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Histoire littéraire d'Italie (3

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Bartolommeo Prignani, qu'on appelle aussi Paganelli, né à Prignano, dans l'évêché de Reggio, fut professeur à Modène, où l'on a imprimé de lui trois livres d'Élégies 641, un Poëme en vers élégiaques et en quatre livres, intitulé de l'Empire d'Amour 642, et un petit poëme philosophique sur la Vie tranquille 643, où il se proposa de répondre aux reproches qu'on lui faisait de n'avoir pas accepté des places qui lui étaient offertes à la cour de Rome. Plusieurs poëtes connus sortirent de son école, et il en nomme un bien plus grand nombre dans ses Élégies; tous jouissaient alors de quelque réputation, et sont pour la plupart complètement ignorés aujourd'hui.

Panfilo Sassi de Modène, poëte italien et latin, improvisait facilement dans les deux langues; il était doué d'une mémoire si prodigieuse, qu'un autre poëte ayant un jour récité devant lui une épigramme à la louange du podestat de Brescia, il le traita de plagiaire, et pour prouver le fait, répéta rapidement l'épigramme toute entière. Le poëte, qui était certain de l'avoir faite, avait beau se défendre, tout le monde était convaincu du plagiat; mais Sassi le tira d'embarras en répétant la même épreuve sur d'autres épigrammes et sur tous les vers qu'on voulut réciter devant lui. Il vécut jusqu'en 1515, et mourut plus qu'octogénaire. Ses poésies latines et italiennes ont été imprimées plusieurs fois. Cependant, à en croire un Dialogue de Giraldi 644 elles ne démentent point ce qu'a dit Aristote, que ces prodiges de mémoire n'en sont pas toujours de génie et de jugement.

Pour ajouter à cette liste déjà longue une autre qui le serait beaucoup plus, je n'aurais qu'à traduire ce même Dialogue, ou l'extrait assez étendu qu'en a donné le savant et patient Tiraboschi 645; parmi une vingtaine de poëtes dont il y parle, je ne nommerai que Pacifico Massimo d'Ascoli, qui mourut centenaire à la fin de ce siècle, et dont on a imprimé plusieurs fois les poésies volumineuses et faciles. Cette fécondité et cette facilité lui firent alors une grande réputation. On ne balançait point à le comparer à Ovide; mais il est arrivé de cette comparaison comme de presque toutes celles de ce genre; la postérité replace toujours ces seconds Virgiles et ces seconds Ovides, fort au-dessous des premiers. Sans être un Ovide, Pacifico Massimo fut un poëte d'un mérite au-dessus de l'ordinaire. Il naquit au sein de l'infortune. Ses parents, chassés d'Ascoli par la guerre civile, et poursuivis par le parti ennemi, s'arrêtèrent à environ trois mille pas de la ville, au bord d'une petite rivière nommée le Marino. Sa mère y fut surprise par les douleurs de l'enfantement; étant accouchée à l'ombre d'un olivier, cet arbre, symbole de la paix, lui fit donner à son fils le nom de Pacifico. Après quelques années d'une vie fugitive, ils rentrèrent dans leur patrie, où le jeune Pacifique fit bientôt des progrès surprenants. La grammaire, la rhétorique, la philosophie, les mathématiques, l'occupèrent tour à tour. Il passa ensuite à la jurisprudence, et y devint si habile, qu'il professa cette science dans plusieurs Universités célèbres; mais la poésie fut toujours le principal objet de ses travaux. Il a laissé des ouvrages historiques, philosophiques, satiriques, et sans compter plusieurs autres poëmes, vingt livres entiers d'élégies, parmi lesquelles il y en a de fort libres qui seraient oubliées comme les autres, si elles n'avaient été réimprimées en France depuis peu d'années, avec des poésies de ce genre, dont j'aurai bientôt occasion de parler.

Quelques poëtes du même temps ont mieux conservé la renommée dont ils jouirent pendant leur vie, et méritent d'être plus particulièrement connus. Giannantonio Campano, né vers l'an 1437 à Cavelli, village de la Campanie, ou de la terre de Labour, de parents si obscurs qu'il ne porta toute sa vie d'autre nom que celui de sa province, gardait les troupeaux dans son enfance. Un bon prêtre reconnut en lui des indices de talent, et l'emmena à Naples, où il fit ses études sous le célèbre Laurent Valla. Campano voulut ensuite passer en Toscane; il fut arrêté en chemin, pillé par des voleurs, et obligé de se sauver à Pérouse. Il y trouva d'abord un asyle, et ensuite un état conforme à ses études et à ses goûts. Il y fut nommé professeur d'éloquence. Il remplissait avec distinction cette chaire 646, lorsque le pape Pie II, passant à Pérouse pour se rendre au concile de Mantoue, le vit, se l'attacha, et le fit, peu de temps après, évêque de Crotone, et ensuite de Terame 647. Sa faveur se soutint sous Paul II, qui l'envoya au congrès de Ratisbonne pour traiter de la ligue des princes chrétiens contre les Turcs. Sixte IV, qui avait été l'un de ses disciples à Pérouse, le fit successivement gouverneur de Todi, de Foligno, et de Città di Castello; mais ce pape ayant fait assiéger cette dernière ville, parce que les habitants avaient fait difficulté d'y recevoir ses troupes, Campano, touché des désastres dont ce peuple était menacé, écrivit au pontife avec une liberté qui le mit dans une telle colère, qu'il lui ôta son gouvernement, et le chassa même de l'état ecclésiastique. L'infortuné prélat se rendit à Naples, et n'y ayant pas reçu l'accueil qu'il avait espéré, il se retira dans son évêché de Teramo, où il mourut en 1477, à l'âge de cinquante ans.

Ses ouvrages, imprimés pour la première fois à Rome, en 1495, consistent d'abord en plusieurs Traités de philosophie morale, en douze discours, harangues et oraisons funèbres, et en neuf livres d'épîtres, intéressantes pour l'histoire littéraire et même pour l'histoire politique de ce temps. On y trouve ensuite, après la vie du pape Pie II, l'histoire de Braccio de Pérouse, divisée en six livres, et enfin huit livres d'élégies et d'épigrammes, en vers de différentes mesures et sur des sujets de toute espèce. Il faut convenir que plusieurs de ces poésies sont d'une galanterie qui s'accorde mal avec l'état du poëte; c'est une Diane, puis une Sylvie, puis une Suriane, et d'autres encore dont il se plaint souvent, et dont il se loue quelquefois. Mais l'histoire de ce temps là familiarise avec ces dissonances, et dans ces sortes de sujets, comme dans les sujets plus graves, ce bon évêque a du moins une touche spirituelle et une facilité de style qui plaît aux connaisseurs; ils n'y désireraient qu'un peu plus de correction et de travail.

Ils retrouvent bien la même incorrection avec peut-être encore plus de facilité, mais avec bien moins de génie, dans un poëte latin plus connu en France, et qu'on y appelle le Mantouan. Son nom était Baptiste, et il était de la famille Spagnuoli de Mantoue; mais, selon Paul Jove, il n'en était qu'un rejeton illégitime. Il se fit carme, fut général de son ordre; et, voyant qu'il ne pouvait y porter la réforme, chose en effet plus difficile que de faire des vers bons ou mauvais, il abdiqua au bout de trois ans, pour se livrer au repos dans sa patrie; mais ce fut au repos éternel qu'il parvint quelques mois après; il mourut en 1516, âgé de plus de quatre-vingts ans. La quantité de vers latins qu'il a faits est presque innombrable. Cette abondance en imposa, comme il arrive toujours, aux ignorants et au vulgaire. On le mit au-dessus de tous les poëtes de son temps; et parce qu'il était de Mantoue, comme Virgile, on ne manqua pas de le comparer à lui. Le savant Érasme lui-même, juge d'ailleurs si rigoureux, ne craignit pas de dire qu'il viendrait un temps où Baptiste ne serait pas mis beaucoup au-dessous de son ancien compatriote 648. Mais quelle comparaison peut-on faire entre ce modèle de perfection poétique et un versificateur lâche, diffus, irrégulier jusqu'à la plus excessive licence? Ce fut, dans sa jeunesse, une liberté supportable; mais ce penchant à se permettre et à se pardonner tout, augmentant avec l'âge, ce ne fut plus, vers la fin, qu'un débordement de méchants vers, où les règles mêmes les plus simples sont violées, et qu'il est impossible de lire sans dégoût et sans ennui. Ses ouvrages, imprimés d'abord séparément, ont été recueillis en trois volumes in-fol. 649, avec des commentaires fort amples, et ensuite en quatre volumes in-8. sans commentaires 650. Les principaux sont dix Églogues, presque toutes écrites dans sa première jeunesse; sept pièces en l'honneur d'autant de vierges inscrites sur le calendrier, à commencer par la vierge Marie: l'auteur donne à ces poëmes les titres de Parthenice Ia., Parthenice IIa., IIIa., IVa., etc.; quatre livres de Sylves ou de Poëmes sur divers sujets; des Élégies, des Épîtres, enfin des Poëmes de tout genre. Les défauts dont ils sont remplis n'empêchèrent pas qu'à la mort de ce poëte sa réputation ne fût encore intacte, qu'on ne lui fit des funérailles magnifiques, et que Frédéric de Gonzague, marquis de Mantoue, ne lui fit élever une statue de marbre couronnée de laurier, tout auprès de celle de Virgile.

 

Jean Aurelio Augurello valait beaucoup mieux que le Mantouan, et nous est beaucoup moins connu. Il naquit, en 1441, à Rimini 651, d'une famille noble, fit ses études à Padoue, et professa les belles-lettres dans plusieurs universités, surtout à Venise et à Trévise; il obtint les droits de cité dans cette dernière ville, et y mourut en 1524. Son poëme intitulé Chrysopœia, ou l'Art de faire de l'Or, l'a fait accuser d'être alchimiste; mais rien ne prouve qu'il ait eu cette folie. On a plusieurs éditions de ce poëme 652 et de ses autres poésies latines 653 qui consistent en Odes, Satires et Épigrammes. Elles sont au-dessus de la plupart des poésies de ce siècle pour l'élégance et pour le goût, et se rapprochent beaucoup plus du style et de la manière des anciens. Les poésies italiennes d'Augurello ont aussi été imprimées plusieurs fois. Il était, du reste, très-savant dans la langue grecque, les antiquités, l'histoire et la philosophie, et ses vers portent souvent, sans pédantisme, des témoignages de son savoir.

Il eut pour ami un autre poëte, né à Trévise, qui avait comme lui des connaissances dans les antiquités, et qui en portait le goût jusqu'à la passion. Il se nommait Bologni. Sa première étude fut celle des lois; la poésie latine et les antiquités l'emportèrent ensuite. Il fit beaucoup de vers, que l'on conserve en manuscrit à Venise 654, et dont on n'a publié qu'une petite partie. Ils ne valent pas ceux d'Augurello, et cependant Bologni obtint de l'empereur Frédéric III la couronne poétique que Augurello ne reçut pas. Cette couronne fut accordée par le même empereur à Giovanni Stefano de Vicence, qui se fait appeler en tête de ses poésies Ælius Quintius Emilianus Cimbriacus. Il fut professeur de belles-lettres dans plusieurs villes du Frioul; il l'était à Pordénone, et il n'avait pas vingt ans quand Frédéric y passa; l'empereur fut émerveillé de ses talents, le couronna du laurier poétique, et y joignit la dignité de comte palatin; honneurs qui lui furent confirmés ou conférés une seconde fois par Maximilien, successeur de Frédéric. Mais, et ce titre, et même cette couronne se donnaient alors à la protection, et souvent même, selon Tiraboschi, pour de l'argent 655, ce qui en avait considérablement diminué la valeur. Ce poëte, au reste, que les Italiens appellent simplement le Cimbriaco, était loin d'être sans mérite; il n'est pas probable qu'il fût assez riche pour payer en argent ce qui, comme d'autres faveurs, ne vaut plus rien quand on l'achète; mais il récompensa largement ces deux empereurs, par cinq Panégyriques en vers héroïques, les seuls de ses ouvrages qui aient été imprimés.

J'ai déjà parlé d'un improvisateur 656, et nous retrouverons souvent, dans la suite, des exemples de ce genre particulier de poëtes; mais aucun d'eux peut-être n'eut des succès aussi brillants qu'Aurelio Brandolini, l'un des hommes les plus extraordinaires de ce siècle. Né d'une famille noble de Florence 657, il eut, dès sa première enfance, le malheur de perdre la vue. Il se fit connaître de bonne heure par le talent de traiter sans préparation, en vers latins, les sujets les plus difficiles; et sa réputation se répandit si loin, que lorsque le roi de Hongrie, Mathias Corvin, fonda l'université de Bude, où il appela le plus qu'il lui fut possible de savants italiens, il y fit venir Aurelio. Ce roi étant mort en 1490, ce fut lui qui prononça son oraison funèbre. Il retourna ensuite en Italie, et se fit moine à Florence, dans un couvent de l'ordre de S. Augustin.

Une nouvelle carrière s'ouvrit alors pour son éloquence. Quoiqu'aveugle, il alla prêcher dans plusieurs villes d'Italie, et recueillit partout des applaudissements. Il employait dans ses sermons un style grave, sententieux, philosophique. «On croirait, dit un écrivain du temps 658, entendre en chaire un Platon, un Aristote, un Théophraste.» Ce même auteur parle ensuite avec encore plus d'admiration du talent poétique d'Aurelio: «Ce qui le met, dit-il, au-dessus de tous les autres poëtes, c'est que les vers qu'ils faisaient avec tant de travail, il les fait, lui, et les chante en impromptu. Il fait briller, dans cet exercice, une mémoire si prompte, si fertile et si ferme, un si beau génie et une si grande perfection de style, que cela est à peine croyable. À Vérone, dans une assemblée nombreuse composée des hommes les plus distingués par leur rang et par leur science, et devant le podestat même, prenant en main sa lyre, il traita sur-le-champ, et en vers de toutes mesures, tous les sujets qui lui furent proposés. On l'invita enfin à improviser sur les hommes illustres dont Vérone a été la patrie. Alors, sans s'arrêter un instant pour réfléchir, sans hésiter et sans interrompre son chant, il célébra de suite, en très-beaux vers, Catulle, Cornélius Népos, surtout Pline l'Ancien, qui fait le plus d'honneur à cette ville. Mais ce qu'il y eut de plus admirable, c'est qu'il se mit tout à coup à exposer, en vers très-élégants, toute son Histoire naturelle, divisée en trente-sept livres, parcourant tous les chapitres, et n'omettant rien de remarquable. Ce talent extraordinaire lui a toujours été familier. Il l'exerça souvent devant Sixte IV, soit quand on célébrait la fête de quelque saint, soit lorsqu'on lui proposait un autre sujet, quelque imprévu et quelque difficile qu'il pût être, etc. 659» C'est là ce don de la nature qu'ont possédé depuis, en italien, un cavalier Perfetti, une Corilla Olimpica, un Luigi Serio, que possède aujourd'hui comme eux un Gianni; don que l'on peut déprécier tant qu'on voudra par des lieux communs, mais qui paraît toujours moins étonnant et plus facile, à mesure qu'on est moins en état, je ne dis pas de le posséder, mais de le comprendre.

Aurelio jouit, pendant sa vie, de l'estime des savants les plus célèbres et de la faveur des plus grands princes. Il passa quelque temps à Naples, auprès du roi Ferdinand II. Il revint ensuite à Rome, où il mourut en 1497. On a de lui, outre ses poésies, plusieurs ouvrages en prose, sur une grande variété de sujets. On estime principalement son Traité de l'Art d'Écrire 660, où il explique les secrets du style avec une élégance et une précision dignes de servir de modèles. On le désigne ordinairement sous le nom de Lippo Fiorentino, du mot latin lippus, qui signifie, non pas aveugle, comme il l'était, mais affligé de la vue. Il eut un frère ou un cousin, nommé Raphaël Brandolini, poëte, improvisateur, orateur et aveugle comme lui, et à qui cette infirmité fit donner, comme à lui, le surnom de Lippo 661. Raphaël séjourna aussi à Naples; il y était quand Charles VIII s'en rendit maître, et il prononça un panégyrique de ce roi, qui lui donna pour récompense le brevet d'une pension de cent ducats; mais, à moins que ce brevet ne fût payable en France, il est probable que notre orateur ne fut jamais payé de ses éloges.

 

À Naples, où ces deux poëtes firent souvent des preuves publiques de leur talent extraordinaire, les applaudissements et les distinctions dont ils jouirent ne purent que donner un nouveau degré d'activité à l'ardeur avec laquelle on y cultivait la poésie latine. Une gloire que les littérateurs italiens accordent à cette ville, c'est d'avoir produit la première des vers latins aussi semblables, pour l'élégance et la grâce, à ceux du siècle d'Auguste, qu'il était possible à des modernes de le faire, et qu'il nous est possible d'en juger. Ce fut le grand Pontano qui eut l'honneur d'en offrir le premier exemple, d'enseigner aux élèves qu'il eut dans l'art des vers et à ceux qui devaient les suivre, à se débarrasser entièrement de la rouille des temps barbares, et à redonner à la poésie latine l'éclat pur et brillant du style antique. Mais il faut avouer qu'il fut immédiatement précédé par un autre poëte, qui lui ouvrit et lui aplanit la route. C'est Antoine Beccadelli ou Beccatelli, surnommé Panormita, à cause de Palerme sa patrie, en latin Panormus. Il y était né en 1394 662. À l'âge de vingt-six ans, il fut envoyé à l'Université de Bologne, pour étudier les lois. Ses études finies, il s'attacha au duc de Milan, Philippe-Marie Visconti. Il fut ensuite professeur de belles-lettres à Pavie, mais sans quitter la cour de Milan, où il jouissait d'un revenu de 800 écus d'or. L'empereur Sigismond, qui visita en 1432 quelques villes de Lombardie, lui accorda la couronne poétique, et l'on croit que ce fut à Parme qu'il l'alla recevoir. Il se rendit ensuite à la cour de Naples, auprès du roi Alphonse. Il y passa le reste de sa vie, et suivit constamment ce roi dans ses expéditions et dans ses voyages. Alphonse le combla de bienfaits, lui fit don d'une belle maison de campagne, l'inscrivit parmi la noblesse napolitaine, lui confia des emplois importants, et l'envoya en ambassade à Gênes, à Venise, à l'empereur Frédéric III, et à quelques autres princes. Après la mort d'Alphonse, le Panormita ne fut pas moins cher au roi Ferdinand, et lui fut attaché de même en qualité de secrétaire et de conseiller. Il mourut à Naples, à soixante-dix-sept ans, en 1471.

Son histoire intitulée Des Dits et Faits du roi Alphonse 663, fut récompensée par un don de mille écus d'or. On a de lui cinq livres de Lettres, des Harangues, un poëme sur Rhodes, des Tragédies, des Élégies et d'autres Poésies latines sur divers sujets 664. Celles qui ont fait le plus de bruit ont été long-temps inédites; c'est un recueil, divisé en deux livres, de petits poëmes épigrammatiques, non-seulement libres, mais excessivement obscènes, auquel il donna le titre d'Hermaphroditus, l'Hermaphrodite, pour indiquer apparemment qu'il n'oublie rien, dans les deux sexes, de ce qui peut les scandaliser tous deux. Il le dédia cependant à Cosme de Médicis. Les dignités et les occupations graves de l'auteur de cette dédicace, l'âge et le caractère de celui qui la reçut, rendent également inexplicable l'excessive liberté de choses et de mots qui règne dans l'ouvrage, écrit, au reste, avec une extrême pureté de style, et vraiment latin par l'élégance comme par le cynisme d'expression 665. Les copies qui s'en répandirent, excitèrent contre l'auteur un violent orage. Filelfo et Laurent Valla l'attaquèrent par des écrits: des moines prêchèrent contre lui publiquement, brûlèrent son livre, et le brûlèrent lui-même en effigie à Ferrare et à Milan.

Valla, dans une de ses Invectives, poussa la charité chrétienne jusqu'à désirer que le poëte fût brûlé en personne comme ses vers 666. Poggio lui-même, qui n'est pas, dans ses Facéties, un modèle de chasteté, trouva que son ami était allé trop loin, et le lui reprocha dans ses lettres. Panormita se défendit par l'exemple des anciens qui ne peuvent cependant, sur ce point, faire autorité pour les modernes. Guarino de Vérone fit mieux: dans une lettre qui est à la tête du manuscrit conservé dans la bibliothèque Laurentienne, il défendit l'auteur, en alléguant l'exemple de S. Jérôme. L'Hermaphrodite, qu'on n'a pas osé publier pendant long-temps, par respect pour les mœurs publiques, a été imprimé à Paris depuis une vingtaine d'années 667. L'éditeur a jugé sans doute que nos mœurs étaient de force à n'en avoir plus rien à craindre; et ce livre est maintenant dans toutes les bibliothèques.

Antoine Panormita jouissait à Naples d'une grande considération et d'une haute faveur, lorsque le jeune Pontano y arriva. Il était né à la fin de 1426 668, à Cereto, diocèse de Spolète, dans l'Ombrie 669. Il n'avait eu pour premiers maîtres que des grammairiens ignorants. La guerre le chassa de sa patrie. Il vécut, pendant quelque temps, parmi les armes et les soldats. Il se réfugia enfin à Naples, où il fut accueilli par le Panormita, qui voulut achever lui-même son éducation littéraire. Le maître ne tarda pas à être si content des progrès de son élève, que lorsqu'on le consultait sur quelque passage difficile des poëtes ou des orateurs anciens, il le lui faisait expliquer. Pontano lui dut aussi son avancement et sa fortune; Panormita le produisit auprès du roi Ferdinand Ier. Ce roi lui confia l'éducation de son fils Alphonse II, dont Pontano fut ensuite secrétaire, ainsi que du roi Ferdinand II. Attaché à ces princes, il ne les quitta plus, les accompagna dans toutes les guerres qu'ils eurent à soutenir, et se trouva à plusieurs batailles. Il fut plus d'une fois fait prisonnier; mais dès qu'il se faisait connaître, on s'empressait de le combler d'égards, et quand il voulait parler en public, il était couvert d'applaudissements, au milieu des camps ennemis. Ferdinand Ier. le chargea, en 1486, d'une ambassade auprès d'Innocent VIII, pour en obtenir la paix. Pontano y souffrit beaucoup de peines et de fatigues; mais il en fut payé par le succès de sa négociation, et par les témoignages d'estime que lui donna ce pontife. Quand les articles de la paix furent signés, quelqu'un avertit le pape de ne pas se fier trop à Ferdinand, avec qui, en effet, il y avait toujours des précautions à prendre. «Mais Pontano ne me trompera pas, répondit-il: c'est avec lui que je traite; la bonne foi et la vérité ne l'abandonneront pas, lui qui ne les abandonna jamais 670.» Alphonse II, qui avait été son élève, conserva toujours un grand respect pour lui. Il était un jour assis dans sa tente avec plusieurs généraux de son armée. Pontano y entre, le roi se lève, fait faire silence, et dit en le saluant: «Voilà le maître 671.» Lors de la conquête de Charles VIII, il eut, comme Raphaël Brandolini, la faiblesse de louer le vainqueur, dans un discours public, aux dépens des rois ses bienfaiteurs. On ignore si, après le prompt départ des Français, il reprit ses emplois et sa faveur auprès de la dynastie d'Aragon. Il mourut en 1503, âgé, comme le Panormita, de soixante-dix-sept ans.

On a de cet élégant et fécond écrivain 672, une Histoire en six livres, de la guerre que Ferdinand Ier soutint contre Jean, duc d'Anjou; plusieurs Traités de philosophie morale, où il employa le premier une manière de philosopher libre et dégagée des préjugés de son temps, et ne suivit d'autres lumières que celles de la raison et de la vérité: on estime surtout son Traité De Fortitudine, du Courage. On trouve encore dans ses Œuvres deux livres sur l'aspiration, six livres De Sermone, du Discours, qu'il fit à soixante-treize ans, cinq Dialogues écrits avec une liberté quelquefois peu décente, et quelques autres Opuscules. Mais c'est surtout par ses poésies latines qu'il s'est rendu justement célèbre. Elles sont en très-grand nombre et de genres très-différents 673: Poésies amoureuses, Églogues, Eudécasyllabes, Épigrammes, Épitaphes, Inscriptions, etc., outre un grand poëme, en cinq livres, sur l'astronomie 674, un autre sur les météores, et un troisième sur la culture des orangers et des citrons, intitulé: Du Jardin des Hespérides 675. Dans tous ces genres, il se montre également riche, abondant, élégant et rempli de ces grâces de style dont il passe pour avoir le premier retrouvé le secret. Le plus grand défaut de ses vers est qu'il en a beaucoup trop fait. «Si ce poëte admirable, dit Gravina, avait mieux aimé choisir qu'accumuler, il se serait enrichi d'un or pur et sans mélange. Il voulut promener son heureuse veine sur plusieurs sujets d'érudition et plusieurs sciences, et s'exercer dans toutes les mesures de vers. Dans toutes, il fait voir l'étendue et la souplesse de son génie, aussi naturellement disposé à la grandeur qu'à l'expression des sentiments tendres. On retrouve en lui, dans ce dernier genre, les grâces et tous les agréments de Catulle. Pour lui ressembler tout-à-fait, il ne manqua peut-être à Pontano que l'économie et le travail 676

C'est à ce poëte illustre que Naples dut sa célèbre académie. Le Panormita l'avait fondée, mais ce fut Pontano qui la soutint, la perfectionna et lui donna sa plus grande célébrité. L'historien Giannone l'a regardée comme si importante pour sa patrie, qu'il a donné la liste exacte de ses membres 677. On y voit plusieurs noms dont l'éclat ne s'est pas conservé, malheur commun à toutes les académies du monde; et d'autres qui appartiennent au siècle suivant plus qu'au quinzième, tels que celui de Sannazar.

Parmi les poëtes inscrits sur ce catalogue, et qui fleurirent dans ce siècle, on ne doit pas oublier Marulle, Michele Marullo Tarcagnota, Grec de naissance, mais qui fut amené en Italie, encore enfant, après la prise de Constantinople, sa patrie 678. Il étudia les lettres grecques et latines à Venise, et la philosophie à Padoue. Il prit ensuite, pour subsister, la profession des armes; et ce fut presque toujours au milieu des fatigues et des dangers de la guerre, qu'il composa les poésies ingénieuses que nous avons de lui 679. Elles consistent en quatre livres d'épigrammes, trois livres d'hymnes, et un poëme resté imparfait, intitulé de l'Éducation des Princes 680. Les épigrammes sont dédiées à Laurent de Médicis. Elles roulent sur des sujets de toute espèce, et ont quelquefois plus d'étendue que ce genre de poëmes n'en comporte ordinairement. Telle est, entre autres, une pièce de près de deux cents vers élégiaques, adressée à Neœra, dans laquelle il retrace une partie de ses malheurs, et il presse cette belle Neœra, souvent célébrée dans ses vers, de terminer très-sérieusement avec lui, et de l'accepter pour époux. Ce ne fut pas elle cependant qu'il épousa, mais Alessandra Scala, l'une des plus belles, des plus spirituelles et des plus aimables personnes de Florence.

Il eut, dans ses amours avec elle, Politien pour rival. De là vinrent les inimitiés qui divisèrent ces deux poëtes; elles s'exhalèrent avec violence dans les vers de Politien; on n'en voit aucune trace dans ceux de Marulle. Il était aimé: la modération lui était plus facile. En général, presque aucune de ses épigrammes n'est mordante; aucune ne blesse la décence; et il a ces deux avantages sur plusieurs des poëtes les plus célèbres de son temps.

Il donna le titre de Naturels à ses Hymnes 681, parce qu'il y traite souvent les plus grands objets de la nature. Ce n'est point aux Saints du calendrier qu'ils sont adressés, mais aux Dieux de la mythologie, à Jupiter, à Minerve, à Bacchus, à Pan, à Saturne, à l'Amour, à Vénus, à Mars, etc. Quelques-uns, comme l'hymne au Soleil, qui commence le troisième livre, sont de petits poëmes, où Marulle semble s'être proposé Lucrèce pour modèle, et où il approche, en effet, quelquefois de sa force et de sa précision énergique. Ses talents méritaient une vie plus paisible et une fin moins malheureuse. En sortant à cheval de Volterra, où il avait visité un de ses amis 682, il se noya dans une rivière peu connue, nommée le Cecina, à qui cet accident doit donner, dans l'esprit des amis de la poésie et des lettres, une triste célébrité.

Si l'on ajoute à tous ces poëtes latins un nombre presque aussi considérable dont j'ai cru inutile de parler, et si l'on y joint encore, et la plupart des bons poëtes italiens qui écrivirent en même temps dans les deux langues, et presque tous les littérateurs, historiens, philosophes de ce temps, qui s'exercèrent plus ou moins dans la poésie latine, et dont les vers se trouvent, ou imprimés, ou épars en manuscrit, dans diverses bibliothèques, on conviendra que, depuis la renaissance des lettres, il n'y avait eu dans aucun siècle autant de versificateurs. En désignant quelques-uns d'eux qui obtinrent la couronne poétique, j'ai dit que cet honneur, en devenant trop commun, était tombé en discrédit. L'histoire, qui a dû retracer l'importance que Pétrarque avait mise à l'obtenir, et l'éclat qu'avait en ce triomphe, ne doit pas négliger les faits qui en constatent la décadence et l'avilissement.

Sigismond fut le premier empereur qui eut, dans ce siècle, l'idée de faire revivre l'ancien usage de reconnaître un homme de lettres poëte par un diplôme, et de le produire en public avec une couronne de laurier. Il accorda ces distinctions au Panormita, qui les méritait sans doute, et à un certain Cambiatore, que j'ai à peine cru devoir nommer parmi les poëtes italiens. Frédéric III en fut bien autrement libéral. Sans compter Sylvius, qui devint pape, et Nicolas Perotti, tous deux savants littérateurs, mais peu connus comme poëtes 683]; il en décora aussi le Cimbriaco, le Bologni, dont nous avons parlé sans vouloir trop exalter leur mérite, et de plus, un Grégoire et un Jérôme Amasei, deux frères aussi inconnus l'un que l'autre; un Rolandello encore plus inconnu que tous les deux: enfin un Louis Lazarelli, qui a du moins l'honneur d'avoir fait avant Vida un poëme sur le ver à soie 684. Mais les empereurs ne furent pas les seuls dispensateurs de cette distinction devenue presque banale. Filelfo la reçut d'Alphonse Ier., roi de Naples; Jean Marius son fils du roi René, fils d'Alphonse; un certain Benedetto de Césène, du pape Nicolas V, et Bernardo Belincioni de Louis Sforce, duc de Milan.

Les villes s'attribuèrent aussi ce privilége. Florence avait couronné Ciriaco d'Ancône, et même Leonardo Bruni après sa mort. Vérone décerna le laurier avec une pompe extraordinaire à Giovanni Panteo, dont Mafféi parle avec de grands éloges 685, mais qui n'est guère connu que par ces éloges mêmes. Rome, ou plutôt l'académie romaine, couronna Aurelini, professeur de belles-lettres, et Jean-Michel Pingonio de Chambéry, qui faisait de beaux poëmes pour le mariage de Philibert, duc de Savoie, en 1501, dont on ne se souvenait peut-être plus, même à Turin, en 1502. On trouve souvent la qualité de poëte lauréat jointe au nom d'hommes plus obscurs encore, et il y a lieu de croire que, soit pour une pièce de vers à la louange d'un empereur, soit par pure protection ou même pour quelque argent, ils en obtenaient simplement le diplôme, sans oser pour cela célébrer la cérémonie. Qu'arriva-t-il de cette facilité aveugle ou vénale? Ce qui arrive immanquablement en pareil cas. Il y a toujours quelque chose de fatal dans ces sortes d'honneurs littéraires, c'est qu'on ne peut les accorder, sans les compromettre, qu'a ceux qui n'en ont pas besoin pour être honorés. Ni Politien ni Pontano ne furent proclamés poëtes par un diplôme, et ce sont les premiers poëtes de leur siècle.

641En 1488.
642De imperio Cupidinis, 1492.
643De Vitâ quietâ. Ce dernier n'est pas imprimé à Modène, mais à Reggio, 1497.
644De poetis suorum temporum. Dialog. I, col. 541.
645Tom. VI, part. II, l. III, c. 4, p. 216-225.
646En 1459.
647Le premier évêché dans la Calabre, et le second dans l'Abruzze.
648Epist., vol. II, ép. 395.
649Paris, 1513.
650Anvers, 1576.
651Tiraboschi, tom. VI, part. II, p. 239.
652La première à Venise, avec son autre poëme intitulé Geronticon, ou de la vieillesse, 1515, in-4.; inséré ensuite, vol. II des auteurs qui ont écrit sur l'alchimie, recueillis par Grattarolo, Bâle, 1561, in-fol.; vol. III du Théâtre chimique, Strasbourg, 1613 et 1659; vol. II de la Bibliothèque chimique de Manget, Genève, 1702, in-fol., etc.
653Carmina, Vérone, 1491, in-4.; Venise, Alde, 1505, in-8.
654Dans la famille Soderini. Tiraboschi, ub. sup., p. 232.
655Questo onore fu concedato talvolta più al denaro che al merito, t. VI, part. II, p. 233.
656Panfilo Sassi.
657Tiraboschi, ub. supr., p. 236.
658Matteo Bosso, Epist. Famil. II, ép. 75.
659Tiraboschi, ub. supr., p. 237 et 238.
660De Ratione Scribendi. La meilleure édition est celle de Rome, 1735.
661Tiraboschi, ub. supr., p. 240.
662Tiraboschi, t. VI, part. II, p. 81.
663De Dictis et Factis Alphonsi regis, lib. IV.
664Epistolarum libri V, Orationes II, Carmina prœterea quœdam, etc. Venise, 1555, in-4.
665Le latin dans ses mots brave l'honnêteté. (Boil.)
666Tertiò per se ipsum cremandus ut spero. Laurent Valla, in Facium Invectiva IIa.
667En 1791, chez Molini, rue Mignon; ce qui est indiqué par cette adresse singulière: Prostat ad Pistrinum in vico suavi. C'est la première partie du recueil intitulé: Quinque illustrium poetarum, Ant. Panormitæ; Ramusii Ariminensis; Pacifici Maximi Asculani; Joviani Pontani, Joannis Secundi Lusus in Venerem, etc., in-8.
668Tiraboschi, ub. supr., p. 241.
669Il se nommait Giovanni ou Joannes, et changea, selon l'usage, ce nom pour celui de Gioviano, Jovianus.
670Jovian. Pontan. de Sermone, l. II.
671Id. ibid., l. VI.
672Joviani Pontani Opera, t. II, Basileæ, 1538. Cette édition est plus complète que celle d'Alde, 1519, in-4.
673Venise, Alde, 2 vol. in-8.; le premier en 1505, réimprimé en 1513 et 1533; le second en 1518, qui n'a jamais été réimprimé.
674Urania.
675De hortis Hesperidum.
676Della Ragion poetica, l. XXXIV.
677Stor. di Nap., l. XXVIII, c. 3.
678Tiraboschi, ub. supr., p. 452.
679Florence, 1497, in-4.
680De principum Institutione.
681Hymni Naturales.
682Rafaël Volterano.
683Je ne connais du premier que la mauvaise ode saphique sur la Passion de J. – C., qu'on trouve dans ses Œuvres, et l'autre pièce plus mauvaise encore, qui la suit, intitulée: Decastichon de Laudatissimâ Mariâ.
684Imprimé à Iesi en 1765, édition donnée par l'abbé Lancelotti.
685Veron. Ill., part. II, p. 210.