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Contes et légendes. 1re Partie

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Le domestique partit. Quelques minutes après il était de retour sans la dame.

"Où est la dame?" dit le baron. "Pourquoi n'est-elle pas venue?"

"Mon maître," dit le domestique, "la dame a dit: 'Si le baron Kerver a vraiment envie que j'accepte son invitation, dites-lui de venir me chercher.'"

Le baron dit: "Cette dame a raison!"

Il fit venir son cheval, et il alla chercher Finette lui-même, et l'escorta au château avec autant de cérémonie que si elle avait été une princesse. Quand Finette arriva au château, le baron lui donna la place d'honneur. Tout le monde la regarda avec admiration. Tout le monde excepté Yvon, qui n'avait d'yeux et d'oreilles que pour la belle dame aux cheveux d'or.

Finette regarda tristement Yvon. Enfin elle prit le troisième et dernier boulet d'or, et dit tout bas: "Boulet, sauvez-moi." Un instant après elle avait une belle coupe d'or à la main.

Elle remplit cette coupe de vin, la donna au domestique, et dit: "Portez cette coupe à votre jeune maître, et dites-lui que la dame qui demeure dans la petite maison qui brille là entre les arbres, lui donne cette coupe et le prie de boire à sa santé."

Le domestique fit la commission. Yvon prit la coupe. Il regarda dans la coupe, qui était une coupe magique, et vit comme dans un miroir les différentes scènes de sa vie chez le géant, et son évasion avec Finette.

"Finette, ma chère Finette, où êtes-vous?" cria-t-il. "Que fait cette femme à côté de moi? Pourquoi est elle à la place de ma chère Finette?" Il leva les yeux, vit Finette, se précipita dans ses bras, l'embrassa mille fois, et lui demanda mille fois pardon. Finette lui pardonna de bon cœur, et le lendemain ils allèrent à l'église ensemble.

Le trait ne se cassa pas, le fond de la voiture ne tomba pas, la voiture avança rapidement, sans encombre. Ils arrivèrent à l'église à l'heure, ils furent mariés et ils furent toujours heureux, car la belle dame aux cheveux d'or, qui était la sorcière, la tante du géant, avait disparu, et ne revint plus jamais en Bretagne.

LE RENARD ET LE LOUP. 17

Il y avait une fois un homme et une femme. L'homme était âgé, et la femme aussi. Un jour l'homme alla à la mer pour pêcher. L'homme prit beaucoup de poissons. Il prit de grands poissons, de petits poissons, et des poissons de grandeur moyenne. Il prit tant de poissons qu'il était impossible de les porter tous, et il les mit dans un char pour les porter à la maison.

En route l'homme vit un renard couché au milieu de la route. L'homme descendit de son char. Il toucha le renard. Le renard ne bougea pas. "Oh!" dit l'homme "Le renard est mort. Voilà un beau cadeau pour ma femme!" Il prit le renard. Il jeta le renard dans le char avec le poisson, et remontant dans le char, il continua son chemin (route).

Mais le renard n'était pas mort comme le pauvre homme l'avait supposé. Il jeta tous les poissons du char, l'un après l'autre et quand il eut jeté tous les poissons à terre, il descendit aussi.

Arrivé à la maison, l'homme dit à la femme:

"Ma femme, regardez le beau cadeau que je vous ai apporté."

"Où est ce cadeau?" demanda la femme.

"Là, dans le char, sur le poisson."

La bonne femme regarda, et dit: "Mon mari, il n'y a ni poissons, ni cadeau dans le char."

L'homme tourna la tête, et vit que les poissons et le renard avaient disparu, et naturellement il était bien désappointé, car il avait pensé obtenir beaucoup d'argent pour son poisson.

Le renard, qui avait pris tout le poisson, était très occupé à manger le poisson quand un loup arriva.

"Bonjour, mon frère," dit le loup.

"Bonjour," dit le renard.

"Donnez-moi des poissons," dit le loup.

"Allez en pêcher," répondit le renard.

"Mais je ne sais pas pêcher!" dit le loup.

"C'est très facile," dit le renard. "Allez sur la glace, près d'un trou, plongez votre queue dans l'eau, et dites: 'Venez, venez, petits et gros poissons,' et dans quelques minutes tous les poissons viendront se pendre à votre queue."

Le loup, enchanté, alla à la rivière. Il alla sur la glace; il trouva un trou; il plongea sa queue dans l'eau, et dit: "Venez, venez, petits et gros poissons." Le renard arriva alors, et dit tout doucement: "Que le ciel soit clair, clair, clair; que la queue du loup gèle, gèle, gèle!"

"Que dites-vous, mon ami?" demanda le loup.

"Je vous aide," dit le renard, et il partit quelques minutes après.

Le loup resta là toute la nuit, enfin il voulut partir. Impossible. La queue était prise dans la glace. Le loup pensa: "Oh, j'ai pris tant de poissons qu'il est impossible de les tirer tous hors de l'eau."

Les femmes du village arrivèrent au trou pour chercher de l'eau. Quand elles virent le loup, elles se mirent à crier aussi fort que possible:

"Au loup! Au loup! Tuez-le, tuez-le."

Tous les hommes arrivèrent avec de grands bâtons. Les hommes frappèrent le pauvre loup, qui arracha sa queue du trou et partit en toute hâte en hurlant de douleur.

Pendant que les hommes et les femmes étaient occupés à battre le pauvre loup, le renard était entré dans les maisons, et il avait mangé beaucoup de bonnes choses. Enfin le renard mit la tête dans un seau de pâte, se barbouilla bien, et alla à la rencontre du loup.

Le loup dit: "Méchant renard, regardez ma pauvre queue!"

"Oh!" dit le renard en gémissant, "regardez ma pauvre tête!"

"Oh!" dit le loup. "Les méchantes gens vous ont battu aussi, mon pauvre petit frère. Vous êtes plus malade que moi, montez sur mon dos, je vous porterai à la maison."

Le renard monta sur le dos du loup, et chanta gaiement:

 
"Celui qui a été battu
Porte celui qui n'a pas été battu."
 

Mais le loup était trop stupide pour comprendre, et il pensa seulement: "Mon petit frère est très courageux. Il a la tête malade, et il chante gaiement. Moi, qui ai seulement la queue malade, je ne chante pas, oh non, je ne chante pas."

LA MAUVAISE FEMME. 18

Il y avait une fois une mauvaise femme. Elle était si mauvaise qu'elle se querellait avec tout le monde. Elle se querellait surtout avec son mari, et jamais elle ne faisait ce qu'il lui disait. Quand le mari disait: "Ma femme, levez-vous, s'il-vous-plaît, pour faire le déjeuner," elle restait trois jours au lit. S'il disait: "Ma femme, couchez-vous tôt ce soir," elle restait debout toute la nuit.

Un jour l'homme dit à sa femme: "J'aime beaucoup les crêpes; faites-moi des crêpes!"

La femme dit: "Non, misérable; vous ne méritez pas de crêpes!"

Alors l'homme dit: "Très-bien, si je ne mérite pas de crêpes, n'en faites pas." La femme courut à la cuisine et fit beaucoup de crêpes. Elle força son mari à manger toutes les crêpes, et il eut une attaque d'indigestion.

Fatigué de se quereller avec cette méchante femme, le pauvre homme alla un jour dans les bois chercher des fraises. Il arriva enfin au milieu de la forêt, et s'assit sous un arbre. En regardant autour de lui il aperçut un trou. Il alla au trou, regarda dedans (dans le trou) et vit qu'il était sans fond. Il dit: "Ma femme est si mauvaise, et si désagréable, que j'aimerais qu'elle fût dans ce trou-là."

Il retourna à la maison et dit: "Ma femme, n'allez pas à la forêt cueillir des fraises."

La femme se prépara immédiatement à aller dans la forêt, et l'homme dit: "Eh bien, ma femme, si vous allez dans la forêt, n'allez pas vous asseoir sous un grand arbre au centre de la forêt."

La femme répondit: "Mon mari, j'irai à la forêt, et j'irai m'asseoir sous le grand arbre au centre de la forêt."

"Eh bien, ma femme, allez si vous voulez, mais ne regardez pas dans le trou."

La femme dit: "J'irai dans la forêt, et je regarderai dans le trou!" La femme partit. Son mari la suivit. Elle arriva au centre de la forêt, elle s'approcha du trou. Le mari arriva aussi, et poussa sa femme, qui tomba dans le trou sans fond.

Alors le mari retourna à la maison. Il passa trois jours sans sa femme. Quand le quatrième jour arriva, il retourna à la forêt, s'approcha du trou, et il regarda dedans. Il avait apporté une longue corde. Il attacha un bout de cette corde à un arbre, et laissa tomber l'autre bout dans le trou. Après quelques minutes il retira la corde, et à sa grande surprise il trouva un démon attaché à la corde. Le pauvre homme avait peur. Il trembla, et il aurait rejeté le démon dans le trou si le pauvre démon n'avait pas dit:

"Mon cher homme, je suis bien aise (content) de sortir de mon trou. Une méchante femme est arrivée, et elle est si désagréable que je préfère rester sur terre. Venez avec moi, et vous aurez une grande fortune. J'irai dans toutes les villes et dans tous les villages, et je tourmenterai tant toutes les femmes qu'elles seront dangereusement malades. Alors vous arriverez avec une médecine qui les guérira."

Le démon alla le premier, et toutes les femmes et toutes les jeunes filles tombèrent malades. Alors le paysan arriva avec sa médecine, et il guérit toutes les malades. Naturellement tout le monde payait cher cette médecine, et le paysan fit une grande fortune en très peu de temps.

 

Le démon dit un jour au paysan: "Maintenant, paysan, je tourmenterai la fille du roi; elle sera malade, très malade, mais je vous défends de la guérir."

La fille du roi tomba malade. Le roi envoya chercher le médecin, et dit: "Guérissez ma fille, ou vous périrez." Le démon dit: "Ne guérissez pas la fille du roi, ou vous périrez." Le pauvre paysan se trouvait naturellement très embarrassé. Il pensa longtemps, puis il alla trouver tous les domestiques du roi, et dit: "Allez dans la rue, et criez aussi fort que possible: 'La méchante femme est arrivée! la méchante femme est arrivée!'"

Alors le paysan entra dans la maison du roi. Le démon, qui était dans la maison, dit: "Misérable, pourquoi arrivez-vous ici?"

Le paysan répondit: "Mon pauvre démon, la méchante femme est arrivée."

"Impossible!" dit le démon. Mais à cet instant-là tous les domestiques du roi commencèrent à crier: "La méchante femme est arrivée! la méchante femme est arrivée!"

Le démon dit au paysan: "Oh! mon ami, j'ai peur de la méchante femme. Dites-moi où me cacher." Le paysan dit: "Retournez dans votre trou. La méchante femme n'y retournera sûrement pas."

Le démon partit bien vite, et il se précipita dans le trou, où, hélas, il retrouva la méchante femme.

Le paysan guérit la fille du roi et reçut une grande récompense pour ses services.

BABA-IAGA. 19

Un homme avait perdu sa femme; il était donc veuf, et il était très triste. Il avait une fille. Un jour il dit à sa fille: "Mon enfant, je suis triste, je vais me remarier." En effet il prit une seconde femme, mais elle n'était pas bonne du tout. Elle était très cruelle, et elle battait toujours la pauvre fille quand le père était sorti. Un jour la méchante femme dit à la pauvre fille:

"Ma fille, allez vite chez votre tante, ma sœur, et dites-lui de vous prêter une aiguille et du fil, car je veux vous faire une robe."

La jeune fille partit, mais elle alla d'abord visiter sa vraie tante; car elle avait peur de la sœur de sa belle-mère, qui s'appelait Baba-Iaga, et qui était une sorcière renommée.

La vraie tante lui donna toutes les instructions nécessaires, et alors elle alla chez la sorcière Baba-Iaga. La sorcière était dans sa chaumière (petite maison); elle était très occupée à filer.

"Bonjour, ma tante," dit la jeune fille. "Ma belle-mère m'a envoyée pour vous prier de lui prêter une aiguille et du fil pour me faire une robe."

"Très-bien," dit Baba-Iaga, "asseyez-vous là, et filez un instant."

La jeune fille s'assit à la place de Baba-Iaga, et commença à filer. La sorcière alla dans la cuisine, et dit à sa servante: "Allez vite chauffer un bain, et lavez bien cette jeune fille, car j'ai l'intention de la manger à dîner."

La jeune fille entendit cet ordre cruel. Elle courut à la servante, et lui dit: "Ma bonne amie, voici un joli mouchoir pour vous, si vous allumez le feu et si vous versez l'eau dessus (sur le feu)."

Quelques minutes plus tard la sorcière arriva à la fenêtre, et cria: "Ma chère enfant, filez-vous?"

"Mais oui, ma tante, je file," dit la jeune fille.

La sorcière partit. La jeune fille donna un morceau de lard au chat, et dit: "Voulez-vous me dire comment on peut sortir d'ici?"

"Oui," dit le chat. "Voilà un peigne et une serviette; prenez-les, et sauvez-vous vite. La sorcière vous poursuivra, et quand elle sera près de vous, jetez la serviette; elle deviendra un large fleuve (rivière). Si la sorcière passe et s'approche de vous, jetez le peigne; il deviendra un bois si vaste et si épais qu'elle ne pourra pas le traverser."

La jeune fille prit le peigne et la serviette, et partit. Les chiens de la sorcière voulurent l'arrêter. Elle leur jeta un morceau de pain, et ils la laissèrent aller. Les portes voulurent aussi arrêter la jeune fille; elle les graissa avec un peu de beurre qu'elle avait apporté, et les portes s'ouvrirent et la laissèrent passer. Le chat prit sa place, et quand la sorcière cria: "Ma chère enfant, filez-vous?" le chat répondit: "Mais oui, ma chère tante, je file."

Mais bientôt la sorcière arriva. Elle vit que le chat filait, et que la jeune fille s'était sauvée. La sorcière battit le chat, et dit: "Pourquoi n'avez-vous pas crevé les yeux de la jeune fille?"

"Oh," dit le chat, "je suis à votre service depuis longtemps, et vous ne m'avez jamais rien donné. La jeune fille m'a donné du lard!"

La sorcière dit à la servante: "Pourquoi avez-vous versé de l'eau sur le feu? Pourquoi avez-vous permis à la jeune fille de se sauver?"

"Oh," dit la servante, "la jeune fille est bonne; elle m'a donné un mouchoir; vous ne m'avez jamais rien donné."

La sorcière dit aux portes: "Pourquoi avez-vous permis à la jeune fille de se sauver?"

Les portes répondirent: "La jeune fille est bonne; elle nous a graissées avec du beurre. Nous avons crié depuis des années, et vous ne nous avez jamais rien donné."

La sorcière dit aux chiens: "Pourquoi avez-vous permis à la jeune fille de se sauver?"

Les chiens répondirent: "La jeune fille est bonne; elle nous a donné du pain. Vous ne nous avez jamais rien donné."

Alors Baba-Iaga, la sorcière, partit en toute hâte pour chercher la jeune fille; mais la jeune fille mit l'oreille à terre et entendit venir la sorcière. Elle jeta la serviette derrière elle, et à l'instant une large rivière commença à couler.

Quand la sorcière arriva à la rivière, elle était furieuse. Elle retourna à la maison, conduisit ses bœufs à la rivière, et dit: "Mes bœufs, buvez l'eau, toute l'eau de la rivière afin que je puisse traverser."

Quand les bœufs eurent bu toute l'eau de la rivière, la sorcière continua la poursuite. Mais quand la jeune fille l'entendit venir, elle jeta le peigne derrière elle, et à l'instant une forêt épaisse se trouva entre elle et la sorcière. La sorcière arriva. Elle vit la forêt. Elle était furieuse, mais elle ne pouvait pas la traverser.

La jeune fille arriva à la maison, et son père lui demanda:

"Où avez-vous été, ma fille?"

"Mon père, ma belle-mère m'a envoyée chez la sorcière Baba-Iaga chercher une aiguille et du fil pour me faire une robe, et Baba-Iaga voulait me manger!"

"Ma pauvre fille," dit l'homme, "comment avez-vous fait pour vous sauver?"

La jeune fille raconta toute l'histoire à l'homme, qui entra dans une grande colère et renvoya sa femme. Quand la méchante femme fut partie, il fut très heureux avec sa fille, qui devint une excellente ménagère.

La jeune fille n'oublia cependant jamais ce que sa vraie tante lui avait dit, et quand elle fut mère elle répéta bien souvent à ses enfants, en leur racontant l'histoire de ses aventures chez Baba-Iaga:

"Mes chers enfants, soyez toujours bons envers tous, et tout le monde sera bon envers vous. Si la sorcière avait bien traité sa servante, son chat, ses portes et ses chiens, je ne serais certainement pas ici, car elle m'aurait mangée pour son dîner."

LES NEZ. 20

Il y avait autrefois, près de Prague, un vieux fermier, très original, qui avait une fille extrêmement belle. Les nombreux étudiants de l'université de Prague faisaient souvent de longues promenades à la campagne, et ils passaient souvent devant la maison, espérant voir la jeune fille, qui s'appelait Marie, et faire un peu de conversation avec elle.

Le fermier étant fort riche, plus d'un de ces étudiants aurait bien aimé être son gendre. Afin de trouver moyen de faire la cour à la jolie Marie, les étudiants se déguisèrent en domestiques, et vinrent offrir leurs services comme garçons de ferme.

Le vieux propriétaire, qui était très rusé, s'aperçut bientôt de cette manœuvre, et il déclara qu'il n'accepterait aucun domestique pour moins d'une année, et jura que le garçon serait forcé de rester à son service jusqu'au moment où le coucou chanterait au printemps.

Il ajouta qu'il se réservait aussi le droit de couper le nez des mécontents, en disant qu'on pourrait lui couper le sien, s'il lui arrivait de se mettre en colère. Malgré ces conditions bizarres, plusieurs jeunes gens entrèrent au service du fermier, mais ils perdirent tous le nez, vu que le fermier s'amusait à les faire enrager, et dès qu'ils se montraient mécontents, il les renvoyait après leur avoir amputé le bout du nez.

Un jeune étudiant, nommé Coranda, arriva enfin à la ferme bien résolu d'épouser la fille du fermier. Celui-ci lui dit qu'il serait obligé de travailler jusqu'au moment où le coucou chanterait, mais que s'il lui arrivait une seule fois de se fâcher il perdrait le nez.

Coranda consentit à cet arrangement, et commença son service. Le fermier s'amusa à le tourmenter de toutes les façons possibles. A table il ne le servit ni au dîner ni au souper. Cependant il ne manqua pas de lui demander plusieurs fois s'il était parfaitement content.

Coranda répondit chaque fois avec une bonne humeur que rien ne pouvait ébranler, et après souper voyant qu'il mourrait de faim s'il ne se servait pas lui-même, il prit le plus beau jambon qui se trouvait dans le garde-manger et une grosse miche de pain et se régala bien.

La fermière s'étant aperçue du vol, alla se plaindre à son mari. Il pâlit de colère, et demanda à Coranda comment il avait osé se servir lui-même.

Coranda répondit naïvement que n'ayant rien mangé de toute la journée il avait grand'faim, et ajouta: "Mais si vous n'êtes pas content, mon maître, vous n'avez qu'à le dire, et je partirai dès que je vous aurai amputé le bout du nez."

Le fermier, qui n'avait aucune envie de subir cette petite opération, déclara avec emphase, qu'il était parfaitement content, mais après cela il n'oublia plus jamais de servir le garçon de ferme à table.

Quand vint le dimanche, le fermier annonça à Coranda qu'il comptait aller à l'église avec sa femme et sa fille, et lui recommanda de faire la soupe pendant leur absence. "Voilà la viande, les carottes, les oignons, et la marmite, et vous trouverez du persil dans le jardin."

Coranda promit de faire la soupe, et de ne pas oublier le persil, et le maître partit tout joyeux. Le garçon de ferme commença ses préparatifs culinaires, mit la viande et les légumes dans la marmite, puis il alla au jardin pour cueillir du persil. Là, il trouva un petit chien, le favori du fermier, et comme cette petite bête s'appelait Persil, il la tua et la jeta dans le pot-au-feu.

Au retour de la ville, le fermier se mit à table, et goûta la soupe. Elle avait bien mauvais goût, et il fit la grimace. Il n'osa cependant pas se plaindre, de peur de perdre le nez, et appela le petit chien pour la lui faire manger.

Bien entendu le chien n'arriva pas, et quand le maître alla à sa recherche, il trouva la peau toute ensanglantée de son pauvre favori. "Misérable," dit-il à Coranda, "qu'avez-vous donc fait?"

"Moi," dit Coranda, "je vous ai tout bonnement obéi. Vous m'avez dit de mettre du Persil dans la soupe et je l'ai fait; mais si vous n'êtes pas content, vous n'avez qu'à le dire, je vous couperai le bout du nez, et je partirai tout de suite."

"Mais non, mais non," dit le fermier, "je ne suis pas mécontent," et il s'en alla en soupirant.

Le lendemain le fermier alla au marché avec sa femme et sa fille, et avant de partir il dit à Coranda:

"Restez ici, et faites seulement ce que vous verrez faire aux autres."

Coranda, resté seul, regarda autour de lui et vit que les autres ouvriers avaient placé une échelle contre une vieille grange afin de grimper sur le toit pour le démolir. Il courut donc chercher une échelle qu'il appuya contre la maison, et il se mit à démolir le toit neuf avec tant d'ardeur, que le fermier trouva sa maison exposée à tous les vents à son retour.

Ce spectacle le mit en colère, mais quand Coranda lui dit qu'il lui couperait le nez s'il n'était pas content, il sourit avec contrainte et déclara qu'il se trouvait parfaitement satisfait.

 

Le fermier, pressé de se débarrasser d'un serviteur si incommode, consulta sa fille pour savoir comment il pourrait le renvoyer sans perdre le nez.

"Allez vous promener avec lui dans le grand pré derrière la maison," dit la jeune fille. "Je me cacherai dans les branches du pommier, et je ferai 'coucou, coucou.' Vous lui direz alors que vous l'avez engagé seulement jusqu'au printemps, et qu'il peut s'en aller puisque le coucou a chanté."

Le fermier, charmé de cette bonne idée, alla se promener avec Coranda, et dès qu'il entendit chanter le coucou il lui donna son congé.

"Très-bien, mon maître," répondit Coranda, "mais comme je n'ai jamais vu de coucou il faut que je voie celui-là." En disant ces mots il courut au pommier et le secoua si vigoureusement que la jeune fille tomba à terre comme une pomme mûre.

Le fermier arriva en courant, car il croyait que la chute avait tué sa fille, et s'écria:

"Misérable, partez de suite, si vous ne voulez pas que je vous tue!"

"Partir," reprit Coranda, naïvement, "pourquoi partir? N'êtes-vous pas content?"

"Non," hurla le fermier en colère. "Je ne suis pas content et …"

"Alors permettez-moi de vous couper le bout du nez …"

"Non, non," dit le fermier, en détresse, "je veux garder mon nez, coûte que coûte. Laissez-le-moi, et je vous donnerai dix moutons!"

"Ce n'est pas assez!" dit Coranda.

"Dix vaches alors."

"Non! je préfère vous couper le nez!" La jeune fille lui demanda alors à quel prix il consentirait à pardonner à son père, et quand il dit qu'il le ferait seulement à condition de l'obtenir pour femme, elle lui donna la main en rougissant. Coranda invita tous les étudiants à ses noces, qui furent magnifiques, et il se montra si bon gendre et si bon mari que le fermier ne regretta jamais de l'avoir reçu dans la famille plutôt que de perdre son nez.

Quant à la fille du fermier, elle aima beaucoup son mari, fut une bonne femme et éleva ses enfants bien sagement. Quand ils n'étaient pas contents, elle leur proposait en riant, de leur couper le bout du nez, une proposition qu'ils n'acceptèrent jamais, je vous assure.

17A Russian fable.
18A Russian folktale.
19One of the folktales so popular among Russian peasants. All the witches are known as Baba-Iaga in Russia.
20This is one of the Hungarian-Slavonian stories. Different versions have been given by Slavonic writers. Wratislaw gives a translation of it in his "Sixty Folk Tales," and Laboulaye has given his version of it in his "Fairy Book."