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Histoire littéraire d'Italie (1

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SECTION DEUXIÈME

Poétique des Troubadours; formes variées de leur poésie; ses caractères; composition des strophes; retour et croisement des rimes; titres et différentes espèces des poëmes provençaux.

L'une des qualités qui brillent le plus dans la poésie des Troubadours, et que l'on y peut le plus facilement apercevoir, est le sentiment d'harmonie qui leur fit imaginer tant de différentes mesures de vers, tant de manières de les combiner entre eux, et d'en entrelacer les rimes pour en former des strophes arrondies et sonores, propres à recevoir des chants variés presque à l'infini. J'ai eu la patience d'extraire de l'un de ces manuscrits, contenant environ quatre cents morceaux de tout genre, toutes celles de ces diverses formes lyriques qui ont entre elles des différences sensibles, et j'en ai trouvé près de cent. À quelque opinion que l'on s'arrête sur la source où ils prirent l'idée de la rime, on conviendra du moins que rien ne leur put offrir le modèle d'une si prodigieuse variété. Ce ne furent assurément pas les hymnes de l'église, réduites à un petit nombre de chants uniformes, sans rhythme et sans harmonie; ce ne fut pas non plus la poésie des Arabes, où ni la rime ni la mesure ne varient dans les mêmes pièces 464; ce fut donc à leur propre génie, à leur organisation favorisée, à l'instinct poétique le plus heureux, que les poëtes provençaux durent l'invention de ces formes harmonieuses, et leur étonnante diversité.

Les éléments dont ils la formèrent sont la mesure des vers, leur nombre dans la strophe, la combinaison des mesures et la disposition des rimes. C'est avec ces moyens simples, mais féconds, qu'ils parvinrent, non à lutter contre les lyriques anciens qu'ils ne connaissaient pas, mais à créer presque tous les rhythmes de la poésie moderne que les langues les plus poétiques de l'Europe reçurent d'eux, et qu'elles conservent encore. Essayons, sans entrer dans trop de détails et sans les trop étendre, de donner un aperçu de cette poétique des Troubadours, à laquelle aucun des auteurs qui ont écrit sur eux jusqu'à présent ne paraît avoir fait attention.

1°. Les vers provençaux sont composés de tous les nombres de syllabes, depuis deux jusqu'à douze, et même depuis une, si l'on veut compter pour des vers ces monosyllabes placés quelquefois en rime et comme en écho après un plus grand vers. Il faut pourtant excepter des vers de neuf syllabes, dont je n'ai point trouvé d'exemples, et observer que les vers de onze syllabes et ceux de douze sont assez rares.

2°. Le nombre des vers dans chaque strophe s'étend depuis quatre jusqu'à vingt-deux et même davantage: dans le manuscrit que j'ai le plus examiné, il se trouve une pièce dont les strophes sont de vingt-huit vers, et même une autre de vingt-neuf. Ce qui est peut-être encore plus remarquable, c'est que dans un recueil de quatre cents chansons il n'y en a que deux qui soient en quatrains.

3°. L'emploi et la combinaison des différentes mesures de vers dans les strophes est la source la plus abondante de leur diversité. Les strophes sont composées de vers égaux ou inégaux entre eux; égaux, depuis les vers de douze et de dix syllabes, jusqu'à ceux de cinq (en exceptant toujours les vers de neuf syllabes); inégaux de toute espèce de mesures. On ne trouve point de strophes en vers égaux de onze, de quatre, de trois ni de deux syllabes; ils ne sont employés que dans les strophes en vers inégaux. Les strophes en vers égaux de douze, de dix et de huit syllabes n'ont jamais plus de dix vers; celles qui en ont davantage sont composées ou de petits vers égaux, ou plus souvent de vers inégaux de toutes les mesures. Les vers sont masculins ou féminins, selon la syllabe qui les termine, et dans les vers féminins la dernière syllabe est muette et ne se compte point, comme dans nos vers féminins terminés par un e muet 465. On voit combien de variétés peuvent fournir tant de sortes de strophes multipliées par tant de mesures de vers.

4°. La disposition et l'entrelacement des rimes est un dernier moyen dont les Provençaux tirèrent le plus grand parti. Ils rimèrent soit à rimes plates ou deux par deux, soit à rimes croisées; ils croisèrent non seulement les rimes masculines avec les féminines, mais les masculines entre elles et les féminines aussi entre elles; ils firent correspondre les rimes d'une de leurs strophes avec celles des autres strophes de la même chanson, tantôt dans le même ordre (et c'est même pour eux une règle générale qui ne souffre que peu d'exceptions), tantôt en ordre rétrograde, ou avec d'autres entrelacements et d'autres retours; ils se donnèrent enfin toutes les entraves qu'ils purent imaginer pour joindre aux plaisirs de l'esprit la surprise et le plaisir de l'oreille, et souvent aussi pour étonner plus que pour plaire.

Avec ces rimes et ces mesures de vers si péniblement entrelacées, avec ces entraves qui devaient être si embarrassantes pour le génie, et si peu favorables à l'expression du sentiment, l'amour et la galanterie étaient cependant le sujet le plus ordinaire de leurs chants. Souvent, il est vrai, dans leurs poésies galantes ils se perdaient en éloges et en sentiments alambiqués; mais quelquefois aussi la finesse et la concision, le naturel et la simplicité la plus aimable brillaient ensemble dans leurs vers. On y trouve, par exemple, des traits tels que celui-ci, tiré d'une chanson d'Arnaud de Marveil 466; mais il faut convenir qu'ils y sont rares:

«Grâce aux exagérations des Troubadours je puis louer madame autant qu'elle en est digne, je puis dire impunément qu'elle est la plus belle dame de l'univers. S'ils n'avaient pas cent fois prodigué cet éloge à qui ne le méritait point, je n'oserais le donner à celle que j'aime: ce serait la nommer».

Quelquefois une tendresse naïve y est revêtue d'une expression piquante, comme dans cette pièce intitulée demi-chanson: «On veut savoir pourquoi je fais une demi-chanson, c'est que je n'ai qu'un demi sujet de chanter. Il n'y a d'amour que de ma part; la dame que j'aime ne veut pas m'aimer; mais au défaut des oui qu'elle me refuse, je prendrai les non qu'elle me prodigue. Espérer auprès d'elle vaut mieux que jouir avec toute autre 467».

Sans connaître, selon toute apparence, les poëtes ni grecs ni latins, ni par conséquent l'emploi qu'ils faisaient dans quelques genres de poésie d'un vers intercallaire qui revenait en forme de refrain, quelques Troubadours employèrent ce retour périodique d'un vers à la fin de toutes les strophes d'une chanson; c'est ce qu'on appela ensuite ballade, parce que les chansons qui accompagnaient la danse s'emparèrent de cette forme; genre que les Italiens crurent avoir inventé, mais qu'ils avaient emprunté des Provençaux. Telle est cette agréable chanson de Sordel 468, dont les cinq couplets finissent par le vers qui la commence.

 

«Hélas à quoi me servent mes jeux 469, s'ils ne voient pas celle que je désire, maintenant que la saison se renouvelle et que la nature se pare de fleurs? Mais puisque celle qui est la dame de mes plaisirs m'en prie, et qu'il lui déplaît que je chante des airs plaintifs, je ne chanterai plus que d'amour. Cependant je meurs, tant je l'aime de bonne foi, et tant je vois peu celle que j'adore. Hélas! à quoi me servent mes yeux? Ce même vers se répète à la fin des quatre autres couplets.

Quelquefois ces poëtes, qui ne connaissaient ni Anacréon ni les autres anciens, donnaient à leurs inventions galantes un tour digne des anciens et d'Anacréon lui-même. C'est ainsi que Pierre d'Auvergne prend pour interprète un rossignol qui se rend auprès de sa belle, lui parle en son nom, et lui rapporte la réponse 470; mais on pourrait reconnaître ici le goût oriental et l'imitation des poëtes arabes, qui eurent tant d'influence sur le génie des Provençaux.

On trouve aussi dans leurs poésies galantes des traits originaux qui peignent les mœurs guerrières de leur temps, comme ce serment qui termine les divers couplets de la chanson d'un chevalier 471.

«Qu'au premier vol je perde mon épervier; que des faucons me l'enlèvent sur le poing et le plument à mes yeux, si je n'aime mieux rêver à vous que d'être aimé de toute autre et d'en obtenir les faveurs!.. Que je sois à cheval, le bouclier au cou, pendant l'orage; que l'eau traverse mon casque et mon chaperon; que mes rênes trop courtes ne puissent s'alonger; qu'a l'auberge je trouve l'hôte de mauvaise humeur, si celui qui m'accuse auprès de vous n'en a pas menti!.. Que le vent me manque en mer; que je sois battu par les portiers quand j'irai à la cour du roi; qu'au combat je sois le premier à fuir, si ce médisant n'est pas un imposteur, etc.»!

Ces chants d'amour étaient de plusieurs espèces, la plupart d'invention provençale, et qui, nés parmi les Troubadours, reçurent d'eux leurs noms et leurs différents caractères. Ils donnèrent d'abord le simple titre de vers à presque toutes leurs pièces. On attribue à Giraut de Borneil, qui florissait au commencement du treizième siècle, l'honneur d'y avoir substitué le premier le titre de chanson, ou, en provençal, canzo et canzos, qui signifiait poésie chantée, comme l'ode des Grecs. Les formes de ces chansons étaient extrêmement variées. Les Italiens dans leurs canzoni imitèrent de préférence celles dont les strophes se composaient d'un plus grand nombre de vers; ils les imitèrent d'abord et les perfectionnèrent ensuite.

Les Provençaux appelèrent sonnets des pièces dont le chant était accompagné du son des instruments; ce mot n'indiquait aucune forme, aucune combinaison particulière dans les strophes. Nous verrons dans la suite que les sonnets italiens n'y ressemblaient que par le titre; qu'ils en différaient par le nombre fixe des vers, par leur distribution, par l'entrelacement des rimes; qu'enfin le sonnet, tel qu'il est dans Pétrarque et dans les autres lyriques, est, au titre près, une invention toute italienne. Les Troubadours donnaient quelquefois le titre de coblas aux strophes de leurs chansons, sans qu'il paraisse que ces strophes eussent pour cela rien de particulier 472. C'est de ce mot que les Italiens ont fait le mot cobola ou cobbola, ancienne forme de poésie aussi divisée par strophes, et que nous avons fait le mot couplets.

Les albas et les serenas étaient des chansons dans lesquelles un amant exprimait ou l'attente de l'aube du jour, ou l'effet que produisait en lui le retour du soir. Il avait soin de ramener en refrain à chaque couplet ou strophe, dans l'une le mot alba, aube, et dans l'autre el sers, le soir 473. La retroencha consistait aussi dans un refrain qui se répétait à la fin de chaque strophe 474. La redonda était une des formes de chanson la plus travaillée, une de celles où les rimes se renversaient d'une strophe à l'autre dans l'ordre le plus gênant et le plus singulier 475.

serena du même poëte, les quatre derniers vers de la strophe qui servent de refrain, ont bien le caractère mélancolique de ce genre de poésie:

Le descort ou descors a été mal défini par tous ceux qui ont écrit sur la poésie provençale, Crescimbeni, dans ses giunte ou additions aux vies des poëtes provençeaux, avait d'abord cru que ce mot signifiait brouillerie, querelle, discordi, sdegni comme notre vieux mot français discord. Il attribua ensuite ce titre à la musique, et entendit par descors une différence de sons 476 L'abbé Millot a adopté cette explication. Voici, je crois, la véritable. On a vu que le plus souvent tous les couplets d'une chanson provençale étaient sur les mêmes rimes que le premier. Cette loi, empruntée de la poésie arabe, était tellement générale qu'il fallut un titre particulier pour annoncer au commencement d'une pièce que les différents couplets ou strophes étaient sur des rimes différentes, que les vers de chaque strophe ne s'accordaient point, qu'ils discordaient en quelque sorte avec les vers correspondants des autres strophes, et c'est tout simplement ce que signifie le mot descors. Quelquefois la discordance allait plus loin; à chacune des strophes, la mesure des vers était différente, ainsi que les rimes, et c'était seulement alors que la musique devait aussi changer à chaque strophe 477.

 

La sixtine est, sans contredit, celle de ces formes provençales qui était la plus recherchée et la plus difficile. Les strophes y sont composées de six vers qui ne riment point entre eux, mais qui donnent aux strophes suivantes des bouts-rimés plutôt que des rimes. Dans la seconde strophe le mot final ou bout-rimé de chaque vers de la première se renverse dans l'ordre le plus bizarre et le plus gênant 478. La troisième strophe en fait autant à l'égard de la seconde, la quatrième à l'égard de la troisième, et ainsi jusqu'à la sixième, dans laquelle toutes les combinaisons des six vers de la première se trouvent épuisées. Les Italiens adoptèrent avec une sorte de passion cette espèce de poésie contrainte. Pétrarque l'employa souvent, et l'on trouve dans son canzoniere plusieurs sixtines qui étonnent par la difficulté vaincue, mais qui ajoutent peu au plaisir de ses lecteurs et à sa gloire.

On a vu plus haut ce que c'était à peu près que la ballade; il y faut ajouter un entrelacement de rimes et de mesures de vers, qui ne pouvait avoir d'autre mérite que la difficulté vaincue. Cette difficulté qui avait piqué les Provençaux, ne rebuta point les Italiens, ni même les Français, mais ce vers dédaigneux de Molière 479:

La ballade à mon goût est une chose fade,

fut un arrêt qui la bannit de France, où elle n'a plus osé se remontrer depuis.

La tenson, espèce de lutte ou de combat poétique, était un dialogue vif et serré entre deux Troubadours qui s'attaquaient et se répondaient par distiques ou par quatrains, sur des questions d'amour ou de chevalerie 480. C'est ce qu'on nommait autrement jeu-parti. Ces combats d'esprit faisaient un des principaux amusements des princes et des grands dans leurs fêtes et leurs cours plénières. Les poëtes qui montraient le plus de talent, dont les vers étaient les meilleurs et les réparties les plus vives, obtenaient des prix, et les recevaient de la main des dames. Les questions souvent très-recherchées de la métaphysique d'amour, ainsi traitées devant elles, et sur lesquelles le prix même qu'elles décernaient était une sorte de jugement, donnèrent par la suite naissance aux cours d'amour, qui, quoi que l'on en ait dit 481, sont d'une institution postérieure, sinon à l'existence des Troubadours, du moins à tout le premier siècle où ils fleurirent 482.

C'est aux Arabes, comme nous l'avons dit, qu'ils empruntèrent les tensons ou combats poétiques, espèces d'assaut d'esprit qui, chez ces peuples ingénieux, roulaient pour la plupart sur des points délicats de galanterie ou de philosophie traités avec toutes les recherches de l'art et toutes les finesses du langage. Trop souvent les Troubadours s'écartèrent de la route qui leur était tracée, et leurs tensons ne furent que des luttes de grossièretés et d'injures; mais souvent aussi ils imitaient la vivacité spirituelle et la délicatesse de leurs modèles, ou ils les remplaçaient par un ton original de franchise et de naïveté. Par exemple, Gaucelm propose cette question à un autre Troubadour nommé Hugues 483. «J'aime sincèrement une dame qui a un ami qu'elle ne veut pas quitter. Elle refuse de m'aimer si je ne consens qu'elle continue de lui donner publiquement des marques d'amour, tandis que dans le particulier je ferai d'elle tout ce que je voudrai: telle est la condition qu'elle m'impose». Hugues répond: «Prenez toujours ce que la jolie dame vous offre, et plus encore quand elle voudra. Avec de la patience on vient à bout de tout, et c'est ainsi que bien des pauvres sont devenus riches». Gaucelm n'est pas de cet avis. «J'aime mieux cent fois, dit-il, n'avoir aucun plaisir et rester sans amour que de donner à ma Dame la permission extravagante d'avoir un autre amant qui la possède. Je ne le trouve déjà pas trop bon de son mari; jugez si je le souffrirais patiemment d'un autre. J'en mourrais de jalousie, et à mon avis il n'est pas de plus cruel genre de mort.» Hugues insiste. «Celui qui dispose en secret d'une jolie dame a bien envie de mourir, s'il en meurt. J'aimerais mieux l'avoir à cette condition que de n'avoir rien du tout». La dispute continue, et les deux Troubadours conviennent de s'en rapporter à de belles dames, dont on ignore la décision.

Ces galantes futilités seraient traitées maintenant avec plus de finesse et de talent qu'elles ne le furent alors; mais les femmes les plus décidées d'aujourd'hui ne feraient peut-être rien de plus fort ou du moins de plus franc que la proposition de la dame, et l'on voit qu'au fond, depuis six ou sept siècles, l'art des vers a fait chez nous beaucoup plus de progrès que la corruption des mœurs.

Les contes ou novelles ne sont pas en aussi grand nombre dans les poésies des Troubadours que dans celles des Trouvères, ou anciens poëtes français, dont on n'a guère publié jusqu'ici que les nombreux et prolixes fabliaux. Dans les novelles provençales on reconnaît toujours une imagination galante et poétique, et leurs inventions sont souvent un mélange des fictions orientales avec les fables chevaleresques d'Europe et la métaphysique d'amour. Tel est ce conte de Pierre Vidal 484, qui marchait suivi de ses chevaliers et de leurs écuyers lorsqu'ils rencontrent un chevalier, beau, grand, vigoureux, équippé et habillé de la manière la plus brillante, conduisant une dame mille fois plus belle encore, tous deux montés sur des palafrois richement enharnachés et de couleurs si variées qu'il n'y avait pas deux de leurs membres ou des parties de leurs corps qui fussent du même poil et de la même couleur. Ils étaient suivis d'un écuyer et d'une demoiselle, remarquables par une parure et une beauté particulières. Une conversation s'engage. Pierre Vidal invite le beau chevalier et la belle dame à se reposer. La dame, qui n'aime point les châteaux, préfère un lieu champêtre et agréable, dans un verger délicieux, près d'une claire fontaine. Là, le chevalier se fait connaître à lui, sa compagne et sa suite. La dame se nomme Merci, la demoiselle Pudeur, l'écuyer Loyauté, et lui, qui est l'Amour, emmène, de la cour du roi de Castille, Merci, Pudeur et Loyauté. Ce compte n'est pas fini, et c'est dommage; le fragment est fort long, plein de descriptions riches, d'entretiens et de solutions de questions d'amour.

En voici un 485 dont le commencement, presque anacréontique, n'annonce guère la fin; cette fin n'est, à proprement parler, dans aucun genre, et l'extravagance du dénoûment serait remarquée même dans les Mille et une Nuits. Un perroquet arrive de loin pour saluer une dame de la part d'Antiphanon, fils du roi, et la prier de soulager le mal dont elle le fait languir. La dame aime trop son mari pour écouter un amant. Le perroquet plaide la cause de son maître et celle de l'amour aux dépens du mariage. Il commence à persuader. On lui donne, pour le chevalier qui l'envoie, un anneau et un cordon tissu d'or, avec de tendres compliments. Il va rendre compte de son message, encourage l'amant dans ses espérances, et lui propose de l'introduire auprès de sa maîtresse; on ne devinerait pas par quel moyen: en mettant le feu au toit du château. Il retourne vers la dame et lui annonce Antiphanon. Mais comment le faire entrer? le jardin toujours fermé, des gardes à toutes les portes. Le perroquet lui fait part de son stratagème, et, ce qu'il y a de merveilleux, elle consent à l'employer. Il revient à son maître qui lui fait donner du feu grégeois dans un vase de fer. Le perroquet le prend dans sa patte, vole à la tour, et y met le feu, près des archives, en quatre endroits. On crie au feu; tout le monde est sur pied pour l'éteindre. La dame profite de ce désordre pour descendre au jardin, Antiphanon pour y entrer, et bientôt selon l'expression du poëte, ils crurent être en paradis. Mais on éteint le feu à force de vinaigre. Le perroquet, qui faisait sentinelle, avertit les deux amans; ils se quittent, et ce n'est pas sans que la dame, mêlant de la morale à cette étrange immoralité, ne recommande au chevalier en se jetant à son cou et le baisant trois fois, de faire les plus belles actions pour l'amour d'elle. Sans vouloir comparer sans cesse un siècle à l'autre, on conviendra que dans celui-ci, du moins, les châteaux ne courent pas autant de risques, et qu'il en coûte moins cher aux maris.

On trouve dans une autre novelle 486 l'original d'un conte plaisant de Boccace, à moins que ce conte, n'ait comme tant d'autres, une origine orientale, et que Boccace et le Troubadour n'aient puisé dans une source commune. C'est celui auquel La Fontaine, en l'imitant, a donné pour titre trois qualités, dont la première procure à un mari le désagrément d'être battu, mais ne l'empêche pas d'être content. Il y a cette différence que ce sont ici des chevaliers et une grande dame, et que l'histoire est racontée par un jongleur au roi de Castille, Alphonse IX, au milieu de sa cour. Boccace et La Fontaine ont mieux aimé prendre leurs acteurs dans la condition commune, sans doute pour qu'on n'imaginât pas que la chose ne pût arriver que dans une classe qui fait exception.

Ces contes sont pour la plupart remplis de traits naïfs, agréables et quelquefois piquants; mais la prolixité les tue; tout y annonce l'enfance de l'art; tout y respire une licence qui ne blesse pas moins le goût que la morale, et ce que les auteurs savent le moins, c'est se borner et finir.

Il y a peut-être encore moins d'art dans leurs pastourelles. C'est presque toujours le poëte qui raconte lui-même que, se promenant seul dans une campagne fleurie, il a trouvé une jolie bergère qui gardait ses moutons, ou qui cueillait des fleurs en suivant son troupeau. Ce qu'il dit à la bergère et ce qu'elle lui répond est tout le sujet de la pièce. Une simplicité quelquefois assez fine en fait le mérite. Le dialogue procède de trois en trois vers, ou de deux en deux, ou vers par vers, comme celui de quelques Eglogues de Théocrite et de Virgile. L'entretien roule sur l'amour; quelquefois, le poëte se représente fort épris de la bergère, prêt à céder à la tentation, puis s'arrêtant tout à coup au souvenir de sa dame à qui il ne veut pas faire une infidélité 487; quelquefois aussi il succombe, et la bergère ne résiste qu'autant qu'il faut pour que la pastourelle ait une étendue raisonnable 488. Il faut savoir quelque gré aux Troubadours d'avoir entrevu ce genre aimable, sans connaître les modèles que l'antiquité nous a laissés, et de s'y être borné à des scènes galantes et naïves. Ni leurs idées ni la langue elle-même ne s'étendaient beaucoup plus loin.

Le sirvente, servantèse ou servantois était presque le seul genre qui roulât ordinairement sur d'autres sujets que la galanterie; il était historique ou satirique. Le poëte y célébrait, ou ses propres exploits, s'il était chevalier, ou les exploits des chevaliers qui l'admettaient à leur table, ou les traits de bravoure, de générosité, de vertu qu'il jugeait dignes de sa muse; ou bien il y reprenait, soit les vices en général, soit en particulier ceux des ennemis, des rivaux et même des grands dont il avait à se plaindre. Quelquefois, ce qui produisait des oppositions et des contrastes, la galanterie se mêlait à la satire, comme dans ce sirvente, dont chaque strophe commence par un trait satirique contre Henri II, roi d'Angleterre, à qui Louis-le-Jeune avait fait lever le siége de Toulouse, et finit par une apostrophe galante à la maîtresse de l'auteur 489.

«Quand la nature renaît, et que les rosiers sont en fleur, les méchants barons s'empressent d'aller à la chasse. Il me prend envie de faire contre eux un sirvente et de censurer aigrement ces ennemis de toute vertu et de tout honneur; mais amour répand la gaîté dans mon âme autant que les beaux jours de mai. Je conserverai ma joie malgré tant de sujets de tristesse». Il désigne ensuite le preux roi avec sa nombreuse cavalerie, qui se vante de l'emporter en gloire et en mérite; mais, dit-il, les Français n'en ont pas peur; et se tournant vers sa dame, il l'assure qu'il la redoute davantage, et qu'il a une bien autre crainte de ses rigueurs. «Je fais plus de cas, poursuit-il, d'un coursier sellé et armé, d'un écu, d'une lance et d'une guerre prochaine, que des airs hautains d'un prince qui consent à la paix en sacrifiant une partie de ses droits et de ses terres. Pour vous, beauté que j'adore, vous que j'aurai ou j'en mourrai, je m'estime plus heureux d'attaquer vos refus que d'être accepté par une autre. J'aime les archers quand ils lancent des pierres et renversent des murailles; j'aime l'armée qui s'assemble et se forme dans la plaine; je voudrais que le roi d'Angleterre se plût autant à combattre que je me plais, madame, à me retracer l'image de votre beauté et de votre jeunesse, etc.». Cela est original, il en faut convenir. Cela était inspiré par le moment, et n'avait de modèle ni parmi les Arabes, ni parmi les Anciens, dont ce bon Troubadour et ses confrères ne soupçonnaient pas même l'existence.

Une satire plus originale encore, ou, si l'on veut, plus bizarre, est celle-ci. Blacas est mort; c'était un baron riche, généreux, brave, et de plus très-bon Troubadour. Sordel 490, l'un des Italiens les plus célèbres qui se soient adonnés à la poésie provençale, fait son éloge funèbre; mais chaque trait de cet éloge est un trait de satire contre quelque prince. «Ce malheur est si grand, dit-il, qu'il n'y a d'autre ressource que de prendre le cœur de Blacas pour le donner à manger aux barons qui en manquent; dès lors ils en auront assez. Que l'empereur de Rome (Frédéric II) en mange le premier; il en a besoin s'il veut recouvrer sur les Milanais les pays qu'ils lui ont enlevés en dépit de ses Allemands. – Après lui en mangera le noble roi de France (Louis IX), pour reprendre la Castille qu'il perd par sa sottise; mais si sa mère le sait il n'en mangera point; car il craint en tout de lui déplaire. – Le roi d'Angleterre (Henri III) en doit manger un bon morceau. Il a peu de cœur; il en aura beaucoup alors, et reprendra les terres qu'il a honteusement laissé usurper. – Il faut que le roi de Castille (Ferdinand III) en mange pour deux; car il a deux royaumes, et n'est pas bon pour en gouverner un seul; mais s'il en mange, qu'il se cache de sa mère; elle lui donnerait des coups de bâton. – Je veux qu'après lui en mange le roi de Navarre (Thibault, comte de Champagne), qui, selon ce que j'entends dire, valait mieux comte que roi». Ainsi du reste.

Les sirventes, où la satire ne s'exerçait que sur les mœurs, ont l'avantage de nous apprendre des usages et des folies de ce temps qui se rapprochent souvent de ce que l'on voit dans le nôtre. Le trait suivant, par exemple, nous dit quelle espèce de fard les vieilles femmes mettaient alors

Pour réparer des ans l'irréparable outrage

«Je ne peux souffrir le teint blanc et rouge que les vieilles se font avec l'onguent d'un œuf battu qu'elles s'appliquent sur le visage, et du blanc par-dessus, ce qui les fait paraître éclatantes depuis le front jusqu'au-dessous de l'aisselle 491». Ces derniers mots prouvent aussi que l'habillement des femmes n'était pas plus modeste alors qu'aujourd'hui, même quand un autre intérêt que celui de la modestie l'aurait exigé d'elles.

D'ailleurs on ne voit ici que du blanc, ce qui les aurait fait ressembler à des spectres; mais elles mettaient aussi beaucoup de rouge, comme une autre satire nous l'atteste. Elle est d'un certain moine de Montaudon, poëte satirique par excellence, qui n'épargnait personne dans ses sirventes, ni les femmes, ni les moines, ni même les Troubadours 492. Le tour qu'il prend est vif et ingénieux. Les dames et les moines paraissent devant Dieu, se disputent entre eux et plaident en forme. «Tout est perdu, disent les moines; mesdames, vous nous faites grand tort en nous enlevant les peintures. C'est un péché de vous peindre si fort et de vous déguiser de la sorte; car jamais l'usage de la peinture ne fut inventé que pour nous, et vous vous rougissez tellement que vous effacez les images qu'on suspend dans nos chapelles. – Les dames répondent: La peinture nous a été donnée bien avant qu'on inventât les ex voto pour les moines grands et petits. Je ne vous ôte rien, dit une dame, en peignant les rides qui sont au-dessous de mes yeux, et en les effaçant de manière à pouvoir traiter encore avec hauteur ceux qui s'affolent de moi.

Dieu dit aux moines: Si vous le trouvez bon, je donne vingt ans pour se peindre aux femmes qui en ont plus de vingt-cinq; soyez plus généreux que moi, donnez-leur en trente. – Nous n'en ferons rien, répondent les moines, nous leur en donnerons dix par complaisance pour vous; mais sachez qu'après ce temps nous voulons être sûrs qu'elles nous laisseront en paix. Alors vinrent Saint-Pierre et Saint-Laurent, qui firent une bonne et ferme paix entre les parties, l'un et l'autre ayant juré de la maintenir. Ils retranchèrent cinq ans des vingt, et en ajoutèrent cinq aux dix. Ainsi fut vidé le procès, et les parties demeurèrent d'accord.

Mais le poëte s'écrie que le serment est violé, que les femmes se mettent tant de blanc et de vermillon sur le visage, que jamais on n'en vit plus aux ex voto. Il nomme une quantité de drogues dont elles se servent, la plupart inconnues aujourd'hui. «Elles mêlent, dit-il, avec du vif-argent du cafera, du tifrigon, de l'angelot, du berruis, et s'en peignent sans mesure. Elles mêlent avec du lait de jument, des fèves, nourriture des anciens moines et la seule chose qu'ils demandent, par droit ou par charité, de sorte qu'il ne leur en reste plus rien 493. Elles ont encore fait pis que tout cela; elles ont amassé provision de safran, et l'ont fait tellement enchérir qu'on s'en plaint outre-mer: mieux vaudrait-il qu'on le mangeât en ragoûts et en sauces que de le perdre ainsi. Il conviendrait du moins qu'elles prissent les étendards et les armes des croisés pour aller chercher outre-mer le safran qu'elles ont tant d'envie d'avoir». On voit par là que l'on tirait le safran de l'Orient, qu'on s'en servait pour la cuisine, et, ce qu'il est assez difficile de concevoir, qu'il entrait, même en très-grande quantité, dans la toilette des dames, avec le blanc, le rouge et encore d'autres couleurs 494.

464Les odes ou ghazèles des Arabes et des Persans, sont divisées par distiques: les deux vers du premier distique riment ensemble; le second vers de chacun des distiques suivants rime avec ces deux là, tandis que le premier vers, qui n'est en quelque sorte qu'un hémistiche, est sans rime.
465Ainsi, ce vers masculin, Amor, merce no mucira tan soven, est de dix syllabes, et ce vers féminin qui le suit, Que ia'm podetz vias de tot aucire, n'est non plus que dix. Il y en a matériellement onze, mais la dernière est muette. La voyelle a est aussi regardée comme muette, quand elle forme une terminaison féminine, comme dans ce vers: Trop mes m'amigua longhdana. Et dans celui-ci: La gensor e la pus gaya, qui ne sont que de sept syllabes. C'est ce que n'ont point adopté les Italiens, qui font entrer dans le nombre des syllabes constitutives de leurs vers, les voyelles tombantes et à peu près muettes qui les terminent presque tous. Mais dans les vers provençaux l'a est quelquefois masculin à la fin des mots, comme dans ce vers, qui est de huit syllabes pleines: Ab cor lial fin e certa.
466C'est lui que Pétrarque appelle il men famoso Arnaldo, pour distinguer d'Arnaud Daniel, qui avait plus de réputation que lui. Nostradamus et Crescimbeni, Vie V; Millot, tom. I, pag. 69.
467Id. ibid., p. 393. Cette pièce est de Bertrand d'Allamanon. V. Nostradamus, Vie. LI; Crescembeni, idem.; Millot, tom. I, p. 390. Quelques manuscrits l'attribuent à Pierre Bermon Ricas Novas. Voici le premier couplet: Pus que tug volon saberPer que fas mieia chanso,Ieu lur en dirai lo uerQuar l'ai de mieia razo,Perque dey mon chan mieiadarQuar tals am que no'm uol amar,Et pus d'amor non ai mas la meytatzBen deu esser totz mos chans meitadatz.
468Ce poëte était italien et né à Mantoue; mais ce fut principalement par ses poésies provençales, qu'il se rendit célèbre, et il est compté parmi les principaux Troubadours. Nostradamus, Vie XLVI; Crescimbeni, idem; Millot, t. II, P. 79.
469Aylas e que'm fan miey huelh?Quar no uezon so quieu auelh,Er quan renouella e gensaEstius ab fuelh et ab flor.Pus mi fai precx n'il agensaQu'ieu chantan lais de dolorSilh qu'es domna de plazenza,Chanterai si tot d'amor:Muer, quar l'am tant ses falhensa,E pauc uey lieys qu'ieu azor,Aylas e que'm fan miey huelh?
470Millot, t. II, p. 16.
471Bertrand de Born, l'un des plus braves chevaliers et des plus illustres Troubadours du douzième siècle, et dont Nostradamus ne parle pas. Voyez Millot, t. I, p. 210. Al premier get perdieu mon esparvierO'l m'aucion al poing falcon lainier,E porton l'en qu'il lor veia plumar,S'ieu non am mais de vos lo cossirierQue de nuill outra aver mon desirierQue'm don s'amor ni' m reteigna al colgar.…Escut a col cavalch'ieu ab tempierE port sailat capairon traversierE renhas breus qu'on non posca alongarEt estrepeus lonc cuval bas trotierEt a l'ostal truep irat lo stalierSi no' us menti qui us o anet comtar.…E failla 'm vens quam serai sobre mar,E'n cort de Rey mi batan li portierEt encocha fassa 'l fugir primier,Si na' us menti qui us o anet comtar.
472On trouve, par exemple, dans les manuscrits provençaux, deux strophes ainsi intitulées, So son II coblas que fas R. Gaucelm de'l senhor Dusell (d'Usez) que avia nom aissy com elh R. Gaucel. «Ici sont deux couplets (coblas), que fit Raimond Gaucelm sur le seigneur d'Usez, qui se nommait Raimond Gaucelm comme lui». Soit que les Provençaux eussent donné ce mot aux Espagnols, soit qu'ils l'eussent emprunté d'eux, on le trouve avec une légère altération dans la poésie espagnole. On y appelle copla toute espèce de combinaison métrique; et l'on donne à ce mot, pour étymologie, le mot latin copulare ou adcopulare rhythmos. (Essai sur la poésie espagnole, p. 41.)
473Voici une alba de Giraut Riquier; Al plazen Pessamen775. Pensée, ou, comme on disait en vieux français, pensement, en italien et en espagnol, pensamento et pensamiento. Amoros Ai cozen776. Cocente, cuisant. Mal talen Cossiros Tan qu'el ser non puese durmir Ans torney e vuelf e vir (je me tourne et retourne) E dezir Vezer l'alba. Toutes les strophes finissent par ce dernier vers. E dizia sospiran:Iorns, ben creyssetz a mon dan,E'l sersAussi me'ssos lonc espers. C'est-à-dire, ou à peu près: Et je disais en soupirant:O jour! tu crois pour mon tourment,Et le soirJe meurs d'un si long espoir. On trouve dans cette serena ces deux vers pleins de sentiment et de naïveté: Nulhs hom non era de latzA l'aman que sa dolor.Le pauvre amant n'a personnePrès de lui que sa douleur.
474Telle est une retroencha de Jean Estève, en six couplets, d'un singulier entrelacement de mesures et de rimes qu'il serait trop long d'expliquer, et finissant tous par ces deux vers: Ben dey chantar gayamenPus ay tan gay iauzimen.
475J'en trouve une de Giraut Riquier, dont les strophes sont de douze vers, sur trois seules rimes féminines entremêlées. Deux de ces rimes sont conservées dans la seconde strophe; la troisième rime disparaît et fait place à une nouvelle rime, aussi féminine: ainsi de suite dans toutes les autres strophes. De plus, le premier vers de chaque strophe prend la rime du dernier de la strophe précédente; le second celle du pénultième, et la nouvelle rime est toujours au troisième vers. Je n'ai trouvé qu'un exemple de cette forme de chanson dans les manuscrits, non plus que du Breu double ou au bref double, dont je ne sache pas que personne ait parlé. Celui-ci consiste en strophes de quatre vers masculins de dix syllabes à rimes croisées, suivis d'un vers féminin de six. Il n'a que trois strophes, toutes sur les mêmes rimes; et c'est peut-être cette brièveté et cette répétition, ou ce redoublement de rimes, qui l'avait fait appeler breu ou bref double. Cette chanson est encore de Giraut Riquier, l'un de nos Troubadours qui paraît avoir été le plus fécond en petites recherches de ce genre.
775Pensée, ou, comme on disait en vieux français, pensement, en italien et en espagnol, pensamento et pensamiento.
776Cocente, cuisant.
476C'est en interprétant mal un article d'un Glossaire manuscrit provençal-latin de la bibliothèque Laurentienne à Florence, que Crescimbeni a fait cette seconde faute. Le Glossaire dit: Descors, discordes, discordia; V. Cantilena habeus sonos diversos. Sonos signifie ici les rimes, les sons qui terminaient les vers, et non pas les sons ou la musique composée sur ces vers.
477Presque toutes les chansons qui sont intitulées Descors dans nos manuscrits, sont dans le premier de ces deux cas. Je puis citer pour exemple du second ce Descors d'Aymeric de Bellenvey. PREMIÈRE STROPHES'a mi Dons plaziaCuy am ses bauziaGay Descort faria, etc. La strophe est de douze vers de mesure égale, et tous sur la même rime. DEUXIÈMEMalayQue'm fayTan gran erguelh direDe layOn ayMon maior desire, etc. etc. Cette strophe est de dix-huit vers; les douze autres vers sont mesurés et rimés de même. La troisième strophe a un autre nombre de vers, d'autres mesures et d'autres rimes; il y a six strophes, sans compter l'envoi, dont chacune varie de même.
478Le mot final du sixième vers de la première strophe est reporté au premier vers de la seconde; celui du premier vers l'est au second; celui du cinquième au troisième; celui du second au quatrième; celui du quatrième au cinquième, et celui du troisième au sixième et dernier. On peut juger de la contrainte et de la difficulté de ce singulier retour de mots, surtout quand le poëte s'étudiait à mettre de la singularité dans les mots mêmes, comme on le fait dans les bouts-rimés les plus bizarres, et comme on le faisait assez ordinairement Arnaud Daniel, qui passe pour l'inventeur de la sixtine. Voici, pour exemple, la première strophe de l'une de celle qu'on trouve dans son Recueil: Lo ferm voler q'el cor m'intraNom pot ges becx escoyssendre ni ongla,De lausengiers si tot de mal dir s'arma,Et pos nols aus batre ab ram ni ab vergaSi vals a frau lai on non avrai oncleJauzirai joi in verzer o dinz cambra. Dans la seconde strophe, les rimes, ou mots servant de bouts-rimés, se rangent ainsi à la fin des vers; cambra intra oncle ongla verga arma. Dans la troisième, leur renversement produit: arma cambra verga intra ongla oncle Ainsi des autres. Le superfin de toute cette recherche était que la dame, à qui s'adressait cette sixtine, s'appelait madame d'Ongle.
479Dans les Femmes Savantes.
480C'est sans doute de ce mot tenson que las Italiens ont pris leur mot tenzone, lutte, dispute, querelle.
481Cazeneuve, De l'Origine des Jeux Floraux.
482C'est-à-dire, au douzième siècle. L'abbé Millot a eu raison d'être d'un avis contraire à celui de Cazeneuve, sur la haute antiquité des cours d'amour; mais il va trop loin (t. I, p. 12), en disant qu'aucun Troubadour n'a parlé de ces tribunaux de galanterie; d'où il paraît conclure que ces cours n'existèrent qu'après l'extinction des Troubadours et de la poésie provençale. Quelque défiance qui soit due aux assertions de Nostradamus, on peut cependant le croire quand il cite un livre qui existait de son temps, qu'il avait lu, et dans lequel il a recueilli beaucoup de faits; c'est celui du Monge ou Moine des Iles d'Or, écrit, comme on l'a vu plus haut, dans le quatorzième siècle, et d'après un Recueil rédigé, dès le douzième, par les ordres du roi d'Arragon et comte de Provence, Alphonse II. Or, nous trouvons dans Nostradamus (Vie de Geoffroy Rudel), que le Moine des Iles d'Or, dans le Catalogue qu'il a fait des poëtes Provençaux, parle d'un dialogue ou jeu-parti, entre Gérard et Peyronet, au sujet d'une question d'amour; question qui parut si haute et si difficile, qu'ils la renvoyèrent aux dames illustres tenant cour d'amour à Pierre-Feu et à Signa. Il donne même la liste des dames qui y présidaient, et qui sont toutes connues pour avoir vécu dans le commencement du treizième siècle, pendant que les Troubadours florissaient, et au temps même de leur plus grand éclat. Nostradamus cite cette même cour d'amour dans la Vie de Guillaume Adhémar et dans celle de Raimon de Miraval. Dans la Vie de Perceval Doria, il parle d'une autre cour d'amour, celle des dames de Romanin, qui était contemporaine de la première. Voyez ces différentes Vies dans le vieux historien des Troubadours.
483Gaucelm Faidit et Hugues Bacalaria. Voyez, sur le premier, Millot, t. I, p. 354: il ne fait que nommer le second en rapportant cette tenson, p. 374. Nostradamus nomme Gaucelm Anselme Faydit, Vie XIV; il ne dit rien de Hugues. Crescimbeni, son traducteur, appelle comme lui Gaucelm, Anselme Faidit, aussi Vie XIV; il donne de plus une petite notice sur Hugues, à la fin de sa Giunta alle Vite de Provenzali, sur le mot Ugo della Baccalaria. Voyez cette Giunta, p. 220. Je ne cite plus ici les textes provençaux, parce qu'il ne s'agit plus des formes que ces citations pouvaient seules faire connaître.
484Millot, t. II, p. 297.
485Il est d'Arnauo de Carcassès, troubadour inconnu, dont on n'a que un seul morceau. Voyez Millot, t. II, p. 390.
486L'auteur est Raimond Vidal de Besaudun, que l'abbé Millot, tom. III, pag. 277, soupçonne être fils de Pierre Vidal.
487Pastourelle de Giraut Riquier; Millot, tom. III, p. 333. Il y en a, dans les manuscrits, quatre du même auteur.
488Voyez l'article de Jean Estève; Millot, tom. III, p. 379.
489Il se nommait Bernard Arnaud de Montcuc, Voyez Millot, ub. supr., p. 97. Les autres auteurs qui ont écrit sur la poésie provençale n'en parlent pas.
490Voyez sa vie dans Millot, t. II, p. 79. Sa chanson sur la mort de Blacas est dans la vie de ce dernier, tom. I, p. 452.
491Ce trait est tiré d'un sirvente d'Ogier ou Augier. Millot, t. I, p. 340.
492Nostradamus n'a point parlé de lui. Voyez Crescimbeni, Giunta alle Vite, pag. 200, et Millot, tom. III, pag. 156.
493L'abbé Millot observe ici très-gravement qu'ils demandaient alors autre chose que des fèves.
494Le moine de Montaudon en voulait au rouge des femmes. J'ai trouvé un autre dialogue sur le même sujet, entre Dieu et lui dans un manuscrit de la Bibliothèque impériale, n°. 7226.