Za darmo

Coeur de panthère

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CHAPITRE XI. LUEURS D’ESPOIR

Peu d’instants après l’arrivée de Wontum, ses discussions avec le chef avaient dégénéré en dispute, et l’on était sur le point d’en venir aux coups, lorsque plusieurs Sauvages arrivèrent avec grand bruit, amenant un prisonnier.



Wontum poussa un rugissement de triomphe et bondit vers l’entrée de la caverne, espérant apercevoir Quindaro. Mais son enthousiasme tomba vite; les nouveaux-venus n’amenaient qu’un vieillard.



En le voyant approcher, Mary Oakley s’élança au-devant de lui, en s’écriant:



– Oh! père John! êtes-vous donc aussi prisonnier?



Effectivement, c’était le vénérable ermite; il répondit d’une voix calme:



– Non, mon enfant, non, pas prisonnier!



– Comment donc vous trouvez-vous ici?



– Je viens pour faire mettre en liberté trois personnes: vous, Manonie et son enfant.



– Vraiment! Quel bonheur! s’écrièrent les deux captives, en prenant avec effusion les mains de ce sauveur inattendu.



– Relâcher ELLE? fit dédaigneusement Wontum en montrant Manonie.



– Je ne m’adresse pas à vous, répondit l’ermite d’une voix glacée; lorsque j’aurai consolé ces malheureuses créatures, je veux conférer avec le chef Nemona.



Cette réplique n’était pas faite pour satisfaire le farouche Pawnie; néanmoins il resta immobile sans répondre un seul mot.



– Avez-vous vu Quindaro? demanda Mary en étouffant ses sanglots.



– Oui, il est sauvé.



– Et mon mari? s’écria impétueusement Manonie.



– A la tête des troupes, dans la vallée; il sera bientôt ici.



– C’est un espion! hurla Wontum.



– Un espion?… répéta Nemona.



– Non, non, je ne suis ni guerrier, ni espion; ma voix n’est pas pour le sang, mais pour la paix.



– Où avez-vous été pris?



– Vos guerriers m’ont saisi dans le ravin, tout près de la rivière:



– Que faisiez-vous là…?



– J’étais en route pour venir vous proposer la paix.



Le visage du vieux chef s’illumina d’une satisfaction subite: celui de Wontum devint plus sombre que la nuit.



– Quelles conditions proposez-vous? demanda Nemona.



– Vous cesserez vos hostilités, vous relâcherez les prisonnières, vous livrerez Wontum au supplice, car c’est lui qui est le principal coupable.



– Oh! vous n’avez pas à me regarder si cruellement, vous! continua-t-il en s’adressant à ce dernier; je transmets mon message, le chef répondra ce qu’il voudra, je rapporterai fidèlement ses paroles.– Je pense maintenant, oui, je pense que trop de sang déjà a coulé; il en faut tarir la source. Vous me connaissez pour un homme de paix, Nemona, vous savez que si je vous donne un conseil, c’est pour votre bien. Croyez-moi, toute lutte avec les Blancs est impossible; ils sont plus nombreux que vous, ils ont de gros rifles qui sèment au loin la mort. Remettez-moi les captives; je m’en irai avec elles annoncer que le grand chef est un sage, un ami de la paix.



Topeka survint à ce moment: après avoir regardé fixément le vieillard, elle le prit par la main en disant:



– Êtes-vous le Père John, l’Ermite?



– On m’appelle ainsi, Topeka.



– Le bon vieillard dont le wigwam est sur la montagne du Medicine Bow?…



– Là est ma cabane.



– Vous y vivez seul?… Vous êtes solitaire, sans personne pour soigner votre demeure, personne pour vous aimer?…



– Je ne suis pas tout-à-fait sans amis. J’espère bien n’avoir pas d’ennemis.



– Oh non! personne ne peut être votre ennemi; chacun vous aime, parce que vous parlez du Grand-Esprit. Si tous vous écoutaient, je crois bien que nous n’aurions pas de guerres. Voulez-vous me dire quelques paroles de Celui qui gouverne les cieux?



– Volontiers, Topeka. Il nous enseigne que nous ne devons pas tuer. Pourtant quelqu’un de votre tribu est venu hier à ma cabane, il a tué une pauvre femme, la mère de cette pauvre enfant.



Les yeux de la vieille Indienne se portèrent sur Mary Oakley.



– Sa mère? demanda-t-elle avec émotion.



– Oui, répondit la voix grave et triste de John.



– Et… a-t-elle encore quelqu’un pour l’aimer?



– Son père vit encore.



– Personne autre?



– Oh! si! s’écria naïvement Mary; voici d’abord le bon père John; ensuite il y a celui qui…



– Chut! fit l’ermite.



– Ah! oui, je me souviens. Le prisonnier qui était là tout-à-l’heure. Et, vous l’aimez?…



– Oui! oh oui!



– Autant que j’aime mon mari, Nemona?…



– Bien davantage! je pense, répondit la jeune fille rouge et confuse.



– Alors, il faut que vous soyez libre de le rejoindre. Quel est celui qui a tué votre mère?



– C’est Wontum, dit l’Ermite.



– Vous êtes un méchant homme! fit Topeka d’un ton sévère, en se tournant vers le Pawnie; vous serez puni pour ce crime.



Alors, s’adressant à Manonie:



– Vous n’aimez pas à vivre dans nos wigwams?…



– Non! répondit la jeune femme; je ne suis pas née dans les bois; ma patrie c’est la maison des Blancs; le sang Indien n’est pas le mien; pourquoi serais-je infidèle à ma race?



– Bien! reprit la vénérable Pawnie, vous êtes Face-Pâle, vivez avec les vôtres. Vous n’aimez pas Wontum?



– Certes, non! je préférerais les loups de la prairie!



– Je ne vous blâme pas. C’est un méchant homme. Quelqu’un vous aime là-bas? continua-t-elle en montrant les troupes dans la vallée.



– Oh oui! mon mari m’attend, il attend son enfant!



– Bien! vous irez le rejoindre.



– Elle n’ira pas! hurla Wontum avec un emportement féroce.



Et il tira son couteau comme pour joindre le geste à sa protestation.



– Arrière! Wontum! cria le chef d’une voix tonnante; c’est moi qui commande ici!



Le Sauvage recula, n’osant désobéir; mais au fond du cœur il nourrissait l’espoir de semer la division dans la tribu et de l’emporter par la violence et le nombre de ses adhérents. Il se mit sur le champ à comploter dans les groupes, exploitant avec une habileté infernale les passions sanguinaires de ceux qui l’entouraient.



Pendant ce temps, Topeka restait les yeux fixés sur Mary Oakley. Enfin, elle lui dit d’une voix tremblante:



– Ainsi donc, c’est ce méchant homme qui a tué votre pauvre mère?



– Oui, répondit la jeune fille en sanglotant.



– Hier?



– Oui, hier.



– Hier!… répéta la vieille Indienne en réfléchissant; il y a dix… quinze… dix-huit ans que ce méchant homme a tué…



– Tué qui? demanda l’Ermite avec émotion.



– La mère de Manonie.



La jeune femme poussa un cri de douleur: l’Ermite devint pâle et demanda avec une sorte d’emportement douloureux:



– Quel était son nom? où demeurait-elle?…



– Je l’ai oublié, répondit lentement Topeka, après avoir consulté ses souvenirs; mais mon mari vous le dira peut-être.



– Était-il présent?



– Où?



– Au lieu où le meurtre fût commis?



– Non, répliqua Nemona; j’étais au lac Willow et je n’ai connu cette affaire qu’au retour de Wontum, lorsqu’il ramena Manonie avec lui. Elle était alors un petit enfant d’environ trois ans.



– Le nom… quel était-il?



– Je ne l’ai jamais su.



– Le lieu…? En quel lieu a été commis le meurtre?



– Ce fut dans l’Iowa, près…



Le vieillard ne put achever sa phrase; un coup de feu cingla l’air, en même temps le chef tressaillit en portant sa main à la tête comme s’il y eût éprouvé une vive douleur: un filet rouge ruissela entre ses doigts, il chancela et tomba à la renverse.



Topeka se précipita sur le corps de son mari, cherchant à le relever, l’appelant des noms les plus tendres. Mais le vieillard resta muet et inanimé: alors elle se répandit en sanglots déchirants. Après avoir ainsi donné cours à sa douleur, elle se releva comme une tigresse, cherchant le meurtrier.



Wontum et tous les Indiens réunis regardaient leur chef avec une anxiété silencieuse. Topeka courut à Wontum, le couteau levé:



– Vous! c’est vous! cria-t-elle, exaspérée.



– Ugh! moi! non! répliqua le Pawnie tout décontenancé par cette accusation.



– Ah! c’est lui! c’est lui! poursuivit-elle en se tournant vers l’Ermite.



– Non, Topeka: je ne pense pas, dit le vieux John. Comme vous le voyez, le jour est venu, quelque soldat a pu s’approcher à portée de carabine et a tiré ce coup malheureux. Mais, laissez-moi voir si Nemona est mort ou seulement blessé.



Tout en parlant, l’Ermite s’était penché sur le chef: au bout d’un examen de quelques instants, il se releva en disant:



– Rassurez-vous, Topeka, sa blessure n’est nullement grave. La balle lui a effleuré la tempe, et a tracé sur la peau un léger sillon, sans atteindre le crâne. Il n’est qu’étourdi par le coup; dans peu d’instants il reprendra connaissance.



Sous la direction de Topeka, les Sauvages emportèrent leur chef dans une grotte reculée où il était à l’abri de la fusillade qui commençait à envoyer parmi les Pawnies une grêle de balles.



L’occasion était triomphante pour Wontum: il était débarrassé du chef, et, sûr de n’être point contredit, il pouvait mener au combat ses fidèles qui partageaient ses passions belliqueuses. Il était d’ailleurs convaincu de pouvoir résister pendant plusieurs heures, même aux plus rudes assauts. Il prit donc le commandement, plaça ses hommes aux postes les plus avantageux, et bientôt le pétillement de la fusillade, le grondement du canon, les sifflements de la mitraille ou des balles annoncèrent au loin que la bataille était chaudement engagée.



Des clameurs, tantôt inquiètes, tantôt victorieuses, indiquaient par instants les vicissitudes variables du combat. Peu à peu, les Sauvages se concentrèrent au point où étaient réunies les prisonnières et leur vieil ami; elles furent obligées de rentrer plus avant dans l’intérieur des grottes pour n’être pas atteintes par les balles.



Le vieil Ermite s’aperçut alors qu’il lui serait plus périlleux de retourner parmi les Blancs que de rester avec les Indiens; en effet, s’il échappait à la mousqueterie des troupes régulières, il pouvait craindre à coup sûr d’être fusillé par les Indiens furieux de le voir fuir. Il resta donc auprès de ses protégées. Là, au moins, il pouvait surveiller Wontum.

 



Il les conduisit dans la grotte où reposait Nemona. C’était leur plus sûr asile, à moins que Wontum, furieux d’une défaite, ne revint les massacrer tous pour assouvir ses dernières vengeances.



Mary Oakley et Manonie étaient dans un état d’angoisse terrible. Elles étaient à la fois si près et si loin de la liberté ou de la mort! Leur anxiété devenait si cruelle qu’elles se surprenaient à ne désirer qu’une chose… mourir avec leurs amis.



Topeka était plus calme. Elle donnait toute son attention à son mari qui avait recouvré ses sens et ne se ressentait presque plus de sa blessure.



Tout à coup la vieille Indienne s’adressa fiévreusement au père John:



– Vite! vite! lui dit-elle; cachez-vous derrière moi.



– Wontum vient donc?



– Oui!



– Je lui résisterai.



– Insensé! Il est accompagné de plusieurs robustes Peaux-Rouges; tous sont armés, et vous êtes sans défense. Vous seriez tué avant d’avoir pu dire seulement deux mots.



– C’est Manonie que ce scélérat vient chercher?



– Oui.



– Et je ne la défendrais pas jusqu’à mon dernier souffle! oh! que si!



– Dans ce cas, vous pouvez désespérer de son sort pour le présent et pour l’avenir! Venez donc!



Et la vieille Indienne, tirant de force l’Ermite en arrière, le cacha dans l’ombre.



A cet instant Wontum arrivait avec plusieurs guerriers, hurlant et vociférant d’une manière furieuse. La malheureuse Manonie comprit aussitôt que c’était à elle qu’ils en voulaient; elle se blottit dans un recoin obscur. Mais ses efforts furent inutiles, on l’arracha violemment de sa retraite et on la traîna jusqu’au dehors, malgré ses cris et les appels désespérés qu’elle adressait à son mari.



Hélas! ce dernier combattait vaillamment pour lui apporter secours, mais il était trop loin encore pour lui venir en aide.



Elle crut bien entendre une fois sa voix vibrante, au milieu du tumulte; ce ne fut qu’un éclair, une sorte de vision fiévreuse qui disparut aussitôt.



– Mon enfant! mon enfant! rendez-moi mon petit Harry! criait-elle d’une voix navrante.



Mais le monstre cruel l’entraînait sans l’écouter.



– Oh! c’en est trop! oui, c’est trop de lâche cruauté! s’écria l’Ermite ne pouvant plus tenir à ce spectacle atroce.



Et il s’élança vers le ravisseur: il l’atteignit au moment où il venait de jeter sa victime en travers sur un cheval. Un coup terrible fût assené sur la tête du vieillard qui tomba à la renverse, inanimé, sur le sol.



– Je prévoyais bien ce qui devait arriver, cria Topeka en courant à son secours. Insensé vieillard! que pouvait-il faire contre la force?



Mary Oakley arriva en même temps. Le visage de l’Ermite était couvert de sang; elle se mit à le laver doucement, cherchant sa blessure.



– Bonne Topeka, dit la jeune fille, je vais faire tout ce que je pourrai auprès du pauvre Père John, je crains bien que mes soins soient inutiles. Restez auprès de votre mari dont l’état exige encore votre assistance.



– Nous allons, ou plutôt vous allez avoir assistance dans quelques moments. Voilà la fusillade des Blancs qui se rapproche, les rifles Indiens se taisent. Justement! voilà les soldats qui sont au pied de la colline: ne vont-ils pas tuer mon mari? ajouta la vieille femme avec une tendre inquiétude.



– Non! non! n’ayez pas peur. Vous avez sauvé Quindaro, vous avez fait en notre faveur tout ce qui vous était possible. Nous saurons vous prouver notre reconnaissance.



Les deux femmes attendirent en silence l’issue des événements: on n’entendait dans la grotte que le bruit de leur respiration oppressée et les sanglots du petit Harry oublié par Wontum dans la précipitation de sa fuite.



CHAPITRE XII. DÉNOUEMENT

Le corps expéditionnaire commandé par Marshall et guidé par Oakley avait dévoré l’espace avec une ardeur incroyable, si bien qu’il était arrivé à Devil’s Gate avant la petite troupe de Wontum.



On savait déjà par des rapports d’éclaireurs que les deux tiers, au moins, de la tribu Pawnie étaient partis en campagne contre les Sioux, dont le quartier-général était au confluent de Pole-Creek et de la rivière Platte. Tout portait donc à présumer que les Indiens restants n’oseraient accepter le combat, et feraient la paix ou prendraient la fuite.



– Oakley! demanda Marshall, lorsqu’ils arrivèrent en vue des cavernes, ne pensez-vous pas que Nemona cherchera à éviter la bataille lorsqu’il aura vu quelle est l’importance de nos forces?



– C’est tout juste mon opinion; et même cette guerre n’aurait pas eu lieu sans la maudite influence de cet exécrable Wontum. Je vous le dis, cap’taine, cet être-là est le type de ce qu’il y a de pire entre toutes les tribus de la Nébraska. C’est lui assurément qui a allumé la guerre avec les Sioux; il ne serait pas assez puni s’il pouvait être tué à chaque combat engagé par sa méchanceté.



– Croyez-vous que ce soit Wontum qui ait tué votre pauvre femme?



– Certainement! Quel être sur terre aurait pu vouloir du mal et en faire à la bonne créature? Ah! cap’taine, c’était la meilleure et la plus douce des femmes. Une excellente et pieuse femme, toujours prête à me consoler. Je vous le dis; sa perte fait dans mon cœur un vide, un gouffre énorme, que rien ne pourra combler.



– Je comprends votre douleur, mon brave Oakley, répondit tristement Marshall.



– Vous me comprenez, vous! c’est possible, car vous avez du cœur, et vous connaissez l’adversité maintenant. Hélas! je ne pourrai jamais dire l’impression mortelle que j’ai éprouvée en voyant, inanimée sur le sol, la froide dépouille de celle qui pendant vingt années avait été ma fidèle et bien-aimée compagne. Seigneur! j’ai cru que mon cœur allait s’élancer hors de ma poitrine et mon sang faire éclater mes veines! Mais, ce mécréant! qu’aura-t-il fait de ma pauvre Molly?



– N’ont-ils pas pour habitude d’emmener en captivité les prisonniers qui ne sont pas tués?



– Pas toujours. Lorsqu’ils sont en pays ennemi, c’est leur coutume; mais je ne leur connais aucune raison pour agir ainsi. Tout le voisinage de Medicine Bow a vécu dans une paix profonde pendant plusieurs années; jamais nous n’avons offensé les Pawnies en aucune manière.



– Wontum s’est probablement douté que vous seriez avec moi.



– C’est fort possible. En tout cas, je ne me repens pas de ce que j’ai fait; j’ai agi suivant mon devoir, et je l’accomplirai jusqu’au bout, tant que j’aurai des jambes capables de me porter. Au fait, il me reste une tâche à remplir: il faut que je tue ce Wontum!



– Vous n’êtes pas le seul qui ayiez droit à la vie de ce scélérat.



– Êtes-vous sûr d’être au même rang que moi pour cela, cap’taine? Pensez donc qu’il n’a tué ni votre femme, ni votre enfant.



– Je l’espère ainsi, murmura Marshall avec un profond soupir.



– Et moi, j’en suis sûr: ce n’était pas dans ses idées.



– Je pense bien aussi qu’il épargnera la vie de sa prisonnière et de l’enfant aussi longtemps que possible. Mais supposez que nous donnions l’assaut, et que la victoire se déclare en notre faveur, n’est-il pas à craindre que Wontum la tue plutôt que de la voir remise entre mes mains?



– Je ne crois pas. Il cherchera surtout à assurer son salut par la fuite.



– C’est égal, il peut fort bien massacrer ses victimes avant de fuir.



– Non. S’il ne leur fait aucun mal, il sera tué, tout simplement. S’il les tue, il sera torturé! Il sait bien le sort qui l’attend; il sait bien qu’on le poursuivra sur toute la surface de la terre.



– N’est-il pas étrange que nous n’ayons pas revu Quindaro?



– Oui, c’est extraordinaire. J’ai grandement peur qu’il ait été fait prisonnier au moment où ma malheureuse femme a été tuée. S’il en est ainsi, Wontum ne l’aura pas laissé vivre deux heures seulement; la pauvre petite Molly en aura eu le cœur brisé. Quel est votre plan d’attaque cap’taine?



– Je ne puis dire grand’chose jusqu’à ce que j’aie pris connaissance de la position des Indiens. Toutefois, je projette de tourner Independence Rock avec une partie de nos forces pendant que l’artillerie attaquera de front. Je placerai, en outre, des hommes sur les flancs pour arrêter les Indiens dans leur fuite. Enfin, vous le concevez, tout dépendra des circonstances, des manœuvres et du nombre des ennemis.



– Fort bien. Nous sommes arrivés aux cavernes. Attention! çà va commencer.



Oakley parlait encore lorsque la détonation d’une carabine retentit; un soldat fut blessé: tout indiquait que les ennemis se tenaient sur leurs gardes.



Les pièces d’artillerie furent aussitôt mises en batterie et la canonnade commença.



L’obscurité du soir commençant à arriver, le feu se ralentit sensiblement et ne continua qu’à rares intervalles. C’était, du reste, plutôt une ruse pour occuper l’attention des Indiens qu’une attaque sérieuse; en effet, dès que le crépuscule fut sombre et avant le lever de la lune, cinquante hommes, sous le commandement d’un lieutenant, commencèrent à tourner la montagne en se dirigeant vers les sommets du défilé. Comme cette ascension devait avoir lieu par un sentier rude et escarpé, il avait été calculé qu’elle ne pourrait être accomplie que bien avant dans la nuit. Oakley fut joint comme guide à ce détachement.



L’artillerie était restée dans le bas, avec le nombre d’hommes strictement nécessaires pour le service des pièces. Les Indiens avaient une telle frayeur de ces «gros rifles,» que jamais ils ne se hasardaient à les approcher: un renfort pour les protéger devenait donc inutile.



Une autre portion des troupes mit pied à terre et laissa ses chevaux derrière un banc de rochers, sous la garde d’un piquet de cavaliers. Cinquante hommes se portèrent sur le flanc gauche: Marshall, avec cent hommes d’élite, gagna le flanc droit pour revenir au centre des cavernes.



Il était convenu que toutes les attaques commenceraient au point du jour.



Pendant la nuit on aperçut le bûcher allumé pour brûler Quindaro. Deux ou trois fois Marshall, guidé par cette lueur sinistre, fut sur le point de faire lancer dans cette direction des volées de mitraille; mais il n’en fit rien tant il craignait d’atteindre les prisonnières.



L’aurore parut enfin: les hommes de Marshall se tenaient prêts à agir cachés derrière les rochers. A ce moment un d’entre eux eut la malheureuse idée de tirer le coup de feu qui blessa le vieux chef Nemona. Sans cette fatale imprudence, le combat n’aurait peut-être pas eu lieu, et beaucoup de sang aurait été épargné.



Enfin l’assaut commença avec furie. Un instant, Marshall aperçut à l’entrée des cavernes sa femme et son petit Harry. A cette vue son cœur bondit comme s’il eût cherché à s’élancer hors de sa poitrine. Il reconnut successivement Mary Oakley, le Vieil Ermite. Tous ces malheureux étaient en position très-périlleuse, grandement exposés au feu des assaillants.



Marshall se sentit soulagé d’un poids énorme lorsqu’il vit le père John faire rentrer les captives sous la grotte; il commanda le feu avec une nouvelle énergie.



Les soldats avaient aussi reconnu l’Héroïne du fort Laramie; un élan furieux s’empara d’eux à cette vue, ils se ruèrent en avant avec des clameurs formidables qui firent frissonner les plus profonds échos de cette solitude inhospitalière.



– En avant! amis! en avant!



Les balles sifflent, les rocs sont ébranlés, le torrent humain s’élève, se précipite, inonde les rampes escarpées. Des corps d’Indiens tombent du haut des roches sanglantes; des braves tombent aussi dans les rangs de la troupe assiégeante. Mais rien n’arrête ceux qui survivent; l’artillerie tonne, les coups de feu éclatent, le sang ruisselle!



– En avant! soldats! en avant!



Tout à coup Marshall domine d’une voix éperdue le fracas de la bataille:



– Cessez le feu!



Le motif de cet ordre est facile à comprendre: à cet instant apparaissent Wontum et Manonie sur le seuil de la caverne. Chaque balle lancée pouvait atteindre la jeune femme. Il y eut un moment d’affreux silence; on s’attendait à la voir massacrer sur place.



Marshall bondit en voyant Wontum la placer sur un cheval et s’enfuir du côté de la vallée.



– Vite! s’écria-t-il, le chemin est rocailleux, nous le devancerons sans peine. Pas de fu