et par une issue secrète rentre dans son appartement; là, il fait venir ses médecins qui pansent sa douloureuse blessure; une fièvre ardente s'unit encore à sa violence naturelle, il est contraint de se coucher, mais il demande Vendorix. Va, dit-il, placer une garde nombreuse au pied de la roche sombre, remplis de troupes le bois qui l'avoisine, et que l'on donne la mort à tout ce qui oseroit en approcher; que Théobard n'y entre plus seul, tu m'en réponds sur ta tête… Vendorix sortit pour obéir promptement, et Théobard parut. Bazin jettoit sur lui des regards furieux; mais la belle ame du vertueux chef du conseil n'en est point émue; le calme de ses traits étonne le roi, il l'admire malgré lui… Où est donc Childéric? dit-il impétueusement. Je venois vous annoncer, répondit Théobard, qu'un courier qu'il envoie d'Eisnach vous apporte la nouvelle qu'il est arrivé heureusement dans cette ville; hier, m'a dit le courrier, sur des avis secrets, le roi crut devoir partir sans délai… Perfide! s'écria Bazin, tu m'as trahi!.. Que m'avez-vous confié?.. Sors, malheureux!.. Il alloit obéir, mais il fut rappelé par le monarque en fureur; il le menace de mille morts, veut assembler son armée, s'unir à Egidius, chasser de nouveau Childéric de son royaume, marcher à la roche sombre, y donner lui-même la mort à la princesse infortunée; sa fièvre redouble, son imagination s'égare, il voit Humfroi, il entend ces mots, ces derniers mots d'un frère: O mon cher Bazin! sauve-moi!.. et il tombe évanoui dans les bras de Théobard, qui gémit sur ses maux et sur ses crimes.

FIN DU LIVRE DIX-SEPTIÈME

CHILDÉRIC.
LIVRE DIX-HUITIÈME

SOMMAIRE DU LIVRE DIX-HUITIÈME

Arrivée du roi; transports de l'armée. Il retrouve Viomade, remonte sur le pavois, combat Egidius, est vainqueur, rentre dans toutes ses places, s'arrête à Tournay. Inquiet du silence d'Eginard, il envoie Valamir en Thuringe; il annonce à son retour que la princesse est épouse du roi de Thuringe. Désespoir de Childéric. Il se prépare à attaquer les Saxons. On annonce des Bardes, ils chantent la gloire de Childéric. Quels sont ces Bardes. Ravissement du roi. Il reproche à Valamir de l'avoir trompé. Mais Bazine lui confirme la nouvelle de son mariage avec le roi de Thuringe; elle raconte ses aventures. Childéric part avec son armée, il est vainqueur, Egidius est tué. Le roi retrouve Egésippe, s'empare de Beauvais, de Paris, revient plein de gloire dans Tournay, y trouve Théobard, qui lui annonce que la reine est libre. Théobard lui raconte les événemens qui ont suivi le départ de la princesse. Bazine veut aussi le bonheur de Berthilie et d'Elénire, fille d'Eusèbe. Les trois mariages se célébrent le même jour dans le temple d'Esus.