Za darmo

La Comédie humaine, Volume 5

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Gdzie wysłać link do aplikacji?
Nie zamykaj tego okna, dopóki nie wprowadzisz kodu na urządzeniu mobilnym
Ponów próbęLink został wysłany

Na prośbę właściciela praw autorskich ta książka nie jest dostępna do pobrania jako plik.

Można ją jednak przeczytać w naszych aplikacjach mobilnych (nawet bez połączenia z internetem) oraz online w witrynie LitRes.

Oznacz jako przeczytane
Czcionka:Mniejsze АаWiększe Aa

Quant à l'imbécile Rogron, il dit des mots comme celui-ci: – Louis-Philippe ne sera vraiment roi que quand il pourra faire des nobles!

Ce mot n'est évidemment pas de lui. Sa santé chancelante fait espérer à madame Rogron de pouvoir épouser dans peu de temps le général marquis de Montriveau, pair de France, qui commande le Département et qui lui rend des soins. Vinet demande très-proprement des têtes, il ne croit jamais à l'innocence d'un accusé. Ce Procureur-Général pur sang passe pour un des hommes les plus aimables du ressort, et il n'a pas moins de succès à Paris et à la Chambre; à la Cour, il est un délicieux courtisan.

Selon la promesse de Vinet, le général baron Gouraud, ce noble débris de nos glorieuses armées, a épousé une demoiselle Matifat de Luzarches, âgée de vingt-cinq ans, fille d'un droguiste de la rue des Lombards, et dont la dot était de cinquante mille écus. Il commande, comme l'avait prophétisé Vinet, un Département voisin de Paris. Il a été nommé pair de France à cause de sa conduite dans les émeutes sous le Ministère de Casimir Périer. Le baron Gouraud fut un des généraux qui prirent l'église Saint-Merry, heureux de taper sur les péquins qui les avaient vexés pendant quinze ans, et son ardeur a été récompensée par le grand cordon de la Légion-d'Honneur.

Aucun des personnages qui ont trempé dans la mort de Pierrette n'a le moindre remords. Monsieur Desfondrilles est toujours archéologue; mais, dans l'intérêt de son élection, le Procureur-Général Vinet a eu soin de le faire nommer Président du Tribunal. Sylvie a une petite cour et administre les biens de son frère; elle prête à gros intérêts et ne dépense pas douze cents francs par an.

De temps en temps, sur cette petite place, quand un enfant de Provins y arrive de Paris pour s'y établir, et sort de chez mademoiselle Rogron, un ancien partisan des Tiphaine dit: – Les Rogron ont eu dans le temps une triste affaire à cause d'une pupille…

– Affaire de parti, répond le président Desfondrilles. On a voulu faire croire à des monstruosités. Cette Pierrette était une petite fille assez gentille et sans fortune; par bonté d'âme ils l'ont prise avec eux; au moment de se former, elle eut une intrigue avec un garçon menuisier; elle venait pieds nus à sa fenêtre y causer avec ce garçon, qui se tenait là, voyez-vous? Les deux amants s'envoyaient des billets doux au moyen d'une ficelle. Vous comprenez que dans son état, aux mois d'octobre et de novembre, il n'en fallait pas davantage pour faire aller à mal une fille qui avait les pâles couleurs. Les Rogron se sont admirablement bien conduits: ils n'ont pas réclamé leur part de l'héritage de cette petite, ils ont tout abandonné à sa grand'mère. La morale de cela, mes amis, est que le diable nous punit toujours d'un bienfait.

– Ah! mais c'est bien différent, le père Frappier me racontait cela tout autrement.

– Le père Frappier consulte plus sa cave que sa mémoire, dit alors un habitué du salon de mademoiselle Rogron.

– Mais le vieux monsieur Habert…

– Oh! celui-là, vous savez son affaire?

– Non.

– Eh! bien, il voulait faire épouser sa sœur à monsieur Rogron, le Receveur-Général.

Deux hommes se souviennent chaque jour de Pierrette: le médecin Martener et le major Brigaut qui, seuls, connaissent l'épouvantable vérité.

Pour donner à ceci d'immenses proportions, il suffit de rappeler qu'en transportant la scène au Moyen-Age et à Rome sur ce vaste théâtre, une jeune fille sublime, Béatrix Cenci, fut conduite au supplice par des raisons et par des intrigues presque analogues à celles qui menèrent Pierrette au tombeau. Béatrix Cenci n'eut pour tout défenseur qu'un artiste, un peintre. Aujourd'hui l'histoire et les vivants, sur la foi du portrait de Guido Reni, condamnent le pape, et font de Béatrix une des plus touchantes victimes des passions infâmes et des factions.

Convenons entre nous que la Légalité serait, pour les friponneries sociales, une belle chose si Dieu n'existait pas.

Novembre 1839.
FIN DU CINQUIÈME VOLUME