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Les affinités électives

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Sois utilement actif, tu auras mérité d'obtenir et tu pourras t'attendre à trouver: chez les grands, des grâces; chez les puissants, des faveurs; chez les hommes actifs et utiles, de l'appui, dans la multitude, de la sympathie; chez les individus isolés, de l'affection.

Dis-moi qui tu hantes, je dirai qui tu es, dit un vieux proverbe. J'ajouterai: dis-moi de quoi tu t'occupes, et je te dirai ce que tu pourras devenir.

Chaque individu doit penser à sa façon, car il trouve toujours sur sa route une vérité ou une espèce de vérité qui lui sert de guide; mais il ne doit pas se laisser aller sans aucun contrôle: le pur instinct ne suffit pas à l'homme, il le ravale au-dessous de sa dignité.

L'activité sans frein, quelle que soit sa nature, finit par faire banqueroute à la raison.

Dans les oeuvres des hommes comme dans celles de la nature, il n'y a de réellement digne de notre attention que les intentions.

L'homme ne se trompe si souvent par rapport à lui et par rapport aux autres, que parce qu'il voit un but dans un moyen; et qu'à force de vouloir agir en ce sens, il ne fait rien, ou fait le contraire de ce qu'il devrait faire.

Quand nous avons réfléchi sur une chose, et que nous avons pris la résolution de l'exécuter, elle devrait être si pure et si belle, que le monde ne pourrait plus que gâter notre oeuvre; par là nous conserverions toujours intact l'immense avantage de rétablir ce qui a été détruit, de rassembler ce qui a été dispersé.

Les erreurs, lors même qu'elles ne seraient pas complètes, sont toujours difficiles à rectifier; car il faut conserver ce qu'il y avait de vrai et le mettre à la place où il doit être.

Le vrai n'a pas toujours besoin de se corporifier; c'est déjà beaucoup quand il plane çà et là comme un pur esprit et éveille des sympathies intellectuelles, quand il vibre dans l'air doux et grave comme le son d'une cloche.

Les idées générales et les grandes vanités sont toujours sur le point de causer d'immenses malheurs.

Souffler dans une flûte, ce n'est pas en jouer; il faut remuer les doigts.

Les botanistes admettent une classe de plantes qu'ils appellent incomplètes. On pourrait dire avec autant de justesse qu'il y a une classe d'hommes incomplets; et j'appelle ainsi tous ceux qui ne savent pas mettre leurs désirs et leurs tendances en harmonie avec leurs facultés. L'homme le plus insignifiant est complet s'il sait se renfermer dans le cercle de ses capacités, tandis que les plus belles qualités s'obscurcissent, s'anéantissent même sans cette indispensable loi de proportion. L'absence de cette loi est un mal que l'esprit des temps modernes augmente chaque jour; car qui pourrait suffire à la marche rapide et aux exigences d'un présent toujours progressif?

Les hommes sagement actifs, qui connaissent leurs forces et qui les utilisent avec prudence, prospèrent toujours dans les affaires de ce monde.

C'est un grand défaut de se croire plus qu'on n'est, ou de s'estimer moins qu'on ne vaut.

Je rencontre de temps en temps des jeunes gens auxquels je ne trouve rien à changer, rien à corriger, et cependant ils me donnent des inquiétudes, parce que je les vois disposés à suivre le torrent de leur époque. C'est précisément de cette disposition que je voudrais les garantir. Il n'a été donné une rame à l'homme, réduit à naviguer dans une nacelle fragile, que pour qu'il puisse se guider selon sa volonté et son jugement, au lieu de suivre le cours aveugle des flots.

Comment un jeune homme pourrait-il trouver blâmable et nuisible ce que tout le monde fait et approuve? Pourquoi résisterait-il seul à la tendance de tous?

Le plus grand mal de notre époque où rien ne peut arriver à sa maturité, est de consommer chaque jour le produit de chaque jour, sans jamais songer à garder quelque chose pour l'avenir. Nous avons des journaux pour le soir et d'autres pour le matin, et l'on ne tardera sans doute pas à en inventer pour les heures intermédiaires. Cette manie traîne à la barre du public tout ce que chacun rêve ou se propose de faire; on ne peut plus ni souffrir ni se réjouir que pour amuser les autres. Les événements les plus intimes sont colportés de maison en maison, de ville en ville, et d'empire en empire; bientôt ils passeront d'une partie du monde à l'autre à l'aide de quelques vélocifères.

Il serait aussi impossible d'éteindre les machines à vapeur du monde matériel, que d'arrêter ce mouvement du monde moral. La vivacité du commerce, le froissement du papier qui remplace l'argent monnayé, la recrudescence de la dette pour payer des dettes, voilà les éléments monstrueux au milieu desquels les jeunes hommes se trouvent jetés aujourd'hui. Qu'ils rendent grâce à la nature si elle leur a donné un esprit assez juste et assez calme pour ne pas se laisser entraîner par le monde, ou pour ne pas lui demander l'impossible.

Dans chaque cercle d'activité l'esprit de l'époque poursuit et menace les jeunes hommes; aussi ne saurait-on leur montrer trop tôt le point vers lequel ils doivent diriger leur volonté.

Plus on avance en âge, plus on sent l'importance des paroles et des actions les plus innocentes. Cette conviction m'engage à faire remarquer à tous ceux qui m'entourent, la différence qui existe entre la sincérité, la confiance et l'indiscrétion; c'est-à-dire, qu'il n'y a pas de différence, mais une gradation lente comme celle qui conduit de la chose la plus indifférente à la plus nuisible, et qu'il faut sentir, car elle ne peut se raisonner.

C'est sur cette gradation qu'il faut régler notre conduite, si nous ne voulons pas perdre la bienveillance des hommes, sur la même route où nous sommes parvenus à la gagner. L'expérience nous apprend toujours cette vérité, mais elle la fait payer par un cher apprentissage, que par malheur on cherche toujours vainement à épargner à ses descendants.

L'influence des arts et des sciences sur la vie, est tellement soumise au degré de perfection de l'esprit du temps, et à mille autres circonstances fortuites, qu'il est impossible de la déterminer.

La poésie est toute-puissante dans les débuts de la société, que ces débuts soient la barbarie, la demi-civilisation, une réorganisation, ou un changement résulté du contact d'une civilisation étrangère; d'où l'on peut conclure que l'influence de la poésie se fait sentir dans tout ce qui est nouveau.

La musique a moins besoin de cette nouveauté; elle lui est presque nuisible, car plus elle est ancienne, plus on y est accoutumé, plus elle a de puissance.

C'est dans la musique, surtout, que la dignité de l'art est éminente, car il n'y a en elle rien de matériel à déduire; à la fois forme et fond, elle ennoblit tout ce qu'elle exprime.

La musique est ou profane ou sacrée. Le caractère sacré, surtout, lui convient; il lui donne sur la vie une haute influence, qui reste invariable à travers toutes les variations de l'esprit des temps. La musique profane devrait toujours être joyeuse et gaie.

La musique qui mêle le sacré au profane est impie; celle qui exprime des sensations faibles, lamentables ou mesquines est absurde; car n'étant pas assez imposante et assez grave pour être sacrée, il lui manque la gaîté qui fait le seul mérite de la musique profane.

La sainteté de la musique d'église et l'espièglerie des chants populaires sont les deux pivots, sur lesquels la musique doit toujours rouler, c'est l'unique moyen de produire les deux grands effets qui lui sont propres: la prière et la danse. Si elle confond les genres, elle jette de la confusion dans l'âme; si elle les affaiblit, elle devient fade; si elle veut s'associer à la poésie didactique ou descriptive, elle glace et ennuie.

La plastique ne peut agir que sur un degré élevé de l'échelle artistique. Le médiocre peut, sous plus d'un rapport, avoir quelque chose d'imposant; mais une oeuvre d'art médiocre sera toujours plus propre à induire en erreur qu'à plaire. Voilà pourquoi la sculpture doit s'associer un intérêt matériel qu'elle trouvera sans peine dans la représentation des personnages importants; mais, malgré ce secours, il lui faut encore un haut degré de perfection pour être à la fois vraie et digne.

La peinture est de tous les arts le plus nonchalant et le plus commode. Lors même qu'elle n'est que du métier, elle plaît à cause de son sujet. Son exécution, ne serait-elle que mécanique et par conséquent dépourvue d'intelligence, a quelque chose de si merveilleux qu'elle étonne les esprits les plus cultivés comme les plus vulgaires; et dès qu'elle s'élève sur l'échelle artistique, elle est préférée aux autres arts arrivés au même degré de perfection. La vérité dans la couleur, dans les superficies et dans les rapports que les objets visibles ont entre eux, suffit pour la rendre agréable. Et comme les yeux ont été forcés de s'accoutumer à tout voir, même le laid, une difformité ne les affecte pas aussi péniblement que la dissonance blesse l'oreille; ils supportent une mauvaise copie de la réalité, parce qu'il y a des réalités plus vilaines encore. Enfin, le peintre médiocrement artiste aura toujours plus d'amis, plus de partisans dans le public, que le musicien qui ne serait pas plus avancé que lui dans son art. En tous cas, le peintre peu habile a du moins l'avantage de pouvoir travailler seul et pour lui seul, tandis que le musicien est toujours obligé de s'associer d'autres musiciens, car ce n'est que par l'association qu'il peut produire des effets.

On se demande si, en examinant les diverses productions artistiques, il faut les comparer entre elles? Je répondrai que le connaisseur parfait peut et doit juger par comparaison, car la pensée fondamentale de l'art plane devant lui, et il a la conscience de tout ce que l'on pourrait, de tout ce que l'on devrait faire. Mais l'amateur, qui en est encore aux premiers pas sur la route de l'appréciation du vrai beau, doit considérer isolément chaque genre de mérite; par là seulement le sens et le sentiment s'accoutument par degrés à agir sur les généralités. En tous cas, la manie de comparer n'est qu'une paresse de l'esprit qui veut s'épargner la peine de juger.

 

Le propre de l'amour de la vérité est de nous faire découvrir et apprécier le bon partout où il est.

Le sentiment humain peut s'appeler historique, quand il s'est perfectionné au point de faire entrer le passé en ligne de compte, dans l'appréciation des mérites du présent.

Ce qu'il y a de mieux dans l'histoire, c'est l'enthousiasme qu'elle excite en nous.

L'individualité engendre l'individualité.

Il ne faut jamais oublier qu'il y a une foule de personnes qui veulent absolument dire ou produire quelque chose de remarquable, sans avoir pour cela les facultés nécessaires, et que de là doit nécessairement résulter le bizarre, l'extravagant.

Les penseurs profonds et sérieux sont rarement bien vus du public.

Si l'on veut que j'écoute avec attention l'opinion d'un autre, il faut du moins qu'elle soit positivement énoncée; car j'ai toujours en moi-même un assez grand fonds de données problématiques.

La superstition fait pour ainsi dire partie de l'homme, et il se flatte en vain de pouvoir la bannir complètement; au lieu de le quitter, elle se réfugie dans les profondeurs les plus mystérieuses de son être, d'où elle reparaît tout à coup dès qu'elle se sent moins rigoureusement poursuivie.

Que de choses nous pourrions savoir mieux, si nous ne voulions pas les savoir trop bien. Ce n'est que dans l'angle de quarante-cinq degrés que les objets deviennent accessibles à notre vue.

Les microscopes et les lunettes d'approche ne servent qu'à égarer le bon sens.

Je garde le silence sur beaucoup de choses, car je ne veux causer ni trouble ni désordre. Je vois même sans déplaisir les hommes se réjouir des choses qui me scandalisent et me chagrinent.

Tout ce qui affranchit l'esprit sans lui donner un pouvoir absolu sur nous-mêmes est nuisible.

Quand les hommes examinent et jugent une production de l'art, ils cherchent plus tôt à savoir ce qu'elle est, que pourquoi et comment elle est. Guidé par ce sentiment, on s'attache aux détails, on fait des extraits. Il est vrai que par ce procédé on finit toujours par saisir l'ensemble, mais c'est toujours sans le savoir.

L'art, et surtout celui de la poésie, a seul le pouvoir de soumettre l'imagination aux règles qui lui sont indispensables, car l'imagination sans goût est une monstruosité.

Le maniéré est la subjectivité de l'idée; voilà pourquoi il a toujours quelque chose de spirituel.

La tâche du philologue consiste à approfondir le contenu des traditions écrites. Il examine un manuscrit et il y voit des lacunes, des erreurs ou des omissions de copiste, et d'autres fautes semblables qui nuisent à la clarté du texte. On découvre une seconde, une troisième copie du même manuscrit; il les compare entre elles et arrive ainsi à savoir ce qu'il y a de croyable, de sensé dans la tradition. Il va plus loin, il demande à sa propre raison de saisir et de rendre, sans le secours des moyens extérieurs, et avec une perfection toujours croissante, les convenances et les rapports qu'ont entre elles les matières qu'il traite; les vérités, les erreurs et les mensonges qu'elles contiennent. Pour arriver à ce résultat, il a besoin de beaucoup de tact, d'une étude approfondie des auteurs morts, et même d'un certain degré d'imagination. Il n'est donc pas étonnant que le philologue arrive à se croire juge compétent dans le domaine du goût; malheureusement il y réussit rarement.

Le poète doit tout mettre en action, en représentation, et il n'est au niveau de sa tâche que lorsque ses représentations rivalisent avec la réalité, et séduisent l'esprit au point que tout le monde croit voir et entendre ce qu'il décrit ou représente. Quand la poésie a atteint ce haut degré de perfection, elle paraît n'appartenir qu'au monde extérieur; et cela est si vrai, que, lorsqu'elle se refoule dans le monde intérieur, elle est en décadence. La poésie qui ne représente que des sensations intérieures sans les corporifier par des objets extérieurs, ou celle qui ne représente que des objets extérieurs, sans les animer par des sensations intérieures, sont toutes deux arrivées au plus bas degré de l'échelle poétique, d'où il ne leur reste plus qu'à entrer dans la vie vulgaire.

L'éloquence jouit de toutes les faveurs, de tous les privilèges de la poésie, elle s'en empare; elle en abuse même pour s'assurer dans la vie sociale un avantage momentané, moral où immoral, juste ou injuste.

La littérature n'est qu'un fragment des fragments de l'esprit humain. On n'a écrit que la plus petite partie de ce qui a été fait et dit, et l'on n'a conservé que la plus petite partie de ce qui a été écrit.

Le talent de lord Byron a une vérité et une grandeur naturelles qui se sont développées dans une sauvagerie dont le principal effet est d'étonner et de mettre mal à son aise; aussi son talent ne peut-il être comparé à aucun autre talent.

Le véritable mérite des chants populaires est d'avoir pris immédiatement leurs motifs dans la nature. Les poètes les plus avancés en civilisation pourraient tirer de grands avantages de cette source s'ils savaient y puiser.

J'ajouterai cependant qu'ils n'en seraient pas moins inférieurs à ces grands modèles, du moins sous le rapport de la concision; car l'homme de la nature sera toujours plus laconique que l'homme civilisé.

L'étude de Shakespeare est fort dangereuse pour les talents naissants, car elles les force à l'imiter quand ils se flattent de créer.

Pour apprécier l'histoire, il faut qu'il y ait eu de l'histoire dans notre vie. Il en est de même des nations: les Allemands ne peuvent juger la littérature que depuis qu'ils en ont une.

On ne vit réellement, que lorsqu'on se sent heureux par la bienveillance et l'affection dont on est l'objet.

La piété n'est pas un but, mais un moyen pour arriver à un haut degré de civilisation par une douce tranquillité d'esprit.

On peut conclure de là que tous ceux qui font de la piété un but sont des hypocrites.

On a plus de devoirs à remplir dans la vieillesse que dans la jeunesse.

Un devoir contracté est une créance perpétuelle, car il est impossible de la solder complément.

La malveillance seule voit les imperfections et les défauts, il faut donc se faire malveillant pour les voir; mais gardons-nous de le devenir plus que cela n'est rigoureusement nécessaire.

Le plus grand bonheur qui puisse nous arriver, est celui qui corrige nos imperfections et répare nos fautes.

Si tu sais lire, il faut que tu comprennes; si tu sais écrire, il faut que tu saches quelque chose; si tu crois, tu es forcé de concevoir; si tu désires, tu t'imposes des obligations; si tu exiges, tu obtiendras; si tu as de l'expérience, on te demande d'être utile.

Nous ne reconnaissons de l'autorité qu'à ceux qui nous sont utiles. Si nous nous soumettons à nos souverains, c'est parce qu'ils nous assurent la tranquille possession de nos propriétés, et qu'ils nous protègent contre tout ce qui pourrait nous arriver de désagréable.

Le ruisseau est l'ami du meunier qui l'utilise. Il aime mieux se précipiter par-dessus les roues qu'il fait mouvoir, que de rouler à travers la vallée avec une tranquillité stérile.

Celui qui se contente de régler sa conduite sur une simple expérience, est toujours dans le vrai. Considéré sous ce point de vue, l'enfant qui commence à raisonner est un grand sage.

La théorie n'a d'autre mérite réel que celui de nous faire croire à la coïncidence des événements.

Toutes les choses abstraites deviennent inaccessibles au sens commun, lorsqu'on veut les mettre en oeuvre; et le sens commun arrive toujours à l'abstrait par l'action et par l'observation.

Lorsqu'on demande trop et qu'on se plaît datas les combinaisons compliquées, on s'expose à s'égarer dans le désordre.

Il est bon de penser par analogie, car l'analogie ne conclue rien. L'induction est dangereuse, car elle se pose un but déterminé qu'elle ne perd jamais de vue, et vers lequel elle entraîne indistinctement le faux et le vrai.

L'intuition juste mais vulgaire des choses terrestres, est une propriété du simple sens commun. L'intuition pure des objets extérieurs et intérieurs est fort rare.

La première se manifeste d'une manière tout à fait pratique, c'est-à-dire par l'action immédiate; la seconde, par symboles, tels que les chiffres, les formules de mathématiques, et la parole ou plutôt les tropes, que l'on peut regarder comme la poésie du génie et la manifestation proverbiale du sens commun.

Le passé ne peut agir sur nous que par la narration écrite ou parlée. La plus ordinaire, la plus sensée est historique; celle qui tient le plus près à l'imagination est mythique. Dès que l'on cherche dans cette dernière quelque chose d'important et de caché, elle devient mystique, et prend un cachet si sentimental, que nous n'en acceptons que ce qui concerne le sentiment.

Si nous voulons réellement arriver à quelque chose, il faut soutenir notre activité par les facultés qui préparent, accompagnent, coïncident, secondent, accélèrent, fortifient, arrêtent et réagissent.

Pour observer comme pour agir, il faut séparer l'accessible de l'inaccessible, sans cela notre vie et notre savoir seront toujours également stériles.

Un Français a dit: «Le sens commun est le génie de l'humanité.» mais avant d'accepter ce sens commun comme le génie de l'humanité, il faudrait du moins l'examiner dans ses divers modes de manifestation. Si nous nous demandons en quoi il est utile aux hommes, nous arrivons aux résultats suivants:

L'humanité est soumise à des besoins; si elle ne peut les satisfaire, elle s'agite et s'impatiente; dès qu'ils sont satisfaits, elle redevient calme, indifférente. L'homme de la nature est donc toujours dans l'un ou l'autre de ces deux états, et il doit nécessairement employer la simple raison, c'est-à-dire le sens commun des Français, pour trouver le moyen de satisfaire ses besoins. Ces moyens, il les trouve toujours tant que ses besoins restent dans les limites du nécessaire; mais s'ils s'étendent, s'ils s'élèvent au-dessus du commun, le sens commun devient insuffisant, il cesse d'être un génie protecteur; car les régions de l'erreur se sont ouverte devant l'humanité.

Il ne se fait rien de déraisonnable que la raison ou le hasard ne puissent réparer; il ne se fait rien de raisonnable que le hasard ou la déraison ne puissent gâter.

Toute idée vaste et grande qui vient de surgir, agit tyranniquement: voilà pourquoi les préjugés qu'elle fait naître deviennent si vite nuisibles, et qu'il n'y a point d'institution qu'on ne puisse défendre et louer, si l'on remonte à son origine; il ne s'agit que de faire valoir ce qu'elle avait alors de bon, et ce qu'elle en a su conserver.

Lessing, qui s'indignait sincèrement contre toute espèce d'entraves, fait dire à un de ses personnages: «Personne ne doit devoir faire ou penser une chose;» un homme fort spirituel répondit: Celui qui le veut le doit. Un troisième, penseur plus subtil, ajouta: «Celui qui peut comprendre doit vouloir.» On croyait avoir terminé ainsi la discussion sur le vouloir et le devoir, sans songer qu'en général les actions des hommes sont déterminées par le degré de leur intelligence et de leur instruction; aussi n'y a-t-il rien de si épouvantable que l'ignorance et la stupidité en action.

Il existe deux substances pacifiques: le dû et le convenable.

La justice demande le dû, la police le convenable; la justice examine et juge, la police surprend et ordonne. La justice s'occupe des individus, la police de l'ensemble d'une population.

L'histoire est une longue fugue dans laquelle chaque peuple élève la voix à son tour.

L'homme ne pourrait satisfaire à ce qu'on exige de lui, que s'il se croyait beaucoup plus qu'il n'est. C'est, au reste, une erreur qu'on lui pardonne volontiers tant qu'elle ne tombe pas dans l'absurde.

Il est des livres qui semblent avoir été écrits non pour apprendre quelque chose, mais pour prouver que l'auteur savait quelque chose.

J'ai vu des gens qui fouettaient du lait dans l'espoir de le faire tourner en crème.

Il est plus facile de se faire une juste idée de l'état d'un cerveau qui nourrit les erreurs les plus complètes, que de celui qui s'attache à des demi-vérités.

Le penchant des Allemands pour l'indéfini et pour le vague dans les arts, vient de leur peu d'habileté.

L'artiste médiocre doit rejeter les lois du vrai beau qui réduiraient son talent à rien.

Il est triste de voir un homme remarquable lutter toute sa vie contre lui-même, contre l'esprit de son époque, et contre les événements, sans pouvoir sortir de la foule où le préjugé le retient. La bourgeoisie nous offre plus d'un pareil exemple.

 

Un auteur ne saurait mieux prouver son estime pour le public, qu'en lui donnant, non ce qu'il demande, mais ce que lui-même trouve juste et bon.

La sagesse n'est que dans la vérité.

Quand nous commettons une erreur, tout le monde peut s'en apercevoir; il n'en est pas de même quand nous avançons un mensonge.

Les Allemands ont de la liberté dans la pensée, voilà pourquoi ils ne s'aperçoivent pas quand ils manquent de liberté dans le goût et dans l'esprit.

N'y a-t-il donc pas assez d'énigmes en ce monde? Et pourquoi cherche-t-on à convertir en énigmes les choses les plus simples?

Le cheveu le plus fin projette une ombre.

J'ai souvent essayé de faire des choses vers lesquelles je n'avais été poussé que par de fausses tendances, et cependant j'ai toujours fini par les concevoir.

La libéralité excite toujours la bienveillance, surtout quand elle est accompagnée par la modestie.

La poussière ne se soulève jamais avec plus de force, qu'au moment où l'orage qui va la faire retomber pour longtemps, est sur le point d'éclater.

Les hommes se connaissent fort difficilement entre eux, lors même qu'ils en ont réellement l'intention; le mauvais vouloir qui les guide presque toujours achève de les aveugler.

On apprendrait plus facilement à connaître les autres, si on n'avait pas toujours la manie de se comparer à eux.

Voilà pourquoi les hommes les plus distingués sont les plus maltraités; n'osant se comparer à eux on cherche à leur trouver des défauts.

Pour parvenir en ce monde, il n'est pas nécessaire de connaître les hommes, mais d'être plus fin et plus adroit que celui auquel on a affaire pour l'instant. Les charlatans qui, à chaque foire, débitent une grande quantité de mauvaises marchandises, sont une preuve palpable de cette vérité.

Il n'y a pas des grenouilles partout où il y a de l'eau, mais il y a de l'eau partout où l'on entend croasser des grenouilles.

Quand on ne sait aucune langue étrangère on ne sait pas la sienne.

Il est des erreurs qui ne vont pas mal aux jeunes gens; mais il ne faut pas qu'ils les traînent après eux jusque dans la vieillesse.

Quand un travers a vieilli, il est aussi inutile que désagréable à tout le monde.

La despotique déraison du cardinal de Richelieu, a fait douter

Corneille de lui-même.

La nature s'égare quelquefois dans des spécifications où elle se trouve arrêtée comme dans une impasse. C'est ce qui nous explique l'opiniâtreté avec laquelle chaque peuple se renferme dans son caractère national.

Les métamorphoses dans le sens le plus élevé, c'est-à-dire celles qui s'opèrent par la perte ou le gain, par l'action de donner ou de prendre, sont admirablement dépeintes par le Dante.

Chacun de nous a, dans sa nature, quelque chose qui, s'il osait l'avouer publiquement, lui attirerait le blâme général.

Toutes les fois que l'homme se met à réfléchir sur son état physique ou moral, il se trouve malade.

L'assoupissement sans sommeil est une situation dont la nature a fait à l'homme un besoin, ce qui explique son goût pour le tabac, l'eau-de-vie et l'opium.

L'important pour l'homme d'action est de faire ce qui est justes sans s'inquiéter si ce qui est juste se fait partout.

Il est des personnes qui frappent au hasard avec leur marteau contre la muraille, en s'imaginant que chaque coup tombe sur la tête d'un clou.

Les mots français ne tirent pas leur origine de la langue latine écrite, mais de la langue latine parlée.

Nous appelons réalité vulgaire, celle qui se présente fortuitement et sans que nous puissions y reconnaître, pour l'instant du moins, une loi de la nature.

Le tatouage du corps humain est un retour vers l'état de brute.

Écrire l'histoire, c'est se débarrasser utilement du passé.

On ne saurait posséder ce qu'on ne comprend pas.

Les choses les plus vulgaires, lorsqu'elles sont dites d'une manière burlesque, peuvent paraître piquantes.

Nous conservons toujours assez de force pour agir, lorsque nous sommes guidés par une conviction profonde.

La mémoire peut nous faire défaut impunément, pourvu qu'au même instant le jugement ne nous abandonne pas aussi.

Les poètes qui ne reconnaissent ou n'admettent d'autres lois que celles de leur propre nature, sont des talents frais et neufs, rejetés par l'esprit d'une époque artistique, qui, à force de vouloir cultiver et perfectionner les arts, est devenu stagnant et maniéré. Comme il est impossible à ces talents d'éviter toujours la platitude, on peut, sous ce rapport, les regarder comme rétrogrades; mais, sous tous les autres, ils méritent le titre de régénérateurs, car ils font entrer les autres dans la voie du progrès.

Le jugement d'une nation ne se développe que lorsqu'elle peut se juger elle-même, avantage dont elle ne commence à jouir que dans l'âge mûr de la civilisation.

Lorsqu'on met la nature à la torture, elle devient muette; lorsqu'on l'interroge loyalement, elle se borne à répondre oui ou non.

La plupart des hommes trouvent la vérité trop simple; ils devraient se souvenir qu'il est déjà assez difficile de la pratiquer utilement telle qu'elle est.

Je maudis tous ceux qui, se faisant de l'erreur un monde à leur usage, osent demander encore que tout ce que l'homme fait soit utile.

Il faut considérer une école comme un seul homme qui, pendant tout un siècle, se parle à lui-même et s'admire, lors même que ce qu'il dit est absurde et niais.

On ne saurait réfuter un faux enseignement, parce qu'il se fonde sur la conviction que le faux est vrai; mais il est possible, il est nécessaire même de le combattre par une opposition directe et réitérée.

Prenez deux petites baguettes; peignez l'une en rouge et l'autre en bleu; mettez-les dans l'eau l'une à côté de l'autre, et toutes deux vous paraîtront brisées. Rien n'est plus facile que de se convaincre de cette vérité avec les yeux du corps; celui qui pourrait la voir avec les yeux de l'intelligence, y trouverait une garantie précieuse contre une foule d'erreurs et de paradoxes.

Les adversaires d'une cause bonne et spirituelle, frappent sur des charbons ardents pour faire voler de tous côtés des étincelles, et porter ainsi l'incendie sur des points que, sans ce procédé, ils n'auraient pu atteindre.

L'homme ne serait pas ce qu'il y a de plus noble sur la terre, s'il n'était pas trop noble pour elle.

Le temps n'enfouit les anciennes découvertes que pour nous réduire à les découvrir de nouveau. Par combien d'efforts pénibles Tycho-Brahé n'a-t-il pas cherché à nous prouver que les comètes étaient des corps réguliers, tandis que depuis bien des siècles, déjà, Sénèque les regardait comme tels?

Depuis combien de temps n'a-t-on pas discuté en tous sens sur l'existence des antipodes?

Il est des esprits auxquels il faut laisser leurs allures et leur idiotisme.

Rien n'est plus commun aujourd'hui que des productions littéraires nulles sans être mauvaises. Elles sont nulles, parce qu'elles n'ont point de valeur; elles ne sont pas mauvaises, parce que l'auteur s'est renfermé dans les formes générales des bons modèles.

La neige est une propreté mensongère.

Celui qui craint la portée d'une pensée, finit par devenir incapable de la concevoir.

On ne doit appeler son maître que celui dont on peut toujours apprendre quelque chose. Aussi tous ceux qui nous ont appris quelque chose ne méritent-ils pas le titre de maître.

Les compositions lyriques doivent être raisonnables dans leur ensemble, et un peu déraisonnables dans les détails.

Il en est des hommes comme des océans; on leur donne des noms différents, et, cependant, ce n'est toujours et partout que de l'eau salée.

On dit que les louanges qu'on se donne à soi-même ne sont pas de bon aloi; c'est possible: mais quelle est la valeur d'une critique injuste? Le public ne songe pas à la qualifier.