Le Destin Des Dragons

Tekst
0
Recenzje
Przeczytaj fragment
Oznacz jako przeczytane
Jak czytać książkę po zakupie
Nie masz czasu na czytanie?
Posłuchaj fragmentu
Le Destin Des Dragons
Le Destin Des Dragons
− 20%
Otrzymaj 20% rabat na e-booki i audiobooki
Kup zestaw za 31,22  24,98 
Le Destin Des Dragons
Audio
Le Destin Des Dragons
Audiobook
Czyta Andre Refig
17,03 
Szczegóły
Czcionka:Mniejsze АаWiększe Aa

Erec sourit. Ses mots, sa façon de parler, le son de sa voix, tout l’apaisait. Il ne voulait pas qu’elle cesse de parler.

Erec tendit la main et lui toucha le menton, relevant lentement son visage jusqu’à ce que leurs regards se croisent. Son cœur s’accéléra lorsqu’il plongea son regard dans le sien. C’était comme se perdre dans le bleu de l’océan.

“Milady, vous n’avez rien fait qui m’ait offensé. Je ne pense pas que vous puissiez un jour faire une telle chose. Je viens à vous sans colère aucune, mais rempli d’amour. Depuis que je vous ai vue, je ne peux plus penser à rien d’autre.”

La fille rougit et baissa immédiatement les yeux vers le sol en cillant un certain nombre de fois. Elle se tortillait les mains, nerveuse et bouleversée. A l’évidence, elle n’avait vraiment pas l’habitude de ce genre de compliments.

“S’il vous plaît, Milady, auriez-vous l’amabilité de me dire votre nom ?”

“Alistair”, répondit-elle humblement.

“Alistair”, répéta Erec, bouleversé à son tour. C’était le plus beau prénom qu’il ait jamais entendu.

“Cependant, je ne comprends pas en quoi cela peut vous être utile”, ajouta-t-elle doucement, en continuant à regarder le sol. “Vous êtes un seigneur et je ne suis qu’une domestique.”

“C’est ma domestique, pour être exact”, dit méchamment l’aubergiste en avançant d’un pas. “Elle est à mon service. Elle a signé un contrat il y a des années de cela. Elle s’est engagée pour sept ans et, en retour, je lui donne le gîte et le couvert. Cela fait trois ans, maintenant. Vous voyez, c’est une perte de temps. Elle m’appartient. Elle est à moi. Vous ne me la prendrez pas. Elle m’appartient. Vous comprenez ?”

Erec ressentit pour l’aubergiste une haine qui dépassait tout ce qu’il avait jamais ressenti pour un être humain. Il était à deux doigts de dégainer son épée et de la lui planter dans le cœur pour en finir avec lui mais, bien que l’homme mérite grandement ce sort, Erec ne voulait pas enfreindre la loi du Roi. Après tout, ses actes avaient des répercussions pour le Roi.

“La loi du Roi est la loi du Roi”, dit Erec à l’homme d’un ton ferme. “Je n’ai pas l’intention de l’enfreindre. Cela étant dit, le tournoi débute demain et, comme tout homme, j’ai le droit de choisir ma promise. Et que cela soit dit haut et fort, je choisis Alistair.”

Un sursaut traversa la salle. Tous se regardèrent les uns les autres, choqués.

“Sous réserve qu’elle y consente”, ajouta Erec.

Le cœur battant, Erec regarda Alistair qui gardait les yeux dirigés vers le sol. Il voyait à quel point elle rougissait.

“Le souhaitez-vous, Milady ?” demanda-t-il.

Le silence se fit dans la salle.

“Monseigneur”, dit-elle doucement, “vous ne savez rien de moi, ni d’où je viens, ni de pourquoi je me trouve ici. Je suis navrée mais ce sont des choses que je ne peux vous révéler.”

Erec la regarda, abasourdi.

“Pourquoi ne pouvez-vous pas me le dire ?”

“Je n’en ai parlé à personne depuis mon arrivée. J’ai prêté serment.”

“Mais pourquoi ?” insista-t-il, dévoré par la curiosité.

Cependant, Alistair se contenta de garder la tête baissée en silence.

“C’est vrai,” renchérit l’une des autres domestiques. “Elle ne nous a jamais rien dit sur elle. Ou pourquoi elle est venue ici. Elle refuse catégoriquement. Cela fait des années que nous insistons.”

Elle le laissait profondément perplexe mais cela ne faisait qu’en rajouter à son mystère.

“Si je ne peux pas savoir qui vous êtes, alors, je ne le saurai pas”, déclara Erec. “Je respecte votre serment, mais cela ne change rien aux sentiments que j'ai pour vous. Milady, qui que vous soyez, si je dois remporter ce tournoi, alors, je vous choisirai pour récompense. Vous, parmi toutes les femmes du royaume. Je vous le redemande : le souhaitez-vous ?”

Alistair continuait de fixer le sol et, en y regardant de plus près, Erec vit des larmes couler sur ses joues.

Soudain, elle se retourna, partit en courant et referma la porte derrière elle.

Erec resta sur place avec les autres dans un silence stupéfait. Il ne savait pas vraiment comment interpréter sa réponse.

“Vous voyez bien que vous gaspillez votre temps et le mien”, dit l’aubergiste. “Elle a dit non. J’en ai fini avec vous, dans ce cas.”

Erec fit la moue.

“Elle n’a pas dit non”, intervint Brandt. “Elle n’a pas répondu.”

“Elle a le droit de prendre son temps”, dit Erec, prenant sa défense. “Après tout, c’est une décision importante. Elle ne me connaît pas non plus.”

Erec resta ainsi à se demander quelle attitude adopter.

“Je vais rester ici ce soir”, finit par déclarer Erec. “Donnez-moi une chambre ici, dans le même couloir qu’elle. Au petit matin, avant que le tournoi ne commence, je lui représenterai ma demande. Si elle accepte et que je suis déclaré vainqueur, alors, elle sera ma fiancée. Si c’est le cas, je vous paierai sa servitude et elle pourra partir avec moi.”

L’aubergiste n’avait à l’évidence aucune envie d’héberger Erec sous son toit mais il s’abstint de dire quoi que ce soit. Il tourna les talons et quitta la pièce comme une tornade en claquant la porte derrière lui.

“Es-tu sûr de vouloir rester ici ?” demanda le Duc. “Rentre au château avec nous.”

Erec secoua la tête d’un air grave.

“De toute ma vie, je n’ai jamais été aussi sûr de moi.”

CHAPITRE HUIT

Thor fendit l’air, plongea et pénétra la tête la première dans les eaux agitées de la Mer de Feu. Il coula instantanément et commença à se rendre compte à quel point l’eau était chaude.

Sous la surface, Thor ouvrit brièvement les yeux et le regretta aussitôt. Il aperçut un mélange d’étranges créatures effrayantes, petites et grandes, aux têtes inhabituelles et grotesques. Cet océan grouillait de bêtes. Il pria pour qu'elles ne l'attaquent pas avant qu'il ait rejoint la sécurité de la barque.

Thor refit surface en haletant et se mit immédiatement à la recherche du garçon qui se noyait. Il le repéra juste à temps : il gesticulait, avait des difficultés à rester à la surface et Thor était certain que, d’ici quelques secondes, il coulerait.

Thor s’approcha de lui, l’attrapa par la clavicule et commença à nager avec lui en essayant tant bien que mal de garder leurs deux têtes hors de l’eau. Thor entendit un plouf et un gémissement. Il se retourna et fut surpris de voir Krohn, qui avait dû sauter dans l’eau pour le rejoindre. Le léopard le rejoignit en barbotant et en gémissant. Thor se sentit terriblement coupable que Krohn se mette ainsi en danger mais il était trop occupé et ne pouvait en faire plus.

Thor essaya de ne regarder ni l’eau bouillonnante et rouge qui l'entourait ni les étranges créatures faisaient surface et disparaissaient sans cesse. Une créature à quatre bras et deux têtes, violette et hideuse, émergea près de lui, lui siffla dessus et replongea en faisant sursauter Thor.

Thor se tourna et vit que l’embarcation se trouvait à une vingtaine de mètres. Il nagea vers elle de façon frénétique en se servant de son seul bras libre et de ses jambes tout en traînant le garçon. Ce dernier gesticulait et hurlait tout en se débattant. Thor eut peur qu’il ne l’entraîne au fond avec lui.

“Arrête de bouger !” cria sèchement Thor en espérant que le garçon obéirait.

Heureusement, c’est ce qu’il fit. Thor fut temporairement soulagé, jusqu’à ce qu’il entende un nouveau plouf et tourne sa tête de l’autre côté : une autre créature venait de faire surface juste à côté de lui, petite, avec une tête jaune et quatre tentacules. Elle avait une tête carrée et nageait vers lui en grondant et en tremblant. Elle ressemblait à un serpent à sonnette des mers mais sa tête était trop carrée. Alors qu’elle s’approchait, prête à mordre, Thor s’arc-bouta mais elle ouvrit soudainement sa gueule vide et lui cracha de l’eau de mer dessus. Thor cligna des yeux pour essayer d’y voir plus clair.

La créature se mit à nager en rond autour d’eux, décrivant des cercles et Thor redoubla d’efforts, nageant aussi vite que possible pour s’échapper.

Thor se rapprochait de plus en plus du bateau lorsque qu’une autre créature émergea près de lui de l’autre côté. Celle-ci était longue, étroite et orange avec deux griffes près de la bouche et une douzaine de courtes pattes. Elle avait également une longue queue qui fouettait dans toutes les directions. En se redressant, elle ressemblait à un homard. Elle flottait à la surface comme une punaise d’eau et se dirigea vers Thor en se mettant sur le côté et faisant claquer sa queue. La queue fouetta le bras de Thor qui hurla de douleur à cause de la piqûre.

La créature faisait des allers et retours, piquant encore et encore. Thor aurait aimé pouvoir se saisir de son épée et l’attaquer mais il n’avait qu’une main de libre et en avait besoin pour nager.

Nageant à ses côtés, Krohn se tourna vers la créature et se mit à gronder. Le grondement s’éleva dans les airs. Krohn se mit à nager vers la bête sans aucune crainte. Effrayée, elle disparut sous l’eau. Thor soupira de soulagement jusqu’à ce que la créature réapparaisse de l’autre côté et se remette à piquer. Krohn fit demi-tour et se mit à poursuivre la créature en essayant de l’attraper et en faisant claquer ses mâchoires qui se refermaient systématiquement sur du vide.

Thor nageait pour survivre, comprenant que la seule façon de se sortir de cet enfer était de sortir de l’eau. Après un temps qui lui parut une éternité et après avoir nagé comme il ne l’avait jamais fait de sa vie, il atteignit enfin la barque qui tanguait violemment dans les vagues. Deux membres de la Légion, des garçons plus âgés qui n’avaient jamais adressé la parole ni à Thor ni à ses compagnons, étaient prêts à lui porter assistance. Ils eurent le mérite de se pencher par-dessus bord et de lui tendre la main.

 

Thor aida d’abord le garçon en essayant de s’agripper et de le hisser dans le bateau. Le plus âgé des garçons l’attrapa par le bras et le tira à bord.

Toujours accroché au bateau, Thor attrapa Krohn par la peau du ventre et le lança par-dessus bord. Krohn agita les pattes tout en retombant et griffa le bois du bateau, complètement mouillé et tout tremblant. Il glissa sur le fond mouillé du bateau et traversa la largeur du bateau puis, dès qu’il se retrouva sur pattes, il se retourna et courut jusqu’au bord à la recherche de Thor. Il resta là à regarder l’eau en glapissant.

Thor tendit la main et se cramponna à celle d’un des garçons. Il était sur le point de sortir de l’eau lorsqu’il sentit une emprise puissante et musclée le saisir par la cheville et la cuisse. Il se retourna et regarda sous lui. Son cœur s’arrêta de battre quand il vit la créature verdâtre qui ressemblait vaguement à un calmar enrouler son tentacule autour de sa jambe.

Thor hurla de douleur lorsqu’il sentit ses aiguillons transpercer sa chair.

Thor comprit qu’il serait perdu s’il ne réagissait pas rapidement. De sa main libre il attrapa sa courte dague sur sa ceinture et poignarda la bête. Cependant, le tentacule était tellement épais que la dague n’arrivait pas à la transpercer.

Cela mit la créature en colère. La tête de la créature sortit de l’eau d’un coup. Verte, sans yeux et armée de deux mâchoires sur un long cou, l’une au-dessus de l’autre, elle montra brusquement une rangée de dents acérées comme des lames de rasoir et s’élança vers Thor. Ce dernier eut l’impression que son sang cessa soudain de circuler dans sa jambe et sut qu’il fallait réagir au plus vite. Malgré les efforts du plus âgé des garçons pour le retenir, Thor lâchait prise peu à peu et redescendait lentement vers les eaux.

Krohn glapit encore et encore, les poils dressés sur le dos, se penchant par-dessus bord comme s’il était prêt à se lancer à l’eau, mais même Krohn devait savoir qu’attaquer cette chose était peine perdue.

L’un des deux garçons fit un pas en arrière et cria :

“PENCHE-TOI !”

Thor baissa la tête alors que le garçon jetait une lance. Elle fila dans l’air mais rata sa cible, finissant dans l’eau sans faire aucun mal. La créature était trop petite et trop rapide.

Soudain, Krohn bondit dans l’eau, atterrit mâchoire ouverte sur l’arrière du cou de la créature et y enfonça ses crocs acérés. Krohn mordit violemment. Secoué de tous côtés, il refusa de lâcher prise.

Cependant, cette bataille était perdue d’avance : la peau de la créature était bien trop épaisse et musclée. La créature secoua Krohn de part et d’autre et l’envoya finalement promener dans les airs. Pendant ce temps, la créature avait resserré son emprise sur la jambe de Thor, qui commençait à manquer d’oxygène. Les tentacules le brûlaient affreusement et il avait l’impression que sa jambe allait lui être arrachée à tout moment.

Dans une dernière tentative désespérée, Thor lâcha la main du garçon pour se saisir de la petite épée à sa ceinture.

Cependant, il ne réussit pas à l’attraper à temps; il glissa et tomba la tête la première dans l’eau.

Thor se sentit emporté loin du bateau. La créature le tira dans la mer. Entraîné de plus en plus vite, il tendit désespérément les mains et vit le bateau disparaître. La dernière chose dont il se souvint fut d’être entraîné sous la surface de l’eau vers les profondeurs de la Mer de Feu.

CHAPITRE NEUF

Gwendolyn courait dans la prairie aux côtés de son père, le Roi MacGil. Elle était jeune, avait environ dix ans et son père semblait bien jeune lui aussi. Il portait une courte barbe qui ne grisonnait pas encore comme cela serait le cas plus tard dans sa vie, sa peau était jeune, sans ride aucune et brillait de santé. Il était heureux, insouciant et se laissait aller à rire tout en lui tenant la main et en courant dans les champs. C’était le père dont elle se souvenait, le père qu’elle connaissait.

Il la prit dans ses bras et la jeta sur son épaule, la faisant tourner encore et encore, en riant de plus en plus fort alors qu’elle ricanait de façon hystérique. Elle se sentait en sécurité dans ses bras. Elle aurait voulu que ce moment partagé dure pour toujours.

Toutefois, lorsque son père la reposa à terre, quelque chose d’étrange se produisit. Le bel après-midi ensoleillé fit brusquement place au crépuscule. Lorsque les pieds de Gwen touchèrent le sol, ils ne se trouvaient plus dans une prairie fleurie mais embourbés jusqu’à la cheville dans de la boue. Son père gisait à présent sur le dos, dans la boue, à quelques pas d’elle. Il était plus âgé, bien plus âgé, trop âgé, et il était coincé. Plus loin, sa couronne scintillante gisait elle aussi dans la boue.

“Gwendolyn”, haleta-t-il. “Ma fille. Aide-moi.”

Désespéré, il réussit à extraire une main de la boue et la tendit vers elle.

Submergée par le sentiment de devoir lui venir en aide au plus vite, elle essaya de le rejoindre et d’attraper sa main mais ses pieds ne bougèrent pas d’un pouce. Elle baissa les yeux et vit que la boue avait durci tout autour d’elle et craquait en s’asséchant. Elle remua le plus qu’elle put pour se libérer.

Gwen cligna des yeux et se retrouva debout sur le parapet du château, regardant la Cour du Roi en contrebas. Quelque chose clochait : en baissant les yeux, elle ne voyait ni la splendeur ni les festivités habituelles mais plutôt un cimetière à perte de vue. Là où, jadis, la Cour du Roi avait affiché sa splendeur, il n'y avait maintenant plus que des tombes fraîches où que se posent ses yeux.

Elle entendit des bruits de pas. Son cœur s’arrêta quand elle se retourna et découvrit un assassin en cape noire à capuche qui s’approchait d’elle. Il se précipita sur elle en relevant sa capuche et révéla son visage grotesque, auquel manquait un œil et qui était balafré par une épaisse cicatrice déchiquetée qui lui barrait l’orbite. Il se mit à grogner, leva une main tenant une dague scintillante dont la poignée avait un éclat rouge.

Il allait trop vite et elle ne put réagir à temps. Elle se recroquevilla sur elle-même en sachant qu’elle allait mourir transpercée par la dague qui s’abattrait sur elle avec force.

Cependant, l'assassin s’arrêta brusquement à quelques centimètres de son visage. Elle rouvrit les yeux pour découvrir que son père mort s’était relevé pour intercepter le poignet de l’homme dans sa course. Il serra la main de l’homme jusqu’à ce qu’il lâche la dague puis souleva l’homme par-dessus son épaule et le projeta par-dessus le parapet. Gwen entendit ses hurlements lorsqu’il passa par-dessus le rebord.

Son père se retourna et la regarda. Il l’attrapa fermement par les épaules de sa main en décomposition et la fixa avec une expression sévère.

“Ce lieu n’est pas sûr pour toi”, la sermonna-t-il. “C’est dangereux !” se mit-il à crier. Ses doigts se refermèrent de plus en plus fort sur son épaule et lui arrachèrent un cri.

Gwen se réveilla en criant. Elle s’assit dans son lit, regardant la chambre autour d’elle, prête à subir une attaque.

Cependant, elle n’entendit que le silence, le silence lourd et tranquille qui précédait l’aube.

Transpirante et haletante, elle bondit du lit en chemise de nuit et se mit à arpenter la chambre. Elle se précipita vers un petit bassin en pierre, s’aspergea encore et encore le visage d’eau puis s’appuya contre le mur en sentant la fraîcheur de la pierre sous ses pieds en ce doux matin d’été. Elle essaya de reprendre ses esprits.

Ce rêve semblait bien trop réel. Elle sentait que c’était plus qu’un simple rêve, que c'était un avertissement direct de son père, un message. Elle ressentit soudain le besoin impérieux de quitter la Cour du Roi sur le champ et de ne jamais y revenir.

Cependant, elle savait que c’était une chose qu’elle ne pouvait faire. Il fallait qu'elle reprenne ses esprits pour recouvrer ses facultés. Cependant, à chaque fois qu’elle clignait des yeux, elle voyait le visage de son père, sentait son avertissement. Il fallait qu'elle fasse quelque chose pour faire disparaître ce rêve.

Gwen regarda dehors et vit que le premier soleil commençait tout juste à se lever. Elle pensa au seul et unique endroit où elle pourrait retrouver ses esprits : la Rivière du Roi. Oui, c’est là qu’elle devait se rendre.

*

Gwendolyn plongea dans les sources glacées de la Rivière du Roi, se pinçant le nez et maintenant la tête sous l’eau. Elle s’assit dans la petite piscine naturelle creusée dans le rocher et cachée dans les sources supérieures qu’elle avait découverte étant enfant et qu’elle fréquentait depuis. Elle garda la tête sous l’eau et resta ainsi en sentant les froids courants courir dans ses cheveux et sur son cuir chevelu, nettoyant son corps nu.

Elle avait découvert ce lieu secret un jour, caché au milieu d’un bosquet d’arbres, haut sur la montagne sur un petit plateau où le courant de la rivière était moins puissant et créait une piscine calme et profonde. Au-dessus comme en-dessous d’elle, la rivière n’était que torrents, mais ici, sur ce plateau, la rivière était très calme. La piscine était profonde, les rochers lisses et l’endroit si bien caché qu’elle pouvait se laisser aller à nager nue avec insouciance. L’été, au lever du soleil, elle venait ici presque tous les matins pour se vider la tête, et plus particulièrement les jours comme celui-ci où ses rêves la hantaient, ce qui était souvent le cas. C’était l’endroit où elle trouvait refuge.

Il lui était difficile de savoir s’il s’agissait juste d’un rêve ou si c’était autre chose. Comment savoir si un rêve était un message, un présage ? Comment savoir s’il s’agissait de son esprit qui se jouait d’elle ou d’une indication ?

Gwendolyn émergea, respira l’air chaud du matin et écouta les oiseaux gazouiller dans les arbres tout autour d’elle. Elle prit appui sur un rocher, son corps émergeant jusqu’au cou, s’assit sur un rebord naturel et se mit à réfléchir. Elle s’aspergea le visage à deux mains puis laissa courir ses mains dans sa longue chevelure blonde. Sur la surface bleutée de l’eau, elle regarda les reflets du ciel, le second soleil qui avait commencé à se lever, les arbres courbés au-dessus de l’eau et son propre visage. Ses yeux bleu brillant en amande capturaient son reflet ondulant dans l’eau. Ils lui rappelaient un peu ceux de son père. Elle détourna le regard, repensant à son rêve.

Elle savait qu’il était dangereux qu'elle reste à la Cour du Roi, à cause de l’assassinat de son père, des espions, des complots, et plus particulièrement avec Gareth comme roi. Son frère était imprévisible. Vindicatif. Paranoïaque. Et très, très jaloux. Il voyait tout le monde comme une menace et elle encore plus que les autres. Tout pouvait arriver. Elle savait qu’elle n’était plus en sécurité ici. Personne ne l’était.

Cependant, elle n’était pas du genre à prendre la fuite. Il fallait qu'elle sache avec certitude qui était l’assassin de son père et s’il s’agissait de Gareth. Elle ne pouvait s’enfuir avant de l’avoir livré à la justice. Elle savait que, tant que le meurtrier de son père serait en liberté, l’esprit de son père ne reposerait pas en paix. La justice avait été le cri de ralliement de son père toute sa vie, et même mort il méritait justice, plus que n’importe qui d’autre.

Gwen repensa à Godfrey et à leur rencontre avec Steffen. Elle était persuadée que Steffen leur cachait quelque chose et elle se demandait ce dont il s’agissait. Une partie d’elle-même pensait qu’il leur parlerait avec le temps. Et pourtant, si ce n’était jamais le cas ? Elle ressentait le besoin urgent de retrouver le meurtrier de son père mais ne savait où se tourner.

Gwendolyn finit par se lever de son siège aquatique, sortit nue sur le bord, frissonnant dans l’air matinal, se cacha derrière un gros arbre et leva la main pour attraper sa serviette sur une branche comme elle le faisait toujours.

Cependant, alors qu’elle tendait la main, elle fut surprise de découvrir que sa serviette n’était plus là. Elle resta là, nue, mouillée, sans comprendre. Elle était certaine de l’avoir mise là, comme elle le faisait toujours.

Alors qu’elle se tenait là, déconcertée, en essayant de comprendre ce qui se passait, elle perçut soudainement un mouvement derrière elle. Cela se passa très vite, comme une impression, et l’instant d’après, son cœur s’arrêta lorsqu’elle comprit qu’un homme se tenait derrière elle.

Tout se passa très vite. En quelques secondes, l’homme vêtu, comme dans son rêve, d’une cape noire à capuche l’attrapa d’une main osseuse qui se plaqua sur sa bouche, étouffant ses cris alors qu’il l’immobilisait fermement. Il l’entoura avec son autre bras en l’attrapant par la taille, la maintenant contre lui et la soulevant du sol.

 

Elle se débattit dans les airs en essayant de crier jusqu’à ce qu’il la repose tout en continuant à la serrer fermement. Elle essaya d’échapper à son emprise mais il était trop fort. Il la ceintura de nouveau et Gwen vit une dague à la poignée luisante de rouge, la même que dans son rêve. Cela était donc bien un avertissement.

Elle sentit la lame sur sa gorge et il appuyait si fort qu’il aurait suffi qu’elle bouge dans n’importe quelle direction pour avoir la gorge tranchée. Des larmes se mirent à rouler sur ses joues tandis qu’elle commençait à avoir du mal à respirer. Elle était furieuse contre elle-même. Elle était vraiment trop bête. Elle aurait dû être plus prudente.

“Me reconnais-tu ?” demanda-t-il.

Il se pencha en avant. Elle sentit son horrible haleine chaude sur sa joue et aperçut son profil. Son cœur cessa de battre : c’était le même visage que dans son rêve, le borgne à la cicatrice.

“Oui”, répondit-elle d’une voix tremblante.

Elle connaissait trop bien ce visage. Elle ne connaissait pas son nom mais elle savait que c'était un agent. Un personnage de basse classe, de ceux qui traînaient autour de Gareth depuis l’enfance. C’était le messager de ce dernier. Gareth l’envoyait à tous ceux qu’il souhaitait effrayer, torturer ou tuer.

“Tu es le chien de mon frère”, lui siffla-t-elle sur un ton de défi.

Il sourit, révélant une dent manquante.

“Je suis son messager”, dit-il. “Et mon message t’est envoyé avec une arme spéciale pour s’assurer que tu t’en souviennes bien. Aujourd’hui, son message pour toi, c’est qu'il faut que tu arrêtes de poser des questions. C’est une chose dont tu te souviendras parfaitement bien car lorsque j’en aurai fini avec toi, la cicatrice qui restera sur ton joli visage te le rappellera jusqu’à la fin de tes jours.”

Il renifla puis leva la lame haut dans les airs et commença à l’abaisser vers son visage.

“NON !” hurla Gwen.

Elle se débattit pour éviter cette blessure qui changerait irrémédiablement sa vie.

Cependant, alors que la lame était en train de s’abattre, quelque chose se produisit. Un oiseau poussa soudain un cri perçant et fondit sur l’homme. Elle leva les yeux et le reconnut au dernier moment.

C'était Estopheles.

Elle fondit sur l’homme toutes serres dehors et lacéra le visage de l’homme au moment où il abattait sa dague.

La lame avait tout juste commencé à entailler la joue de Gwen, la transperçant d’une vive douleur, lorsqu’elle changea brusquement de direction; l’homme hurla, laissa tomber son arme et leva les mains. Gwen vit un éclair blanc dans le ciel, le soleil brillant derrière les branches et, alors qu’Estopheles s’envolait, elle savait, elle en était persuadée, que c’était son père qui avait envoyé le faucon.

Elle ne perdit pas de temps. Elle se retourna, prit son élan et assena un coup violent sur le plexus solaire de l’homme, visant parfaitement avec ses pieds nus, comme le lui avait appris son entraîneur. Il perdit l’équilibre sous la force du coup. Depuis toute jeune, elle savait qu’elle n’avait pas besoin d’être extrêmement forte pour se défendre contre un assaillant. Il fallait simplement qu'elle sache se servir de ses muscles les plus puissants, ceux des cuisses, et qu'elle sache viser précisément.

Alors que l’homme restait là à chanceler, elle s’avança vers lui, l’attrapa par l’arrière des cheveux et leva le genou. Elle visa encore avec une incroyable précision et son genou vint parfaitement s’écraser sur le nez de l'homme.

Elle entendit un craquement satisfaisant et sentit le sang chaud de l’homme se répandre sur sa jambe alors que l'homme se laissait tomber au sol. Elle savait qu’elle venait de lui casser le nez.

Elle savait qu’il fallait qu'elle en finisse avec lui pour de bon, qu'elle s’empare de cette dague et qu'elle la lui plonge dans le cœur.

Cependant, elle était debout, nue et son instinct lui dictait de se couvrir et de déguerpir. Elle ne voulait pas avoir le sang d’un homme sur les mains, quand bien même il le méritait.

Au lieu d'achever l'homme, elle se pencha, ramassa la lame, la jeta dans la rivière et se couvrit de ses vêtements à la hâte. Elle s’apprêtait à fuir mais, avant cela, elle se retourna, prit son élan et frappa l'homme à l’aine aussi fort que possible.

Il hurla de douleur et se roula en boule comme un animal blessé.

Intérieurement, elle tremblait, sentant à quel point elle était passée près de la mort, ou du moins près de la mutilation. Elle sentait le picotement sur sa joue et comprit qu’elle aurait sûrement une cicatrice, de toute façon, aussi légère soit-elle. Elle était traumatisée mais ne voulait pas le lui montrer, car elle sentait également une nouvelle force monter en elle, la force de son père, la force de sept générations de rois MacGil, et, pour la première fois, elle comprit qu’elle était forte, elle aussi. Aussi forte que ses frères. Aussi forte que n’importe lequel d’eux.

Avant de partir, elle se pencha assez près de l'assassin pour qu’il l’entende malgré ses gémissements.

“Approche-toi encore de moi”, lui grogna-t-elle, “et je te tuerai de mes mains.”

To koniec darmowego fragmentu. Czy chcesz czytać dalej?