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Les trappeur de l'Arkansas

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XIII. La loi des prairies

Un espace considérable de terrain, situé devant l’entrée de la grotte habitée par le Cœur-Loyal, avait été déblayé, les arbres abattus et cent cinquante ou deux cents huttes dressées.



La tribu entière des Comanches campait en cet endroit.



Trappeurs, chasseurs et guerriers peaux-rouges s’entendaient à merveille.



Au milieu de ce village improvisé, où les huttes en peaux de bison peintes de différentes couleurs étaient alignées avec une certaine symétrie, une plus vaste que les autres, surmontée de scalps fichés à de longues perches, dans laquelle on entretenait continuellement un grand feu, servait de hutte du conseil.



La plus grande animation régnait dans le village.



Les guerriers indiens étaient peints et armés en guerre, comme s’ils se préparaient à marcher au combat.



Les chasseurs avaient revêtu leurs plus beaux costumes, nettoyé leurs armes avec le plus grand soin, ils pensaient peut-être devoir bientôt s’en servir.



Les chevaux complètement harnachés étaient entravés à l’amble, prêts à être montés, et gardés par une dizaine de guerriers.



On voyait les Peaux-Rouges et les chasseurs aller et venir d’un air affairé et préoccupé.



Chose rare et presque inusitée parmi les Indiens, des sentinelles étaient placées de distance en distance pour signaler l’approche d’un étranger quel qu’il fût.



Enfin tout donnait à supposer qu’il se préparait une de ces cérémonies particulières aux prairies.



Mais, chose étrange ! le Cœur-Loyal, la Tête-d’Aigle et l’Élan-Noir étaient absents.



Seul, Belhumeur surveillait les apprêts que l’on faisait tout en causant avec le vieux chef comanche nommé Eshis ou le Soleil.



Mais leur visage était sévère, leur front rêveur, ils semblaient en proie à une vive préoccupation.



C’était le jour marqué par le capitaine des pirates pour que doña Luz lui fût livrée.



Le capitaine oserait-il venir ? ou bien sa proposition n’était-elle qu’une rodomontade ?



Ceux qui connaissaient le pirate, et le nombre en était grand – presque tous avaient souffert de ses déprédations —, penchaient pour l’affirmative.



Cet homme était doué – c’était du reste la seule qualité qu’on lui reconnût – d’un courage féroce et d’une volonté de fer.



Une fois qu’il avait affirmé qu’il ferait une chose, il la faisait quand même.



Et puis, qu’avait-il à redouter en venant une seconde fois au milieu de ses ennemis ? Ne tenait-il pas le général en son pouvoir ? Le général dont la vie répondait de la sienne ; on savait qu’il n’hésiterait pas à le sacrifier à sa sûreté.



Il était environ huit heures du matin, un soleil éblouissant répandait à profusion ses rayons resplendissants sur le tableau que nous avons essayé de décrire.



Doña Luz sortit de la grotte, appuyée sur le bras de la mère du Cœur-Loyal et suivie par nô Eusébio.



Les deux femmes étaient tristes, pâles, leurs traits fatigués, leurs yeux rougis montraient qu’elles avaient pleuré.



Dès qu’il les aperçut, Belhumeur s’avança vers elles et les salua.



– Mon fils n’est pas encore de retour ? demanda la vieille dame d’un air inquiet.



– Pas encore, répondit le chasseur, mais rassurez-vous, madame, il ne peut tarder à arriver.



– Mon Dieu ! je ne sais pourquoi, mais il me semble qu’il doit être retenu loin de nous par un événement fâcheux.



– Non, madame, je le saurais ; lorsque je l’ai quitté cette nuit afin de vous tranquilliser et de faire exécuter les ordres qu’il m’a donnés, il était dans une excellente situation, ainsi, croyez-moi, rassurez-vous, surtout ayez confiance.



– Hélas ! murmura la pauvre femme, je vis depuis vingt ans dans des transes continuelles, chaque soir je redoute de ne pas revoir mon fils le lendemain ; mon Dieu ! n’aurez-vous donc pas pitié de moi !



– Remettez-vous, madame, lui dit affectueusement doña Luz en l’embrassant doucement, oh ! je le sens là, si le Cœur-Loyal court un danger en ce moment, c’est pour sauver mon pauvre oncle ; mon Dieu, ajouta-t-elle avec ferveur, faites qu’il réussisse !



– Bientôt, mesdames, tout s’éclaircira, rapportez-vous-en à moi, vous savez que je ne voudrais pas vous tromper.



– Oui, dit la vieille dame, vous êtes bon, vous aimez mon fils, et vous ne seriez pas ici s’il avait quelque chose à redouter.



– Vous me jugez bien, madame, je vous en remercie, je ne puis en ce moment rien vous dire, mais je vous en supplie, ayez un peu de patience, qu’il vous suffise de savoir qu’il travaille pour rendre la señora heureuse.



– Oh ! oui, dit la mère, toujours bon, toujours dévoué !



– Aussi l’a-t-on nommé le Cœur-Loyal, murmura la jeune fille en rougissant.



– Et jamais nom ne fut mieux mérité, madame, dit le chasseur avec conviction, il faut avoir vécu longtemps avec lui, le connaître autant que je le connais pour bien l’apprécier.



– Merci à mon tour pour ce que vous dites de mon fils, Belhumeur, répondit la vieille dame en serrant la main calleuse du chasseur.



– Je ne dis que la vérité, madame, je suis juste, voilà tout, oh ! cela irait mieux dans les prairies si tous les chasseurs lui ressemblaient.



– Mon Dieu, le temps passe, n’arrivera-t-il donc pas ? murmura-t-elle en regardant autour d’elle avec une impatience fébrile.



– Bientôt, madame.



– Je veux être la première à le voir et à le saluer à son arrivée !



– Malheureusement cela est impossible.



– Pourquoi donc ?



– Votre fils m’a chargé de vous prier, ainsi que la señora, de vous retirer dans la grotte, il désire que vous n’assistiez pas à la scène qui va se passer ici.



– Mais, dit doña Luz avec anxiété, comment saurai-je si mon oncle est sauvé ?



– Rassurez-vous, señorita, vous ne resterez pas longtemps dans l’inquiétude, mais, je vous en prie, ne demeurez pas ici plus longtemps, rentrez ! rentrez !



– Peut-être cela vaut-il mieux, observa la vieille dame, obéissons, mignonne, ajouta-t-elle en souriant à la jeune fille, rentrons, puisque mon fils l’exige.



Doña Luz la suivit sans résistance, mais en jetant derrière elle des regards furtifs pour tâcher d’apercevoir celui qu’elle aimait.



– Que l’on est heureux d’avoir une mère ! murmura Belhumeur en étouffant un soupir et en suivant des yeux les deux femmes qui disparaissaient dans l’ombre de la grotte.



Tout à coup les sentinelles indiennes poussèrent un cri qui fut immédiatement répété par un homme placé devant la hutte du conseil.



À ce signal les chefs comanches se levèrent et sortirent de la hutte dans laquelle ils étaient réunis.



Les chasseurs et les guerriers indiens saisirent leurs armes, se rangèrent de chaque côté de la grotte et attendirent.



Un nuage de poussière roulait vers le camp avec une rapidité extrême.



Le nuage se dissipa bientôt et laissa voir une troupe de cavaliers qui accouraient à toute bride.



Ces cavaliers portaient pour la plupart le costume des gambusinos mexicains.



À leur tête caracolait, sur un magnifique cheval noir comme la nuit, un homme que tous reconnurent immédiatement.



C’était le capitaine Ouaktehno qui venait audacieusement à la tête de sa troupe réclamer l’exécution de l’odieux marché qu’il avait imposé trois jours auparavant.



Ordinairement dans les prairies, lorsque deux troupes se rencontrent, ou lorsque des guerriers ou des chasseurs visitent un village, il est d’usage d’exécuter une espèce de fantasia en se lançant à fond de train les uns contre les autres, en criant, en tirant des coups de fusil.



Cette fois, rien de tout cela n’eut lieu.



Les Comanches et les chasseurs restèrent mornes et silencieux, attendant sans bouger l’arrivée des pirates.



Cette froide et sèche réception n’étonna pas le capitaine ; bien que ses sourcils se fronçassent légèrement, il feignit de ne pas s’en apercevoir et entra intrépidement dans le village à la tête de sa troupe.



Arrivés en face des chefs rangés devant la hutte du conseil, les vingt cavaliers s’arrêtèrent subitement comme s’ils eussent été changés en statues de bronze.



Cette manœuvre hardie fut exécutée avec une dextérité si grande que les chasseurs, bons connaisseurs en équitation, réprimèrent difficilement un cri d’admiration.



À peine les pirates furent-ils arrêtés que les rangs des chasseurs et des guerriers placés à droite et à gauche de la hutte se déployèrent en éventail et se refermèrent derrière eux.



Les vingt pirates se trouvaient par ce mouvement exécuté avec une prestesse incroyable, enfermés dans un cercle formé par plus de cinq cents hommes bien armés et parfaitement montés.



Le capitaine eut un frisson d’inquiétude à la vue de cette manœuvre, il se repentit presque d’être venu ; mais, surmontant cette émotion involontaire, il sourit avec dédain ; il se croyait certain de ne rien avoir à redouter.



Il salua légèrement les chefs placés devant lui, et s’adressant à Belhumeur d’une voix ferme :



– Où est la jeune fille ? demanda-t-il.



– Je ne sais ce que vous voulez dire, répondit le chasseur en ricanant, je ne crois pas qu’il y ait ici une jeune fille sur laquelle vous ayez des droits quelconques.



– Que signifie cela, et que se passe-t-il ici ? murmura le capitaine en jetant autour de lui un regard de défiance. Le Cœur-Loyal a-t-il oublié la visite que je lui ai faite il y a trois jours ?



– Le Cœur-Loyal n’oublie jamais rien, dit Belhumeur d’une voix ferme, mais ce n’est pas de lui qu’il s’agit ; comment avez-vous eu l’audace de vous présenter parmi nous à la tête d’un ramassis de brigands ?



– Bien, fit le capitaine raillant, je vois que vous voulez me répondre par une fin de non recevoir ; quant à la menace que renferme la dernière partie de votre phrase, je m’en préoccupe fort peu.



– Vous avez tort, monsieur, car puisque vous avez commis l’imprudence de vous remettre vous-même entre nos mains, nous ne serons pas assez simples, je vous en avertis, pour vous laisser échapper.

 



– Oh ! oh ! fit le pirate, quel jeu jouons-nous donc ?



– Vous allez l’apprendre, monsieur.



– J’attends, répondit le pirate, en jetant autour de lui un regard provocateur.



– Dans ces déserts où toutes les lois humaines se taisent, reprit le chasseur d’une voix vibrante, la loi de Dieu seule doit être en vigueur, cette loi dit œil pour œil, dent pour dent, vous le savez.



– Après ? fit le pirate d’un ton sec.



– Depuis dix ans, continua impassiblement Belhumeur, à la tête d’une troupe de bandits sans foi ni loi, vous êtes devenu la terreur des prairies, pillant et assassinant les hommes blancs et les hommes rouges, car vous n’êtes d’aucun pays, le vol et la rapine sont votre seule règle, voyageurs, trappeurs, chasseurs, gambusinos ou Indiens, vous ne respectez personne si le meurtre peut vous procurer un peu d’or ; il y a quelques jours à peine, vous avez pris d’assaut le camp de paisibles voyageurs mexicains et vous les avez massacrés sans pitié. Cette carrière du crime devait avoir un terme, ce terme est enfin arrivé. Nous tous, Indiens et chasseurs, nous nous sommes réunis ici pour vous juger et vous appliquer la loi implacable des prairies.



– Oeil pour œil, dent pour dent, crièrent les assistants en brandissant leurs armes.



– Vous vous trompez grandement, mes maîtres, répondit le pirate avec assurance, si vous croyez que je tendrai paisiblement la gorge au couteau comme un veau qu’on mène à l’abattoir, je me méfiais de ce qui arrive, voilà pourquoi je suis si bien accompagné. J’ai avec moi vingt hommes résolus qui sauront se défendre, vous ne nous tenez pas encore !



– Regardez autour de vous, monsieur, et voyez ce qui vous reste à faire.



Le pirate jeta les yeux en arrière, cinq cents fusils étaient dirigés sur sa troupe.



Un frisson parcourut ses membres, une pâleur mortelle couvrit son visage, le pirate comprit qu’il se trouvait en face d’un danger terrible ; mais après une seconde de réflexion, il reprit tout son sang-froid et s’adressant au chasseur, il répondit d’une voix railleuse :



– Allons donc, pourquoi ces menaces qui ne peuvent m’effrayer ? vous savez fort bien que je suis à l’abri de vos coups. Vous l’avez dit, il y a quelques jours, j’ai attaqué des voyageurs mexicains, mais vous n’ignorez pas que le plus important de ces voyageurs est tombé en mon pouvoir ! Osez toucher à un seul cheveu de ma tête, et le général, l’oncle de la jeune fille que vous voulez en vain ravir à ma puissance paiera immédiatement de sa vie l’insulte qui me sera faite. Croyez-moi donc, messieurs, cessez de chercher plus longtemps à m’effrayer, rendez-moi de bonne grâce celle que je viens vous demander, ou je vous jure Dieu que dans une heure le général aura vécu !



Tout à coup un homme fendit la foule et se plaçant devant le pirate :



– Vous vous trompez, lui dit-il, le général est libre !



Cet homme était le Cœur-Loyal.



Un frémissement de joie parcourut les rangs des chasseurs et des Indiens, tandis qu’un frisson de terreur agitait les pirates.



XIV. Le châtiment

Le général et ses deux compagnons n’étaient pas longtemps restés dans l’incertitude.



Le radeau après plusieurs hésitations aborda enfin, et une quinzaine d’hommes, le fusil en avant, se précipitèrent dans la grotte en poussant de grands cris.



Les fugitifs s’élancèrent vers eux avec joie.



Ils avaient reconnu à la tête des arrivants le Cœur-Loyal, le chef des Comanches et l’Élan-Noir.



Voici ce qui était arrivé :



Aussitôt le docteur entré dans la grotte à la suite du capitaine, la Tête-d’Aigle, sûr désormais d’avoir découvert la retraite des pirates, avait été rejoindre ses amis, auxquels il avait fait part du succès de son stratagème. Belhumeur avait été dépêché au Cœur-Loyal qui s’était hâté de venir ; tous de concert avaient résolu d’assaillir les bandits dans leur antre, tandis que d’autres détachements de chasseurs et de guerriers peaux-rouges, disséminés dans la prairie et cachés dans les rochers, surveilleraient les abords de la grotte pour empêcher les pirates de s’échapper.



Nous avons vu le résultat de cette expédition.



Après avoir donné le premier moment tout à la joie et au plaisir d’avoir réussi sans coup férir, le général avertit ses libérateurs qu’une dizaine de bandits dormaient dans la grotte, sous l’influence de l’opium que le valeureux docteur leur avait versé.



Les pirates furent solidement garrottés et emmenés ; puis après avoir rappelé les divers détachements, toute la troupe reprit au galop le chemin du camp.



Grande avait été la surprise du capitaine à l’exclamation du Cœur-Loyal, mais cette surprise se changea en épouvante, lorsqu’il vit paraître le général qu’il croyait si bien gardé par ses gens.



Il comprit que toutes ses mesures étaient rompues, toutes ses ruses déjouées, que cette fois il était perdu sans ressources.



Un flot de sang lui monta à la gorge, ses yeux lancèrent des éclairs, et se tournant vers le Cœur-Loyal :



– Bien joué ! lui dit-il d’une voix rauque et saccadée, mais tout n’est pas fini entre nous, vive Dieu ! j’aurai ma revanche !



Il fit un geste comme pour lancer son cheval.



Mais le Cœur-Loyal l’arrêta résolument par la bride.



– Nous n’avons pas terminé, lui dit-il.



Le pirate le regarda un instant les yeux injectés de sang, et d’une voix entrecoupée par la colère, tout en ramenant violemment son cheval pour obliger le chasseur à lâcher prise.



– Que me voulez-vous encore ? dit-il.



Le Cœur-Loyal, grâce à un poignet de fer, maintint le cheval qui se cabrait avec fureur.



– Vous êtes jugé, répondit-il, on va vous appliquer la loi des prairies.



Le pirate poussa un ricanement terrible et saisissant ses pistolets à sa ceinture :



– Malheur à qui me touche, s’écria-t-il avec rage, livrez-moi passage !



– Non, répondit le chasseur impassible, vous êtes bien pris, mon maître, aujourd’hui vous ne m’échapperez pas.



– À mort donc ! s’écria le pirate en dirigeant un de ses pistolets sur le Cœur-Loyal.



Mais prompt comme la pensée, Belhumeur qui suivait ses mouvements avec anxiété, se jeta devant son ami avec une vitesse décuplée par la gravité de la situation.



Le coup partit. La balle atteignit le Canadien qui tomba baigné dans son sang.



– Un ! cria le pirate avec un rire féroce.



– Deux ! hurla la Tête-d’Aigle, et par un bond de panthère il sauta sur le cheval du pirate.



Avant que le capitaine pût faire un mouvement pour se défendre, l’Indien le saisit de sa main gauche par ses longs cheveux dont il forma une touffe et lui renversa brusquement la tête en arrière.



– Malédiction ! s’écria le pirate en cherchant vainement à se débarrasser de son ennemi.



Alors il se passa une chose qui glaça d’horreur tous les assistants.



Le cheval que le Cœur-Loyal avait lâché, livré à lui-même, furieux des secousses qu’il avait reçues et du double poids qui lui était imposé, s’élança, fou de colère, brisant et renversant dans sa course insensée tous les obstacles qui s’opposaient à son passage.



Mais toujours il entraînait cramponnés à ses flancs les deux hommes qui luttaient pour se tuer l’un l’autre, et qui sur le dos de l’animal effrayé se tordaient comme deux serpents.



La Tête-d’Aigle avait, comme nous l’avons dit, renversé en arrière la tête du pirate, il lui appuya le genou sur les reins, poussa son hideux cri de guerre, et brandit d’un geste terrible son couteau autour du front de son ennemi.



– Tue-moi donc, misérable ! cria le pirate, et d’un mouvement brusque, il leva sa main gauche encore armée d’un pistolet, mais la balle se perdit dans l’espace.



Le chef comanche regarda fixement le capitaine.



– Tu es un lâche ! dit-il avec dégoût, et une vieille femme qui a peur de la mort !



En même temps qu’il poussait fortement le bandit avec le genou, il lui enfonçait le couteau dans le crâne.



Le capitaine poussa un cri déchirant, qui se mêla au hurlement de triomphe du chef.



Le cheval buta contre une racine et tomba : les deux ennemis roulèrent sur le sol.



Un seul se releva.



Ce fut le chef comanche qui brandissait la chevelure sanglante du pirate.



Cependant celui-ci n’était pas mort. Presque fou de rage et de fureur, aveuglé par le sang qui lui ruisselait dans les yeux, il se releva et se précipita sur son adversaire qui ne s’attendait pas à une pareille attaque.



Alors enlacés l’un à l’autre, ils cherchèrent à se renverser et à s’enfoncer dans le corps le couteau dont ils étaient armés.



Plusieurs chasseurs s’élancèrent pour les séparer.



Lorsqu’ils arrivèrent tout était fini.



Le capitaine gisait sur le sol avec le couteau de la Tête-d’Aigle, planté jusqu’au manche dans le cœur.



Les pirates tenus en respect par les chasseurs blancs et les guerriers indiens qui les cernaient, n’essayèrent pas une résistance impossible.



Lorsqu’il eut vu tomber son capitaine, Franck au nom de ses compagnons, déclara qu’ils se rendaient.



Sur un signe du Cœur-Loyal ils jetèrent leurs armes et furent garrottés.



Belhumeur, le brave canadien dont le dévouement avait sauvé la vie de son ami, avait reçu une blessure grave, mais qui heureusement n’était pas mortelle. On s’était empressé de le relever et de le porter dans la grotte, où la mère du chasseur lui prodiguait des secours.



La Tête-d’Aigle s’approcha du Cœur-Loyal qui restait pensif et sombre appuyé contre un arbre.



– Les chefs sont réunis autour du feu du conseil, lui dit-il, ils attendent mon frère.



– Je suis mon frère, répondit laconiquement le chasseur.



Lorsque les deux hommes entrèrent dans la hutte, tous les chefs étaient assemblés ; parmi eux se trouvaient le général, l’Élan-Noir, et quelques autres trappeurs.



Le calumet fut apporté au milieu du cercle par le porte-pipe ; il s’inclina avec respect vers les quatre points cardinaux et présenta ensuite à tour de rôle le long tuyau à chaque chef.



Lorsque le calumet eut fait le tour du cercle, le porte-pipe vida la cendre dans le feu en murmurant quelques paroles mystiques et se retira.



Alors le vieux chef nommé le Soleil se leva, et, après avoir salué les membres du conseil :



– Chefs et guerriers, dit-il, écoutez les paroles que souffle ma poitrine et que le Maître de la vie a mises dans mon cœur. Que comptez-vous faire des vingt prisonniers qui sont dans vos mains ? Les relâcherez-vous afin qu’ils continuent leur vie de meurtre et de rapine ? qu’ils enlèvent vos femmes, volent vos chevaux et tuent vos frères ? Les conduirez-vous aux villages en pierre des grands cœurs blancs de l’est ? La route est longue, semée de dangers, entrecoupée de montagnes et de rivières rapides, les prisonniers peuvent s’échapper pendant ce voyage, vous surprendre dans votre sommeil et vous massacrer. Et puis, vous le savez, guerriers, arrivés aux villages en pierre, les longs couteaux les relâcheront, il n’existe pas de justice pour les hommes rouges. Non, guerriers, le Maître de la vie, qui enfin a livré ces hommes féroces en notre pouvoir, veut qu’ils meurent. Il a marqué le terme de leurs crimes. Lorsque nous trouvons un jaguar ou un ours gris sur notre route, nous les tuons ; ces hommes sont plus cruels que les jaguars et les ours gris, ils doivent compte du sang qu’ils ont versé, œil pour œil, dent pour dent. Qu’ils soient donc attachés au poteau des tortures. Je jette un turbò – collier – de wampums rouges dans le conseil. Ai-je bien parlé, hommes puissants ?



Après ces paroles, le vieux chef se rassit. Il y eut un moment de silence solennel. Il était évident que tous les assistants partageaient son avis.



Le Cœur-Loyal attendit quelques minutes, il vit que personne ne se préparait à répondre au discours du Soleil, alors il se leva et prit la parole :



– Chefs et guerriers comanches et vous trappeurs blancs, mes frères, dit-il, d’une voix douce et triste, les paroles prononcées par le vénérable sachem sont justes, malheureusement la sûreté des prairies exige la mort de nos prisonniers. Cette extrémité est terrible, cependant nous sommes obligés de nous y soumettre, si nous voulons jouir en paix du fruit de nos rudes travaux. Mais si nous nous voyons contraints d’appliquer la loi implacable du désert, ne nous montrons pas barbares à plaisir, punissons puisqu’il le faut, mais punissons en gens de cœur, non en hommes cruels. Montrons à ces bandits que nous faisons justice, qu’en les tuant ce n’est pas nous que nous vengeons, mais la société tout entière. D’ailleurs leur chef, le plus coupable d’eux tous, est tombé sous les coups de la Tête-d’Aigle, soyons cléments sans cesser d’être justes. Laissons-leur le choix de leur mort. Pas de supplice inutile. Le Maître de la vie nous sourira, il sera content de ses enfants rouges auxquels il accordera des chasses abondantes. J’ai dit : ai-je bien parlé, hommes puissants ?

 



Les membres du conseil avaient écouté avec attention les paroles du jeune homme. Les chefs avaient souri avec bienveillance aux nobles sentiments qu’il exprimait, car tous, Indiens et trappeurs, l’aimaient et le respectaient.



La Tête-d’Aigle se leva.



– Mon frère le Cœur-Loyal a bien parlé, dit-il, ses années sont en petit nombre, mais sa sagesse est grande. Nous sommes heureux de trouver l’occasion de lui prouver notre amitié, nous la saisissons avec empressement. Nous ferons ce qu’il désire.



– Merci, répondit le Cœur-Loyal avec effusion, merci, mes frères, la nation comanche est une grande et noble nation, que j’aime, je suis heureux d’avoir été adopté par elle.



Le conseil fut levé, les chefs sortirent de la hutte.



Les prisonniers, réunis en un groupe, étaient étroitement gardés par un détachement de guerriers.



Le crieur public rassembla tous les membres de la tribu et les chasseurs disséminés dans le village.



Lorsque chacun fut réuni, la Tête-d’Aigle prit la parole, et s’adressant aux pirates :



– Chiens des visages pâles, leur dit-il, le conseil des grands chefs de la nation puissante des Comanches, dont les vastes territoires de chasse couvrent une grande partie de la terre, a décidé de votre sort. Tâchez, après avoir vécu comme des bêtes fauves, de ne pas mourir comme des vieilles femmes peureuses, soyez braves, peut-être alors le Maître de la vie aura-t-il pitié de vous et vous recevra-t-il après votre mort dans l’eskennane, ce lieu de délices où chassent pendant l’éternité les braves qui ont regardé la mort en face.



– Nous sommes prêts, répondit impassiblement Franck, attachez-nous au poteau, inventez les plus atroces tortures ; vous ne nous verrez point pâlir.



– Notre frère le Cœur-Loyal, continua le chef, a intercédé pour vous. Vous ne serez pas attachés au poteau, les chefs vous laissent le choix de votre mort.



Alors se révéla ce trait caractéristique des mœurs des Blancs, qui habitant depuis longtemps les prairies, ont fini par renier les coutumes de leurs ancêtres pour prendre celles des Indiens.



La proposition faite par la Tête-d’Aigle révolta l’orgueil des pirates.



– De quel droit, s’écria Franck, le Cœur-Loyal intercède-t-il pour nous ? Croit-il donc que nous ne sommes pas des hommes ? que les tortures pourront nous arracher des cris ou des plaintes indignes de nous ? Non ! non ! que l’on nous conduise au supplice, celui que vous nous infligerez ne sera jamais aussi cruel que ceux que nous faisions subir aux guerriers de votre nation, lorsqu’ils tombaient entre nos mains.



À ces paroles hautaines, un frémissement de colère parcourut les rangs des Indiens, tandis que les pirates poussaient au contraire des cris de joie et de triomphe.



– Chiens ! lapins ! disaient-ils, les Comanches sont des vieilles femmes auxquels on donnera des jupons.



Le Cœur-Loyal s’avança.



Le silence se rétablit.



– Vous avez mal compris les paroles du chef, fit-il, en vous laissant le choix de votre mort, c’est non pas une insulte, mais une marque de déférence que l’on vous donne ; voici mon poignard, on va vous détacher, qu’il passe de main en main et qu’il s’enfonce à tour de rôle dans toutes vos poitrines ! l’homme qui, libre, sans hésiter se tue d’un seul coup, est plus brave que celui qui attaché au poteau des tortures, ne pouvant supporter la douleur, insulte son bourreau afin de recevoir une mort prompte.



Une immense acclamation accueillit ces paroles du chasseur.



Les pirates se consultèr