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“R. L.” Elle les jeta en l’air et poursuivit.

Fébrile, elle sortit de vieux albums photos, des cartes de vœux reçues de Martina, des dessins, des travaux scolaires… Rien! Le prénom et l’image de Rea s’affichaient partout.

Après avoir retourné une bonne partie de la maison de long en large, la femme s’obligea à affronter la dernière pièce, celle qui avait exercé sur elle un appel irrésistible dès son réveil, mais qui la terrorisait tout autant.

Elle ouvrit prudemment la porte et entra à petits pas. Son regard tomba immédiatement sur le lit. La poupée manquait, exactement comme le matin précédent. Elga tenta de ne pas y penser et poursuivit sa recherche, attentive à ne rien casser cette fois et à remettre à sa place chaque objet examiné. La petite chambre semblait parfaitement en ordre, mais le fait que le sac à dos de Martina n’était plus à sa place ne lui échappa pas, signe évident que sa mère était visiblement passée par là. En vain, elle examina les initiales imprimées sur le sac que la petite emmenait à l’école de danse, la signature sur quelques vieux cahiers, les petites lettres en bois pendues à un mur et qui composaient son prénom.

Ce fut lorsqu’elle examina le contenu des tiroirs qu’elle le remarqua. Au début, elle entendit une sorte de bourdonnement ténu provenant du sol. Elle se pencha pour regarder sous la chaise et la vit. La poupée était là, sur le dos, étendue sur le carrelage. Le bruit étrange semblait provenir de son buste. L’esprit d’Elga pensa instinctivement à certaines poupées très en vogue dans son enfance, capables de parler ou de chanter grâce à des disques qui s’inséraient dans leur dos. Lorsque la voix se taisait et qu’on ne les arrêtait pas, elles continuaient à tourner à vide en émettant un craquement agaçant. Elle frissonna. Sa poupée n’était pas dotée d’un tel mécanisme et ne pouvait émettre aucun son.

Avec beaucoup de précaution, elle l’effleura puis la tira délicatement à elle. L’incroyable ressemblance avec Rea l’atteignit à nouveau comme un coup à l’estomac. Elle éprouva de la nausée à la seule idée de la toucher encore; elle prit deux profondes respirations et rassembla son courage. Elle l’attrapa et, après l’avoir retournée, souleva sa robe. Elle examina le dos à la recherche d’une improbable tirette ou autre ouverture.

Crétine! se dit-elle. Il était clair qu’il n’y avait rien et pourtant, il lui sembla encore entendre le bourdonnement en la manipulant. Elle fut prise d’un sentiment d’horreur qui lui tordit les intestins. Sans réfléchir, elle se leva d’un bond, enferma la poupée dans l’armoire et retourna se réfugier dans la cuisine.

Chapitre 7

And when that star goes by [6]

I’ll hold it in my hands and cry. Her love was mine. You know my sun will shine.

Eloise - The Damned

Les doigts de Iuri couraient sur les touches du piano. Les notes d’une Nocturne de Chopin voltigeaient entre les murs tandis que ses yeux fermés suivaient des images lointaines.

Elle était assise sur le tabouret, à ses côtés, les mains posées sur les genoux, le regard fixé sur les siennes. Elle ne portait qu’une chemise de coton blanc, ses cheveux, dénoués dans l’intimité, tombaient en douces ondulations auburn le long de son dos. Iuri pouvait sentir son souffle chaud lui effleurer le cou et un léger parfum épicé s’insinuer dans ses narines. Le feu allumé dans la cheminée répandait une agréable tiédeur dans la pièce et la réverbération des flammes marbrait les ombres d’orange.

“Joue encore. Joue encore pour moi” semblait demander chaque fibre de son corps, et lui continuait à jouer comme s’il ne devait jamais s’arrêter, comme si ne pas cesser pouvait suffire à la garder là pour toujours…

***

Pour toujours… L’arrière-goût amer de cette promesse non tenue arrêta ses doigts malgré tout.

Subitement, il se figea, frappa le clavier de la paume des mains, se prit la tête et commença à la secouer lentement.

Il ne l’avait plus vue le jour précédent. Il s’était rendu à la boutique mais avait trouvé le rideau baissé et aucun panneau ne justifiait cette fermeture imprévue.

Était-elle malade?

Cela lui semblait improbable car elle lui avait semblé en très bonne forme la veille au soir et cela ne lui ressemblait pas de rester loin de son atelier. Il l’avait vue plus d’une fois aller travailler le regard fiévreux et le nez qui coulait.

Il devait s’être passé quelque chose de grave, quelque chose qui l’avait empêchée de sortir… Oui, car il était passé plusieurs fois devant sa maison, au moment du repas, l’après-midi et à l’heure à laquelle elle rentrait habituellement le soir. Il ne l’avait croisée en aucune occasion et, encore plus étrange, il avait toujours trouvé l’habitation plongée dans le silence. Normalement, il entendait de la musique sortir par ses fenêtres.

La situation le préoccupait. Surtout, ne pas la voir pendant une si longue période lui procurait un désagréable sentiment de vide au creux de l’estomac.

Il se leva, se dirigea vers sa chambre à coucher, fouilla dans le tiroir de la table de nuit et en sortit une boîte. Il l’ouvrit avec délicatesse et y prit un mouchoir en papier froissé. Le porta à son nez et inspira une bonne fois, comme pour remplir ses poumons de son odeur… L’odeur d’Elga, de son gel douche à la noix de coco, de son brillant à lèvres au miel, de ses larmes. Iuri l’avait ramassé quelques jours plus tôt au cimetière. Il lui avait échappé après qu’elle ait pleuré devant la tombe de son mari et il s’en était emparé sans se faire voir.

Ce n’était pas la première fois qu’il le faisait. Depuis qu’il l’avait retrouvée, il avait rassemblé plus d’une trouvaille similaire : une serviette utilisée au bar, un gobelet en plastique avec la trace de son rouge à lèvres, un cheveu, des objets récupérés dans ses poubelles… Toucher et renifler des choses qui avaient été en contact avec elle lui donnait le sentiment de la sentir plus proche et stimulait ses souvenirs. Des fragments, difficiles à situer dans un contexte précis, mais suffisants pour lui fournir la certitude d’avoir aimé Elga et d’avoir été aimé d’elle dans une autre vie.

Un instant avait suffi pour la reconnaître lorsqu’il l’avait vue la première fois au cimetière. Bien entendu, elle ne portait pas de longue jupe bouffante à crinolines et ses cheveux n’étaient pas tressés et rassemblés dans sa nuque, comme dans la plupart de ses visions, mais son visage était toujours le même et il l’aurait reconnu entre mille.

Même le détail qu’elle pleurait pour un autre homme dont elle avait été l’épouse était erroné. C’était plus qu’un simple détail en vérité : plutôt un fait incontestable qui l’avait atteint comme un coup de poignard dans le dos, mais pas autant que le fait qu’elle ne se souvienne pas de lui.

C’était une blague du destin, du hasard… Du chaos, ou de quoi que ce soit d’autre, qu’il avait encore du mal à assimiler.

Il avait toujours soupçonné qu’Ogma était derrière son odyssée personnelle mais il n’avait jamais avoué et il doutait qu’il le ferait dans le futur.

Toutefois, Iuri était optimiste. Si son amour l’avait guidé à travers l’espace et le temps jusqu’à le mener là, il devait y avoir une raison. Cela ne pouvait pas se terminer ainsi. Au fond de son cœur, il était certain que, tôt ou tard, Elga se souviendrait de lui elle aussi et il ferait tout pour que cela arrive.

La sonnerie de son téléphone le tira de ses pensées. Le riff de A forest des Cure se fit entendre dans la poche de sa veste pendue au dossier d’une chaise de la cuisine. Il n’aimait pas ce genre de musique et préférait le classique, mais Elga en était folle et l’écouter de temps en temps… Et bien, cela aussi l’aidait à la sentir plus proche. Sa vie était désormais réduite à un exercice continu pour raccourcir une distance infranchissable.

Pathétique l’avait jugé Ogma, mais l’insulte avait raté sa cible car lui se sentait simplement tenace.

Difficile de se tromper sur l’origine de l’appel, monsieur Di Spirito était le seul à connaître son numéro, à part Filippo qui n’appelait jamais.

Il posa soigneusement sa relique et alla répondre.

Un homme âgé d’un peu plus de quarante ans. Mort du cancer à l’hôpital. Le corps attendait à la morgue d’être remonté. Iuri détestait le froid des hôpitaux, l’anonymat des murs blancs et des sols en linoléum imprégnés de désinfectant. Personne ne choisirait de mourir dans un tel endroit, mais la mort n’avait cure de telles prétentions.

« J’arrive » dit-il sèchement avant de couper la communication, une manche de sa veste déjà enfilée à moitié. Il finit de se préparer en vitesse, attrapa son sac avec ses outils et sortit dans la rue.

Chapitre 8

I close my eyes but I can’t sleep. [7]

The thin membrane can’t veil

the branded picture of you.

Obsession - Siouxsie and the Banshees

Elga parcourut à pas rapides la longue avenue bordée de cyprès qui menait au cimetière, franchit le portail en fer forgé et grimpa les marches à la hâte. Lorsqu’elle pénétra dans le large atrium de l’entrée, elle était à bout de souffle, mais ne s’arrêta pas. Pour la première fois depuis qu’elle fréquentait ce lieu, l’inscription “Ils ressusciteront” sur la fenêtre centrale provoqua un frisson le long de son dos. Elle détourna le regard pour s’empêcher de réfléchir et continua vers sa destination.

 

L’idée l’avait traversée comme un éclair soudain alors qu’elle tentait d’avaler un morceau de pain vieux de deux jours.

Elle se traita d’imbécile pour ne pas y avoir pensé immédiatement. Elle avait retourné toute la maison alors qu’il lui suffisait de se rendre au cimetière pour obtenir une preuve incontestable de la mort de Martina.

Elle s’était habillée rapidement et était sortie, poussée par le besoin irrépressible de mettre fin à cette folie. Un sourire ironique lui avait échappé à la pensée de pouvoir tirer du réconfort de la pierre sur laquelle était gravé le prénom de sa fille puis, l’image des photos truquées apparues chez elle était revenue occuper la scène et ses lèvres s’étaient étirées en une grimace indéfinissable.

«Faites que tout soit en ordre, faites que tout soit en ordre, faites que tout soit en ordre…» Au fur et à mesure que la distance avec la tombe se réduisait, elle se le répétait comme un mantra. Plus la plaque de marbre approchait et plus un sentiment de malaise et d’angoisse montait en elle.

Il avait de nouveau plu pendant la nuit. Le sol encore humide colla à ses bottes lorsqu’elle quitta le sentier asphalté pour s’avancer parmi les tombes situées dans la zone découverte du cimetière.

Le sourire d’Andrea l’accueillit, rassurant, se détachant comme un rayon lumineux sur la pierre de granit noir. Elga ne lui accorda qu’un rapide coup d’œil avant que son regard n’aille se fixer anxieusement sur la tombe suivante. Le froncement de sourcils triste de monsieur Giacomo Ludovico la salua comme pour dire « Je suis désolé. » Elle recula de quelques pas, voulut rembobiner la pellicule et reprendre au début. Elle revint à la photo de son mari et laissa ses yeux se tourner prudemment vers la photo suivante.

Rien. La tombe de Martina n’était tout simplement plus là. Elle s’était toujours trouvée entre celle de son papa et celle de Giacomo, et il semblait pourtant que les deux emplacements s’étaient rapprochés et avaient englouti la distance qui les séparait, effaçant ce qui se trouvait entre eux deux.

Elga contrôla à plusieurs reprises. Les tombes étaient toutes à leur place et étaient celles de toujours, mais une avait disparu, évanouie dans le néant sans même laisser un espace vide. Elle fut prise de vertige lorsqu’elle dut se rendre à l’évidence, se laissa tomber à genoux sur la tombe d’Andrea et s’abandonna à des sanglots convulsifs.

«Qu’est-ce qu’il se passe? Dis-le moi, je t’en prie» implora-t-elle à voix basse, en pleurs.

«Vous vous sentez bien?» Elle sentit soudainement une main posée sur son épaule. Elle leva son visage strié de larmes et reconnut un vieux monsieur qui se rendait là chaque jour pour rendre visite à sa défunte femme. Elga ne le connaissait pas vraiment, elle ignorait même son nom, mais elle l’avait croisé des milliers de fois, éprouvant toujours de la tendresse pour le dévouement avec lequel il s’assurait que le vase de son aimée soit toujours plein de fleurs fraîches. Des roses rouges uniquement, probablement ses préférées de son vivant.

«Tout va bien, oui» répondit-elle en s’essuyant le visage du dos de la main.

L’homme lui tendit un bras pour l’aider à se relever.

«Vous êtes sûre? Vous voulez que je vous apporte un peu d’eau?»

«Ne vous inquiétez pas, ça va déjà mieux. C’est que…»

«Je sais, l’interrompit l’autre. Je sais comment on se sent. Je la vois toujours, vous savez. Ce doit être votre mari» ajouta-t-il en montrant la tombe d’Andrea. J’ai perdu mon Isabella il y a des années, mais c’est comme si c’était hier. Ça ne passe pas.»

«Non, ça ne passe pas» confirma Elga dans un filet de voix. Elle fut tentée de lui demander s’il avait déjà remarqué la tombe d’une fillette à côté, mais le courage d’encaisser l’inévitable réponse lui manqua. «Merci» murmura-t-elle, et elle se dirigea vers la sortie aussi vite qu’elle était entrée.

Elle trébucha en descendant les escaliers mais une prise ferme l’empêcha de tomber au sol. Elle était sur le point de se confondre en remerciements pour la seconde fois de la journée lorsqu’elle fit le point sur l’image de son sauveteur et se figea en ravalant ses paroles.

«Tu es ici!» s’exclama Iuri en esquissant un sourire. Il s’arrêta immédiatement. «Il y a un problème?» demanda-t-il avec appréhension. Ses yeux rouges, ses cheveux ébouriffés, ses leggings couverts de terre ne lui avaient pas échappé.

Il lui sembla un instant plonger dans le gris de ses iris, fumée liquide qui l’enveloppait d’une étreinte presque rassurante. Elle imagina lui dire quelque chose, lui parler de son cauchemar, car elle se rendait subitement compte qu’elle était complètement seule et qu’elle avait peur. Puis, comme émergeant d’un rêve, elle réalisa que cet homme était la personne la moins appropriée à qui demander de l’aide. Il l’assaillait depuis des mois alors qu’elle tentait en vain de lui échapper, elle avait craint plusieurs fois qu’il puisse lui faire du mal bien qu’il ne lui ait jamais donné de raison de croire qu’il était violent.

«Laisse-moi tranquille!» siffla-t-elle en se libérant de sa prise.

«Tu as disparu de la circulation, tu n’as pas ouvert la boutique et maintenant que je te vois, tu as l’air bouleversée, insista-t-il.»

«Ce ne sont pas tes affaires. Tu dois arrêter de m’épier.»

«Je veux juste t’aider, laisse-moi t’accom­pagner.»

«N’essaie même pas!» explosa-t-elle en se mettant à courir.

***

Elle arriva à la boutique sans même s’en rendre compte. Elle fouilla dans son sac pour récupérer le jeu de clés qu’elle avait toujours avec elle, ouvrit et fonça à l’intérieur, accompagnée du délicat tintement du carillon accroché à la porte. Elle ferma derrière elle et se précipita dans la réserve à l’arrière.

Elle devait faire quelque chose, occuper ses mains et se concentrer sur une activité qui l’empêche de penser à ce qu’il se passait, autrement elle deviendrait folle, si ce n’était pas déjà le cas.

Elle choisit une vieille poupée en vinyle parmi celles achetées au vide-grenier et empilées dans un panier en attendant d’être ramenées à la vie.

D’un geste rageur mais expert, elle la déshabilla, détacha ses membres, la tête et ce qu’il restait de sa perruque. Elle déposa la tête chauve sur un plateau, la mit dans un petit four posé sur une étagère contre le mur, l’alluma en réglant la température sur cent cinquante degrés et lança le minuteur. En attendant, elle commença à laver frénétiquement les bras et les jambes.

Il aurait probablement été plus sage de continuer à chercher des preuves de la mort de Martina ou, mieux encore, appeler le docteur Abruzzo au lieu de se cacher et de reporter le problème mais, en ce moment, Elga n’avait pas la force de se comporter sagement, elle souhaitait juste qu’un coup d’éponge efface les derniers évènements.

Elle voulait que sa fille revienne, vivante ou morte.

Pendant quelques instants, elle fit semblant que le film du temps s’était rembobiné. Elle imagina être revenue à la date précédant l’anniversaire de sa fille, quand sa seule préoccupation était de lui confectionner un cadeau spécial. Elle alluma la stéréo et relança le CD resté dans le lecteur la dernière fois qu’elle était venue.

“Recommençons par Cascade” se dit-elle, et elle se mit à chanter elle aussi pour s’empêcher de pleurer.

Tandis qu’elle comprimait la tête sortie du four dans l’intention d’ôter les yeux des orbites, sa voix de plus en plus incertaine commença à suivre péniblement celle de Siouxsie. Elle se sentait un peu mieux; rassurée par l’odeur familière de sa tanière, ses gestes de toujours, la présence de ses poupées et de la musique, Elga eut l’impression de pouvoir tout oublier. Toutefois, la tension ne l’avait pas totalement quittée, ses mains tremblaient encore et la rendaient maladroite.

Une pression plus forte que nécessaire fit sauter un œil en plastique. Il rebondit, roula au sol, se glissa sous le rideau qui séparait l’atelier de la pièce en face, destinée à accueillir le public. Instinctivement, elle le suivit dans l’autre pièce.

«C’est ça que tu cherches?»

La voix de la fillette la fit sursauter. Elle se retourna lentement dans la direction dont elle provenait. Rea était assise par terre, imbriquée dans le petit espace entre une étagère et le mur. Elle portait une jupe en jean et un chemisier visiblement neufs. Ses pieds chaussés de ballerines noires bougeaient l’un contre l’autre à un rythme cadencé.

Elle resta pétrifiée, incapable de réagir durant de longues minutes.

Je ne l’ai pas entendue entrer. Ce fut tout ce qu’elle put penser alors qu’elle luttait pour vaincre le sentiment d’horreur qui la rendait muette.

«Qu’est-ce que tu fais ici?» bredouilla-t-elle enfin.

«Je voulais rester avec toi» répondit la petite d’un ton suppliant.

«Elisa le sait? C’est elle qui t’a accompagnée?»

Rea secoua la tête.

«Elle ne sait rien, je suis venue seule.»

«Tu ne devais pas… Tu ne peux pas rester ici de toute façon.»

«Pourquoi pas? Je veux retourner à la maison, je n’aime pas rester chez grand-mère. Je veux rester avec toi, maman!»

À ces mots, Elga s’emporta, comme si quelqu’un avait appuyé sur le mauvais interrupteur dans son cerveau.

«Ne m’appelle pas comme ça!» cria-t-elle. «Je ne suis pas ta mère!»

Rea lui renvoya un regard chargé de désespoir. Pendant une fraction de seconde, elle ressembla à un chiot perdu. Ses yeux se gonflèrent de larmes, elle se retint un instant, puis éclata en sanglots.

« Pourquoi tu ne veux plus de moi? Laisse-moi rester avec toi, je serai gentille. »

L’autre vacilla. Elle reconnut une douleur sincère dans le regard de la petite et éprouva de la peine, mais elle ne se sentait pas en état de l’aider.

«Tu dois partir» répliqua-t-elle avec fermeté.

Alors, la fillette se leva, serra les poings et fronça les sourcils. «Tu es méchante!» gronda-t-elle. Une méchante maman!» D’un bond, elle s’élança vers l’étagère, attrapa une poupée et la projeta en direction du comptoir.

Elga l’esquiva de justesse. «Ne fais plus ça!» la réprimanda-t-elle.

Pour toute réponse, elle prit une autre poupée. À ce moment, la femme réagit; elle fut sur elle avant qu’elle ne puisse la lancer, la secoua jusqu’à lui faire lâcher prise et la poussa violemment dehors, la faisant dégringoler du trottoir.

«Disparais!» hurla-t-elle les jambes bien écartées sur le seuil pour l’empêcher de rentrer.

«Tu as besoin d’aide?» Iuri sembla surgir de nulle part.

«C’est réglé» grinça-t-elle. «À part le fait que tu continues à m’espionner.»

L’homme ne fit pas mine d’avoir reçu le message et tourna les yeux vers la petite. Elle pleurait, à genoux au milieu de la route.

«Que s’est-il passé? Qui est-elle?»

«Va te faire foutre!» D’un coup sec, Elga ferma la porte et s’y adossa pour que personne ne puisse plus pénétrer sa solitude.

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