Menace Principale

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Ce qu’il remarqua le plus intensément, ce fut le froid. Ce n’était pas le froid glacé que l’on ressentait quand on plongeait dans l’océan à la fin de l’automne. Ce froid ne le pénétrait pas. La combinaison étanche le protégeait parfaitement bien de l’eau glacée qui l’aurait autrement tué en quelques moments.

De ce point de vue, il n’avait pas froid, mais il sentait le froid tout autour de lui, contre l’extérieur du néoprène épais. Sa peau lui semblait froide. C’était comme si le froid avait été vivant et avait essayé de se frayer un chemin jusqu’à lui. S’il réussissait, Luke mourrait ici. C’était aussi simple que ça.

Le seul son qu’il entendait était sa propre respiration, forte dans ses oreilles. Il remarqua qu’elle était rapide et superficielle et il se concentra pour la ralentir et l’approfondir. La respiration superficielle était le début de la panique. Quand on paniquait, on perdait la tête. Dans un endroit comme celui-là, cela le tuerait.

Détends-toi.

Luke démarra son engin porte-nageur cylindrique qui ressemblait à une torpille et partit doucement vers l’avant.

Devant lui, le groupe de plongeurs avançait et leurs lampes frontales illuminaient l’obscurité en projetant des ombres inquiétantes. Luke s’attendait presque à voir un requin géant, un mégalodon préhistorique, jaillir soudain de l’obscurité pour apparaître devant eux.

Alors qu’ils s’éloignaient du camp, il remarqua que la mer bougeait, tanguait, et que l’épais plafond de glace qui se trouvait au-dessus de leurs têtes ondulait et bondissait comme une terre sous l’effet d’un puissant séisme. Avec Ed à côté de lui, ils traversaient les courants lourds et les engins porte-nageurs qu’ils avaient en main faisaient la plus grande partie du travail.

Luke se sentait bousculé, il sentait que l’eau tentait de le renverser ou de l’envoyer contre Ed, mais il accompagnait les courants et poursuivait sa route.

Il jeta un coup d’œil à Ed. Ed était bien positionné, son corps était presque horizontal, très légèrement penché en avant, la tête remontée. Luke ne voyait pas le visage d’Ed sous son casque. Cela produisait un effet aliénant. Ed aurait pu être un imposteur ou une machine.

Luke commença à entendre des murmures dans la radio du casque. Il les entendait à peine et ne comprenait pas ce que disaient les gens. Le son de son appareil respiratoire était beaucoup plus fort que la radio. Il allait être difficile de communiquer.

Il jeta un coup d’œil vers l’arrière. Les lumières qui pénétraient l’obscurité depuis le dessus disparaissaient derrière eux. Le camp était déjà loin.

Le temps devenait étrangement amnésique. Il jeta un coup d’œil à sa montre. Il avait démarré son chronomètre à mission juste avant de plonger dans l’eau. Cela faisait un peu plus de dix minutes qu’ils étaient partis.

Ils passèrent le bord de la calotte glaciaire et le plafond au-dessus d’eux devint sombre, même noir, ponctué par des blocs de glace en mouvement. À présent, tout était sombre et leur seule lumière venait de leurs lampes frontales et des lampes frontales devant eux.

Ils étaient déjà près et ça s’était passé beaucoup plus vite qu’il ne l’avait prévu.

Calme … calme.

Il passa à côté d’un petit appareil qui luisait vert dans l’obscurité. C’était une boîte en métal, à peut-être dix mètres à sa droite. Elle devait mesurer un mètre de longueur et cinquante centimètres de largeur. Il y avait des commandes de plusieurs sortes d’un côté. Comme l’appareil était assez petit et assez lointain, Luke avait failli ne pas le voir du tout.

C’était un robot et Luke savait qu’on appelait ce type d’appareil un véhicule sous-marin téléguidé ou VSMT. Il était attaché à un câble jaune épais qui partait dans l’obscurité, vers le nord. Le câble était probablement sa source primaire d’électricité. Il contenait aussi probablement les fils qui le contrôlaient et par lesquels les données s’en allaient … où ?

Il avait un gros œil rond, probablement la lentille d’une caméra.

Cet objet n’avait-il été remarqué par personne d’autre ?

Luke essaya de tourner dans cette direction, mais son élan l’emporta avant qu’il n’ait pu s’en approcher. Ed se tourna vers lui. Luke essaya de désigner le VSMT, mais il était loin derrière lui, maintenant, et la combinaison et l’équipement étaient trop encombrants.

Il fallait qu’ils fassent demi-tour, qu’ils saisissent cet appareil et au moins qu’ils l’inspectent. Dans cette mission, personne n’avait dit que l’ennemi aurait peut-être déployé des caméras téléguidées. Cet appareil envoyait des images à quelqu’un.

Il fallait qu’ils coupent ce câble.

Les murmures à l’intérieur de son casque étaient maintenant plus forts mais, d’une façon ou d’une autre, il n’arrivait toujours pas à reconnaître les mots. Une par une, les lampes frontales qui brillaient devant lui s’éteignirent et les plongèrent dans une obscurité totale.

Les premiers commandos atteignaient le littoral.

Luke jeta un dernier coup d’œil en arrière. Les lumières du camp étaient loin, comme des étoiles dans le ciel nocturne. Si on se perdait, on était censé se diriger vers elles.

Le robot vert était déjà loin derrière lui et il le regardait. À cette distance, il aurait pu n’être qu’un organisme bioluminescent vert.

Il leva le bras pour éteindre sa lampe frontale. À sa gauche, la lumière d’Ed s’éteignit.

Ce fut alors que les hurlements commencèrent.

* * *

Murphy détestait tout le monde.

Il se rendait compte que c’était vrai, il était en pleine rage et il la laissait prendre possession de lui. C’était un monde froid et malsain et il méritait rien moins que son dédain complet. Son dédain et sa haine. La haine le guidait. La haine le nourrissait et lui permettait de tenir bon. La haine le protégeait contre le danger.

Un homme ne pouvait pas tuer les minables zélés qui l’expulsaient des briefings et lui adressaient des regards moqueurs. C’était contre les règles. Il finirait en prison. Par contre, il avait le droit de tuer l’ennemi.

Il dirigeait la petite embarcation de rivière des Marines dans la tempête. Ce bateau n’était pas conçu pour résister aux eaux de l’Arctique, mais il suffirait pour une seule incursion démente en mode kamikaze.

Il était propulsé par deux grands moteurs diesel jumeaux de 440 chevaux au frein. La coque était en aluminium blindé. Les anodes étaient en mousse à alvéole à forte résistance. Ici, les remous d’eau glacée frappaient très fort la proue. Murphy faisait brutalement passer le bateau au travers de gros morceaux de glace et, à chaque fois, la coque produisait des bruits de déchirure violents. Le vent lui hurlait dans les oreilles.

Il était dans le cockpit, derrière une paroi blindée. Un lance-grenades fumigènes et une grande mitrailleuse à chaîne de calibre 50 étaient installés dans la proue, trois mètres devant lui. La mitrailleuse à chaîne pouvait déchiqueter un véhicule blindé, mais Murphy ne savait pas si elle fonctionnerait, car il faisait un froid polaire, ici, et de l’eau salée et gelée giclait partout. De plus, ce n’était pas un bateau prévu pour un seul homme : il faudrait qu’il quitte le cockpit pour accéder à l’arme.

Il circulait tous feux éteints et traversait une obscurité absolue. Il portait des lunettes de vision nocturne, mais le monde vert qu’elles lui montraient était inintéressant. Encerclé par des vagues monstrueuses, une eau noire glaciale et une écume blanche sur fond de ciel noir, il fonçait à l’aveuglette dans la fureur de la tempête.

Il glissa dans un remous et le bateau s’écrasa sur l’eau du fond comme s’il avait été dans une glissoire hydraulique pour bûches. Parfois, certains bateaux descendaient dans des remous profonds, plongeaient directement sous l’eau et on ne les revoyait jamais. Murphy le savait. Il ne voulait pas y penser.

— Swann ! hurla-t-il dans l’obscurité. Où suis-je ?

Cette embarcation était équipée d’un radar, d’un sondeur, d’un GPS, d’une radio tactique VHF et de quantités d’autres capteurs et systèmes de traitement des données, mais Murphy avait déjà beaucoup de mal à diriger le bateau, donc, il ne pouvait se soucier de toutes les données qu’il affichait. Swann était censé le suivre à la trace et repérer où il se trouvait par rapport à la plate-forme pétrolière.

Une voix crépita dans son casque-micro.

— Swann !

— Va vers le nord ! entendit-il crier la voix. Nord nord-est. Le vent te pousse vers le sud.

Murphy consulta la boussole. Il la voyait à peine. Il tourna un peu la barre vers la gauche pour mieux s’aligner sur le nord. Il n’avait aucune idée de sa direction. Si quelque chose apparaissait juste devant lui, il pourrait foncer dedans sans jamais le voir venir.

Il n’avait pas de plan. Personne ne savait qu’il venait, même pas ses propres hommes. Swann et Trudy étaient les seuls à savoir qu’il avait pris ce bateau. Ils étaient les seuls à savoir qu’il avait rapidement enfilé un gilet pare-balles avant de charger le bateau d’armes et de munitions. Ils étaient les seuls à savoir où il était alors qu’il ne le savait pas lui-même.

Et ça lui était presque égal.

Peu lui importait de quel côté il était.

Il était vide, creux.

C’était à cause de la Dexedrine et de l’adrénaline.

Il y avait des terroristes là-bas, des mauvais gars, et il était le bon gars. Il était le cow-boy et ils étaient les Indiens. Il était le flic et ils étaient les voleurs. Ils étaient le FBI et il était John Dillinger. Ils étaient Batman et il était le Joker. Il était Superman et ils étaient … les autres.

Peu importait qui était qui ou quoi.

 

Ils étaient les autres et il allait leur enfoncer ce bateau au fond de la gorge. S’il survivait, il survivrait. S’il mourait, il mourrait. Au combat, ça s’était toujours passé comme ça et il y avait toujours survécu. Confiance totale.

Il n’accordait pas grande importance à la vie, que ce soit la sienne ou celle des autres.

Il était mort à l’intérieur.

Ce moment, ces moments, c’était là qu’il était en vie.

— Vers l’est ! cria Swann. Droit vers l’est !

Murphy tourna doucement la barre vers la droite.

— C’est encore loin ? cria-t-il.

— Une minute !

Un frisson étrange traversa Murphy. Il avait très froid. Purée, il était quasiment congelé. Même avec sa combinaison de travail, une grosse parka, des gants épais, un chapeau et le visage couvert, il avait très froid. Ses vêtements étaient trempés. Il frissonnait, peut-être de froid, peut-être à cause de sa dernière poussée d’adrénaline.

C’était la règle du jeu. C’était comme ça.

La station était là. Il arrivait.

Il accéléra encore plus. Il scruta la pénombre. La tempête se déchaîna autour de lui. Le bateau fut bousculé de tous les côtés et il se cala les jambes en agrippant la barre.

Maintenant, il voyait tout juste des lumières devant lui et il entendait quelque chose.

Pan ! Pan ! Pan !

On lui tirait dessus.

— Ralentis ! hurla Swann. Tu vas t’échouer !

Devant Murphy, des lumières éclatantes apparurent soudain.

Il avançait vite. Trop vite. Swann avait raison. Le littoral était juste devant.

Cependant, ce bateau était conçu pour accoster sur des plages.

De toute façon, il n’y avait aucun moyen de l’arrêter. Murphy accéléra au maximum et se prépara à l’impact.

* * *

Un homme mort flottait dans l’eau, au-dessus de la tête de Luke.

Luke regardait fixement l’homme. C’était un membre des Marines entièrement équipé et il avait été abattu quand il avait essayé de sortir de l’eau. Il dérivait çà et là, tournant sur lui-même comme une algue emportée par les courants déferlants. Ses bras et ses jambes s’agitaient au hasard, comme des spaghettis trop cuits.

Il coulait vers Luke.

Du sang coulait du corps de l’homme par plusieurs trous et rougissait l’eau des alentours. Luke savait qu’il ne saignerait pas longtemps. Maintenant que la combinaison étanche de l’homme était déchirée et qu’il était exposé au froid, il allait geler très rapidement.

Une lumière blanche aveuglante tombait du dessus. Un moment auparavant, des projecteurs installés sur la terre ferme s’étaient allumés et avaient illuminé l’eau. Les Marines étaient exposés et il ne semblait pas que qui que ce soit ait encore réussi à sortir de l’eau.

Ils ne pouvaient même plus enlever leurs combinaisons étanches, ni sortir les armes de leurs poches imperméables, ni s’orienter et prendre l’initiative et encore moins mener une attaque surprise.

Les ennemis n’étaient pas du tout surpris. Ils étaient stationnés là-haut et ils tiraient dans l’eau.

Ils savaient que les Marines arrivaient. Ils avaient prévu l’assaut sous-marin. Soudain, Luke se souvint du robot à caméra intégrée, qui avait dégagé une lumière verte dans l’eau sombre.

C’était une embuscade. Ils étaient des cibles faciles.

À vingt mètres au-dessous de la surface, Luke vit des balles pénétrer l’eau glacée au-dessus de sa tête, puis perdre leur élan en approchant.

À l’intérieur du casque-micro de Luke, quelqu’un hurla.

Ed était encore à côté de lui. Il poussa violemment Ed. Ed se tourna pour regarder et Luke pointa le doigt vers l’arrière et vers le bas. Plus bas. Il fallait qu’ils battent en retraite et descendent plus bas. Dans un moment, les gars d’en haut allaient remarquer que les balles n’atteignaient pas leurs cibles et ils allaient se mettre à tirer avec des armes plus fortes et plus puissantes.

— Abandonnez ! cria quelqu’un d’autre dans le casque de Luke.

C’était la première fois qu’un message s’entendait clairement.

— Abandonnez !

* * *

Le bateau accosta sur l’île et dérapa sur le sol gelé.

La décélération fut immédiate. Le raclement du métal sur le roc fut cacophonique. Murphy fut expulsé du bateau comme une poupée de chiffon. Passant par-dessus le poste de commande, il s’envola hors du cockpit. Quand ses jambes accrochèrent le poste, il se retrouva la tête en bas.

Il tomba la tête la première et atterrit sur le dos à la proue du bateau. Sa tête heurta le plancher en aluminium. BANG. Ses oreilles se mirent immédiatement à siffler et des carillons à résonner dans sa tête. Ses lunettes de vision nocturne avaient disparu.

Il haleta. L’impact lui avait vidé les poumons.

Je n’ai pas le temps de penser à ça.

Il gémit, se releva et avança vers la mitrailleuse à chaîne en titubant comme le monstre de Frankenstein.

Il se leva et examina le champ de bataille.

En face de lui, il y avait au moins vingt hommes vêtus de vêtements foncés et équipés de casques et de masques noirs contre le froid. Des projecteurs géants illuminaient la scène à partir de poteaux de trois mètres. Les hommes en noir étaient debout ou à genoux dans la pluie glacée et ils tiraient dans l’eau où les Marines se trouvaient probablement.

C’était à ça que servaient les grands projecteurs : à leur donner des cibles dans l’eau. Les lumières servaient aussi probablement à aveugler les nageurs et à les priver de cibles, en supposant que l’un d’eux arrive même à sortir ses armes.

Les hommes en noir commencèrent à se tourner vers Murphy. Ils semblaient presque bouger au ralenti. Dans une seconde, ils allaient commencer à le cribler de balles.

Murphy agrippa des deux mains l’arme lourde qui se trouvait devant lui.

Son doigt trouva la détente.

Je t’en supplie, fonctionne.

Elle fonctionna. Elle tira ses balles en produisant un son métallique : TAC-TAC-TAC-TAC-TAC-TAC. Murphy n’eut aucune difficulté à supporter le recul de l’arme montée. Les cartouches utilisées tombèrent au fond du bateau en tintant comme des grelots.

Murphy faucha les hommes. Il en frappa quatre ou cinq avec son premier tir.

Quand ils étaient touchés, ils ne tombaient pas normalement. Ils se déchiraient comme des poupées de chiffon, déchiquetés par les balles. Maintenant, les autres couraient pour aller se mettre à l’abri.

— Courez, bande de singes, dit-il.

Il entendit arriver un son.

WHOOOOOOOOSSSSHH.

Une roquette lui passa à côté. Tout son corps tressaillit.

Raté de peu. Il ne l’avait même pas vue venir. Elle frappa l’eau quelque part derrière lui. Il n’entendit pas d’explosion mais vit un éclair orange et jaune illuminer l’obscurité.

Comment avait-il fait pour voir ça du coin de l’œil ?

Non. Il devait avoir des yeux derrière la tête.

Sa ceinture de munitions s’épuisait déjà. Il n’en avait pas d’autre.

Se retrouver à court de munitions était un problème. Ce lance-roquettes était lui aussi un problème, car il n’allait pas en rester là. Déjà, les hommes se regroupaient là-bas et prenaient des positions de tir face à Murphy. Avec sa main gauche, il prit une grenade fumigène et la lança.

Alors, il se laissa tomber sur le plancher du bateau.

Une seconde plus tard, des balles commencèrent à toucher le blindage du bateau. Toc, toc, toc, toc …

Des balles sifflaient au-dessus.

Il leva les yeux vers la détente de la mitrailleuse à chaîne. Il avait encore quelques balles mais, s’il essayait de lever la main …

WHOOOOSSSHHH.

Une autre roquette passa. Celui qui maniait le lance-roquettes tirait très mal.

Heureusement.

Murphy avait un pistolet sur lui. Il le sortit de l’étui. Il s’accroupit au-dessous du bord de la proue. Le premier homme qui apparaîtrait à cet endroit prendrait une balle dans la tête. Après ça …

Cependant, les ennemis n’étaient pas aussi stupides. Soudain, une grenade apparut, rebondit à l’intérieur de l’avant du bateau comme une balle en caoutchouc mais produisit des bruits métalliques retentissants en rebondissant. Murphy la ramassa, attendit un tout petit peu puis la renvoya.

Un instant plus tard, elle explosa en produisant un énorme BOUM.

Un des ennemis hurla. La boue, la glace, le sang et la chair plurent à verse.

Ils étaient juste là et ils approchaient.

Le souffle de Murphy lui venait de façon saccadée et avec un son rauque. Il ne durerait pas longtemps. Il était en infériorité numérique. Il manquait d’armes. Il ne pouvait pas voir ses ennemis, car, s’il regardait par le côté, ils lui arracheraient la tête. Il ne pourrait pas relancer toutes les grenades qui arriveraient. Celui qui maniait le lance-roquettes n’allait pas rater sa cible toute la nuit.

Murphy allait mourir ici, dans ce bateau.

Il réfléchit frénétiquement pour trouver un moyen de s’en sortir.

— Oh, mon Dieu, dit-il.

Il avait peut-être commis une erreur en venant ici.

* * *

Quelque chose avait changé.

À un moment, on aurait cru qu’ils étaient tous perdus, piégés dans l’eau pendant que, de la côte, l’ennemi leur tirait dessus à la mitrailleuse. Maintenant, ils repartaient à l’offensive et avançaient.

Luke sortit brusquement de l’eau.

Il se redressa sur un brise-lames bas et gelé et une vague glaciale le submergea avant de l’emmener plus près de la terre. Il tendit la main vers le bas, arracha ses palmes et les jeta. Il faisait sombre. Tout autour de lui, des hommes jaillissaient de l’eau.

Quelques Marines avaient déjà sorti leurs armes. On tirait partout sur la plage. TAC-TAC-TAC-TAC-TAC.

Des corps jonchaient le sol.

Où étaient les ennemis ? Luke ne les voyait pas.

Aux alentours, deux Marines traînaient leur camarade mort sur terre. Il était troué partout et couvert de sang. Il ne bougeait pas.

— Toubib ! cria un des hommes.

Une autre vague s’abattit et éclaboussa Luke d’écume glacée. Une pluie froide tomba à verse. Elle lui coupa le souffle.

Il n’y avait aucun moyen d’y échapper. Ils allaient avoir froid et être mouillés. Luke décrocha ses bouteilles de plongée et les laissa tomber. Il sortit son couteau, l’ouvrit et trancha les sangles de son gilet stabilisateur, qu’il laissa aussi tomber. Maintenant, il allait falloir qu’il quitte cette combinaison étanche. Il lui avait fallu quinze minutes pour la mettre, bordel.

Celui qui avait d’une façon ou d’une autre cru que ce serait une bonne idée avait sûrement perdu la tête, ou alors, il ne connaissait rien au combat. Luke jeta un coup d’œil autour de lui. Tout autour, il y avait des hommes qui se battaient pour quitter leur équipement de plongée.

Luke eut une pensée étrange, une pensée qu’il n’avait encore jamais eue …

Attendez un peu que je fasse mon rapport.

Il regarda la lame dentelée de quinze centimètres de son couteau. Il secoua la tête. Et merde. Il défit le joint de ses gants et les enleva. Il savait que ses mains allaient s’engourdir rapidement. Il saisit un gros morceau de sa combinaison étanche et l’écarta de son corps. Alors, il y glissa le couteau et commença à la découper.

* * *

Rien ne se produisit.

Aucune autre grenade n’arriva. Les tirs s’arrêtèrent, ou du moins, les tirs dirigés contre lui.

Murphy avait encore son arme. Il était encore accroupi sous la pluie glaciale et il attendait encore l’ennemi.

Pourtant, personne n’arrivait.

Il jeta à contrecœur un coup d’œil par-dessus le haut du blindage, s’attendant pleinement à recevoir la balle d’un tireur d’élite dans la tête.

Rien. Aux alentours, il n’y avait que des hommes morts ou moribonds. Deux ou trois de ces derniers rampaient au sol, laissant derrière eux une traînée de sang comme des escargots. Les autres étaient des morceaux de viande crue et fumante.

Sur le littoral, des hommes en combinaison de plongée sombre apparaissaient sur la plage. Quelques-uns d’entre eux avaient déjà pris position, leur équipement de plongée encore au dos, et ils s’allongeaient pour répondre aux tirs ennemis. L’attaque de Murphy avait dû leur donner juste assez de temps pour accoster et, confrontés à des Marines, les ennemis avaient battu en retraite.

Au loin, la gigantesque plate-forme pétrolière se détachait sur le ciel sombre.

 

Les Marines tiraient dans cette direction.

Murphy vit un autre plongeur sous-marin foncé sortir de l’eau glacée et déchaînée. L’homme remonta environ trois mètres sur la plage en se tortillant, roula sur le dos et commença à s’extraire de sa tenue de plongée.

Un autre sortit de l’océan en rampant comme un monstre marin et fit la même chose. Pendant qu’il le faisait, une roquette tomba de la plate-forme et explosa sur la plage.

BOUM !

C’était à cause des lumières. Les ennemis avaient manifestement battu en retraite, mais ces projecteurs leur donnaient encore des cibles à abattre.

Murphy alla à la mitrailleuse à chaîne et la redressa pour la pointer vers les grands projecteurs. Avec deux tirs brefs, il les éteignit. Les Marines tressaillirent quand les projecteurs éclatèrent, produisirent des étincelles, s’enflammèrent et s’éteignirent. Toutefois, maintenant, ils étaient à nouveau protégés par l’obscurité.

Murphy soupira. Il repartit à l’arrière du bateau, ouvrit le placard à équipement et en sortit un MP5 emballé sous film plastique. Il le prit dans ses mains tremblantes. L’arme était lourde. Murphy sentit le découragement l’envahir, car il arrivait à peine à soulever ce foutu machin.

Il commença à trembler de tout le corps.

Il réprima une envie soudaine de pleurer.

— J’ai failli y passer, cette fois-ci, dit-il.

Ses mots avaient un drôle de son. Il claquait des dents. Il avait très froid, maintenant, et il avait failli mourir. L’énergie semblait s’échapper de son corps. Il ne s’était jamais senti comme ça.

Il s’examina le corps entier. Était-il touché ?

Non. Il était juste … épuisé.

Il passa par-dessus le plat-bord, se baissa et traversa la glace vers l’endroit où les hommes se trouvaient. Il leva les yeux vers la plate-forme pétrolière géante qui montait vers le ciel avec ses dizaines d’étages. Il voyait briller les canons des ennemis qui tiraient de là-haut. Ils leur tiraient dessus.

Juste devant Murphy, un membre des Marines réussit à ouvrir sa combinaison étanche à la poitrine. Il en sortit une petite arme de poing. Il arracha l’arme à son emballage puis se tourna et pointa l’arme sur Murphy. C’était presque risible. L’opération avait pris au moins un total de dix secondes à ce gars. Murphy aurait pu l’abattre vingt fois pendant ce temps-là.

— Qui êtes-vous ? demanda l’homme.

Murphy sourit et leva les mains d’un air faussement effrayé. Il tremblait encore, mais il commençait déjà à se sentir un peu mieux. Il avait froid, il était trempé jusqu’à l’os, il tremblait sans pouvoir se contrôler et il avait mal au corps depuis son accostage mouvementé.

Admets-le ; tu as failli te faire tuer, ici.

Oui, il l’admettait et ça lui rappelait des choses désagréables. Il avait déjà failli mourir très souvent, mais cette fois-ci avait semblé particulièrement affreuse. Peut-être même en avait-il été traumatisé. L’espace d’une seconde, il avait vraiment pensé qu’il était foutu. Il n’était pas sûr d’avoir déjà ressenti ça, même avec Stone, lors de cette mission en …

Il écarta cette pensée. Ce soir, son intervention avait valu le coup. Sans lui, ces gars-là auraient été réduits en bouillie.

— Je suis américain, dit-il.

* * *

— Stone ! cria une voix.

Luke essayait encore de s’extraire de sa combinaison étanche. C’était exaspérant. Les ennemis avaient battu en retraite mais, s’ils ne l’avaient pas fait, il aurait été une cible facile dans cette combinaison. Il aurait quasiment été un bébé phoque qui attend qu’on l’assomme.

— Stone !

Cette fois-ci, Luke leva les yeux.

Il vit arriver … Murphy ?

Murphy avançait sur la plage en boitant, un MP5 dans ses deux mains gantées. Il portait une parka lourde avec une combinaison de travail noire dessous. Sa capuche était baissée et il portait un chapeau épais en une sorte de laine synthétique. Il avait le visage rouge, à vif et exposé aux éléments, mais ses yeux étaient vifs.

— Que fais-tu ici ? dit Stone.

Murphy sourit.

— À ton avis ? Je suis venu vous sauver la peau.

Il désigna les cadavres des terroristes qui jonchaient le sol derrière lui.

— Tu vois tous ces morts ? À ton avis, qui les a tués ?

Luke sourit et secoua la tête. Il comprit la situation et toutes les pièces se mirent en place dans sa tête avec un clic presque audible. Si la chance avait tourné, c’était grâce à Murphy. Luke regarda le littoral et repéra la silhouette du bateau de patrouille des Marines sur la plage.

Ce Murphy était vraiment une espèce unique.

— Murph, je ne peux pas te dire à quel point je suis heureux de te voir. Maintenant, tu veux bien m’aider à sortir de ce machin ?

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