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Correspondance, 1812-1876. Tome 4

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CCCXCVIII

A MADAME ARNOULD-PLESSY, A PARIS

Nohant, 21 novembre 1855.



Ma belle mignonne,



J'ai été, et je suis encore toute malade; mais il ne faut pas le dire parce que ça m'attirerait trente lettres d'amis effrayés plus qu'il ne faut. Ce n'était qu'un rhume; mais les rhumes ont chez moi un

caractère

 nerveux, d'un bien méchant caractère. Ils m'étouffent littéralement. Enfin, ça va un peu mieux; mais j'ai été retardée. La pièce était finie

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L'Irrésolu,

 joué au Gymnase, sous le titre de

Françoise

.



, et dans la main du copiste; je l'ai arrêtée pour la retoucher. De corrections en corrections, j'ai gagné quelque chose de mieux, et le copiste (Émile) se relance de nouveau dans l'écriture moulée! C'est de cette nuit seulement que mon esprit se repose de cette méditation, ralentie sinon obstruée par le rhume, et je vous écris tout de suite avant d'aller me coucher. Ma lettre va vous trouver, j'espère, au milieu d'un nouveau succès; je ne me rappelle déjà plus de qui est cette

Joconde

. Est-ce celle de Léonard de Vinci? Vous êtes tout au moins aussi belle, et je suis sûre que l'on vous adore sous cet aspect comme sous tous les autres.



Je pense aller à Paris avec mon gros pataud de manuscrit à la fin du mois. C'est assez tôt, n'est-ce pas? Si c'est trop tôt pour que je serve à quelque chose, vous me le direz et je vous enverrai la pièce, si besoin est. Faut-il que j'écrive à M. Doucet pour lui dire où j'en suis? Compte-t-il sur moi? Est-ce dans ses mains qu'après vous avoir communiqué mon oeuvre, ainsi qu'à madame Allan (car, avant tout, il faut que vous me guidiez dans la distribution), je dois déposer le manuscrit?



M'ayez-vous trouvé un lecteur? car, pour moi, je n'en connais pas.



Régnier a un assez bon rôle dans ladite pièce: consentirait-il à lire? Je le lui demanderai; il me semble qu'il doit bien lire, mais je n'en sais rien.



Ne vous attendez pas à un rôle brillant, ma mignonne. C'est bon et tendre, c'est sincère, ça pleure et ça rit comme vous quand vous ne jouez pas. Mais j'ai peur que ce ne soit de l'eau claire pour ceux qui aiment le champagne.



La pièce est longue; votre rôle ne l'est, pas, bien qu'il soit l'âme et le motif de la pièce. Je ne sais pas si Bressant aimera le sien, c'est un rôle développé, mais

qui reçoit la leçon

, et lui, habitué à toujours plaire, à toujours vaincre, il se trouvera peut-être trop sacrifié à la moralité de la chose. L'autre monsieur de la pièce sera plus aimé du public; peut-être voudra-t-il faire celui-là; mais il n'y sera pas aussi bien dans ses qualités que dans l'autre, qui, en somme, est le premier

de la chose

. Madame Allan sera, je crois, contente, puisqu'elle veut être bête, cette chère femme. C'est elle qui sera le montant et la gaieté de la pièce. Provost n'a pas un long rôle, mais je le crois pas mal dessiné; en voudra-t-il? Enfin, j'aurai besoin de deux autres comiques moins conditionnés, mais assez délicats à choisir pour ne rien compromettre.



A présent, la pièce vaut-elle quelque chose ou rien du tout? Je ne sais pas, vous me le direz; car, à force d'y regarder, je n'y vois plus goutte. La recevra-t-on? ça n'est pas sûr: on a peut-être dit non d'avance.



Ah! j'oubliais: mademoiselle Dubois a du talent, n'est-ce pas? son rôle est des plus importants. J'ai reçu la prime. Je vous remercie d'avoir été un si joli homme d'affaires. Et, sur ce, ma belle et bonne enfant, je vous embrasse et je vous aime. Aimez-moi aussi comme une bonne fille à moi, que vous êtes.



GEORGE SAND.



CCCXCIX

A M. ALEXANDRE DUMAS FILS, A PARIS

Nohant, 26 novembre 1855.



Mon cher enfant, je suis bien contente de recevoir de vos nouvelles. Je ne demande qu'à vous être agréable, et j'ai déjà destiné un de mes rôles à mademoiselle Dubois, que vous m'avez recommandée l'année dernière. Je ne connais pas M. Bâche

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  Bâche le comédien.



, je ne l'ai jamais vu. Si vous ne l'avez pas recommandé par complaisance et si vous vous intéressez véritablement à lui, vous voilà forcé de me répondre; car je vous demande: Est-il grand, petit, gros, jeune, vieux, gai, sérieux? Ferait-il, par exemple, un grand seigneur louche de regard et de caractère, ou un valet fripon? Aurait-il la prétention d'un grand rôle ou en accepterait-il un petit? Enfin a-t-il vraiment de la composition et de l'originalité?



Vous me faites compliment de

Favilla

; moi, je ne vous ai pas vu depuis

le Demi-Monde;

 vous n'étiez pas à Paris, je crois, quand j'ai vu la pièce. C'est un chef-d'oeuvre d'habileté, d'esprit et d'observation. C'est bien un progrès comme science du théâtre et de la vie, et pourtant j'aimais mieux Diane et Marguerite, parce que j'aime les pièces où je pleure. J'aime le drame plus que la comédie, et, comme une bonne femme, je veux me passionner pour un des personnages. Je regrettais que la jeune fille du

Demi-Monde

 fût si peu développée après avoir été si bien posée, et que cette scélérate, si vraie, d'ailleurs et si bien jouée, fût le personnage absorbant de la pièce. Je sais bien qu'après avoir fait la Dame aux Camélias intéressante, vous deviez faire le revers de la médaille. L'art veut ces études impartiales et ces contrastes qui sont dans la vie. Aussi ce n'est pas une critique que je fais. Je vous tiens toujours pour le premier des auteurs dramatiques dans le genre nouveau, dans la manière d'aujourd'hui, comme votre père est le premier dans le genre d'hier. Moi, je suis du genre d'avant-hier ou d'après-demain, je ne sais pas et peu importe. Je m'amuse à ce que je fais; mais je m'amuse encore mieux à ce que vous faites, et vos pièces sont pour moi des événements de coeur et d'esprit. Me ferez-vous pleurer la prochaine fois? Si vous êtes dans cette veine-là, je vous promets de ne, pas m'en priver. Pourquoi est-ce que je ne vous vois pas quand je vais à Paris? C'est que vous n'avez pas le temps de me savoir là, et que, moi, je n'ai pas le temps de savoir si vous y êtes. C'est ici que vous devriez venir me voir, à Nohant. Vous auriez le temps d'y travailler et nous aurions les heures de récréation pour causer. Prenez donc ce parti-là un de ces jours, si vous m'aimez un peu, moi qui vous aime tant. Je vous envoie aussi les amitiés de Maurice, et je vous prie de dire mes tendresses à votre père. Pourquoi ne voit-on rien de lui? on aurait besoin de cela. Le drame héroïque n'a fini que parce que les maîtres l'ont quitté. Si vous me répondez et que vous ayez des nouvelles

fraîches

 de Montigny, donnez-m'en. Et ce pauvre Villars, nous l'avons tué en ne lui donnant pas les premiers rôles. Mais est-ce notre faute?



GEORGE SAND.



CD

A M. PAUL DE SAINT-VICTOR, A PARIS

Paris, 9 janvier 1856.



M. de Girardin me dit que je ne serai pas refusée. Donc, je m'enhardis, monsieur, à vous demander de venir dîner, avec lui et madame Arnould, chez moi, vendredi prochain, à six heures. Quand je dis chez moi, c'est une métaphore: je n'ai pas de chez moi à Paris; mais, pourvu qu'on dîne ensemble, vous me pardonnerez de vous traiter en artiste. C'est un prétexte pour moi, je vous prie de le croire, et je vous prie de vouloir bien en être dupe, et de me dire

oui

.



GEORGE SAND.



De chez M. de Girardin.



CDI

AU MÊME

Paris,



Je viens de remercier Théophile Gautier de son bon article, et je vous remercie aussi du vôtre, cher monsieur

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  Sur

Françoise

.



. Je passe par-dessus un scrupule de conscience qui m'a toujours empêchée de remercier la

critique.

 Mais, comme vous comprenez d'où venait ce scrupule, vous comprendrez également pourquoi il disparaît vis-à-vis de vous.



Il y a une sotte fierté dont on est accusé par ceux qui n'en ont pas d'autre; il y en a une vraie sur laquelle ne se méprennent pas les caractères élevés. C'est pourquoi je vous dis avec confiance que je me sens encouragée par votre sympathie et que j'en suis reconnaissante.



Si la répétition générale de

Comme il vous plaira

 vous inspire un peu d'intérêt, je serai reconnaissante aussi de vous y voir venir;



Bien à vous,



GEORGE SAND.



CDII

A MADAME AUGUSTINE DE BERTHOLDI, A BRINON-LES-ALLEMANDS, PAR CLAMECY

Paris, 13 avril 1856.



Chère fille, c'est moi qui te trouve oublieuse! sans Eugénie, je n'aurais eu qu'une fois de tes nouvelles depuis ton retour à Brinon. Ce n'est pas parce que je ne te réponds pas (tu sais trop la vie que je mène ici) que tu fais bien de me laisser apprendre par les autres comment tu te portes. Tu n'as que trop de temps pour écrire, tu écris à tout le monde, tu fais même des mariages, et, moi, tu me plantes là. C'est donc toi, petite fille, qui es grondée, pour t'apprendre à me grogner comme tu fais.



Quant au mariage en question, je crois qu'il est très bien assorti et qu'il sera heureux. Je l'ai appris avec grand plaisir, et je m'en réjouis pour les deux familles.

 



Je ne sais si tu as revu les Girerd depuis leur voyage ici; ils t'auraient dit, bécasse, que je ne t'oubliais pas et que nous avions énormément parlé de toi.



Je t'écris ce soir en revenant du Théâtre-Français. On vient déjouer mon

Comme il vous plaira

, tiré et imité de Shakspeare.



La pièce a été médiocrement jouée par la plupart des acteurs. Les décors et les costumes splendides, le public très hostile, composé de tous les ennemis de la maison et du dehors. Néanmoins, le succès s'est imposé sans que personne ait pu marquer sa malveillance, et Shakspeare a triomphé plus que je n'y comptais. Moi, j'ai trouvé le public bête et froid; mais tout le monde dit qu'il a été très chaud pour un public de première représentation à ce théâtre, et tous mes amis sont enchantés.



Françoise

 va très bien et le succès augmente tous les jours.



Bonsoir, chère fille; il est tard et je vais dormir, me reposer enfin de trois pièces que j'ai fait jouer depuis quatre mois.



Je t'embrasse tendrement, ainsi que Bertholdi et Georget; je pars pour Nohant a la fin de la semaine prochaine. Écris-moi là.



CDIII

A MADAME ARNOULD-PLESSY, A PARIS

Nohant, 1er mai 1856.



Chère mignonne,



Donnez-moi de vos nouvelles. Ne me laissez pas ignorer ce que devient ma grande fille. Je sais bien qu'elle joue souvent et que, par conséquent, elle n'est pas malade; mais cela ne me dit pas si le coeur est mélancolique ou joyeux. Pourtant ce ne sont pas des questions que je vous adresse. Je sais comme les questions sont indélicates, quand elles ne sont pas bêtes. Je veux seulement que vous sachiez que, sans curiosité d'esprit, j'ai l'inquiétude du coeur, et que, sans savoir le remède à vos accès de spleen, je voudrais pouvoir le trouver.



Mais il n'y en a pas de radical en ce monde: nous sommes tous tristes ou soucieux plus ou moins.



J'ai retrouvé ici avec délices la campagne, l'air, les conditions tranquilles et logiques pour l'artiste, et l'amour de l'art plus que jamais, malgré les luttes, les fatigues, les mécomptes dans le passé et dans l'avenir. Tout cela, je crois, est bon et nous pousse en avant; mais ce que j'ai retrouvé aussi, c'est la présence de cette enfant qui, ici, ne me semble jamais possible à oublier. Dans cette maison, dans ce jardin, je ne peux pas me persuader qu'elle ne va pas revenir un de ces jours. Je la vois partout, et cette illusion-la ramène des déchirements continuels. Dieu est bon quand même: il l'a reprise pour son bonheur, à elle, et nous nous reverrons tous un peu plus tôt, un peu plus tard.



On m'écrit que vous êtes toujours belle et ravissante dans Célia

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  De

Comme il vous plaira

.



, je ne suis pas en peine de cela.



Soyez heureuse, d'ailleurs, autant qu'on peut l'être quand on est comme vous dans le

corps d'élite.

 On y reçoit-plus de blessures que dans les autres régiments; mais, quand un bonheur arrive, on le sent mieux, parce qu'on le comprend mieux que le vulgaire.



Bonsoir, chère fille; dites toutes mes tendresses à qui de droit, et puis au criocère Ciceri

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  Cicéri, le peintre décorateur.



 et au bon Charles-Edmond et à Croquignolet

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  Mathieu Plessy, frère de madame Arnould Plessy.



 quand vous le verrez. Viendrez-vous à Nohant cette année? Tachez, et aimez-nous. Je vous embrasse tendrement.



Votre

second

 amoureux, puisque Cicéri est le premier dans les vétérans, vous baise humblement les sandales.



Emile est à Paris, et je lui ai dit d'aller, non pas vous embrasser de ma part, ça ne vous flatterait pas, mais savoir de vos nouvelles et tâcher de vous voir, ne fût-ce qu'une minute, pour me parler de vous. Bonsoir, chère; écrivez quelques lignes.



CDIV

A M. CHARLES PONCY, A TOULON

Nohant, 23 juillet 1856.



Cher enfant,



Je suis à Nohant, je me porte bien, tout le monde aussi, excepte ma fille, qui n'est guère vaillante. Elle a été très malade à Paris et elle est venue se guérir ici. J'espère que ce sera bientôt fait: pourtant, si ce n'était pas fini à l'automne, je l'emmènerais voyager. Où? Je n'ose plus vous dire que ce serait de votre côté, bien que ce soit toujours là que ma pensée se reporte; mais je vous ai tant manqué de parole, ou, pour mieux dire, j'ai tant manqué à mes espérances, que je ne veux plus fixer de but à mes courses.



Celle que je méditais l'hiver dernier s'est résolue en quelques jours d'avril dans la forêt de Fontainebleau, une des plus belles choses du monde, il est vrai, mais si près de Paris, qu'on n'appelle même pas cela une promenade. J'aspire pourtant toujours à l'

absence.

 L'absence pour moi, c'est le petit coin où je me reposerais de toute affaire, de tout souci, de toute relation, ennuyeuse, de tout tracas domestique, de toute responsabilité de ma propre existence. C'est ce que j'avais trouvé, l'autre année, à Frascati pendant trois semaines, et à la Spezzia pendant huit jours. C'est là ce que je demande au bon Dieu de retrouver pendant six mois quelque part, sous un ciel doux et dans une nature pittoresque; rêve bien modeste, mais qui passe devant moi dix ans de suite sans se laisser attraper.



Cependant, il ne faudra pas venir nous voir ici à l'improviste; car, si les jours de liberté se présentaient, je les prendrais aux cheveux et il serait fâcheux de nous croiser sur les chemins. Avertissez-moi toujours un peu d'avance. Je suis-contente de vous savoir utilement occupé et en possession d'un si beau brin de fille que votre Solangette. Il me tarde de la voir et de l'embrasser, ainsi que sa mère.



J'attends tous les travaux que vous m'annoncez, et je vous félicite du bon courage qui vous soutient. Ici, l'on se soutient aussi, chacun dans son travail, même ma pauvre patraque de Solange, qui s'est mis en tête de faire des vers, et qui arrivera peut-être à en faire d'assez jolis.



Je vous envoie, de sa part et de celle de tous, une masse d'amitiés et de poignées de main. J'y joins mes tendres et maternelles bénédictions.



CDV

A M. CHAULES DUVERNET, A LA CHATRE

Nohant, novembre 1856.



L'empreinte n'est pas assez nette ou le cachet est trop usé pour qu'il soit possible de le décrire avec certitude. Voici ce que je crois y voir:



Deux écussons d'argent accolés, sous une couronne de comte.



Écusson dextre:



D'argent au lion léopardé (c'est-à-dire qui marche), soutenant un écussonnet où paraît un agneau passant (c'est-à-dire marchant) sur une

plaine

 ou champagne. Cet écusson est d'enquerre, c'est-à-dire métal sur métal, ce qui est peu usité. La champagne est un meuble rare en armoiries. La position de l'écussonnet et sa forme sont aussi très insolites. Ces armes pourraient bien être de fantaisie.



L'écusson senestre (gauche) rentre dans les choses connues et logiques.



Chevron de gueules (c'est-à-dire de pourpre) sur champ d'argent, accompagné de trois rosés tigées et feuillées, et surmonté en chef d'un meuble qui paraît être un soleil, dit soleil de midi, parce qu'il est en haut et au milieu de l'écu.



La couronne de comte ne signifie rien. Il paraît qu'au XVIIIe siècle, tout le monde se la lâchait; car mon grand-père Dupin, qui n'avait aucun titre, se la payait aussi sur ses trois coquilles d'argent en champ d'azur.—Mais le chevron est une marque de très ancienne noblesse. Il fait partie de ce que l'on appelle, en blason, les

pièces honorables

. Il désigne soit un étrier, soit une barrière de tournoi; on n'est pas d'accord sur ce point important, mais il est indice de chevalerie.



Si ce que j'appelle l'écussonnet de l'écusson dextre était un gros besant, ce qui est possible, ce serait un souvenir des croisades. Les besants (corruption de bysantins) étaient des pièces de monnaie de Constantinople. On les voit bien souvent dans les armoiries, mais beaucoup plus petits que ton écussonnet. Si cet écussonnet était un besant; il faudrait dire: besant brochant sur le tout, et agneau passant sur le tout dû tout.



J'espère que voilà une érudition et une science! ça ne coûte pas cher et ça s'oublie, Dieu merci, aussi vite que ça s'apprend.



Mille tendresses et embrassades à Eugénie. A Bientôt.



CDVI

A M. ERNEST PÉRIGOIS, A LA CHÂTRE

Nohant, 20 décembre 1856.



Cher enfant, merci pour ce précieux manuscrit qui ne me donnera pourtant pas le courage d'écrire l'histoire du Berry. Il faut être riche pour faire de pareils livres; car ils ne se vendent pas et, par conséquent, les éditeurs ne les achètent pas. Il faut les publier à ses frais et ne pas les voir couverts; car je connais trop le Berrichon pour l'accuser de vouloir jamais encourager un ouvrage de ce genre, surtout venant de moi. Donc, je n'ai pas le moyen d'y penser. Mais je ferai quelque roman sur un moment quelconque de ce passé qui a son intérêt.



Je n'ai pas encore eu cinq minutes pour lire la musique recommandée; demain ou après-demain, j'espère être moins dérangée.



C'est bien beau, le parc de Sainte-Sévère! Il y a un coin de rochers et de vieux pans de murs couverts de lierre, tombant dans un ravin avec une véritable majesté. C'est triste, c'est un site d'hiver; allez-y avec Angèle quand il fera un rayon de soleil.



A vous de coeur, mes chers enfants.



GEORGE SAND.



CDVII

A M. ADOLPHE JOANNE, A PARIS

Nohant, 29 février 1857.



Je n'ai fait que dire la vérité et vous m'en remerciez. Mais c'est à moi de vous remercier du bon secours que m'a apporté votre Guide, dans ma dernière pérégrination. Vous me promettez de venir à Nohant: vous voyez qu'en toute chose, je reste votre obligée. Ne vous attendez pourtant pas à trouver une

belle résidence

. C'est la chose la plus humble, au contraire, que ma retraite; mais vous y serez reçu de bon coeur et cela vaut mieux que tout.



J'ai votre

Allemagne du Nord

 et je ne compte guère sur mon étourdi de fils pour prendre, chez Hachette, l'

Allemagne du Sud

. Vous seriez bien aimable de me la faire envoyer avec un exemplaire de l'

Italie

; car celui que vous m'avez remis est incomplet et en plusieurs endroits illisible. L'ouvrage n'avait pas encore paru, je partais, vous avez eu la bonté de courir pour me le rapporter tel quel. Ces ouvrages bien faits sont précieux, non seulement pour voyager, mais aussi pour consulter à toute heure, et vous faites là un travail des plus utiles et des plus intéressants dont, pour ma part, je vous sais le plus grand gré. Si, pour le Berry, la Creuse et le Bourbonnais, je peux vous renseigner et vous piloter, je serai bien contente de vous apporter mon grain de sable. Tout à vous de coeur.



GEORGE SAND.



Vos

Histoires de l'art

 sont admirablement bien faites; voilà une chose qui manquait! ne craignez pas d'étendre, un peu, quand vous y êtes, la partie géologique, minéralogique, botanique, etc. Cela intéresse même ceux qui ne sont pas savants, et leur apprend à observer.



CDVIII

A M. CALAMATTA, A BRUXELLES

Nohant, 6 avril 1857.



Tu ne sais pas ce que tu dis avec ton Colisée, ta forme, ton grand peuple et ton cri de vengeance que l'on doit crier sur les toits. Je te passe ton goût d'artiste, c'est ton droit, et je ne dispute pas avec ceux qui ont leur puissance (une véritable puissance) dans leur point de vue. Je serais bien fâchée de les ébranler, si je le pouvais, et, comme je ne le peux pas, mes notions et mes instincts, à moi, sont le droit de ma thèse, sans aucun danger ni dommage pour ceux qui sont forts avec la thèse contraire.



Des coups de bâton, je veux bien t'en donner; mais tu es un affreux blagueur qui ne viens jamais les chercher.



Quant à ce que je devais dire sur les martyrs de la cause, je l'ai dit; mais cela doit rester dans le tiroir jusqu'à nouvel ordre. Tu crois donc que l'on est libre de dire quelque chose? Je te trouve beau, toi avec tes mains dans tes poches, sur le pavé de Bruxelles! J'ai essayé, au dernier chapitre du roman

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La Daniella

.



, de faire pressentir quelque chose de ma pensée; mais il n'est pas dit encore que cela passe.

 



Trois lignes sur Lamennais ont été c