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Le péché de Monsieur Antoine, Tome 2

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«Ne me répondez pas, mes enfants! je sais vos pensées, je connais vos cœurs. Vous avez été mis à la plus rude de toutes les épreuves, celle de renoncer à être unis, ou d'abjurer vos croyances; vous en êtes sortis triomphants; je me repose à jamais sur vous, et je vous laisse maîtres de l'avenir. Vous avez l'intention d'entrer dans la pratique, Émile, je vous en donne les instruments; mais ce n'est pas à dire que vous en ayez encore les moyens.

«Il vous faut la science sociale, et c'est le résultat d'un long travail auquel vous vous appliquerez avec l'aide des forces que votre siècle, qui n'est pas le mien, développera plus ou moins vite, plus ou moins heureusement, selon la volonté de Dieu. Ce n'est peut-être pas vous, mes enfants, ce seront peut-être vos enfants qui verront mûrir mes projets; mais, en vous léguant ma richesse, je vous lègue mon âme et ma foi. Vous la léguerez à d'autres, si vous traversez une phase de l'humanité qui ne vous permette pas de fonder utilement. Mais Émile m'a dit un mot qui m'a frappé. Un jour que je lui demandais ce qu'il ferait d'une propriété comme la mienne, il m'a répondu: «J'essayerais!» Qu'il essaye donc, et qu'après avoir bien réfléchi, et bien étudié la réalité, lui qui a toujours rêvé le salut de la nature humaine dans l'organisation et le développement de la science agricole, il trouve les moyens de transition qui empêchent la chaîne du passé à l'avenir d'être déplorablement brisée.

«Je me fie à son intelligence, parce qu'elle a sa source dans le cœur. Que Dieu te donne le génie, Émile, et qu'il le donne aux hommes de ton temps! car le génie d'un seul n'est presque rien. Moi, je n'ai plus qu'à m'endormir doucement dans ma tombe. S'il m'est accordé de vivre encore quelques jours entre vous deux, j'aurai commencé à vivre seulement la veille de ma mort. Mais je n'aurai pas vécu en vain, tout paresseux, découragé et inutile que j'ai été, si j'ai découvert l'homme qui pouvait et devait agir à ma place.

«Gardez-moi jusqu'après votre mariage, et même jusqu'après l'éducation nouvelle et complète qu'Émile doit s'imposer, le secret de ma croyance et de nos projets. J'aspire à vous voir libres et forts, pour mourir tranquille.

«Et, après tout, mes enfants, quelque parti que vous sachiez prendre, quelque faute que vous commettiez, ou quel que soit le succès qui couronne vos efforts, je vous avoue qu'il m'est impossible d'être inquiet pour l'avenir du monde. En vain l'orage passera sur les générations qui naissent ou vont naître; en vain l'erreur et le mensonge travailleront pour perpétuer le désordre affreux que certains esprits appellent aujourd'hui, par dérision, apparemment, l'ordre social; en vain l'iniquité combattra dans le monde: la vérité éternelle aura son jour ici-bas. Et si mon ombre peut revenir, dans quelques siècles, visiter ce vaste héritage et se glisser sous les arbres antiques que ma main a plantés, elle y verra des hommes libres, heureux, égaux, unis, c'est-à-dire justes et sages! Ces ombrages où j'ai promené tant d'ennuis et de douleurs, où j'ai fui avec épouvante la présence des hommes d'aujourd'hui, abriteront alors, ainsi que les voûtes d'un temple sublime, une nombreuse famille prosternée pour prier et bénir l'auteur de la nature et le père des hommes! Ceci sera le jardin de la commune, c'est-à-dire aussi son gynécée, sa salle de fête et de banquet, son théâtre et son église: car, ne me parlez pas des étroits espaces où la pierre et le ciment parquent les hommes et la pensée: ne me parlez pas de vos riches colonnades et de vos parvis superbes, en comparaison de cette architecture naturelle dont le Créateur suprême fait les frais! J'ai mis dans les arbres et dans les fleurs, dans les ruisseaux, dans les rochers et dans les prairies toute la poésie de mes pensées. N'ôtez pas au vieux planteur son illusion, si c'en est une! Il en est encore à cet adage que Dieu est dans tout, et que la nature est son temple!»

FIN DU PÉCHÉ DE M. ANTOINE