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Le poëme de Myrza - Hamlet

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A cette vue, les voyageurs se prosternèrent; la femme leur parut si belle qu'ils la prirent pour un ange; et, malgré la résistance de l'époux, ils l'entraînèrent dans la vallée, la firent entrer dans le temple, et, lui élevant un autel, ils l'adorèrent. Ce fut la première idolâtrie.

L'époux espérait que le respect les empêcherait de convoiter cette femme; mais elle, craignant d'offenser le Seigneur, brisa les liens de fleurs dont on l'avait enlacée, et tomba dans les bras de son époux en s'écriant: — Je ne suis point une divinité, mais une esclave de Dieu, une créature périssable et faible, la femme et la soeur de cet homme. Je lui appartiens, parce que Dieu m'a envoyée vers lui; si vous essayez de m'en séparer, je me briserai la tête contre cet autel, et vous me verrez mourir, car je suis mortelle, et mon époux l'est aussi.

A ces mots, les voyageurs éprouvèrent une émotion inconnue, et furent saisis d'une sympathie étrange pour ces deux infortunés; comme ils étaient bons et justes, ils respectèrent la fidélité de la femme. Ils la contemplèrent avec admiration, prirent ses enfants dans leurs bras, et, ravis de leur beauté délicate et de leurs naïves paroles, ils se mirent à les aimer.

Alors le peuple immortel, tombant à genoux, s'écria: — O Dieu, ôte-nous l'immortalité, et donne à chacun de nous une femme comme celle-ci; nous aimerons ses enfants, et nous travaillerons pour notre famille jusqu'à l'heure où tu nous enverras la mort; nous te bénirons tous les jours si tu exauces notre voeu.

La voûte du temple fut enlevée par une main invisible, un escalier ardent, dont chaque marche était une nuance de l'arc-en-ciel, parut se dérouler jusqu'à la terre. Du sommet invisible de cet escalier, on vit descendre des formes vagues et lumineuses, qui peu à peu se dessinèrent en se rapprochant; des choeurs de femmes plus belles que toutes les fleurs de la terre et toutes les étoiles des cieux remplirent le sanctuaire en chantant; un ange était venu s'abattre sur le dernier degré, et à chaque femme qui le franchissait, il appelait un homme qu'il choisissait selon les desseins de Dieu, et mettait la main de l'époux dans la sienne.

Quelques hommes, cependant, voulurent conserver leur immortalité. Mais l'amour de la femme était si enivrant et si précieux, qu'ils ne purent résister au désir de le goûter, et qu'ils essayèrent de séduire les femmes de leurs frères. Mais ils moururent de mort violente; Dieu les châtia, afin que le premier crime commis sur la terre n'eût point d'imitateurs.

Pendant longtemps, malgré les souffrances de cette race éphémère, l'âge d'or régna parmi les hommes, et la fidélité fut observée entre les époux.

Mais peu à peu le principe divin et immortel qui avait animé les premiers hommes s'affaiblissant de génération en génération, l'adultère, la haine, la jalousie, la violence, le meurtre et tous les maux de la race présente se répandirent dans l'humanité; Dieu fut obligé de voiler sa face et de rappeler à lui ses anges. La Providence devint de plus en plus mystérieuse et muette, la terre moins féconde, l'homme plus débile, et sa conscience plus voilée et plus incertaine. Les sociétés inventèrent, pour se maintenir, des lois qui hâtèrent leur chute; la vertu devint difficile et se réfugia dans quelques âmes choisies. Mais Dieu infligea pour châtiment éternel à cette race perverse le besoin d'aimer. A mesure que les lois plus absurdes ou plus cruelles multipliaient l'adultère, l'instinct de mutuelle fidélité devenait de jour en jour plus impérieux: aujourd'hui encore il fait le tourment et le regret des coeurs les plus corrompus. Les courtisanes se retirent au désert pour pleurer l'amour qu'elles n'ont plus droit d'attendre de l'homme, et la demandent à Dieu. Les libertins se désolent dans la débauche et appellent avec des sanglots furieux une femme chaste et fidèle qu'ils ne peuvent trouver. L'homme a oublié son immortalité; il s'est consolé de ne plus être l'égal des anges, mais il ne se consolera jamais d'avoir perdu l'amour, l'amour qui avait amené la mort par la main, et si beau qu'il avait obtenu grâce pour la laideur de cette soeur terrible: il ne sera guéri qu'en le retrouvant. Car, écoutez les Juifs: ils disent que la femme a apporté en dot le péché et la mort, mais ils disent aussi qu'au dernier jour elle écrasera la tête du serpent, qui est le génie du mal...

Comme Myrza achevait les derniers versets de son poëme, des prophètes austères, qui l'avaient entendue, dirent au peuple assemblé autour d'elle: — Lapidez cette femme impie; elle insulte à la vraie religion et à toutes les religions, en confondant sous la forme allégorique les dogmes et les principes de toutes les genèses. Elle joue sur les cordes de son luth avec les choses les plus saintes, et la poésie qu'elle chante est un poison subtil qui égare les hommes. Ramassez des pierres et lapidez cette femme de mauvaise vie, qui ose venir ici prêcher les vertus qu'elle a foulées aux pieds; lapidez-la, car ses lèvres souillées profanent les noms de divinité et de chasteté.

Mais le peuple refusa de lapider Myrza. — La vertu, répondit un vieux prêtre d'Esculape, est comme la science: elle est toujours belle, utile et sainte, quelle que soit la bouche qui l'annonce, et nous tirons des plantes les plus humbles que chaque jour le passant foule sur les chemins un baume précieux pour les blessures. Laissez partir cette sibylle; elle vient souvent ici, nous la connaissons et nous l'aimons. Ses fictions nous plaisent, à nous, vieux adorateurs des puissants dieux de l'Olympe, et les jeunes partisans des religions nouvelles y trouvent un fonds de saine morale et de douce philosophie. Nous l'écoutons en souriant, et nos femmes lui font d'innocents présents de jeunes agneaux et de robes de laine sans tache. Qu'elle parle et qu'elle revienne, nous ne la maudissons point; et si ses voies sont mauvaises, que Minerve les redresse et l'accompagne.

-Mais nous parlons au nom de la vertu, reprirent les prophètes; nous avons fait serment de ne jamais connaître un embrassement féminin...

-Hier, interrompit une femme, d'autres prophètes nous engageaient, au nom de je sais quel nouveau dieu, à nous abandonner à notre appétit; et la veille, d'autres nous disaient d'être esclaves d'un seul maître: les uns fixent la chasteté d'une femme au nombre de sept maris, les autres veulent qu'elle n'en ait point, nous ne savons plus à qui entendre. Mais ce que dit cette Myrza nous plaît: elle nous amuse et ne nous enseigne point. Que ses fautes soient oubliées, et qu'elle soit vêtue d'une robe de pourpre, pour être conduite au temple du Destin, qui est le dieu des dieux.

Et comme les disciples des prophètes furieux s'acharnaient à la maudire, et ramassaient de la boue et des pierres, le peuple prit parti pour elle, et voulut la porter en triomphe. Mais elle se dégagea, et, montant sur le dromadaire qui l'avait amenée, elle dit à ce peuple en le quittant: — Laissez-moi partir, et si ces hommes vous disent quelque chose de bon, écoutez-le, et recueillez-le de quelque part qu'il vienne. Pour moi, je vous ai dit ma foi, c'est l'amour. Et voyez pourtant que je suis seule, que j'arrive seule, et que je pars seule... Alors Myrza répandit beaucoup de larmes, puis elle ajouta: — Comprenez-vous mes pleurs, et savez-vous où je vais?

Et elle s'en alla par la route qui mène au désert de Thébaïde. GEORGE SAND.

HAMLET

O Hamlet, dis-nous le secret de ta douleur immense, et pourquoi nous nous sentons vibrer autour de toi, comme autant d'échos de ta plainte mystérieuse? Est-ce seulement qu'on a assassiné ton père, et que tu ne te sens pas la force de le venger? C'est là une destinée tragique, mais exceptionnelle et bizarre, qui se peint seulement à notre imagination et qui ne remuerait guère nos coeurs, s'il n'y avait pas en toi autre chose qu'un souvenir, une vision et un serment. Hamlet le danois1, que nous importe à nous, hommes d'aujourd'hui, le crime d'une reine, le meurtre d'un roi, et la colère d'un prince dépossédé? Nous avons vu bien d'autres drames de sang que ce drame imaginaire où ton prestige nous entraîne. Quel mystère de poignante sympathie le poëte qui t'a donné l'être, a-t-il donc enfermé dans ton sein et comme attaché à ton nom?

Création sublime, n'est-ce donc pas que tu résumes en toi toutes les souffrances d'une âme pure jetée au milieu de la corruption et condamnée à lutter contre le mal qui l'étreint et la brise? Il n'y a pas d'autre fatalité dans ta vie, Hamlet, et ton délire n'a pas d'autre cause. Jeune, tendre et confiant, l'âme ouverte à l'amour et à l'amitié, la découverte du crime commis dans ta maison vient bouleverser toutes tes affections, toutes tes croyances. Tu pleurais un mort chéri, et tu t'étonnais de le pleurer seul. Un vague soupçon planait à peine sur ton esprit: tout à coup ce soupçon devient certitude; une vision déchirante, un songe peut-être, t'a éclairé, et dès lors, frappé de vertige, tu sens ta raison ébranlée, et ta vie n'est plus qu'un accès de délire amer et sombre.

Car tu es fou, Hamlet, et tu ne mens pas quand tu dis:

His madness is poor Hamlet's ennemy

On ne se joue pas impunément avec la folie, et, d'ailleurs, le choix de ton rôle de fou atteste que tu es dominé par la préoccupation, l'angoisse et la terreur de la démence. Tu ne feins pas à la manière de Brutus, car tu n'es pas l'austère Brutus. Amoureux et poëte, rêveur tendre et studieux écolier, tu n'as rien de cette nature implacable et patiente du conspirateur. Pauvre Hamlet, ton âme est trop fière et trop aimante pour supporter la douleur et couver la vengeance. Te voilà forcé de haïr les hommes, toi qui naquis pour les aimer, et dès ce premier choc te voilà brisé sans retour. C'est l'horreur du crime, le mépris du mensonge et l'effroi du mal, qui mettent tous les éléments de ton être en guerre les uns contre les autres. Oh! qui ne te plaindrait d'être ainsi détourné de tes voies et lancé sur une pente fatale!

 

L'harmonie de tes facultés est bien amèrement troublée, ô victime de l'iniquité! Aux heures où tu philosophes sur la vie et sur la mort, sur le mystère de la tombe et la peur de l'inconnu, tu sembles avoir retrouvé toutes les lumières de ton intelligence: mais c'est à ces heures-là même que nous devinons le mieux ton désastre, ce désastre moral dont tu ne peux plus mesurer l'étendue, et qui se voile en vain sous de brillantes et solennelles paroles. Plus que jamais divisé contre toi-même, peut-on dire que, dans ces moments de rêverie où ton âme quitte la terre, tu t'appartiennes réellement? Non, car alors le souvenir de tes maux et de tes excès est comme effacé de ta mémoire affaiblie, et la moitié de ton âme est paralysée. Lorsque tu te demandes ce que c'est qu'être ou n'être pas, mourir ou dormir... ou rêver!.. tu ne vois pas Ophélia agenouillée près de toi; et lorsque tu songes au destin d'Alexandre et au néant de la gloire, en soulevant le crâne d'Yorick, tu ne te souviens pas du meurtre que tu as commis, et de ton amante que tu as rendue folle. Tu n'as même pas songé à t'enquérir de son sort; tu ne te doutes pas que c'est sa fosse que tu regardes creuser. Il est donc des heures où ton pauvre coeur est mort, et alors ton intelligence se perd dans des abstractions où tu n'as pas la notion distincte de ton propre malheur. Est-ce un état de raison que celui où le cerveau fonctionne dans l'oubli absolu des déchirements du coeur? L'homme n'est-il pas décomplété quand il ne peut plus penser et sentir que séparément et tour à tour?

11 This is I. Hamlet the dane!..