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Le côté de Guermantes

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Au bout de quelques instants, la princesse ayant compris laissa éclater son rire comme un roulement de tonnerre. « Ah ! nous serons donc huit, c’est ravissant ! Comme c’est bien rédigé ! » dit-elle, ayant dans un suprême effort retrouvé l’expression dont s’était servie Mme d’Épinay et qui s’appliquait mieux cette fois.

– Oriane, c’est très joli ce que dit la princesse, elle dit que c’est bien rédigé.

– Mais, mon ami, vous ne m’apprenez rien, je sais que la princesse est très spirituelle, répondit Mme de Guermantes qui goûtait facilement un mot quand à la fois il était prononcé par une Altesse et louangeait son propre esprit. « Je suis très fière que Madame apprécie mes modestes rédactions. D’ailleurs, je ne me rappelle pas avoir dit cela. Et si je l’ai dit, c’était pour flatter ma cousine, car si elle avait sept bouchées, les bouches, si j’ose m’exprimer ainsi, eussent dépassé la douzaine. »

– Elle possédait tous les manuscrits de M. de Bornier, reprit, en parlant de Mme d’Heudicourt, la princesse, qui voulait tâcher de faire valoir les bonnes raisons qu’elle pouvait avoir de se lier avec elle.

– Elle a dû le rêver, je crois qu’elle ne le connaissait même pas, dit la duchesse.

– Ce qui est surtout intéressant, c’est que ces correspondances sont de gens à la fois des divers pays, continua la comtesse d’Arpajon qui, alliée aux principales maisons ducales et même souveraines de l’Europe, était heureuse de le rappeler.

– Mais si, Oriane, dit M. de Guermantes non sans intention. Vous vous rappelez bien ce dîner où vous aviez M. de Bornier comme voisin !

– Mais, Basin, interrompit la duchesse, si vous voulez me dire que j’ai connu M. de Bornier, naturellement, il est même venu plusieurs fois pour me voir, mais je n’ai jamais pu me résoudre à l’inviter parce que j’aurais été obligée chaque fois de faire désinfecter au formol. Quant à ce dîner, je ne me le rappelle que trop bien, ce n’était pas du tout chez Zénaïde, qui n’a pas vu Bornier de sa vie et qui doit croire, si on lui parle de la Fille de Roland, qu’il s’agit d’une princesse Bonaparte qu’on prétendait fiancée au fils du roi de Grèce ; non, c’était à l’ambassade d’Autriche. Le charmant Hoyos avait cru me faire plaisir en flanquant sur une chaise à côté de moi cet académicien empesté. Je croyais avoir pour voisin un escadron de gendarmes. J’ai été obligée de me boucher le nez comme je pouvais pendant tout le dîner, je n’ai osé respirer qu’au gruyère !

M. de Guermantes, qui avait atteint son but secret, examina à la dérobée sur la figure des convives l’impression produite par le mot de la duchesse.

– Vous parlez de correspondances, je trouve admirable celle de Gambetta, dit la duchesse de Guermantes pour montrer qu’elle ne craignait pas de s’intéresser à un prolétaire et à un radical. M. de Bréauté comprit tout l’esprit de cette audace, regarda autour de lui d’un œil à la fois éméché et attendri, après quoi il essuya son monocle.

– Mon Dieu, c’était bougrement embêtant la Fille de Roland, dit M. de Guermantes, avec la satisfaction que lui donnait le sentiment de sa supériorité sur une œuvre à laquelle il s’était tant ennuyé, peut-être aussi par le suave mari magno que nous éprouvons, au milieu d’un bon dîner, à nous souvenir d’aussi terribles soirées. Mais il y avait quelques beaux vers, un sentiment patriotique.

J’insinuai que je n’avais aucune admiration pour M. de Bornier. « Ah ! vous avez quelque chose à lui reprocher ? » me demanda curieusement le duc qui croyait toujours, quand on disait du mal d’un homme, que cela devait tenir à un ressentiment personnel, et du bien d’une femme que c’était le commencement d’une amourette.

– Je vois que vous avez une dent contre lui. Qu’est-ce qu’il vous a fait ? Racontez-nous ça ! Mais si, vous devez avoir quelque cadavre entre vous, puisque vous le dénigrez. C’est long la Fille de Roland, mais c’est assez senti.

– Senti est très juste pour un auteur aussi odorant, interrompit ironiquement Mme de Guermantes. Si ce pauvre petit s’est jamais trouvé avec lui, il est assez compréhensible qu’il l’ait dans le nez !

– Je dois du reste avouer à Madame, reprit le duc en s’adressant à la princesse de Parme, que, Fille de Roland à part, en littérature et même en musique je suis terriblement vieux jeu, il n’y a pas de si vieux rossignol qui ne me plaise. Vous ne me croiriez peut-être pas, mais le soir, si ma femme se met au piano, il m’arrive de lui demander un vieil air d’Auber, de Boïeldieu, même de Beethoven ! Voilà ce que j’aime. En revanche, pour Wagner, cela m’endort immédiatement.

– Vous avez tort, dit Mme de Guermantes, avec des longueurs insupportables Wagner avait du génie. Lohengrin est un chef-d’œuvre. Même dans Tristan il y a çà et là une page curieuse. Et le Chœur des fileuses du Vaisseau fantôme est une pure merveille.

– N’est-ce pas, Babal, dit M. de Guermantes en s’adressant à M. de Bréauté, nous préférons : « Les rendez-vous de noble compagnie se donnent tous en ce charmant séjour. » C’est délicieux. Et Fra Diavolo, et la Flûte enchantée, et le Chalet, et les Noces de Figaro, et les Diamants de la Couronne, voilà de la musique ! En littérature, c’est la même chose. Ainsi j’adore Balzac, le Bal de Sceaux, les Mohicans de Paris.

– Ah ! mon cher, si vous partez en guerre sur Balzac, nous ne sommes pas prêts d’avoir fini, attendez, gardez cela pour un jour où Mémé sera là. Lui, c’est encore mieux, il le sait par cœur.

Irrité de l’interruption de sa femme, le duc la tint quelques instants sous le feu d’un silence menaçant. Et ses yeux de chasseur avaient l’air de deux pistolets chargés. Cependant Mme d’Arpajon avait échangé avec la princesse de Parme, sur la poésie tragique et autre, des propos qui ne me parvinrent pas distinctement, quand j’entendis celui-ci prononcé par Mme d’Arpajon : « Oh ! tout ce que Madame voudra, je lui accorde qu’il nous fait voir le monde en laid parce qu’il ne sait pas distinguer entre le laid et le beau, ou plutôt parce que son insupportable vanité lui fait croire que tout ce qu’il dit est beau, je reconnais avec Votre Altesse que, dans la pièce en question, il y a des choses ridicules, inintelligibles, des fautes de goût, que c’est difficile à comprendre, que cela donne à lire autant de peine que si c’était écrit en russe ou en chinois, car évidemment c’est tout excepté du français, mais quand on a pris cette peine, comme on est récompensé, il y a tant d’imagination ! » De ce petit discours je n’avais pas entendu le début. Je finis par comprendre non seulement que le poète incapable de distinguer le beau du laid était Victor Hugo, mais encore que la poésie qui donnait autant de peine à comprendre que du russe ou du chinois était : « Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris », pièce de la première époque du poète et qui est peut-être encore plus près de Mme Deshoulières que du Victor Hugo de la Légende des Siècles. Loin de trouver Mme d’Arpajon ridicule, je la vis (la première, de cette table si réelle, si quelconque, où je m’étais assis avec tant de déception), je la vis par les yeux de l’esprit sous ce bonnet de dentelles, d’où s’échappent les boucles rondes de longs repentirs, que portèrent Mme de Rémusat, Mme de Broglie, Mme de Saint-Aulaire, toutes les femmes si distinguées qui dans leurs ravissantes lettres citent avec tant de savoir et d’à propos Sophocle, Schiller et l’Imitation, mais à qui les premières poésies des romantiques causaient cet effroi et cette fatigue inséparables pour ma grand’mère des derniers vers de Stéphane Mallarmé. « Mme d’Arpajon aime beaucoup la poésie », dit à Mme de Guermantes la princesse de Parme, impressionnée par le ton ardent avec lequel le discours avait été prononcé.

– Non, elle n’y comprend absolument rien, répondit à voix basse Mme de Guermantes, qui profita de ce que Mme d’Arpajon, répondant à une objection du général de Beautreillis, était trop occupée de ses propres paroles pour entendre celles que chuchota la duchesse. « Elle devient littéraire depuis qu’elle est abandonnée. Je dirai à Votre Altesse que c’est moi qui porte le poids de tout ça, parce que c’est auprès de moi qu’elle vient gémir chaque fois que Basin n’est pas allé la voir, c’est-à-dire presque tous les jours. Ce n’est tout de même pas ma faute si elle l’ennuie, et je ne peux pas le forcer à aller chez elle, quoique j’aimerais mieux qu’il lui fût un peu plus fidèle, parce que je la verrais un peu moins. Mais elle l’assomme et ce n’est pas extraordinaire. Ce n’est pas une mauvaise personne, mais elle est ennuyeuse à un degré que vous ne pouvez pas imaginer. Elle me donne tous les jours de tels maux de tête que je suis obligée de prendre chaque fois un cachet de pyramidon. Et tout cela parce qu’il a plu à Basin pendant un an de me trompailler avec elle. Et avoir avec cela un valet de pied qui est amoureux d’une petite grue et qui fait des têtes si je ne demande pas à cette jeune personne de quitter un instant son fructueux trottoir pour venir prendre le thé avec moi ! Oh ! la vie est assommante », conclut langoureusement la duchesse. Mme d’Arpajon assommait surtout M. de Guermantes parce qu’il était depuis peu l’amant d’une autre que j’appris être la marquise de Surgis-le-Duc. Justement le valet de pied privé de son jour de sortie était en train de servir. Et je pensai que, triste encore, il le faisait avec beaucoup de trouble, car je remarquai qu’en passant les plats à M. de Châtellerault, il s’acquittait si maladroitement de sa tâche que le coude du duc se trouva cogner à plusieurs reprises le coude du servant. Le jeune duc ne se fâcha nullement contre le valet de pied rougissant et le regarda au contraire en riant de son œil bleu clair. La bonne humeur me sembla être, de la part du convive, une preuve de bonté. Mais l’insistance de son rire me fit croire qu’au courant de la déception du domestique il éprouvait peut-être au contraire une joie méchante. « Mais, ma chère, vous savez que ce n’est pas une découverte que vous faites en nous parlant de Victor Hugo, continua la duchesse en s’adressant cette fois à Mme d’Arpajon qu’elle venait de voir tourner la tête d’un air inquiet. N’espérez pas lancer ce débutant. Tout le monde sait qu’il a du talent. Ce qui est détestable c’est le Victor Hugo de la fin, la Légende des Siècles, je ne sais plus les titres. Mais les Feuilles d’Automne, les Chants du Crépuscule, c’est souvent d’un poète, d’un vrai poète. Même dans les Contemplations, ajouta la duchesse, que ses interlocuteurs n’osèrent pas contredire et pour cause, il y a encore de jolies choses. Mais j’avoue que j’aime autant ne pas m’aventurer après le Crépuscule ! Et puis dans les belles poésies de Victor Hugo, et il y en a, on rencontre souvent une idée, même une idée profonde. » Et avec un sentiment juste, faisant sortir la triste pensée de toutes les forces de son intonation, la posant au delà de sa voix, et fixant devant elle un regard rêveur et charmant, la duchesse dit lentement : « Tenez :

 

La douleur est un fruit, Dieu ne le fait pas croître

Sur la branche trop faible encor pour le porter,

ou bien encore :

Les morts durent bien peu,

Hélas, dans le cercueil ils tombent en poussière

Moins vite qu’en nos cœurs ! »

Et tandis qu’un sourire désenchanté fronçait d’une gracieuse sinuosité sa bouche douloureuse, la duchesse fixa sur Mme d’Arpajon le regard rêveur de ses yeux clairs et charmants. Je commençais à les connaître, ainsi que sa voix, si lourdement traînante, si âprement savoureuse. Dans ces yeux et dans cette voix je retrouvais beaucoup de la nature de Combray. Certes, dans l’affectation avec laquelle cette voix faisait apparaître par moments une rudesse de terroir, il y avait bien des choses : l’origine toute provinciale d’un rameau de la famille de Guermantes, resté plus longtemps localisé, plus hardi, plus sauvageon, plus provocant ; puis l’habitude de gens vraiment distingués et de gens d’esprit, qui savent que la distinction n’est pas de parler du bout des lèvres, et aussi de nobles fraternisant plus volontiers avec leurs paysans qu’avec des bourgeois ; toutes particularités que la situation de reine de Mme de Guermantes lui avait permis d’exhiber plus facilement, de faire sortir toutes voiles dehors. Il paraît que cette même voix existait chez des sœurs à elle, qu’elle détestait, et qui, moins intelligentes et presque bourgeoisement mariées, si on peut se servir de cet adverbe quand il s’agit d’unions avec des nobles obscurs, terrés dans leur province ou à Paris, dans un faubourg Saint-Germain sans éclat, possédaient aussi cette voix mais l’avaient refrénée, corrigée, adoucie autant qu’elles pouvaient, de même qu’il est bien rare qu’un d’entre nous ait le toupet de son originalité et ne mette pas son application à ressembler aux modèles les plus vantés. Mais Oriane était tellement plus intelligente, tellement plus riche, surtout tellement plus à la mode que ses sœurs, elle avait si bien, comme princesse des Laumes, fait la pluie et le beau temps auprès du prince de Galles, qu’elle avait compris que cette voix discordante c’était un charme, et qu’elle en avait fait, dans l’ordre du monde, avec l’audace de l’originalité et du succès, ce que, dans l’ordre du théâtre, une Réjane, une Jeanne Granier (sans comparaison du reste naturellement entre la valeur et le talent de ces deux artistes) ont fait de la leur, quelque chose d’admirable et de distinctif que peut-être des sœurs Réjane et Granier, que personne n’a jamais connues, essayèrent de masquer comme un défaut.

À tant de raisons de déployer son originalité locale, les écrivains préférés de Mme de Guermantes : Mérimée, Meilhac et Halévy, étaient venus ajouter, avec le respect du naturel, un désir de prosaïsme par où elle atteignait à la poésie et un esprit purement de société qui ressuscitait devant moi des paysages. D’ailleurs la duchesse était fort capable, ajoutant à ces influences une recherche artiste, d’avoir choisi pour la plupart des mots la prononciation qui lui semblait le plus Île-de-France, le plus Champenoise, puisque, sinon tout à fait au degré de sa belle-sœur Marsantes, elle n’usait guère que du pur vocabulaire dont eût pu se servir un vieil auteur français. Et quand on était fatigué du composite et bigarré langage moderne, c’était, tout en sachant qu’elle exprimait bien moins de choses, un grand repos d’écouter la causerie de Mme de Guermantes, – presque le même, si l’on était seul avec elle et qu’elle restreignît et clarifiât encore son flot, que celui qu’on éprouve à entendre une vieille chanson. Alors en regardant, en écoutant Mme de Guermantes, je voyais, prisonnier dans la perpétuelle et quiète après-midi de ses yeux, un ciel d’Île-de-France ou de Champagne se tendre, bleuâtre, oblique, avec le même angle d’inclinaison qu’il avait chez Saint-Loup.

Ainsi, par ces diverses formations, Mme de Guermantes exprimait à la fois la plus ancienne France aristocratique, puis, beaucoup plus tard, la façon dont la duchesse de Broglie aurait pu goûter et blâmer Victor Hugo sous la monarchie de juillet, enfin un vif goût de la littérature issue de Mérimée et de Meilhac. La première de ces formations me plaisait mieux que la seconde, m’aidait davantage à réparer la déception du voyage et de l’arrivée dans ce faubourg Saint-Germain, si différent de ce que j’avais cru, mais je préférais encore la seconde à la troisième. Or, tandis que Mme de Guermantes était Guermantes presque sans le vouloir, son Pailleronisme, son goût pour Dumas fils étaient réfléchis et voulus. Comme ce goût était à l’opposé du mien, elle fournissait à mon esprit de la littérature quand elle me parlait du faubourg Saint-Germain, et ne me paraissait jamais si stupidement faubourg Saint-Germain que quand elle me parlait littérature.

Émue par les derniers vers, Mme d’Arpajon s’écria :

– Ces reliques du cœur ont aussi leur poussière ! Monsieur, il faudra que vous m’écriviez cela sur mon éventail, dit-elle à M. de Guermantes.

– Pauvre femme, elle me fait de la peine ! dit la princesse de Parme à Mme de Guermantes.

– Non, que madame ne s’attendrisse pas, elle n’a que ce qu’elle mérite.

– Mais… pardon de vous dire cela à vous… cependant elle l’aime vraiment !

– Mais pas du tout, elle en est incapable, elle croit qu’elle l’aime comme elle croit en ce moment qu’elle cite du Victor Hugo parce qu’elle dit un vers de Musset. Tenez, ajouta la duchesse sur un ton mélancolique, personne plus que moi ne serait touchée par un sentiment vrai. Mais je vais vous donner un exemple. Hier, elle a fait une scène terrible à Basin. Votre Altesse croit peut-être que c’était parce qu’il en aime d’autres, parce qu’il ne l’aime plus ; pas du tout, c’était parce qu’il ne veut pas présenter ses fils au Jockey ! Madame trouve-t-elle que ce soit d’une amoureuse ? Non ! Je vous dirai plus, ajouta Mme de Guermantes avec précision, c’est une personne d’une rare insensibilité.

Cependant c’est l’œil brillant de satisfaction que M. de Guermantes avait écouté sa femme parler de Victor Hugo à « brûle-pourpoint » et en citer ces quelques vers. La duchesse avait beau l’agacer souvent, dans des moments comme ceux-ci il était fier d’elle. « Oriane est vraiment extraordinaire. Elle peut parler de tout, elle a tout lu. Elle ne pouvait pas deviner que la conversation tomberait ce soir sur Victor Hugo. Sur quelque sujet qu’on l’entreprenne, elle est prête, elle peut tenir tête aux plus savants. Ce jeune homme doit être subjugué.

– Mais changeons de conversation, ajouta Mme de Guermantes, parce qu’elle est très susceptible. Vous devez me trouver bien démodée, reprit-elle en s’adressant à moi, je sais qu’aujourd’hui c’est considéré comme une faiblesse d’aimer les idées en poésie, la poésie où il y a une pensée.

– C’est démodé ? dit la princesse de Parme avec le léger saisissement que lui causait cette vague nouvelle à laquelle elle ne s’attendait pas, bien qu’elle sût que la conversation de la duchesse de Guermantes lui réservât toujours ces chocs successifs et délicieux, cet essoufflant effroi, cette saine fatigue après lesquels elle pensait instinctivement à la nécessité de prendre un bain de pieds dans une cabine et de marcher vite pour « faire la réaction ».

– Pour ma part, non, Oriane, dit Mme de Brissac, je n’en veux pas à Victor Hugo d’avoir des idées, bien au contraire, mais de les chercher dans ce qui est monstrueux. Au fond c’est lui qui nous a habitués au laid en littérature. Il y a déjà bien assez de laideurs dans la vie. Pourquoi au moins ne pas les oublier pendant que nous lisons ? Un spectacle pénible dont nous nous détournerions dans la vie, voilà ce qui attire Victor Hugo.

– Victor Hugo n’est pas aussi réaliste que Zola, tout de même ? demanda la princesse de Parme. Le nom de Zola ne fit pas bouger un muscle dans le visage de M. de Beautreillis. L’antidreyfusisme du général était trop profond pour qu’il cherchât à l’exprimer. Et son silence bienveillant quand on abordait ces sujets touchait les profanes par la même délicatesse qu’un prêtre montre en évitant de vous parler de vos devoirs religieux, un financier en s’appliquant à ne pas recommander les affaires qu’il dirige, un hercule en se montrant doux et en ne vous donnant pas de coups de poings.

– Je sais que vous êtes parent de l’amiral Jurien de la Gravière, me dit d’un air entendu Mme de Varambon, la dame d’honneur de la princesse de Parme, femme excellente mais bornée, procurée à la princesse de Parme jadis par la mère du duc. Elle ne m’avait pas encore adressé la parole et je ne pus jamais dans la suite, malgré les admonestations de la princesse de Parme et mes propres protestations, lui ôter de l’esprit l’idée que je n’avais quoi que ce fût à voir avec l’amiral académicien, lequel m’était totalement inconnu. L’obstination de la dame d’honneur de la princesse de Parme à voir en moi un neveu de l’amiral Jurien de la Gravière avait en soi quelque chose de vulgairement risible. Mais l’erreur qu’elle commettait n’était que le type excessif et desséché de tant d’erreurs plus légères, mieux nuancées, involontaires ou voulues, qui accompagnent notre nom dans la « fiche » que le monde établit relativement à nous. Je me souviens qu’un ami des Guermantes, ayant vivement manifesté son désir de me connaître, me donna comme raison que je connaissais très bien sa cousine, Mme de Chaussegros, « elle est charmante, elle vous aime beaucoup ». Je me fis un scrupule, bien vain, d’insister sur le fait qu’il y avait erreur, que je ne connaissais pas Mme de Chaussegros. « Alors c’est sa sœur que vous connaissez, c’est la même chose. Elle vous a rencontré en Écosse. » Je n’étais jamais allé en Écosse et pris la peine inutile d’en avertir par honnêteté mon interlocuteur. C’était Mme de Chaussegros elle-même qui avait dit me connaître, et le croyait sans doute de bonne foi, à la suite d’une confusion première, car elle ne cessa jamais plus de me tendre la main quand elle m’apercevait. Et comme, en somme, le milieu que je fréquentais était exactement celui de Mme de Chaussegros, mon humilité ne rimait à rien. Que je fusse intime avec les Chaussegros était, littéralement, une erreur, mais, au point de vue social, un équivalent de ma situation, si on peut parler de situation pour un aussi jeune homme que j’étais. L’ami des Guermantes eut donc beau ne me dire que des choses fausses sur moi, il ne me rabaissa ni ne me suréleva (au point de vue mondain) dans l’idée qu’il continua à se faire de moi. Et somme toute, pour ceux qui ne jouent pas la comédie, l’ennui de vivre toujours dans le même personnage est dissipé un instant, comme si l’on montait sur les planches, quand une autre personne se fait de vous une idée fausse, croit que nous sommes liés avec une dame que nous ne connaissons pas et que nous sommes notés pour avoir connue au cours d’un charmant voyage que nous n’avons jamais fait. Erreurs multiplicatrices et aimables quand elles n’ont pas l’inflexible rigidité de celle que commettait et commit toute sa vie, malgré mes dénégations, l’imbécile dame d’honneur de Mme de Parme, fixée pour toujours à la croyance que j’étais parent de l’ennuyeux amiral Jurien de la Gravière. « Elle n’est pas très forte, me dit le duc, et puis il ne lui faut pas trop de libations, je la crois légèrement sous l’influence de Bacchus. » En réalité Mme de Varambon n’avait bu que de l’eau, mais le duc aimait à placer ses locutions favorites. « Mais Zola n’est pas un réaliste, madame ! c’est un poète ! » dit Mme de Guermantes, s’inspirant des études critiques qu’elle avait lues dans ces dernières années et les adaptant à son génie personnel. Agréablement bousculée jusqu’ici, au cours du bain d’esprit, un bain agité pour elle, qu’elle prenait ce soir, et qu’elle jugeait devoir lui être particulièrement salutaire, se laissant porter par les paradoxes qui déferlaient l’un après l’autre, devant celui-ci, plus énorme que les autres, la princesse de Parme sauta par peur d’être renversée. Et ce fut d’une voix entrecoupée, comme si elle perdait sa respiration, qu’elle dit :

 

– Zola un poète !

– Mais oui, répondit en riant la duchesse, ravie par cet effet de suffocation. Que Votre Altesse remarque comme il grandit tout ce qu’il touche. Vous me direz qu’il ne touche justement qu’à ce qui… porte bonheur ! Mais il en fait quelque chose d’immense ; il a le fumier épique ! C’est l’Homère de la vidange ! Il n’a pas assez de majuscules pour écrire le mot de Cambronne.

Malgré l’extrême fatigue qu’elle commençait à éprouver, la princesse était ravie, jamais elle ne s’était sentie mieux. Elle n’aurait pas échangé contre un séjour à Schœnbrunn, la seule chose pourtant qui la flattât, ces divins dîners de Mme de Guermantes rendus tonifiants par tant de sel.

– Il l’écrit avec un grand C, s’écria Mme d’Arpajon.

– Plutôt avec un grand M, je pense, ma petite, répondit Mme de Guermantes, non sans avoir échangé avec son mari un regard gai qui voulait dire : « Est-elle assez idiote ! »

– Tenez, justement, me dit Mme de Guermantes en attachant sur moi un regard souriant et doux et parce qu’en maîtresse de maison accomplie elle voulait, sur l’artiste qui m’intéressait particulièrement, laisser paraître son savoir et me donner au besoin l’occasion de faire montre du mien, tenez, me dit-elle en agitant légèrement son éventail de plumes tant elle était consciente à ce moment-là qu’elle exerçait pleinement les devoirs de l’hospitalité et, pour ne manquer à aucun, faisant signe aussi qu’on me redonnât des asperges sauce mousseline, tenez, je crois justement que Zola a écrit une étude sur Elstir, ce peintre dont vous avez été regarder quelques tableaux tout à l’heure, les seuls du reste que j’aime de lui, ajouta-t-elle. En réalité, elle détestait la peinture d’Elstir, mais trouvait d’une qualité unique tout ce qui était chez elle. Je demandai à M. de Guermantes s’il savait le nom du monsieur qui figurait en chapeau haut de forme dans le tableau populaire, et que j’avais reconnu pour le même dont les Guermantes possédaient tout à côté le portrait d’apparat, datant à peu près de cette même période où la personnalité d’Elstir n’était pas encore complètement dégagée et s’inspirait un peu de Manet. « Mon Dieu, me répondit-il, je sais que c’est un homme qui n’est pas un inconnu ni un imbécile dans sa spécialité, mais je suis brouillé avec les noms. Je l’ai là sur le bout de la langue, monsieur… monsieur… enfin peu importe, je ne sais plus. Swann vous dirait cela, c’est lui qui a fait acheter ces machines à Mme de Guermantes, qui est toujours trop aimable, qui a toujours trop peur de contrarier si elle refuse quelque chose ; entre nous, je crois qu’il nous a collé des croûtes. Ce que je peux vous dire, c’est que ce monsieur est pour M. Elstir une espèce de Mécène qui l’a lancé, et l’a souvent tiré d’embarras en lui commandant des tableaux. Par reconnaissance – si vous appelez cela de la reconnaissance, ça dépend des goûts – il l’a peint dans cet endroit-là où avec son air endimanché il fait un assez drôle d’effet. Ça peut être un pontife très calé, mais il ignore évidemment dans quelles circonstances on met un chapeau haut de forme. Avec le sien, au milieu de toutes ces filles en cheveux, il a l’air d’un petit notaire de province en goguette. Mais dites donc, vous me semblez tout à fait féru de ces tableaux. Si j’avais su ça, je me serais tuyauté pour vous répondre. Du reste, il n’y a pas lieu de se mettre autant martel en tête pour creuser la peinture de M. Elstir que s’il s’agissait de la Source d’Ingres ou des Enfants d’Édouard de Paul Delaroche. Ce qu’on apprécie là dedans, c’est que c’est finement observé, amusant, parisien, et puis on passe. Il n’y a pas besoin d’être un érudit pour regarder ça. Je sais bien que ce sont de simples pochades, mais je ne trouve pas que ce soit assez travaillé. Swann avait le toupet de vouloir nous faire acheter une Botte d’Asperges. Elles sont même restées ici quelques jours. Il n’y avait que cela dans le tableau, une botte d’asperges précisément semblables à celles que vous êtes en train d’avaler. Mais moi je me suis refusé à avaler les asperges de M. Elstir. Il en demandait trois cents francs. Trois cents francs une botte d’asperges ! Un louis, voilà ce que ça vaut, même en primeurs ! Je l’ai trouvée roide. Dès qu’à ces choses-là il ajoute des personnages, cela a un côté canaille, pessimiste, qui me déplaît. Je suis étonné de voir un esprit fin, un cerveau distingué comme vous, aimer cela. »

– Mais je ne sais pas pourquoi vous dites cela, Basin, dit la duchesse qui n’aimait pas qu’on dépréciât ce que ses salons contenaient. Je suis loin de tout admettre sans distinction dans les tableaux d’Elstir. Il y a à prendre et à laisser. Mais ce n’est toujours pas sans talent. Et il faut avouer que ceux que j’ai achetés sont d’une beauté rare.

– Oriane, dans ce genre-là je préfère mille fois la petite étude de M. Vibert que nous avons vue à l’Exposition des aquarellistes. Ce n’est rien si vous voulez, cela tiendrait dans le creux de la main, mais il y a de l’esprit jusqu’au bout des ongles : ce missionnaire décharné, sale, devant ce prélat douillet qui fait jouer son petit chien, c’est tout un petit poème de finesse et même de profondeur.

– Je crois que vous connaissez M. Elstir, me dit la duchesse. L’homme est agréable.

– Il est intelligent, dit le duc, on est étonné, quand on cause avec lui, que sa peinture soit si vulgaire.

– Il est plus qu’intelligent, il est même assez spirituel, dit la duchesse de l’air entendu et dégustateur d’une personne qui s’y connaît.

– Est-ce qu’il n’avait pas commencé un portrait de vous, Oriane ? demanda la princesse de Parme.

– Si, en rouge écrevisse, répondit Mme de Guermantes, mais ce n’est pas cela qui fera passer son nom à la postérité. C’est une horreur, Basin voulait le détruire. Cette phrase-là, Mme de Guermantes la disait souvent. Mais d’autres fois, son appréciation était autre : « Je n’aime pas sa peinture, mais il a fait autrefois un beau portrait de moi. » L’un de ces jugements s’adressait d’habitude aux personnes qui parlaient à la duchesse de son portrait, l’autre à ceux qui ne lui en parlaient pas et à qui elle désirait en apprendre l’existence. Le premier lui était inspiré par la coquetterie, le second par la vanité.

– Faire une horreur avec un portrait de vous ! Mais alors ce n’est pas un portrait, c’est un mensonge : moi qui sais à peine tenir un pinceau, il me semble que si je vous peignais, rien qu’en représentant ce que je vois je ferais un chef-d’œuvre, dit naïvement la princesse de Parme.

– Il me voit probablement comme je me vois, c’est-à-dire dépourvue d’agrément, dit Mme de Guermantes avec le regard à la fois mélancolique, modeste et câlin qui lui parut le plus propre à la faire paraître autre que ne l’avait montrée Elstir.

– Ce portrait ne doit pas déplaire à Mme de Gallardon, dit le duc.

– Parce qu’elle ne s’y connaît pas en peinture ? demanda la princesse de Parme qui savait que Mme de Guermantes méprisait infiniment sa cousine. Mais c’est une très bonne femme n’est-ce pas ? Le duc prit un air d’étonnement profond. « Mais voyons, Basin, vous ne voyez pas que la princesse se moque de vous (la princesse n’y songeait pas). Elle sait aussi bien que vous que Gallardonette est une vieille poison », reprit Mme de Guermantes, dont le vocabulaire, habituellement limité à toutes ces vieilles expressions, était savoureux comme ces plats possibles à découvrir dans les livres délicieux de Pampille, mais dans la réalité devenus si rares, où les gelées, le beurre, le jus, les quenelles sont authentiques, ne comportent aucun alliage, et même où on fait venir le sel des marais salants de Bretagne : à l’accent, au choix des mots on sentait que le fond de conversation de la duchesse venait directement de Guermantes. Par là, la duchesse différait profondément de son neveu Saint-Loup, envahi par tant d’idées et d’expressions nouvelles ; il est difficile, quand on est troublé par les idées de Kant et la nostalgie de Baudelaire, d’écrire le français exquis d’Henri IV, de sorte que la pureté même du langage de la duchesse était un signe de limitation, et qu’en elle, et l’intelligence et la sensibilité étaient restées fermées à toutes les nouveautés. Là encore l’esprit de Mme de Guermantes me plaisait justement par ce qu’il excluait (et qui composait précisément la matière de ma propre pensée) et tout ce qu’à cause de cela même il avait pu conserver, cette séduisante vigueur des corps souples qu’aucune épuisante réflexion, nul souci moral ou trouble nerveux n’ont altérée. Son esprit d’une formation si antérieure au mien, était pour moi l’équivalent de ce que m’avait offert la démarche des jeunes filles de la petite bande au bord de la mer. Mme de Guermantes m’offrait, domestiquée et soumise par l’amabilité, par le respect envers les valeurs spirituelles, l’énergie et le charme d’une cruelle petite fille de l’aristocratie des environs de Combray, qui, dès son enfance, montait à cheval, cassait les reins aux chats, arrachait l’œil aux lapins et, aussi bien qu’elle était restée une fleur de vertu, aurait pu, tant elle avait les mêmes élégances, pas mal d’années auparavant, être la plus brillante maîtresse du prince de Sagan. Seulement elle était incapable de comprendre ce que j’avais cherché en elle – le charme du nom de Guermantes – et le petit peu que j’y avais trouvé, un reste provincial de Guermantes. Nos relations étaient-elles fondées sur un malentendu qui ne pouvait manquer de se manifester dès que mes hommages, au lieu de s’adresser à la femme relativement supérieure qu’elle se croyait être, iraient vers quelque autre femme aussi médiocre et exhalant le même charme involontaire ? Malentendu si naturel et qui existera toujours entre un jeune homme rêveur et une femme du monde, mais qui le trouble profondément, tant qu’il n’a pas encore reconnu la nature de ses facultés d’imagination et n’a pas pris son parti des déceptions inévitables qu’il doit éprouver auprès des êtres, comme au théâtre, en voyage et même en amour. M. de Guermantes ayant déclaré (suite aux asperges d’Elstir et à celles qui venaient d’être servies après le poulet financière) que les asperges vertes poussées à l’air et qui, comme dit si drôlement l’auteur exquis qui signe E. de Clermont-Tonnerre, « n’ont pas la rigidité impressionnante de leurs sœurs » devraient être mangées avec des œufs : « Ce qui plaît aux uns déplaît aux autres, et vice versa », répondit M. de Bréauté. Dans la province de Canton, en Chine, on ne peut pas vous offrir un plus fin régal que des œufs d’ortolan complètement pourris. » M. de Bréauté, auteur d’une étude sur les Mormons, parue dans la Revue des Deux-Mondes, ne fréquentait que les milieux les plus aristocratiques, mais parmi eux seulement ceux qui avaient un certain renom d’intelligence. De sorte qu’à sa présence, du moins assidue, chez une femme, on reconnaissait si celle-ci avait un salon. Il prétendait détester le monde et assurait séparément à chaque duchesse que c’était à cause de son esprit et de sa beauté qu’il la recherchait. Toutes en étaient persuadées. Chaque fois que, la mort dans l’âme, il se résignait à aller à une grande soirée chez la princesse de Parme, il les convoquait toutes pour lui donner du courage et ne paraissait ainsi qu’au milieu d’un cercle intime. Pour que sa réputation d’intellectuel survécût à sa mondanité, appliquant certaines maximes de l’esprit des Guermantes, il partait avec des dames élégantes faire de longs voyages scientifiques à l’époque des bals, et quand une personne snob, par conséquent sans situation encore, commençait à aller partout, il mettait une obstination féroce à ne pas vouloir la connaître, à ne pas se laisser présenter. Sa haine des snobs découlait de son snobisme, mais faisait croire aux naïfs, c’est-à-dire à tout le monde, qu’il en était exempt. « Babal sait toujours tout ! s’écria la duchesse de Guermantes. Je trouve charmant un pays où on veut être sûr que votre crémier vous vende des œufs bien pourris, des œufs de l’année de la comète. Je me vois d’ici y trempant ma mouillette beurrée. Je dois dire que cela arrive chez la tante Madeleine (Mme de Villeparisis) qu’on serve des choses en putréfaction, même des œufs (et comme Mme d’Arpajon se récriait) : Mais voyons, Phili, vous le savez aussi bien que moi. Le poussin est déjà dans l’œuf. Je ne sais même pas comment ils ont la sagesse de s’y tenir. Ce n’est pas une omelette, c’est un poulailler, mais au moins ce n’est pas indiqué sur le menu. Vous avez bien fait de ne pas venir dîner avant-hier, il y avait une barbue à l’acide phénique ! Ça n’avait pas l’air d’un service de table, mais d’un service de contagieux. Vraiment Norpois pousse la fidélité jusqu’à l’héroïsme : il en a repris ! »