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Mémoires de Hector Berlioz

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Mozart a été assassiné par Lachnith;



Weber, par Castilblaze;



Gluck, Grétry, Mozart, Rossini, Beethoven, Vogel ont été mutilés par ce même Castilblaze

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  Il n'y a presque pas une partition de ces maîtres qu'il n'ait retravaillée à sa façon; je crois qu'il est fou.



; Beethoven a vu ses symphonies corrigées par Fétis

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  Je dirai comment.



, par Kreutzer et par Habeneck;



Molière et Corneille furent taillés par des inconnus, familiers du Théâtre-Français;



Shakespeare enfin est encore représenté en Angleterre, avec les arrangements de Cibber et de quelques autres.



Les corrections ici ne viennent pas de haut en bas, ce me semble; mais bien de bas en haut, et perpendiculairement encore!



Qu'on ne vienne pas dire que les arrangeurs, dans leurs travaux sur les maîtres, ont fait quelquefois d'heureuses trouvailles; car ces conséquences exceptionnelles ne sauraient justifier l'introduction dans l'art d'une aussi monstrueuse immoralité.



Non, non, non, dix millions de fois non, musiciens, poëtes, prosateurs, acteurs, pianistes, chefs d'orchestre, du troisième ou du second ordre, et même du premier, vous n'avez pas le droit de toucher aux Beethoven et aux Shakespeare, pour leur faire l'aumône de votre

science

 et de votre

goût

.



Non, non, non, mille millions de fois non, un homme, quel qu'il soit, n'a pas le droit de forcer un autre homme, quel qu'il soit, d'abandonner sa propre physionomie pour en prendre une autre, de s'exprimer d'une façon qui n'est pas la sienne, de revêtir une forme qu'il n'a pas choisie, de devenir de son vivant un mannequin qu'une volonté étrangère fait mouvoir, ou d'être galvanisé après sa mort. Si cet homme est médiocre, qu'on le laisse enseveli dans sa médiocrité! S'il est d'une nature d'élite au contraire, que ses égaux, que ses supérieurs mêmes, le respectent, et que ses inférieurs s'inclinent humblement devant lui.



Sans doute Garrick a trouvé le dénoûement de

Roméo et Juliette

, le plus pathétique qui soit au théâtre, et il l'a mis à la place de celui de Shakespeare dont l'effet est moins saisissant; mais en revanche, quel est l'insolent drôle qui a inventé le dénoûement du

Roi Lear

 qu'on substitue quelquefois, très-souvent même, à la dernière scène que Shakespeare a tracée pour ce chef-d'œuvre? Quel est le grossier rimeur qui a mis dans la bouche de Cordelia

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  La plus jeune des filles du roi Lear.



 ces tirades brutales, exprimant des passions si étrangères à son tendre et noble cœur? Où est-il? pour que tout ce qu'il y a sur la terre de poëtes, d'artistes, de pères et d'amants, vienne le flageller, et, le rivant au pilori de l'indignation publique, lui dise: «Affreux idiot! tu as commis un crime infâme, le plus odieux, le plus énorme des crimes, puisqu'il attente à cette réunion des plus hautes facultés de l'homme qu'on nomme le

Génie

! Sois maudit! Désespère et meurs!

Despair and die!!

»



Et ce

Richard III

, auquel j'emprunte ici une imprécation, ne l'a-t-on pas bouleversé?.. n'a-t-on pas ajouté des personnages à la

Tempête

, n'a-t-on pas mutilé

Hamlet

,

Romeo

, etc?.. Voilà où l'exemple de Garrick a entraîné. Tout le monde a donné des leçons à Shakespeare!!!..



Et, pour en revenir à la musique, après que Kreutzer, lors des derniers concerts spirituels de l'Opéra, eut fait pratiquer maintes coupures dans une symphonie de Beethoven

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  La 2me symphonie, en ré majeur.



, n'avons-nous pas vu Habeneck supprimer certains instruments

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  Depuis vingt ans on exécute au Conservatoire la symphonie en ut mineur, et jamais Habeneck n'a voulu, au début du

scherzo

, laisser jouer les contre-basses. Il trouve qu'elles n'y produisent pas un bon effet… Leçon à Beethoven…



 dans une autre du même maître? N'entend-on pas à Londres des parties de grosse caisse, de trombones et d'ophicléïde ajoutées par M. Costa aux partitions de

Don Giovanni

, de

Figaro

 et du

Barbier de Séville

?.. et si les chefs d'orchestre osent, selon leur caprice, faire disparaître ou introduire certaines parties dans des œuvres de cette nature, qui empêche les violons ou les cors, ou le dernier des musiciens, d'en faire autant?.. Les traducteurs ensuite, les éditeurs et même les copistes, les graveurs et les imprimeurs, n'auront-ils pas un bon prétexte pour suivre cet exemple

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  Et ils n'y manquent pas.



?..



N'est-ce pas la ruine, l'entière destruction, la fin totale de l'art?.. Et ne devons-nous pas, nous tous épris de sa gloire et jaloux des droits imprescriptibles de l'esprit humain, quand nous voyons leur porter atteinte, dénoncer le coupable, le poursuivre et lui crier de toute la force de notre courroux: «Ton crime est ridicule;

Despair!!

 Ta stupidité est criminelle;

Die!!

 Sois bafoué, sois conspué, sois maudit!

Despair and die!!

 Désespère et meurs!»



XVII

Préjugé contre les opéras écrits sur un texte italien. – Son influence sur l'impression que je reçois de certaines œuvres de Mozart

J'ai dit qu'à l'époque de mon premier concours à l'Institut j'étais exclusivement adonné à l'étude de la grande musique dramatique; c'est de la tragédie lyrique que j'aurais dû dire, et ce fut la raison du

calme

 avec lequel j'admirais Mozart.



Gluck et Spontini avaient seuls le pouvoir de passionner. Or, voici la cause de ma tiédeur pour l'auteur de

Don Juan

. Ses deux opéras le plus souvent représentés à Paris étaient

Don Juan

 et

Figaro

; mais ils y étaient chantés en langue italienne, par des Italiens et au Théâtre-Italien; et cela suffisait pour que je ne pusse me défendre d'un certain éloignement pour ces chefs-d'œuvre. Ils avaient à mes yeux le tort de paraître appartenir à l'école ultramontaine. En outre, et ceci est plus raisonnable, j'avais été choqué d'un passage du rôle de dona Anna, dans lequel Mozart a eu le malheur d'écrire une déplorable vocalise qui fait tache dans sa lumineuse partition. Je veux parler de l'allégro de l'air de soprano (nº 22), au second acte, air d'une tristesse profonde, où toute la poésie de l'amour se montre éplorée et en deuil, et où l'on trouve néanmoins vers la fin du morceau des notes ridicules et d'une inconvenance tellement choquante, qu'on a peine à croire qu'elles aient pu échapper à la plume d'un pareil homme. Dona Anna semble là essuyer ses larmes et se livrer tout d'un coup à d'indécentes bouffonneries. Les paroles de ce passage sont:

Forse un giorno il cielo ancora sentirà a-a-a

 (ici un trait incroyable et du plus mauvais style)

pietà di me

. Il faut avouer que c'est une singulière façon, pour la noble fille outragée, d'exprimer l'

espoir que le ciel aura un jour pitié d'elle

!.. Il m'était difficile de pardonner à Mozart une telle énormité. Aujourd'hui, je sens que je donnerais une partie de mon sang pour effacer cette honteuse page et quelques autres du même genre, dont on est bien forcé de reconnaître l'existence dans ses œuvres

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  Je trouve même l'épithète de

honteuse

 insuffisante pour flétrir ce passage. Mozart a commis là contre la passion, contre le sentiment, contre le bon goût et le bon sens, un des crimes les plus odieux et las plus insensés que l'on puisse citer dans l'histoire de l'art.



.



Je ne pouvais donc que me méfier de ses doctrines dramatiques, et cela suffisait pour faire descendre à un degré voisin de zéro le thermomètre de l'enthousiasme.



Les magnificences religieuses de

la Flûte enchantée

 m'avaient, il est vrai, rempli d'admiration; mais ce fut dans le pasticcio des

Mystères d'Isis

 que je les contemplai pour la première fois, et je ne pus que plus tard, à la bibliothèque du Conservatoire, connaître la partition originale et la comparer au misérable pot-pourri français qu'on exécutait à l'Opéra.



L'œuvre dramatique de ce grand compositeur m'avait, on le voit, été mal présentée dans son ensemble, et c'est plusieurs années après seulement que, grâce à des circonstances moins défavorables, je pus en goûter le charme et la suave perfection. Les beautés merveilleuses de ses quatuors, de ses quintettes et de quelques-unes de ses sonates furent les premières à me ramener au culte de l'angélique génie dont la fréquentation, trop bien constatée, des Italiens et des pédagogues contre-pointistes, a pu seule en quelques endroits altérer la pureté.

 



XVIII

Apparition de Shakespeare. – Miss Smithson. – Mortel amour. – Léthargie morale. – Mon premier concert. – Opposition comique de Cherubini. – Sa défaite. – Premier serpent à sonnettes

Je touche ici au plus grand drame de ma vie. Je n'en raconterai point toutes les douloureuses péripéties. Je me bornerai à dire ceci: Un théâtre anglais vint donner à Paris des représentations des drames de Shakespeare alors complètement inconnus au public français. J'assistai à la première représentation d'

Hamlet

 à l'Odéon. Je vis dans le rôle d'

Ophélia

 Henriette Smithson qui, cinq ans après, est devenue ma femme. L'effet de son prodigieux talent ou plutôt de son génie dramatique, sur mon imagination et sur mon cœur, n'est comparable qu'au bouleversement que me fit subir le poëte dont elle était la digne interprète. Je ne puis rien dire de plus.



Shakespeare, en tombant ainsi sur moi à l'improviste, me foudroya. Son éclair, en m'ouvrant le ciel de l'art avec un fracas sublime, m'en illumina les plus lointaines profondeurs. Je reconnus la vraie grandeur, la vraie beauté, la vraie vérité dramatiques. Je mesurai en même temps l'immense ridicule des idées répandues en France sur Shakespeare par Voltaire…





«…Ce singe de génie,

Chez l'homme, en mission, par le diable envoyé

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  Victor Hugo,

Chants du crépuscule

.





et la pitoyable mesquinerie de notre vieille Poétique de pédagogues et de frères ignorantins. Je vis… je compris… je sentis… que j'étais vivant et qu'il fallait me lever et marcher.



Mais la secousse avait été trop forte, et je fus longtemps à m'en remettre. À un chagrin intense, profond, insurmontable, vint se joindre un état nerveux, pour ainsi dire maladif, dont un grand écrivain physiologiste pourrait seul donner une idée approximative.



Je perdis avec le sommeil la vivacité d'esprit de la veille, et le goût de mes études favorites, et la possibilité de travailler. J'errais sans but dans les rues de Paris et dans les plaines des environs. À force de fatiguer mon corps, je me souviens d'avoir obtenu pendant cette longue période de souffrances, seulement quatre sommeils profonds semblables à la mort; une nuit sur des gerbes, dans un champ près de Ville-Juif; un jour dans une prairie aux environs de Sceaux; une autre fois dans la neige, sur le bord de la Seine gelée, près de Neuilly; et enfin sur une table du café du Cardinal, au coin du boulevard des Italiens et de la rue Richelieu, où je dormis cinq heures, au grand effroi des garçons qui n'osaient m'approcher, dans la crainte de me trouver mort.



Ce fut en rentrant chez moi, à la suite d'une de ces excursions où j'avais l'air d'être à la recherche de mon âme, que, trouvant ouvert sur ma table le volume des

Mélodies irlandaises

 de Th. Moore, mes yeux tombèrent sur celle qui commence par ces mots: «

Quand celui qui t'adore

» (

When he who adores thee

). Je pris la plume, et tout d'un trait j'écrivis la musique de ce déchirant adieu, qu'on trouve sous le titre d'

Élégie

, à la fin de mon recueil intitulé

Irlande

. C'est la seule fois qu'il me soit arrivé de pouvoir peindre un sentiment pareil, en étant encore sous son influence active et immédiate. Mais je crois que j'ai rarement pu atteindre à une aussi poignante vérité d'accents mélodiques, plongés dans un tel orage de sinistres harmonies.



Ce morceau est immensément difficile à chanter et à accompagner; il faut, pour le rendre dans son vrai sens, c'est-à-dire, pour faire renaître, plus ou moins affaibli, le désespoir sombre, fier et tendre, que Moore dut ressentir en écrivant ses vers, et que j'éprouvais en les inondant de ma musique, il faut deux habiles artistes

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  Pischeck s'accompagnant lui-même, réaliserait l'idéal de l'exécution de cette élégie.



, un chanteur surtout, doué d'une voix sympathique et d'une excessive sensibilité. L'entendre médiocrement interpréter serait pour moi une douleur inexprimable.



Pour ne pas m'y exposer, depuis vingt ans qu'il existe, je n'ai proposé à personne de me le chanter. Une seule fois, Alizard, l'ayant aperçu chez moi, l'essaya sans accompagnement en le transposant (en

si

) pour sa voix de basse, et me bouleversa tellement, qu'au milieu je l'interrompis en le priant de cesser. Il le comprenait; je vis qu'il le chanterait tout à fait bien; cela me donna l'idée d'instrumenter pour l'orchestre l'accompagnement de piano. Puis réfléchissant que de semblables compositions ne sont pas faites pour le gros public des concerts, et que ce serait une profanation de les exposer à son indifférence, je suspendis mon travail et brûlai ce que j'avais déjà mis en partition.



Le bonheur veut que cette traduction en prose française soit si fidèle que j'aie pu adapter plus tard sous ma musique les vers anglais de Moore.



Si jamais cette élégie est connue en Angleterre et en Allemagne, elle y trouvera peut-être quelques rares sympathies; les cœurs déchirés s'y reconnaîtront. Un tel morceau est incompréhensible pour la plupart des Français, et absurde et insensé pour des Italiens.



En sortant de la représentation d'

Hamlet

, épouvanté de ce que j'avais ressenti, je m'étais promis formellement de ne pas m'exposer de nouveau à la flamme shakespearienne.



Le lendemain on afficha

Romeo and Juliet

… J'avais mes entrées à l'orchestre de l'Odéon; eh bien, dans la crainte que de nouveaux ordres donnés au concierge du théâtre ne vinssent m'empêcher de m'y introduire comme à l'ordinaire, aussitôt après avoir vu l'annonce du redoutable drame, je courus au bureau de location acheter une stalle, pour m'assurer ainsi doublement de mon entrée. Il n'en fallait pas tant pour m'achever.



Après la mélancolie, les navrantes douleurs, l'amour éploré, les ironies cruelles, les noires méditations, les brisements de cœur, la folie, les larmes, les deuils, les catastrophes, les sinistres hasards d'Hamlet, après les sombres nuages, les vents glacés du Danemarck, m'exposer à l'ardent soleil, aux nuits embaumées de l'Italie, assister au spectacle de cet amour prompt comme la pensée, brûlant comme la lave, impérieux, irrésistible, immense, et pur et beau comme le sourire des anges, à ces scènes furieuses de vengeance, à ces étreintes éperdues, à ces luttes désespérées de l'amour et de la mort, c'était trop. Aussi, dès le troisième acte, respirant à peine, et souffrant comme si une main de fer m'eût étreint le cœur, je me dis avec une entière conviction: Ah! je suis perdu. – Il faut ajouter que je ne savais pas alors un seul mot d'anglais, que je n'entrevoyais Shakespeare qu'à travers les brouillards de la traduction de Letourneur, et que je n'apercevais point, en conséquence, la trame poétique qui enveloppe comme un réseau d'or ses merveilleuses, créations. J'ai le malheur qu'il en soit encore à peu près de même aujourd'hui. Il est bien plus difficile à un Français de sonder les profondeurs du style de Shakespeare, qu'à un Anglais de sentir les finesses et l'originalité de celui de La Fontaine et de Molière. Nos deux poëtes sont de riches continents, Shakespeare est un monde. Mais le jeu des acteurs, celui de l'actrice surtout, la succession des scènes, la pantomime et l'accent des voix, signifiaient pour moi davantage et m'imprégnaient des idées et des passions shakespeariennes mille fois plus que les mots de ma pâle et infidèle traduction. Un critique anglais disait l'hiver dernier dans les

Illustrated London News

, qu'après avoir vu jouer

Juliette

 par miss Smithson, je m'étais écrié: «Cette femme je l'épouserai! et sur ce drame j'écrirai ma plus vaste symphonie!» Je l'ai fait, mais n'ai rien dit de pareil. Mon biographe m'a attribué une ambition plus grande que nature. On verra dans la suite de ce récit comment, et dans quelles circonstances exceptionnelles, ce que mon âme bouleversée n'avait pas même admis en rêve, est devenu une réalité.



Le succès de Shakespeare à Paris, aidé des efforts enthousiastes de toute la nouvelle école littéraire, que dirigeaient Victor Hugo, Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, fut encore surpassé par celui de miss Smithson. Jamais, en France, aucun artiste dramatique n'émut, ne ravit, n'exalta le public autant qu'elle: jamais dithyrambes de la presse n'égalèrent ceux que les journaux français publièrent en son honneur.



Après ces deux représentations d'

Hamlet

 et de

Roméo

, je n'eus pas de peine à m'abstenir d'aller au théâtre anglais; de nouvelles épreuves m'eussent terrassé; je les craignais comme on craint les grandes douleurs physiques; l'idée seule de m'y exposer me faisait frémir.



J'avais passé plusieurs mois dans l'espèce d'abrutissement désespéré dont j'ai seulement indiqué la nature et les causes, songeant toujours à Shakespeare et à l'artiste inspirée, à la

fair Ophelia

 dont tout Paris délirait, comparant avec accablement l'éclat de sa gloire à ma triste obscurité; quand me relevant enfin, je voulus par un effort suprême faire rayonner jusqu'à elle mon nom qui lui était inconnu. Alors je tentai ce que nul compositeur en France n'avait encore tenté.



J'osai entreprendre de donner, au Conservatoire, un grand concert composé exclusivement de mes œuvres. «Je veux lui montrer, dis-je,

que moi aussi je suis peintre

!» Pour y parvenir, il me fallait trois choses: la copie de ma musique, la salle et les exécutants.



Dès que mon parti fut pris, je me mis au travail et je copiai, en employant seize heures sur vingt-quatre, les parties séparées d'orchestre et de chœur, des morceaux que j'avais choisis.



Mon programme contenait: les ouvertures de

Waverley

 et des

Francs-Juges

; un air et un trio avec chœur des

Francs-Juges

; la scène

Héroïque Grecque

 et ma cantate

la Mort d'Orphée

, déclarée inexécutable par le jury de l'Institut. Tout en copiant sans relâche, j'avais, par un redoublement d'économie, ajouté quelques centaines de francs à des épargnes antérieures, au moyen desquelles je comptais payer mes choristes. Quant à l'orchestre, j'étais sûr d'obtenir le concours gratuit de celui de l'Odéon, d'une partie des musiciens de l'Opéra et de ceux du théâtre des Nouveautés.



La salle était donc, et il en est toujours ainsi à Paris, le principal obstacle. Pour avoir à ma disposition celle du Conservatoire, la seule vraiment bonne sous tous les rapports, il fallait l'autorisation du surintendant des Beaux-Arts, M. Sosthènes de Larochefoucault, et de plus l'assentiment de Cherubini.



M. de Larochefoucault accorda sans difficulté la demande que je lui avais adressée à ce sujet. Cherubini, au contraire, au simple énoncé de mon projet, entra en fureur.



– Vous voulez donner un concert? me dit-il, avec sa grâce ordinaire.



– Oui, monsieur.



– Il faut la permission du surintendant des Beaux-Arts pour cela.



– Je l'ai obtenue.



– M. de Larossefoucault y consent?



– Oui, monsieur.



– Mais, mais, mais zé n'y consens pas, moi; é é-é-zé m'oppose à ce qu'on vous prête la salle.



– Vous n'avez pourtant, monsieur, aucun motif pour me la faire refuser, puisque le Conservatoire n'en dispose pas en ce moment, et que pendant quinze jours elle va être entièrement libre.



– Mais qué zé vous dis que zé né veux pas que vous donniez ce concert. Tout le monde est à la campagne, et vous né ferez pas de recette.



– Je ne compte pas y gagner. Ce concert n'a pour but que de me faire connaître.



– Il n'y a pas de nécessité qu'on vous connaisse? D'ailleurs pour les frais il faut de l'arzent! Vous en avez donc?..



– Oui, monsieur.



– A… a… ah!.. Et que, qué, qué voulez-vous faire entendre dans ce concert?

 



– Deux ouvertures, des fragments d'un opéra, ma cantate de

la Mort d'Orphée



– Cette cantate du concours qué zé né veux pas! elle est mauvaise, elle… elle… elle né peut pas s'exécuter.



– Vous l'avez jugée telle, monsieur, mais je suis bien aise de la juger à mon tour… Si un mauvais pianiste n'a pas pu l'accompagner