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Le meuneu' de loups

 
«Cent agneaux vous aurez,
Courant dedans la brande13;
Belle, avec moi venez,
Cent agneaux vous aurez.
 
 
– Les agneaux qu'ous avez
Ont la gueule trop grande;
Sans moi vous garderez
Les agneaux qu'ous avez.»
 
Recueilli par Maurice SAND.
 
«Paunay, Saunay, Rosnay, Villiers
Quatre paroisses de sorciers.»
 

C'est là un dicton du pays de Brenne, et les historiens du Berry désignent cette région marécageuse comme le pays privilégié des meneux de loups et jeteux de sorts.

La croyance aux meneux de loups est répandue dans toute la France. C'est le dernier vestige de la légende si longtemps accréditée des lycanthropes. En Berry, où déjà les contes que l'on fait à nos petits enfants ne sont plus aussi merveilleux ni aussi terribles que ceux que nous faisaient nos grand'mères, je ne me souviens pas que l'on m'ait jamais parlé des hommes-loups de l'antiquité et du moyen-âge. Cependant on s'y sert encore du mot de garou qui signifie bien, à lui tout seul, homme-loup; mais on en a perdu le vrai sens. Le loup-garou est un loup ensorcelé, et les meneux de loups ne sont plus les capitaines de ces bandes de sorciers qui se changeaient en loups pour dévorer les enfants; ce sont des hommes savants et mystérieux, de vieux bûcherons ou de malins gardes-chasse, qui possèdent le secret pour charmer, soumettre, apprivoiser et conduire les loups véritables.

Je connais plusieurs personnes qui ont rencontré, aux premières clartés de la lune, au carroi de la Croix-Blanche, le père Soupison, surnommé Démonnet, s'en allant tout seul, à grands pas, et suivi de plus de trente loups.

Une nuit, dans la forêt de Châteauroux, deux hommes, qui me l'ont raconté, virent passer sous bois, une grande bande de loups. Ils en furent très effrayés et montèrent sur un arbre, d'où ils virent ces animaux s'arrêter à la porte de la hutte d'un bûcheron. Ils l'entourèrent en poussant des hurlements effroyables. Le bûcheron sortit, leur parla dans une langue inconnue, se promena au milieu d'eux, après quoi ils se dispersèrent sans lui faire aucun mal.

Ceci est une histoire de paysan. Mais deux personnes riches, ayant reçu de l'éducation, gens de beaucoup de sens et d'habileté dans les affaires, vivant dans le voisinage d'une forêt où elles chassaient fort souvent, m'ont juré, sur l'honneur, avoir vu, étant ensemble, un vieux garde-forestier, de leur connaissance, s'arrêter à un carrefour écarté et faire des gestes bizarres. Ces deux personnes se cachèrent pour l'observer et virent treize loups, dont un énorme alla droit au charmeur et lui fit des caresses; celui-ci siffla les autres, comme on siffle des chiens, et s'enfonça avec eux dans l'épaisseur du bois. Les deux témoins de cette scène étrange n'osèrent l'y suivre et se retirèrent aussi surpris qu'effrayés.

Ceci me fut raconté si sérieusement que je déclare n'avoir pas d'opinion sur le fait. J'ai été élevé aux champs et j'ai cru si longtemps à certaines visions que je n'ai pas eues, mais que j'ai vu subir autour de moi, que, même aujourd'hui, je ne saurais trop dire où la réalité finit et où l'hallucination commence. Je sais qu'il y a des dompteurs d'animaux féroces. Y a-t-il des charmeurs d'animaux sauvages en liberté? Les deux personnes qui m'ont raconté le fait ci-dessus l'ont-elles rêvé simultanément, ou le prétendu sorcier avait-il apprivoisé treize loups pour son plaisir? Ce que je crois fermement, c'est que les deux narrateurs avaient vu identiquement la même chose et qu'ils l'affirmaient avec sincérité.

Dans le Morvan, les ménétriers sont meneux de loups. Ils ne peuvent apprendre la musique qu'en se vouant au diable, et souvent leur maître les bat et leur casse leurs instruments sur le dos, quand ils lui désobéissent. Les loups de ce pays-là sont aussi les sujets de Satan; ce ne sont pas de vrais loups. La tradition de la lycanthropie se serait mieux conservée là que dans le Berry.

Il y a une cinquantaine d'années, les sonneurs de musette et de vielle étaient encore sorciers dans la vallée Noire. Ils ont perdu cette mauvaise réputation; mais on raconte encore l'histoire d'un maître sonneur qui avait tant de talent et menait une conduite si chrétienne, que le curé de sa paroisse le faisait jouer à la grand'messe durant l'élévation. Il jouait des airs d'église, ce qui entrait bien dans l'éducation musicale des ménétriers de ce temps-là, mais ce qui leur était rarement permis par les curés, à cause de leurs pratiques secrètes, qui n'étaient pas, disait-on les plus catholiques du monde.

Le grand Julien, de Saint-Août, avait donc ce privilège d'exception, et «quand il sonnait à la messe, c'était merveille de l'ouïe.», et la paroisse se faisait honneur de lui.

«Une nuit, comme il revenait de jouer, trois jours durant, à une noce de campagne, il rencontra, dans la brande, une musette qui jouait toute seule; d'autres disent que c'était le vent qui en jouait.

Etonné de voir cette musette toute reluisante d'argent, qui venait à lui sans qu'aucune personne la fit aller, il s'arrêta et eut peur. La musette passa à côté de lui, comme si elle ne le voyait pas, et continua de sonner d'une si belle manière que jamais Julien n'avait rien entendu de pareil, et qu'il se sentit, du coup, tout affolé de jalousie.

Voilà donc qu'au lieu de passer, comme un homme raisonnable, il se retourne et suit cette cornemuse pour l'écouter et pour tâcher de retenir l'air qu'elle disait et qu'il était dépité de ne pas savoir.

Il la suivit d'abord d'un peu loin, et puis d'un peu plus près, et puis, enfin, il s'enhardit jusqu'à sauter dessus et la vouloir prendre; car de voir un si beau et si bon instrument sans maître, il y avait de quoi tenter un homme qui faisait son métier de musiquer.

Mais la cornemuse monta en l'air et continua de jouer, sans qu'il pût l'aveindre, et il s'en retourna chez lui en grand souci et même en grand chagrin. Et quand on lui demanda, les jours d'après, pourquoi il paraissait en peine et malade, il répondait: L'air de la nuit sonne mieux que moi; ce n'était pas la peine d'apprendre!

On ne sut point ce qu'il voulait dire, mais on l'entendit étudier une musique nouvelle qui ne ressemblait en rien à celle des autres ni à celle qu'il avait jouée jusque-là; et, la nuit, il s'en allait tout seul, emmy la brande, et revenait au petit jour, bien fatigué, mais jouant de mieux en mieux un air qui paraissait très étrange et que personne ne pouvait comprendre.

Ceci fut rapporté au curé, qui le fit venir et lui dit: Julien, je sais que le diable est enragé de poursuivre et de tenter les gens de ton état; on me dit que tu vas seul, la nuit, dans des endroits où tu n'as pas besoin, et que tu parais tourmenté. Fais attention à toi, Julien; si tu commences mal, tu finiras mal!

C'était un samedi. Le lendemain était grande fête, il y avait grand'messe carillonnée, et Julien promit de jouer comme il avait coutume.

Cependant, le matin, le sacristain vint dire au curé qu'il avait rencontré Julien dans la brande, jouant d'une manière qui n'était pas chrétienne, et menant derrière lui plus de trois cents loups qui s'étaient sauvés à son approche.

Le curé fit encore venir Julien et le questionna. Julien leva les épaules en disant que le sacristain avait bu.

Et comme, de vrai, le sacristain était porté sur la boisson, son dire ne donna pas grand'crainte à M. le Curé, qui commença de dire et chanter la messe.

Quand ce fut à l'élévation, Julien commença aussi de jouer sa chanson d'église; mais, encore qu'il eût peut-être bonne intention de la dire comme il faut, il ne put jamais tomber dans l'air, et ce qu'il joua ne fut autre que la propre chanson du diable que le vent lui avait apprise.

La chose dérangea M. le Curé, qui, par trois fois, avant de consacrer l'hostie, s'agita et frappa du pied pour faire taire cette mauvaise complainte; mais enfin, songeant que Dieu se ferait bien respecter lui-même, il éleva l'hostie et dit les paroles de la consécration.

Au même moment, la musette à Julien se creva dans ses mains, avec un bruit comme si l'âme du diable en fût sortie, et il en reçut un si bon coup dans l'estomac qu'il tomba tout apiâni (tout pâmé) sur le pavé de l'église.

On l'emporta à son logis, où il fit une grosse maladie. Mais il s'en retira par la grâce de Dieu et la parole de M. le Curé, qui le fit renoncer à ses mauvaises pratiques, et à qui il confessa avoir joué pour les loups de la brande. Depuis lors, il joua chrétiennement et laissa les loups se promener tout seuls ou en la compagnie des autres sonneurs damnés.

On dit que ceux-ci lui firent des peines pour avoir vendu le secret, et qu'ils le battirent souvent pour se revenger. Mais il supporta leurs mauvais traitements par esprit de pénitence et fit une bonne fin, enseignant la musique de cornemuse à ses enfants, et les détournant d'en chercher plus long qu'on n'en doit savoir.

Le lupeux

Charli l'entendait souvent quand il revenait de casser les pierres sur la route. – Oui-dà, disait-il à sa femme en rentrant, il me suivait encore, à ce soir, tout le long du buisson, lupant à la lune; mais moi, je lui disais en moi-même: Lupe donc tant que tu voudras, tu ne me feras pas seulement tourner la tête pour te voir.

 
Maurice SAND.

L'auteur de la Normandie merveilleuse, que nous aimons à citer, parle des bêtes revenantes (c'est ainsi qu'on les appelle en Berry) à propos du chien de Monthulé, qui apparaissait aux habitants de la commune de Sainte-Croix-sur-Aizier, ne faisant aucun mal aux hommes, mais ne se laissant jamais approcher ni toucher, et bornant sa malice à tourmenter si fort les jeunes chiens qu'on n'en pouvait élever aucun dans la localité. La légende normande dit que ce chien avait appartenu à un voyageur mystérieux, et qu'il avait été tué par le propriétaire de la ferme de Monthulé. Son maître le cherchant partout, vint à la ferme, où on lui jura que l'animal était venu mourir de sa belle mort. —Si vous ne dites vrai, répondit le voyageur, on le saura bien! Et il disparut.

A partir de ce moment, le chien devint fantôme pour tourmenter ses meurtriers. L'auteur ajoute: «Observez que dans ce conte, une croyance nouvelle se manifeste; une âme est attribuée à l'animal, puisqu'il partage avec l'homme la faculté d'apparaître après sa mort.»

Nous avons constaté la même croyance dans notre province. Une vieille femme de notre village perdit une ouaille, une brebis noire, qu'elle soupçonna un méchant voisin d'avoir fait périr par poison ou maléfice. La pauvre bête écorchée et mise en terre, la bonne femme dormait, lorsqu'elle entendit sa chèvre bêler et se démener dans l'étable, comme si elle était aux prises avec quelque chose d'extraordinaire. Elle se leva et, ouvrant sa porte, elle vit son ouaille noire qui essayait d'entrer dans l'étable où elle avait coutume d'être avec la chèvre. La bonne femme effrayée, rentre chez elle et se barricade; mais la chèvre continue à se tourmenter. La femme prend courage et retourne voir. Cela eut lieu par trois fois. Par trois fois elle vit son ouaille essayant d'entrer, et la chèvre venant jusqu'à la barrière de l'étable pour l'appeler et la caresser. Mais ce n'était qu'une ombre; la vieille femme ne put la saisir, et quand la porte de l'étable fut ouverte, la chèvre sortit, chercha, bêla et rentra, comme si, elle aussi, eût constaté l'illusion qu'elle venait de subir.

J'ai ouï raconter l'histoire d'une pie qui avait appartenu à la Grand'Gothe, une des plus fines sorcières de l'endroit. Cette pie avait appris à parler, et toutes les médisances qu'elle entendait débiter à sa maîtresse, elle les répétait aux passants en manière d'insulte. Si bien que des jeunes gens, lassés d'entendre divulguer leurs petits secrets par cette mauvaise bête, lui tordirent le cou. La Grand'Gothe prédit qu'on s'en repentirait un jour ou l'autre, et mourut elle-même peu de temps après.

Personne ne la regretta, non plus que son vieux frère, le père Grand-Jean, qui n'était pas un mauvais homme, mais qui était si souvent alité qu'on le voyait et ne le connaissait quasiment plus. Les deux vieillards et la pie partirent dans la même quinzaine.

Or, le père Grand-Jean avait rempli jusqu'à sa fin, tant bien que mal, les fonctions de sacristain, qui se bornaient, dans la paroisse supprimée depuis la Révolution, à tenir chez lui les clefs de l'église et à sonner l'Angelus trois fois par jour. Cette pratique n'était nullement obligatoire; mais les habitants ayant l'habitude d'entendre le son de leur cloche, qui était pour eux une sorte d'horloge, eussent trouvé mauvais que le sacristain s'en dispensât. Et, comme il était trop cassé et trop souvent malade pour n'y pas manquer, sa sœur, la Grand'Gothe, qui se conserva ingambe et verte jusqu'à son dernier jour, sonnait l'Angelus à sa place quand il ne pouvait sortir du lit. On prétend qu'elle était si impie que tout en secouant la vieille cloche, elle débitait et faisait même mille ordures dans l'église, où personne n'osait la suivre.

Tant il y a que, dans l'intervalle de quelques semaines qui s'écoula entre la mort du vieux sacristain et la nomination de son successeur, la cloche sonna d'elle-même non plus trois fois par jour, mais tous les soirs après le coucher du soleil, sans qu'on vît personne entrer dans l'église. Seulement, on vit la vieille pie voler dans le clocher, et comme on doutait que ce fût la même qui avait été tuée et jetée sur le fumier par les gars du village, on entendit sa petite voix rauque qui recommençait à raconter tout les secrets d'un chacun et à insulter hommes et femmes, jeunes et vieux, sans respect ni ménagement. Et l'on sut par elle bien des choses qui divertissaient les uns et fâchaient les autres. Le pire, c'est que l'on ne savait comment se débarrasser de cette mauvaise âme de pie, car de faire dire des messes pour elle, il n'y fallait point songer. La chose dura jusqu'à ce que le nouveau sacristain prît possession de l'église, et comme c'était un bon chrétien, priant ferme et sonnant dur, le méchant esprit disparut et la cloche n'obéit plus qu'à celui qui avait le droit de la faire chanter.

Naturellement, le souvenir de cette pie fantastique et médisante réveille en nous celui du lupeux, qu'il ne faudra confondre ni avec le lupin, ni avec le lubin, ni avec les autres variétés du loup-garou. Le lupeux est un démon dont la nature n'a jamais été bien définie et dont l'apparaissance varie suivant les localités. C'est encore au pays de Brenne qu'il fait sa résidence, dans ces interminables plaines semées d'étangs immenses qui ont tous leur légende et où vivent les grands serpents donneurs de fièvres, cousins-germains des cocadrilles que l'on aperçoit quand les eaux sont basses, mais que l'on ne peut détruire qu'en desséchant les marécages où ils résident depuis que le monde est monde.

Un de nos amis, qui parcourait le pays avec un guide, entendit, un soir, dans le crépuscule, une voix presque humaine et très douce qui, d'un ton enjoué ou plutôt goguenard, répétait de place en place, autour de lui: Ah! ah! Il regarda de tous côtés, ne vit rien et dit à son compagnon de route: – Voilà quelqu'un de bien étonné; est-ce à cause de nous?

Le guide ne répondit rien. Ils continuèrent à marcher dans la plaine déserte où les arbres têteaux, c'est-à-dire étêtés et mutilés par l'ébranchage, prenaient sur l'horizon, blanchi à l'approche de la lune, les formes les plus monstrueuses et les plus bizarres. La petite voix claire et douce suivait nos voyageurs, et, à chaque mouvement de surprise que faisait notre ami, répétait ah! ah! d'une manière si moqueuse et si gaie, qu'il ne put s'empêcher de rire en lui répondant: —Hé bien, quoi donc?

– Taisez-vous, pour l'amour de Dieu, lui dit son guide en lui serrant le bras et en se signant avec dévotion; ne lui parlez pas, n'ayez pas l'air de l'entendre. Si vous lui répondez encore une fois, nous sommes perdus!

Notre ami, qui connaît bien les idées du paysan, ne s'obstina pas, et quand ils eurent lassés par leur silence l'invisible persiffleur: – Ah ça, dit-il à son guide, c'est un oiseau de nuit, une espèce de chouette? – Ah bien, oui! répondit l'autre, un bel oiseau! c'est le lupeux! Ça commence par plaisanter avec vous, ça rit, ça vous tire de votre chemin, ça vous emmène et puis ça ce fâche, et ça vous périt dans quelque fondière.

Telle est, en effet, la spécialité du lupeux, démon aussi spirituel que méchant, que l'on a vu quelquefois perché sur un arbre tortu, vu qu'il est lui-même de travers, c'est-à-dire traversieux, c'est-à-dire enfin pervers et amoureux de naissance.

Les gens qui ont eu l'imprudence de le suivre et de l'écouter s'en sont mal trouvés. Il n'est sorte de plaisants contes, de méchants propos, de commérages sanglants ou comiques dont il ne vous régale dès que vous avez été assez curieux pour lui dire jusqu'à trois fois: Quoi donc? ou qu'est-ce qu'il y a? Il commence alors à babiller comme une ageasse (une pie), il vous régale d'aventures étranges et scandaleuses, il promet de vous faire surprendre des rendez-vous galants qui intéressent votre malice naturelle ou votre jalousie conjugale. Une fois dans ses griffes, on ne se lasse pas de l'écouter et de le questionner. Il vous conduit au bord d'une eau trompeuse et vous dit: Regarde! Vous vous penchez vers ce fantastique miroir où vous apparaissent en effet les images qui troublent votre imagination; mais le perfide vous pousse, et quand la mort vous enlace de ses bras glacés, vous entendez le lupeux, perché sur une branche au-dessus de l'eau, dire, de sa jolie scélérate de voix: —Ah! ah! Hé bien, voilà ce que c'est!

Dans le canton de La Châtre, ce ne sont pas seulement les animaux qui reviennent, ce sont encore les meubles. Du temps que le château de Briantes était encore habité, il s'y passait des scènes de l'autre monde. Un certain paysan régisseur qui voulut approfondir ces mystères et qui s'y porta en esprit fort, dut y renoncer. Il y avait, dans la plus haute chambre, une oubliette d'où sortaient, la nuit, des clameurs effroyables, des cris d'animaux, des plaintes humaines et de grandes bouffées de vent qui éteignaient les lumières. C'étaient les âmes des gens et des bêtes qui avaient été massacrés en ce domaine par les huguenots pillards et les reîtres sans merci. Mais il y a plus, les meubles ayant été brisés, jetés par les fenêtres et toutes choses mises à sac, en ce temps de calamités, on entendait aussi des craquements et des fracassements d'objets invisibles qui semblaient rouler sur vous le long des escaliers et menacer de vous écraser.

Le susdit régisseur ayant bravé quelque temps ces prodiges sans en recevoir aucun dommage, s'en croyait quitte; mais un soir qu'il revenait de la foire et entrait en la cuisine du castel pour se reposer et se chauffer, la chaise sur laquelle il voulut s'asseoir se tourna contre lui, les pieds en l'air, et tandis qu'il en cherchait une de meilleure volonté, toutes les chaises et tous les bancs de ladite cuisine, se ruèrent sur lui et lui donnèrent tant de coups qu'il lui fallut céder et fuir; d'autant plus que les broches et couperets se mettaient de la partie et lui donnèrent la chasse jusqu'au milieu de la cour.

D'où l'on dut logiquement conclure que les choses inanimées avaient le droit de se plaindre et de crier à leur manière, comme des âmes en peine, et qu'il ne fallait pas plus se moquer d'elles que des autres revenants.

13La lande.