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Histoire littéraire d'Italie (1

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Alcionius fait dire au cardinal Jean de Médicis (depuis Léon X), dans son dialogue de Exilio: «J'ai ouï dire dans mon enfance à Démétrius Chalcondyle, homme très-instruit de tout ce qui regarde la Grèce, que les prêtres avaient eu assez d'influence sur les empereurs de Constantinople, pour les engager à brûler les ouvrages de plusieurs anciens poètes grecs, et en particulier de ceux qui parlaient des amours, des voluptés, des jouissances des amants, et que c'est ainsi qu'ont été détruites les comédies de Ménandre, Diphile, Apollodore, Philémon, Alexis, et les poésies lyriques de Sapho, Corinne, Anacréon, Mimnerme, Bion, Aleman et Alecée; qu'on y substitua les poëmes de S. Grégoire de Nazianze, qui, bien qu'ils excitent nos cœurs à un amour plus ardent de la religion, ne nous apprennent pas cependant la propriété des termes attiques, et l'élégance de la langue grecque. Ces prêtres sans doute montrèrent une malveillance honteuse envers les anciens poètes; mais ils donnèrent une grande preuve d'intégrité, de probité et de religion 44».

Ces funestes effets d'un zèle mal entendu ne pouvaient être compensés par les moyens d'instruction employés dans les écoles. Il y en avait de particulières auprès de chaque église, où les jeunes ecclésiastiques étaient instruits, dit-on, dans les sciences divines et humaines 45; mais ce qui précède fait assez voir ce qu'on doit entendre par ces sortes d'humanités. Outre ces écoles privées, il y en avait un grand nombre de publiques, destinées à former de vaillants athlètes qui puissent défendre avec vigueur la foi et l'orthodoxie contre les hérétiques, les juifs et les gentils 46: or cette direction donnée aux écoles publiques par une religion dominante et exclusive, dut en peu de temps réduire toute l'instruction de la jeunesse à des questions de controverse et en bannir toutes les études, qui ne font que polir l'esprit, aggrandir l'âme, et l'élever de la connaissance au sentiment et à l'amour du beau. On sait que quand une fois le goût des lettres a commencé à se corrompre et à décliner chez un peuple, tous les efforts de la Puissance, toutes les influences dont elle dispose, suffisent à peine pour en retarder la chûte totale; qu'est-ce donc lorsque les choses en sont au point où nous les avons vues avant Constantin, et que les esprits reçoivent tout à coup une telle impulsion, qu'ils la reçoivent universelle et qu'elle reste permanente?

Mais qu'arriva-t-il de cette révolution? ce qui était inévitable: c'est que les études ecclésiastiques elles-mêmes déchurent et tombèrent bientôt. On ne vit pas que ceux qui en avaient été les lumières s'étaient, dans leur jeunesse, nourris du suc littéraire qu'on ne peut tirer que de ces auteurs qu'on appelait profanes, comme si ce titre avait jamais pu s'appliquer à un Platon, à un Cicéron, à un Virgile, à un Sophocle, ou au divin Homère; qu'en retranchant aux esprits cette nourriture, pour les alimenter de questions de controverse, on leur faisait perdre non seulement la grâce, toujours nécessaire à la force, mais la force elle-même; qu'enfin les lettres ecclésiastiques étaient bien une branche de la littérature, et si l'on veut, la plus précieuse et la plus belle, mais que si l'on abattait, ou si on laissait dépérir le tronc, cette branche ne tarderait pas à éprouver le même sort.

Aussi, dès le siècle suivant 47, vit-on commencer à se ternir ce grand éclat qu'avait jeté celui de Constantin et de Théodose 48. On y aperçoit encore un Cyrille, un Théodoret, un Léon et quelques autres 49; mais les connaisseurs dans ces matières voient en eux une grande infériorité; et une époque dont ils font toute la gloire, en est sûrement une de décadence et d'appauvrissement.

Quant aux lettres, que nous n'appellerons point profanes, mais purement humaines, au milieu de leur décadence rapide, quelques noms surnagent encore dans les derniers siècles que nous venons de parcourir. Je ne parlerai point de Victorin le rhéteur 50, à qui pourtant on éleva de son vivant des statues publiques, et dont tous les auteurs de ce temps, S. Augustin entre autres 51 font des éloges sans mesure, mais qui nous a laissé des ouvrages de rhétorique et de grammaire, un commentaire sur deux livres de Cicéron 52, quelques écrits religieux, et un petit poëme sur les Machabées, où la grossièreté et l'obscurité du style, la médiocrité des idées, en un mot le défaut absolu de talent, déposent vigoureusement contre ces éloges et contre ces statues, ou plutôt nous attestent de la manière la moins suspecte quelle était la misère et la honte littéraire de ce temps. Un certain sophiste grec, nommé Proérésius, eut encore plus de renommée: des statues furent aussi dressées en son honneur, non seulement à Rome mais à Athènes. Celle de Rome portait une inscription qu'on peut rendre ainsi 53:

Rome, Reine du monde, au Roi de l'éloquence:

Une des beautés de cette inscription est sans doute dans les quatre R initiales. Je n'en ai pu mettre que trois dans mon vers français.

Sa vie a été longuement et pompeusement écrite 54: ses contemporains ne tarissent point sur sa louange. Il était chrétien, et cependant l'empereur Julien lui écrivit dans les termes de l'admiration la plus exagérée 55. Mais ce qu'il y a peut être de plus heureux pour lui, c'est qu'il ne nous est resté que ces éloges, et que nous n'avons aucun ouvrage de lui pour les démentir.

L'art oratoire était réduit alors aux panégyriques directs et prononcés en présence, genre misérable, où l'orateur ne peut le plus souvent satisfaire l'orgueil, pas plus que blesser la modestie, ou même un reste de pudeur. Ceux qui se sont conservés et qu'on joint souvent au panégyrique par lequel Pline le jeune outragea l'amitié qui l'unissait avec Trajan, sans pouvoir lasser sa patience, sont bien au-dessous de ce chef-d'œuvre de l'adulation antique. Claude Mamertin, Eumène, Nazaire, Latinus Pacatus, les prononcèrent dans des occasions solennelles; le temps qui a dévoré tant de chefs-d'œuvre les a respectés, mais s'ils sont de quelque utilité pour l'Histoire civile et littéraire, ils en ont peu pour l'étude de l'art oratoire et pour la gloire de ces orateurs.

 

Symmaque56 plus célèbre qu'eux tous, passa du plus haut degré de faveur et de gloire au comble de l'infortune. Théodose avait trouvé fort bon qu'il prononçât devant lui son panégyrique; mais lorsqu'il apprit que Symmaque avait aussi prononcé celui de ce tyran Maxime, qui avait régné quelque temps avant lui et qu'il avait, par politique, reconnu lui-même, il exila ce panégyriste trop flexible, le persécuta et le réduisit à se réfugier, quoique païen, dans une église chrétienne, pour mettre sa vie en sûreté 57. A entendre le poète Prudence, qui a pourtant écrit deux livres contre lui, ce Symmaque était un homme d'une éloquence prodigieuse 58, et supérieur à Cicéron lui-même: Macrobe le propose pour modèle du genre fleuri 59; d'autres auteurs renchérissent encore sur cet éloge; et cependant si nous voulons y souscrire, il faut nous dispenser de lire les dix livres de lettres qui nous restent seuls de lui. Cette lecture rend tout-à-fait inconcevables les louanges prodiguées à leur auteur 60.

Deux recueils d'un autre genre renferment plusieurs productions littéraires de cette triste époque: ce sont ceux des anciens grammairiens, Ælius Donatus, Diomède, Priscien, Charisius de Pompéius Festus, Nonius Marcellus, etc. 61. Leur nom n'est guère connu que des érudits de profession, qui parlent d'eux plus encore qu'ils ne s'en servent. Il n'en est pas ainsi de Macrobe 62, dont nous avons des dialogues intitulés les Saturnales 63, remplis de détails curieux sur divers sujets d'antiquité, de mythologie, de poésie, d'histoire. C'est un recueil peu recommandable par le style (ce qui n'est pas étonnant, puisque la langue était déjà fort altérée et que de plus l'auteur 64 était étranger); mais il est précieux par l'explication d'un grand nombre de passages des auteurs classiques, principalement de Virgile, par des citations de lois et de coutumes anciennes enfin par des recherches curieuses et une grande variété d'objets. Ses deux livres de commentaires sur le fragment de Cicéron, connu sous le titre de Songe de Scipion, nous le montrent comme très-versé dans la philosophie platonicienne. Nous y voyons aussi qu'il savait en astronomie tout ce qu'on savait de son temps, et que de son temps on savait peu.

Marcian Capella 65 dont il faut bien dire un mot, nous a laissé un ouvrage latin en neuf livres, mêlé de prose et de vers, sous le titre bizarre de Noces de la Philologie et de Mercure, où, à propos de ce mariage qu'il imagine, il traite des sept sciences 66, qu'on appelait alors, et que l'on a appelées long-temps depuis, les sept arts: il en explique de son mieux les principes: son style est inculte et même souvent barbare, surtout dans la prose: dans les vers, il l'est moins que celui de la plupart des écrivains de Marcian Capella lui-même. Il est à remarquer 67 que la poésie se soutient encore à cette époque, non pas, et il s'en faut de beaucoup, au niveau de ce qu'elle était dans les siècles précédents, mais infiniment au-dessous de la prose. Les poètes paraissaient en quelque sorte d'un autre temps que les grammairiens et même que les orateurs. C'est un service que leur rendait la difficulté du mètre et l'effort d'esprit nécessaire pour faire des vers, même médiocres. Les étrangers et les barbares inondaient alors l'Italie. Ils voulaient parler latin pour se faire entendre, et croyaient y être parvenus, quand ils avaient donné aux mots de leurs jargons une terminaison latine. Les nationaux, en conversant avec eux, apprirent bientôt, par crainte, par égard, par habitude, à parler comme eux, c'est-à-dire à défigurer leur propre langue. Or le parler de la conversation et ses locutions corrompues se glissent facilement dans le style, quand on écrit en prose, et qu'on ne trouve aucun obstacle qui arrête la plume et la pensée. Mais dans les vers, surtout dans les vers latins, soumis à la loi du mètre et de la quantité, cette loi sévère contient l'intempérance de l'écrivain, lui interdit les distractions, le force à réfléchir, à examiner, à corriger, à changer ses expressions, souvent en prose du même temps, et les effacer, et par conséquent à y mettre toujours de l'intention et du choix.

Les fables d'Avien 68 n'ont certainement pas la grâce et l'élégante simplicité de celles de Phèdre; mais leur auteur tient encore un rang honorable parmi les fabulistes. Sa traduction des phénomènes d'Aratus, et celle du poëme géographique de Denys Périégète 69 en vers hexamètres, prouvent qu'il savait s'élever à de plus hauts sujets 70. Selon Servius 71, il avait rempli une tâche plus laborieuse, et dont il n'est pas aisé d'apercevoir l'utilité; c'était de traduire en vers ïambes toute l'Histoire de Tite-Live. Claudien 72 eut Stilicon pour Mécène auprès d'Honorius. Il l'en paya par de longs panégyriques et par des satires violentes contre Eutrope et Ruffin, ennemis de ce ministre. Deux poëmes sur la guerre contre Gildon et contre les Goths, et plus encore son poëme de l'Enlèvement de Proserpine, ne l'ont pas mis dans l'Epopée, de pair avec les poètes latins du grand siècle, ni même, quoi qu'on en dise, avec ceux de l'âge suivant, Lucain, Stace et Silius, mais immédiatement après eux, et c'est encore une assez belle gloire. Numatien 73 n'a laissé qu'une espèce de poëme en vers élégiaques, où il raconte son voyage de Rome dans les Gaules, sa patrie. Le style en est sans élégance, mais on peut répéter encore qu'il vaut mieux que celui de la prose du même temps. Le faible, mais assez élégant Ausone, et le prolixe panégyriste Sidoine Apollinaire, et même Prudence et S. Prosper, quoiqu'il y ait dans leurs tristes vers, plus de piété que de poésie 74, sont des auteurs qu'on ne lit guère, mais qui se maintiennent pourtant dans toutes les bibliothèques. On y trouve moins souvent un certain Porphyre, non le philosophe, mais le poète 75, qui vivait sous Constantin, et qui a adressé à cet empereur un poëme en acrostiches, en lettres croisées et autres inventions pareilles, dont on croit qu'il fut le premier à donner le ridicule exemple.

 

Je pourrais citer encore ici d'autres noms de poètes, qui firent dans leur temps quelque bruit, et heureusement oubliés dans le nôtre; mais je les laisse ensevelis dans les livres, où sont laborieusement entassés des noms d'auteurs obscurs et des titres d'ouvrages que personne ne connaît s'ils existent, et que personne ne regrette s'ils n'existent plus.

Celui de tous les genres en prose, qui était le moins déchu, était l'Histoire. Aurélius Victor, Eutrope, et surtout Ammien Marcellin, ne sont pas sans quelque mérite, quoique bien inférieurs aux historiens même du second rang, et quoique les temps où ils vécurent, semblassent, du moins au premier coup-d'œil, faits pour inspirer mieux la Muse historique. Il est certain que jamais époque ne fut plus féconde en événements. En voyant les rapides successions d'empereurs, leur vie agitée et leur mort presque toujours tragique, les divisions et les réunions de l'Empire, les guerres intestines et étrangères, les invasions multipliées des Barbares, les maux affreux où l'Orient et l'Occident furent plongés par ces hordes féroces et par la faiblesse de leurs défenseurs, qui semblait augmenter à mesure que se multipliaient les dangers, on croirait que le pinceau de l'Histoire avait la matière à de grands tableaux, et que si un Polybe, un Salluste, un Tite-Live avaient alors vécu, ils auraient eu une vaste carrière où exercer leurs talents. Mais il semble, au contraire, que le désordre et la confusion qui régnaient dans l'Empire, se communiquaient à ceux qui en écrivaient l'histoire; si ces grands historiens eussent vécu, s'ils eussent vu la chaise curule changée en trône, ce trône transféré, démembré, souillé de crimes, ensanglanté d'assassinats; la belle Italie déchirée, dépeuplée, occupée de pointilleries théologiques, assaillie, ravagée, dominée par des Goths, des Vandales, des Erules, des Alains, des Suèves et d'autres peuplades ignorantes et barbares; son culte changé, ses institutions détruites, sa langue viciée par un mélange impur avec celles de ses vainqueurs; en un mot, si, dans le même pays, ils s'étaient trouvés comme transportés au milieu d'un tout autre ordre de choses, et parmi une tout autre race d'hommes, est-il sûr, ou plutôt est-il croyable qu'ils eussent retrouvé leur génie et leur talent? Ce n'est pas toujours la multiplicité des événements, leur agitation, leur fracas, qui est favorable au génie de l'Histoire, c'est leur caractère et celui des Personnages qui en sont les acteurs, ce sont aussi leurs résultats. Quand ces résultats sont des maux irrémédiables et toujours croissants, quand ce caractère manque aux hommes et aux choses, les événements se multiplient, se compliquent et se succèdent en vain: il y aura des mémoires, si l'on veut, mais point d'Histoire.

La division des empires d'Orient et d'Occident, avait interrompu presque tout commerce entre les Grecs et les latins, et semblait avoir privé les uns et les autres de la mutuelle communication des lumières 76; mais c'étaient en effet les Latins qui avaient tout perdu. Ils restèrent dépouillés des grands modèles de la littérature grecque, et des livres où étaient déposés les éléments de toutes les sciences. La langue grecque leur devint bientôt entièrement étrangère. La lecture de Platon, d'Aristote, d'Hippocrate, d'Euclide, d'Archimède, leur fut interdite, aussi bien que celle d'Homère, d'Anacréon, d'Euripide et de Théocrite; tandis que le progrès des idées religieuses et de l'enseignement sacerdotal, reléguait pour eux par degrés les grands écrivains qui avaient illustré la littérature latine, au même rang et dans la même obscurité que les auteurs grecs; tandis que 77 S. Augustin, Marcian Capella, S. Isidore, et quelques autres écrivains de la basse latinité, avaient pris dans le peu d'écoles qui subsistaient encore, la place de ces sublimes instituteurs du monde. Enfin l'Italie était réduite au point, que, parmi le peu d'auteurs qui y jetaient encore quelques rayons de gloire littéraire, presque tous étaient étrangers; Claudien, égyptien; Ausone, Prosper et Sidoine Apollinaire, nés dans les Gaules; Prudence, espagnol; Aurélius Victor, africain; Ammien Marcellin, grec, natif d'Antioche, etc.

En Orient, au contraire, les grands modèles existaient dans la langue qui continuait d'être celle du pays même, et de plus, on s'enrichit à cette époque des bons auteurs latins qu'on y avait presque entièrement ignorés jusqu'alors. Une cour formée à Rome, un conseil d'état et un Tribunal suprême, composés de praticiens et de jurisconsultes venus de Rome ou du moins d'Italie, les y transportèrent avec eux 78. Mais ce grand nombre de Romains et d'Italiens qui s'y établirent, ne pouvait égaler ni contrebalancer celui des Grecs et des Asiatiques qui parlaient la langue grecque. Les auteurs latins, quoique mieux connus, restèrent toujours au second rang dans l'opinion.

La place même qu'occupait Constantinople, siège du nouvel Empire, entre la Grèce et l'Asie, était très-propre à faire fleurir la langue grecque, commune depuis plusieurs siècles entre ces deux parties du monde. Cette situation devait augmenter l'obstination de ces peuples à ne faire usage que de leur ancienne langue 79. Enfin la cour elle-même, quoique venue de l'Occident, cultiva bientôt le grec aux dépens du latin; la preuve en est dans les écrits de Julien, neveu de Constantin, et depuis empereur lui-même; élevé en Italie, et long-temps Gouverneur des Gaules, où le latin était la langue dominante; il écrivit en grec ses ouvrages; et ce fut en grec qu'il prononça ses panégyriques et ses autres discours publics. Ces mêmes ouvrages, où des écrivains élevés dans des préventions de religion et d'état contre Julien, ne peuvent se dispenser de reconnaître un haut degré de mérite, et surtout un sel et une finesse qu'on ne trouve peut-être dans aucun auteur depuis Lucien 80, prouvent que les lettres grecques, quoique déchues, étaient encore loin d'une ruine totale.

Si la poésie en général était presque entièrement éclipsée, si surtout la passion effrénée pour les jeux du Cirque avait entièrement étouffé la poésie dramatique; si l'éloquence délibérative et politique ne pouvait plus se relever sous le gouvernement despotique d'un seul 81, un Thémistius, un Libanius dans la rhétorique et l'art oratoire; un Porphyre, un Iamblique dans la philosophie, n'étaient point encore des écrivains à dédaigner; quelques historiens, et quelques autres auteurs dans différents genres, écrivaient encore avec bien plus de talent et de goût, que ne le firent et que ne le pouvaient faire en latin, ceux qui, dans la malheureuse Italie, écrivirent pendant le quatrième siècle et surtout pendant le cinquième.

Les Goths étaient déjà venus, il est vrai, attaquer l'empire d'Orient; ils y avaient porté le ravage et brûlé vif, dans une maison où il s'était réfugié, l'empereur Valens; mais ils avaient été promptement repoussés jusqu'au-delà du Danube par Théodose, alors général, et qui, pour récompense, eut l'Empire; et ces Barbares n'avaient pas eu le temps de corrompre la langue, et de substituer l'esprit militaire à ce qui restait encore de goût pour les lettres. Ce qui, joint à d'autres causes que j'ai indiquées, avait rétréci les esprits, affaibli et rapetissé les talents, c'étaient les disputes de Théologie scolastique, les querelles de l'Arianisme, celles des deux Natures, élevées entre les Patriarches d'Alexandrie et de Constantinople 82; l'hérésie d'Eutychès, substituée à celle de Nestorius 83, le scandale contradictoire des deux conciles d'Ephèse 84, mal effacé par celui de Calcédoine 85, le Formulaire de l'empereur Zénon, le Manichéisme 86, le Monophysisme, le Monothélisme 87 et d'autres questions inintelligibles, et par cela même interminables, qui étaient devenus l'objet des écrits, des conversations, des études, et qui ne pouvaient y porter que le trouble et les ténèbres.

Dans l'Occident, où l'on ressentait le contrecoup de ces vaines disputes, et où tant d'autres causes se réunissaient pour éteindre dans leurs derniers germes l'amour et la connaissance des lettres, elles avaient de plus contre elles ce déluge de Barbares, dont l'Italie, inondée à plusieurs reprises, était enfin restée la proie. Dès le commencement du cinquième siècle, ils s'y étaient débordés sous le faible Honorius. Stilicon les repoussa par sa bravoure, et les y rappela par trahison. Honorius se délivra de lui, mais non des Goths. Alaric entré à Rome 88, à la tête d'une armée innombrable, la saccagea pendant trois jours. Attila avec ses Huns, n'y entra pas 89: le Pape Léon l'arrêta par son éloquence, ou plutôt en mettant à ses pieds tout l'or des Romains pour la rançon de Rome, ou, si l'on ne veut point de ces moyens naturels, en lui parlant en maître, lui, pauvre évêque, suivi de son clergé pour toute armée, mais escorté dans l'air par deux apôtres, armés de glaives flamboyants.

Rome fut donc sauvée pour cette fois, mais le reste de l'Italie fut ravagé, brûlé, mis au pillage; et Rome elle-même, prise cinq ou six ans après par Genseric et ses Vandales, fut saccagée pendant quatorze jours. Enfin, vers la fin de ce malheureux siècle, les Barbares, qui avaient eu le loisir d'étendre leurs conquêtes pendant des règnes que l'Histoire aperçoit à peine, et des interrègnes non moins nuls et non moins désastreux, osèrent demander à un simulacre d'empereur 90, la moitié des terres d'Italie en toute propriété. Le refus sur lequel ils comptaient, les rendit maîtres du tout, et Odoacre leur roi, se fit couronner à Rome roi d'Italie. Ainsi finit l'Empire d'Occident entre les mains de Barbares, à peine désormais plus barbares que les descendants dégénérés des conquérants du monde.

Quel pouvait être le sort des lettres dans de tels bouleversements? Liées à celui de l'Empire, elles s'écroulèrent entièrement avec lui; ou plutôt déjà renversées et détruites, elles restèrent sans espoir et sans moyens de renaissance, abattus et comme gissantes parmi des ruines.

44Turpiter quidem sacerdotes isli in veteres grœcos malevoli fuerunt, sed integritatis, probitatis, et religionis maximum dedere testimonium (Alcyonius. Medices legatus prior, p. 69, ed. de Mencken. Leipsick. 1707.)
45Andrès, Orig. propr., etc., cap. 7.
46Id. ibid.
47Le cinquième siècle.
48On appelle ainsi le quatrième, quoique Constantin soit mort en 336, et que Théodose n'ait régné que depuis 379 jusqu'en 394.
49Chrysostôme vécut jusqu'en 407, treizième année du règne d'Arcadius et d'Honorius; mais il appartient au quatrième siècle.
50Marius Victorinus Africanus.
51Confess., liv. VIII, c. 11.
52Les livres de Inventione rhetor.
53Regina Rerum, Roma, Regi eloquentiœ.
54Par Eunapius, Vit. Sophist., c. 8.
55Julian., Epist. II.
56Q. Aurelius Symmachus.
57Voy. Cassiodore, Hist. tripart., liv. 9, c. 23.
58Prudent. in Symmachum, liv. I.
59Saturnal. liv. V, c. 1.
60Tiraboschi, Stor. della Letter. ital., t. II, liv. IV, c. 3.
61Ils ont été recueillis par Putchius, Hanov. 1605, in-4°.; et par Godefroy, Genève, 1595, 1622, in-4°.
62Macrobius Ambrosius Aurelius Theodosius.
63Saturnalium Conviviorum libri VII.
64Il l'avoue lui-même dans la préface des Saturnales.
65Marcianus Mineus Felix Capella.
66Grammaire, dialectique, rhétorique, arithmétique, géométrie, astronomie et musique.
67Tiraboschi, ub. sup., c. 4.
68Rufus Festus Avienus.
69Orbis terrœ descriptio.
70Ces deux poëmes furent imprimés pour la première fois à Venise, en 1488, in-4º. (V. Fabricius. Bibl. lat.)
71Ad. X Æneid. v. 388.
72Claudius Claudianus.
73Claudius Rutilius Numatianus.
74Queste opere tutte (del Prudenzio) sono più di zelo religioso ripiene che di artifiziosa ornamenti. (Il Quadrio, t. II, pag. 80.)
75Publius Optatianus Porphyrius.
76Andrès, Orig. Progr., etc., c. 7.
77Andrès, ubi supra.
78Denina, Vicend. della Letter., liv. I, c. 36.
79Idem, ibid.
80Id. ibid., c. 35.
81Denina, Vicend. della, Letter., liv. I, c. 39.
82Cyrille et Nestorius.
83Voy. ces deux mots dans le Dictionnaire des Hérésies.
84L'un général en 431, où Nestorius fut condamné, déposé et exilé; l'autre particulier, en 450, que l'abbé Pluquet, dans son Dictionnaire, appelle le brigandage d'Ephèse.
85En 451.
86Voy. les mots Manès et Manichéens, ub. supr.
87Voy. ce mot, ub. sup.
88En 409, selon Muratori, et selon d'autres, 410.
89En 452.
90Augustule.