Le Piège Zéro

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“Ah ouais ? Où est-elle ? Montrez-moi,” demanda Reid.

“Je-je ne veux aucun souci.”

“Papa.” Reid sentit un bras lui donner un coup de coude. “Ça suffit, Papa.” Maya l’attrapa par le bras. “C’est juste un touriste.”

Reid plissa les yeux. “Il vaut mieux que je ne vous revoie pas autour de mes filles,” avertit-il, “ou vous aurez des soucis.” Il tourna le dos à l’homme effrayé, tandis que Sara, ahurie, retournait vers le canapé.

Mais Maya se mit en travers de son chemin, mains sur les hanches. “C’était quoi ce bordel ?”

Il fronça les sourcils. “Maya, surveille ton langage…”

“Non, toi, surveille le tien,” répliqua-t-elle. “Papa, tu étais en train de parler en allemand.”

Reid cligna des yeux de surprise. “Ah bon ?” Il ne s’en était pas rendu compte, mais l’homme à la parka noire s’était excusé en allemand… et Reid lui avait répondu dans la même langue, sans réfléchir.

“Tu vas encore faire flipper Sara à faire des trucs comme ça,” l’accusa Maya.

Ses épaules s’affaissèrent. “Tu as raison. Je suis désolé. J’ai juste cru…” Tu as cru que les trafiquants slovaques t’avaient suivi avec tes filles jusqu’en Suisse. Soudain, il se rendit compte à quel point ça paraissait ridicule.

Il était clair que Maya et Sara n’étaient pas les seules qui avaient besoin de se remettre de cette expérience commune. Je devrais peut-être faire quelques séances avec le Dr. Branson, pensa-t-il en rejoignant ses filles.

“Je m’excuse,” dit-il à Sara. “Je crois que je suis juste un peu trop protecteur en ce moment.”

Elle ne répondit rien, mais regarda au sol avec un air absent dans les yeux, les deux mains entourant sa tasse en train de refroidir.

Voir sa réaction et l’entendre crier de colère sur cet allemand avait dû lui rappeler l’incident et, si ces suppositions étaient bonnes, à quel point elle en savait peu sur son propre père.

Génial, pensa-t-il amèrement. On n’est même pas là depuis un jour que j’ai déjà tout gâché. Comment est-ce que je vais réparer ça ? Il s’assit entre les filles et chercha désespérément quelque chose à dire ou faire pour revenir à l’atmosphère joyeuse dans laquelle ils baignaient auparavant.

Mais avant même qu’il n’en ait eu l’occasion, Sara ouvrit la bouche. Elle leva les yeux pour le regarder fixement et, malgré le fait qu’elle ait murmuré et qu’il y ait des conversations autour d’eux, Reid entendit clairement ses mots.

“Je veux savoir,” venait de dire sa plus jeune fille. “Je veux connaître la vérité.”

CHAPITRE SEPT

Yosef Bachar avait passé les huit dernières années de sa carrière dans des situations périlleuses. En tant que journaliste d’investigation, il avait accompagné les troupes armées dans la Bande de Gaza. Il avait fait des treks dans le désert à la recherche de bases cachées et de caves durant la longue traque pour retrouver Oussama Ben Laden. Il faisait son travail au beau milieu des tirs et des raids aériens. Moins de deux ans auparavant, il avait révélé l’histoire de la contrebande de pièces de drones aux frontières, orchestrée par le Hamas qui avait forcé un ingénieur saoudien à les reconstruire afin de les utiliser pour bombarder. Son reportage avait conduit à un accroissement de la sécurité aux frontières et à se rendre compte que les rebelles recherchaient les meilleures technologies.

Malgré tous les risques qu’il avait pris dans sa vie, il ne s’était jamais autant senti en danger que maintenant. Avec deux collègues israéliens, il couvrait l’histoire de l’Imam Khalil et de sa petite secte de disciples qui avaient libéré un virus muté de la variole dans Barcelone et tenté de faire la même chose aux États-Unis. Une source à Istanbul leur avait révélé que les derniers fidèles de Khalil avaient fui en Irak, se cachant quelque part près d’Albaghdadi.

Mais Yosef Bachar et ses deux compatriotes n’avaient pas trouvé les disciples de Khalil. Ils n’avaient même pas encore atteint la ville quand leur voiture avait été forcée de s’arrêter par un autre groupe et que les trois journalistes avaient été pris en otage.

Ils étaient dans le sous-sol d’une base dans le désert depuis trois jours, attachés aux poignets et gardés dans le noir, au sens propre comme au sens figuré.

Bachar avait passé ces trois jours à attendre leur inévitable destin. Ces types étaient certainement du Hamas, s’était-il dit, ou d’une de ses branches. Ils allaient le torturer et finir par le tuer. Ils allaient filmer la scène et envoyer la vidéo au gouvernement israélien. Pendant ces trois jours à attendre et à se poser des questions, Bachar avait imaginé des dizaines de scénarios horribles qui le torturaient tout autant que ce que ces hommes avaient prévu de leur faire.

Pourtant, quand quelqu’un vint les trouver, ce ne fut pas avec des armes ou des instruments de torture, mais avec des mots.

Un jeune homme qui semblait ne même pas avoir vingt-cinq ans entra seul dans le sous-sol de la base et alluma la lumière : une seule ampoule nue au plafond. Il avait les yeux noirs, une barbe coupée court et des épaules larges. Le jeune homme se mit à marcher devant eux trois, à genoux avec les poignets liés devant eux.

“Je m’appelle Awad Ben Saddam,” leur dit-il, “et je suis le chef de la Confrérie. Vous avez été appelés tous les trois vers un plus glorieux destin. Parmi vous, l’un va délivrer un message pour moi. Un autre va faire un reportage sur notre jihad sacré. Et le troisième… le troisième est inutile. Le troisième périra de nos mains.” Le jeune homme, ce Ben Saddam, s’arrêta de marcher et fouilla dans sa poche.

“Si vous le souhaitez, vous pouvez déterminer entre vous quel sera le rôle de chacun,” dit-il. “Sinon, vous pouvez laisser le hasard en décider.” Il se pencha et posa trois morceaux de ficelle au sol, devant eux.

Deux d’entre eux mesuraient environ quinze centimètres de long. Le troisième avait été coupé un peu plus court que les deux autres.

“Je reviendrai dans une demi-heure.” Le jeune terroriste quitta le sous-sol et referma la porte à clé derrière lui.

Les trois journalistes fixèrent les trois morceaux de corde coupée sur le sol de pierre.

“C’est monstrueux,” prononça Avi à voix basse. C’était un solide gaillard de quarante-huit ans, plus vieux que la plupart de ceux qui travaillaient encore sur le terrain.

“Je suis volontaire,” leur dit Yosef. Les mots s’étaient échappés de sa bouche avant même qu’il réfléchisse… sans quoi il aurait certainement tenu sa langue.

“Non, Yosef.” Idan, le plus jeune d’entre eux, secoua fermement la tête. “C’est très noble de ta part, mais nous ne pourrons pas supporter de vivre en sachant que nous t’avons laissé te porter volontaire pour mourir.”

“Tu vas laisser le hasard décider, alors ?” rétorqua Yosef.

“Le hasard est juste,” dit Avi. “Le hasard n’est pas biaisé. De plus…” Il baissa d’un ton en ajoutant, “C’est peut-être une ruse. Ils vont peut-être tous nous tuer dans tous les cas.”

Idan avança ses deux mains liées et attrapa les trois bouts de corde dans son poing, les saisissant afin que chaque extrémité visible ait l’air de mesurer la même longueur. “Yosef,” dit-il, “tu choisis en premier.” Il avança le poing vers lui.

La gorge de Yosef était trop sèche pour qu’il puisse répondre. Il tendit les mains, attrapa le bout d’une corde et tira lentement dessus. Il récita une prière dans sa tête tandis qu’un, puis deux, puis trois centimètres se déroulaient entre ses doigts.

Il finit par libérer l’autre bout de la corde après quelques centimètres de plus. Il avait tiré la plus courte.

Avi poussa un soupir, mais c’était de tristesse et non de soulagement.

“Et voilà,” se contenta de dire Yosef.

“Yosef…” commença Idan.

“Vous pouvez décider entre vous quelle tâche vous allez accomplir,” dit Yosef en coupant la parole au jeune homme. “Mais… si l’un d’entre vous s’en sort et parvient à rentrer chez lui, s’il vous plaît, dites à ma femme et à mon fils que…” Il s’interrompit. Les derniers mots semblaient lui manquer. Il n’y avait aucun message à transmettre qu’ils ne sachent déjà.

“Nous leur dirons que tu as accepté ton destin avec courage face à la terreur et à l’injustice,” proposa Avi.

“Merci.” Yosef lâcha le bout de corde au sol.

Ben Saddam revint quelques instants plus tard, comme il l’avait promis, et se remit à marcher devant eux. “Je suppose que vous avez pris une décision ?” demanda-t-il.

“En effet,” dit Avi, regardant le terroriste dans les yeux. “Nous avons décidé d’adopter votre concept islamique de l’enfer afin de croire qu’il y a un endroit où vous finirez avec votre bande de bâtards.”

Awad Ben Saddam sourit. “Mais lequel d’entre vous s’en ira dans cet endroit avant moi ?”

La gorge de Yosef était toujours trop sèche pour pouvoir parler. Il ouvrit la bouche pour accepter son destin.

“C’est moi.”

“Idan !” Yosef écarquilla les yeux. Avant qu’il n’ait eu le temps de prononcer quoi que ce soit, le jeune homme avait parlé. “Non, ce n’est pas lui,” se hâta-t-il de dire à Ben Saddam. “J’ai tiré la corde la plus courte.”

Le regard de Ben Saddam passa de Yosef à Idan, visiblement amusé. “Je suppose que je vais devoir tuer celui qui a ouvert la bouche en premier.” Il mit la main à sa ceinture et dégaina un affreux couteau à lame incurvée avec un manche en corne de chèvre.

Sa seule vue suffit à retourner l’estomac de Yosef. “Attendez, pas lui…”

Awad décrivit un arc avec son couteau et trancha la gorge d’Avi. La bouche de l’homme s’ouvrit de surprise, mais aucun son ne sortit pendant qu’une cascade de sang s’échappait de son cou ouvert et souillait le sol.

 

“Non !” cria Yosef. Idan ferma les yeux et laissa échapper un sanglot.

Avi tomba en avant sur le ventre, le visage sur le côté, tandis qu’une mare de sang sombre s’infiltrait dans la pierre.

Sans prononcer un mot de plus, Ben Saddam les laissa là une fois de plus.

Restés seuls, ils endurèrent tous deux cette nuit sans sommeil et ne s’adressèrent aucune parole, même si Yosef pouvait entendre les légers sanglots d’Idan qui pleurait la perte de son mentor, Avi, dont le corps en train de refroidir gisait à quelques mètres d’eux.

Au matin, trois hommes arabes entrèrent sans un mot dans le sous-sol et emportèrent le corps d’Avi. Deux autres arrivèrent tout de suite après, suivis par Ben Saddam.

“Lui.” Il désigna Yosef et ses deux acolytes le soulevèrent avec rudesse par les épaules. Alors qu’il était traîné vers la porte, il réalisa qu’il ne reverrait peut-être plus jamais Idan.

“Sois fort,” cria-t-il par-dessus son épaule. “Que dieu te garde.”

Yosef plissa les yeux sous la lumière vive du soleil, pendant qu’il était traîné dans une cour entourée d’un haut mur de pierre, puis jeté sans ménagement à l’arrière d’un pick-up dont la benne était recouverte d’un toit en toile. On passa un sac de jute sur sa tête, et il fut une fois de plus plongé dans l’obscurité.

Le pick-up démarra et quitta la base. Dans quelle direction ils allaient, Yosef n’aurait su le dire. Il ne savait plus depuis combien de temps ils roulaient et les voix dans la cabine étaient à peine audibles.

Au bout d’un moment, deux heures ou peut-être même trois, il put entendre le bruit d’autres véhicules, des moteurs qui tournaient, des chauffeurs qui klaxonnaient. Au-delà, il entendait les vendeurs haranguer les passants et ces derniers crier, rire ou discuter. Une ville, comprit Yosef. Nous sommes dans une ville. Mais quelle ville ? Et pourquoi ?

Le pick-up ralentit et, soudain, une dure voix profonde pénétra directement dans son oreille. “Tu es mon messager.” Aucun doute possible : la voix appartenait à Ben Saddam. “Nous sommes à Bagdad. À deux pâtés de maisons à l’est, se trouve l’ambassade américaine. Je vais te relâcher, et tu vas te rendre là-bas. Ne t’arrête en aucun cas. Ne parle à personne jusqu’à ce que tu sois arrivé. Je veux que tu leur raconte ce qui t’es arrivé, à toi et à tes compatriotes. Je veux que tu leur dises que c’est la Confrérie qui a fait ça, ainsi que leur chef, Awad Ben Saddam. Fais cela et tu auras gagné ta liberté. Est-ce que tu comprends ?”

Yosef acquiesça. Il était confus à propos du contenu de ce simple message et sur la raison pour laquelle il devait le délivrer, même s’il était pressé d’être libéré de cette Confrérie.

On enleva le sac de jute de sa tête et, en même temps, il fut jeté durement hors de la benne du pick-up. Yosef grogna et roula en tombant au sol. Un objet fut lancé derrière lui et atterrit juste à côté de lui Il était petit, marron et rectangulaire.

C’était son portefeuille.

Il cligna des yeux à cause de la soudaine lumière du jour, tandis que des passants s’arrêtaient, étonnés de voir un homme attaché aux poignets jeté de l’arrière d’un véhicule en mouvement. Mais le pick-up ne s’arrêta pas. Il poursuivit sa route et s’évanouit dans le dense trafic de l’après-midi.

Yosef s’empara de son portefeuille et se releva. Ses vêtements étaient poisseux, tachés, et il avait mal partout. Il avait le cœur brisé en pensant à Avi et Idan. Mais il était libre.

Il descendit la rue, ignorant les regards des habitants de Bagdad, pendant qu’il se dirigeait vers l’ambassade des USA. Un énorme drapeau américain guidait ses pas, placé au sommet d’un très haut poteau.

Yosef était à moins de vingt-cinq mètres de la grande clôture grillagée qui entourait l’ambassade, surmontée de fils barbelés, quand un soldat américain le héla. Il y en avait quatre postés à la porte, chacun armé d’un fusil automatique et portant un équipement tactique complet.

“Halte !” ordonna le soldat. Deux de ses camarades levèrent leur arme dans sa direction, tandis que le sale Yosef aux mains liées, à moitié déshydraté et en sueur, s’arrêtait net. “Identifiez-vous !”

“Je m’appelle Yosef Bachar,” répondit-il en anglais. “Je suis l’un des trois journalistes israéliens ayant été kidnappés par des rebelles islamistes près d’Albaghdadi.”

“Fais passer le message à l’intérieur,” dit le soldat qui donnait les ordres à un autre. Alors que deux armes étaient toujours pointées sur Yosef, le soldat s’approcha de lui prudemment en tenant son fusil à deux mains, le doigt sur la gâchette. “Mains sur la tête.”

Yosef fut soigneusement fouillé à la recherche de la moindre arme, mais la seule chose que trouva le soldat fut son portefeuille et, dedans, sa carte d’identité. Des appels furent passés puis, quinze minutes plus tard, Yosef Bachar fut autorisé à entrer dans l’ambassade des États-Unis.

On coupa les cordes à ses poignets et on le fit entrer dans un bureau qui était petit, sans fenêtres, mais non dénué de tout confort. Un jeune homme lui apporta une bouteille d’eau qu’il accepta avec reconnaissance.

Quelques minutes plus tard, un homme en costume noir, avec des cheveux bien peignés de la même couleur, entra dans la pièce. “M. Bachar,” dit-il, “je suis l’Agent Cayhill. Nous avons été mis au courant de votre situation et sommes très heureux de vous voir vivant et en bonne santé.”

“Merci,” dit Yosef. “Mon ami Avi n’a pas eu autant de chance.”

“J’en suis navré,” dit l’agent américain. “Votre gouvernement at été informé de votre présence ici, ainsi que votre famille. Nous allons organiser votre transfert pour que vous puissiez rentrer chez vous aussi vite que possible, mais nous devons d’abord discuter de ce qui vous est arrivé.” Il leva le doigt pour désigner l’endroit où se rejoignaient les murs et le plafond dans l’angle. Une caméra noire était dirigée vers le bas, sur Yosef. “Notre échange est enregistré et la bande audio de notre conversation est diffusée en direct à Washington, D.C. Vous avez le droit de refuser d’être enregistré. Vous pouvez demander la présence d’un ambassadeur ou d’un autre représentant de votre pays si vous le souhaitez…”

Yosef leva sa main, fatigué. “Ce ne sera pas nécessaire. Je veux parler.”

“Alors allez-y dès que vous serez prêt, M. Bachar.”

Et c’est ce qu’il fit. Yosef détailla ce qu’il avait vécu pendant trois jours, à commencer par le trek vers Albaghdadi et leur voiture arrêtée sur une route dans le désert. Tous les trois, lui, Avi et Idan, avaient été forcés de monter à l’arrière d’un pick-up avec des sacs sur la tête. Ces derniers n’avaient pas été retirés jusqu’à ce qu’ils soient dans le sous-sol de leur base où ils avaient passé trois jours dans le noir. Il leur raconta ce qui était arrivé à Avi d’une voix légèrement tremblante. Il leur parla d’Idan, toujours dans leur base et à la merci de ces fanatiques.

“Ils m’ont dit qu’ils me libéraient pour délivrer un message,” dit Yosef en conclusion de son récit. “Ils voulaient que vous sachiez qui est responsable de tout ça. Ils voulaient que vous connaissiez le nom de leur organisation, la Confrérie, ainsi que celui de leur chef, Awad Ben Saddam.” Yosef soupira. “C’est tout ce que je sais.”

L’Agent Cayhill acquiesça gravement. “Merci, M. Bachar. Votre coopération est grandement appréciée. Avant que nous passions à l’organisation de votre retour chez vous, j’ai une dernière question à vous poser. Pourquoi vous avoir envoyé vers nous ? Pourquoi pas vers votre propre gouvernement ou vers vos concitoyens ?”

Yosef secoua la tête. Il s’était lui-même posé la question depuis qu’il était entré dans l’ambassade. “Je ne sais pas. Ils ont seulement dit qu’ils voulaient que vous, les américains, sachiez qui est responsable de tout ça.”

Cayhill fronça profondément les sourcils. Quelqu’un frappa à la porte du petit bureau, puis une jeune femme apparut. “Excusez-moi Monsieur,” dit-elle à voix basse, “mais la délégation est ici. Ils attendent dans la salle de réunion C.”

“Juste une minute, je vous remercie,” dit Cayhill.

À l’instant même où la porte se refermait, le sol explosa sous leurs pieds. Yosef Bachar, l’Agent Cayhill, ainsi que les soixante-trois autres personnes présentes, furent carbonisés en un instant.

*

À seulement deux croisements au sud, un pick-up avec un toit en toile tendue par-dessus la benne était garé sur un trottoir avec une vue directe sur l’ambassade américaine depuis le pare-brise.

Awad regarda sans ciller les vitres de l’ambassade exploser, alors qu’une boule de feu montait vers le ciel. Le pick-up trembla sous l’impact, même à cette distance. De la fumée noire s’éleva dans l’air, tandis que les murs se déformaient et s’affaissaient, l’ambassade américaine s’écroulant sur elle-même.

Se procurer son propre poids en explosifs plastiques avait été la partie la plus facile, à présent qu’il avait accès à la fortune d’Hassan sans avoir à se justifier. Même le kidnapping des journalistes s’était avéré assez simple. Non, la difficulté avait été d’obtenir de fausses pièces d’identité qui soient assez réalistes pour que lui et les trois autres se fassent passer pour des agents de maintenance. Il avait fallu engager un tunisien assez expérimenté pour créer de fausses certifications et pour pirater la base de données afin de les faire entrer comme prestataires approuvés ayant accès à l’ambassade.

C’est seulement alors qu’Awad et la Confrérie avaient pu dissimuler les explosifs dans un couloir de maintenance sous les pieds des américains deux jours auparavant, se faisant passer pour des plombiers réparant une rupture de canalisation.

Cette partie-là n’avait été ni simple, ni bon marché, mais elle en valait la peine pour atteindre le but d’Awad. Non, vraiment, le plus simple avait été de glisser la puce de détonation high-tech dans le portefeuille du journaliste et de l’envoyer avancer vers ce que cet idiot pensait être la voie de la liberté. La bombe n’aurait pas explosé sans la puce dans le bon périmètre.

L’israélien avait en fait servi à faire exploser l’ambassade pour eux.

“Allons-y,” dit-il à Oussama, qui fit repartir le pick-up sur la route. Ils contournèrent des véhicules que les conducteurs avaient arrêtés net au beau milieu de la route à la suite de l’explosion. Des piétons fuyaient en hurlant le site de l’explosion, tandis que des parties des murs extérieurs de l’immeuble continuaient à s’effondrer.

“Je ne comprends pas,” grommela Oussama en tentant de slalomer dans les rues obstruées par des gens paniqués. “Hassan m’a dit combien cette histoire avait coûté. Et tout ça pour quoi ? Pour tuer un journaliste et une poignée d’américains ?”

“Oui,” répondit pensivement Awad. “Une poignée d’américains bien choisie. J’ai récemment appris qu’une délégation du congrès des États-Unis se rendait à Bagdad dans le cadre d’une œuvre de bienfaisance.”

“Quelle sorte de délégation ?” demanda Oussama.

Awad sourit. Son idiot de frère n’était tout simplement pas capable de comprendre. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle Awad n’avait pas encore partagé la totalité de son plan avec le reste de la Confrérie. “Une délégation du congrès,” répéta-t-il. “Un groupe de décideurs politiques américains, de New York plus précisément.”

Oussama acquiesça comme s’il comprenait, mais ses sourcils froncés trahissaient le fait qu’il était bien loin de comprendre quoi que ce soit. “Et c’était ça ton plan ? Les tuer ?”

“Oui,” dit Awad. “Et faire en sorte que les américains sachent qui nous sommes.” Et sachent aussi qui je suis. “À présent, nous devons retourner à la base et préparer l’étape suivante de notre plan. Nous devons nous dépêcher. Ils vont se mettre à notre recherche.”

“Qui ça ?” demanda Oussama.

Awad sourit en regardant les décombres en feu de l’ambassade par le pare-brise. “Tout le monde.”