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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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LETTRE CCCXCI

A M. MURRAY

Ravenne, 12 octobre 1820.

«Par terre et par mer une quantité considérable de livres est arrivée, et je vous en ai obligation et reconnaissance; mais

 
Medio de fonte leporum
Surgit amari aliquid, etc.66
 

Ce qui, par interprétation, veut dire:

»Je suis reconnaissant de vos livres, mon cher Murray, mais pourquoi ne m'envoyez-vous pas le Monastère de Scott, le seul livre d'auteur vivant en quatre volumes que je voudrais voir au prix d'un baioccolo, plus les autres ouvrages du même auteur, et quelques Revues d'Édimbourg et Quarterly Review, comme chroniques concises des tems. Au lieu de cela, voici la ***, poésie de Johnny Keats, et trois romans, par Dieu sait qui, excepté que l'un d'eux porte le nom de Peg***, – fille que je croyais avoir été renvoyée à sa quenouille. Crayon est fort bon; les Nouvelles de Hogg sont dures, mais de haut-goût, et bien venues.

Note 66: (retour) Vers d'Horace:

Du sein des jouissances il s'élève quelque chose d'amer. (Note du Trad.)

»Les livres de voyage coûtent cher, et je n'en ai pas besoin, ayant déjà voyagé moi-même; d'ailleurs ils mentent. Remerciez l'auteur (masculin ou féminin) du Profligate67 pour son présent. Ne m'envoyez plus, je vous prie, en fait de poésie, que ce qui est rare et décidément bon. Il y a sur mes bureaux une telle friperie de Keats et autres semblables, que j'ai honte d'y jeter les regards. Je ne dis rien contre vos révérends ecclésiastiques, votre S**s et votre C**s, – c'est fort beau, mais dispensez-moi, je vous prie, du plaisir. Au lieu de poésie, si vous voulez me favoriser d'un peu de soda-powder, je serai enchanté; mais toute espèce de prose (moins les voyages et les romans qui ne sont pas de Scott), sera bienvenue, surtout les Contes de mon Hôte, de Scott, etc. Dans les notes de Marino Faliero, il peut être à propos de dire que Benintende n'était pas réellement des Dix, mais seulement grand-chancelier, office séparé (quoique important); ç'a été une altération arbitraire de ma part. De plus, les doges furent tous enterrés dans l'église Saint-Marc avant Faliero. Il est étrange qu'à la mort de son prédécesseur, André Dandolo; les Dix décrétèrent que tous les doges futurs seraient enterrés avec leurs familles dans leurs propres églises; – décret que l'on croirait inspiré par une sorte de pressentiment. Ainsi donc, tout ce que je dis des doges ses ancêtres, comme enterrés à Saint-Jean et Saint-Paul, est contraire au fait, puisqu'ils l'avaient été à Saint-Marc. Faites une note de ceci, et signez-la Éditeur.

Note 67: (retour) L'Homme perdu.

»Comme j'ai de grandes prétentions à l'exactitude, je n'aimerais pas à être plaisanté, même sur de telles bagatelles, sous ce rapport. Quant au drame, on en peut gloser comme on voudra; mais non pas de mon costume et de mes dramatis personæ68, qui ont eu une existence réelle.

»Dans les notes j'ai omis Foscolo sur ma liste des illustres Vénitiens vivans; je le considère comme un auteur italien en général, et non comme un pur provincial ainsi que les autres; et en tant qu'Italien, il a eu son mot dans la préface du quatrième chant de Childe-Harold.

»Quant à la traduction française de mes oeuvres, -oimè! oimè69! – Pour la traduction allemande, je ne la comprends pas, ni la longue dissertation annexée à la fin sur les Faust. Excusez-moi de me hâter. Quant à la politique, il n'est pas prudent d'en parler, mais rien n'est encore décidé.

Note 68: (retour) Formule latine adoptée en anglais pour désigner les personnages.

Note 69: (retour) Hélas! hélas! (Notes du Trad.)

»Je suis fort en colère de ne pas avoir le Monastère de Scott. Vous êtes trop libéral de vos envois en fait de quantité, et vous inquiétez trop peu de la qualité. J'avais déjà tous les numéros de la Quarterly (au nombre de quatre), et douze de la Revue d'Édimbourg; mais peu importe, nous en aurons de nouveaux bientôt. Plus de Keats, je vous en conjure: – déchirez-le tout vivant; si quelqu'un d'entre vous ne le fait pas, je l'écorcherai moi-même. Il n'y a pas moyen de supporter les niaises stupidités de ce vain idiot.

»Je ne me sens pas disposé à m'occuper encore de Don Juan. Que croyez-vous que disait l'autre jour une jolie Italienne? Elle l'avait lu en français, et m'en faisait ses complimens avec les restrictions de rigueur. Je répondis que ce qu'elle disait était vrai, mais que je soupçonnais que Don Juan vivrait plus long-tems que Childe-Harold. – «Ah! (dit-elle) j'aimerais mieux la renommée de Childe-Harold pour trois ans, qu'une immortalité due à Don Juan!». – La vérité est que c'est trop vrai, et les femmes détestent maintes choses qui arrachent les oripeaux du sentiment; et elles ont raison, puisqu'elles seraient dépouillées de leurs armes. Je n'ai point connu de femme qui n'eût en horreur les Mémoires du chevalier de Grammont, pour la même raison; même lady *** avait coutume de les calomnier.

»Je n'ai pas reçu l'ouvrage de Rose. Il a été saisi à Venise. Tel est le libéralisme des Huns, avec leur armée de deux cent mille hommes, qu'ils n'osent pas laisser circuler un volume tel que celui de Rose.»

LETTRE CCCXCII

A M. MURRAY

Ravenne, 16 octobre 1820.

«L'abbé70 vient d'arriver; mille remercîmens, ainsi que pour le Monastère, – quand vous me l'enverrez!!!

Note 70: (retour) Roman de Walter Scott. (Note du Trad.)

»L'Abbé sera pour moi d'un intérêt plus qu'ordinaire, car un de mes ancêtres maternels, sir J. Gordon de Gight, le plus bel homme de son siècle, mourut sur l'échafaud à Aberdeen, pour sa fidélité à Marie Stuart, dont il était le parent, et dont on le prétendait aussi l'amant. Son histoire a été longuement traitée par les chroniques du tems. Si je ne me trompe, il fut mêlé à l'évasion de la reine du château Loch-Leven, ou à sa captivité dans ce même château-fort. Mais vous savez cela mieux que moi.

»Je me rappelle Loch-Leven comme un souvenir d'hier. Je le vis en allant en Angleterre en 1798, à l'âge de dix ans. Ma mère, qui était aussi orgueilleuse que Lucifer d'appartenir à une branche des Stuarts, et de descendre en ligne directe des vieux Gordons, non des Seyten-Gordons, comme elle nommait avec dédain la branche ducale, me raconta l'histoire, en me rappelant toujours combien les Gordons, ses aïeux, étaient supérieurs aux Byrons du Sud, – nonobstant notre descendance normande et toujours perpétuée de mâle en mâle, sans tomber jamais en quenouille, comme a fait la lignée de ces Gordons dans la propre personne de ma mère.

»Je vous ai depuis peu si souvent écrit, que cette courte lettre sera sans doute bien venue.»

»Votre, etc.»

LETTRE CCCXCIII

A M. MURRAY

Ravenne, 17 octobre 1820.

«Je vous envoie ci-joint la dédicace de Marino Faliero à Goëthe. Informez-vous s'il a ou non le titre de baron. Je crois que oui. Faites-moi connaître votre opinion.

»P. S. Faites-moi savoir ce que M. Hobhouse et vous avez décidé sur les deux lettres en prose et leur publication.

»Je vous envoie aussi un abrégé italien de l'appendix du traducteur allemand de Manfred, où vous verrez cité ce que Goëthe dit du corps entier des poètes anglais (et non de moi en particulier.) C'est là-dessus que la dédicace se fonde, comme vous le verrez, quoique j'y eusse songé auparavant; car je regarde Goëthe comme un grand homme.»

La singulière dédicace envoyée avec cette lettre n'a pas encore été publiée, ni n'est parvenue, que je sache, entre les mains de l'illustre Allemand. Elle est écrite dans le style le plus fantasque et le plus ironique que le poète ait jamais manié; et la sévérité immodérée avec laquelle il y traite les objets favoris de sa colère et de sa moquerie, me force de priver le lecteur de quelques passages fort amusans71.

Note 71: (retour) Le lecteur aura encore ici une grande reconnaissance pour la réserve de M. Moore!!! (Note du Trad.)

DÉDICACE AU BARON GOETHE

«Monsieur,

»Dans l'appendix d'un ouvrage anglais, traduit depuis peu en allemand et publié à Leïpsik, un jugement de vous sur la poésie anglaise est cité dans les termes suivans: «Dans la poésie anglaise, on trouve un grand génie, une puissance universelle, un sentiment de profondeur, avec assez de tendresse et de force; mais ces qualités ne constituent pas tout-à-fait le poète.»

»Je regrette de voir un grand homme tomber dans une grande erreur. Une telle opinion de votre part prouve seulement que le Dictionnaire des dix mille auteurs anglais vivans, n'a pas été traduit en allemand. Vous aurez lu, dans la version de votre ami Schlegel, le dialogue de Macbeth:

 
Ils sont dix mille!
MACBETH.
Dix mille oies, coquin?
Réponse.
Dix mille auteurs, seigneur.
 

»Or, sur ces dix mille auteurs, il y a présentement dix-neuf cent quatre-vingt-sept poètes, tous vivans en ce moment, quels que soient devenus leurs ouvrages, ce que leurs libraires savent bien; et parmi eux il y en a plusieurs qui possèdent une bien plus grande réputation que la mienne, quoique considérablement moindre que la vôtre. C'est à la négligence de vos traducteurs allemands que vous devez de ne pas soupçonner les oeuvres .................. ....................

 

Il y en a encore un autre nommé........... .....................

»Je mentionne ces poètes par forme d'exemple, pour vous éclairer. Ils ne constituent que deux briques de notre Babel (briques de Windsor, soit dit en passant), mais ils peuvent servir comme spécimen de l'édifice.

»Vous avancez, de plus, «que ce caractère dominant de l'ensemble de la poésie anglaise actuelle, est le dégoût et le mépris de la vie.» Mais je soupçonne plutôt que, par un seul ouvrage en prose, vous, oui, vous-même, avez excité un plus grand mépris pour la vie que tous les volumes anglais de poésie qui aient été jamais écrits. Mme de Staël dit «que Werther a occasioné plus de suicides que la plus belle femme», et je crois réellement qu'il a mis plus d'individus hors de ce monde que Napoléon lui-même, – excepté dans l'exercice de sa profession. Peut-être, illustre baron, le jugement acrimonieux porté par un célèbre journal du Nord sur vous en particulier, et sur les Allemands en général, vous a autant indisposé contre la poésie que contre la critique de l'Angleterre. Mais vous ne devez pas avoir égard à nos critiques, qui sont au fond de bons vivans, – et vu leurs deux professions, – car ils font la loi, et puis l'appliquent. Personne ne peut déplorer leur jugement précipité et injuste à votre égard, plus que je ne le fais moi-même; et j'ai exprimé mes regrets à votre ami Schlegel, en 1816, à Coppett.

»Dans l'intérêt de mes dix mille frères vivans, et dans le mien propre, j'ai pris ainsi en considération une opinion relative à la poésie anglaise en général, opinion qui méritait d'être remarquée, puisqu'elle était de vous.

»Mon principal but en m'adressant à vous, a été de témoigner mon sincère respect et mon admiration pour un homme qui, pendant un demi-siècle, a conduit la littérature d'une grande nation, et qui passera à la postérité comme le premier caractère littéraire de son tems.

»Vous avez été heureux, monsieur, non-seulement par les écrits qui ont illustré votre nom, mais par ce nom même, suffisamment musical pour être articulé par la postérité. En ceci vous avez l'avantage sur quelques-uns de vos compatriotes, dont les noms seraient peut-être immortels aussi, – si l'on pouvait les prononcer. On pourrait peut-être supposer, d'après ce ton apparent de légèreté, que j'ai l'intention de vous manquer de respect; mais ce serait une erreur; je suis toujours égrillard en prose. Vous considérant, comme je le fais, avec une conviction réelle et ardente, tant dans votre propre pays que chez la plupart des autres nations, comme la plus haute supériorité littéraire qui ait existé en Europe depuis la mort de Voltaire, j'ai senti et sens encore le désir de vous dédier l'ouvrage suivant, – non comme tragédie ou comme poème (car je ne puis prononcer s'il doit avoir l'une ou l'autre qualification, ou même n'avoir ni l'une ni l'autre), mais comme marque d'estime et d'admiration de la part d'un étranger envers un homme qui a été salué en Allemagne le Grand Goëthe.

»J'ai l'honneur d'être, avec le plus sincère respect, votre très-obéissant et très-humble serviteur.

BYRON.

Ravenne, 14 octobre 1820.

»P. S. Je m'aperçois qu'en Allemagne ainsi qu'en Italie, il y a un grand débat sur ce qu'on nomme le classique et le romantique, – termes qui n'étaient point des objets de classification en Angleterre, du moins quand je l'ai quittée, il y a quatre ou cinq ans. Quelques écrivassiers anglais, il est vrai, ont outragé Pope et Swift, mais la raison en est qu'ils ne savaient eux-mêmes écrire ni en prose ni en vers; mais on ne les a pas crus dignes de former une secte. Peut-être quelque distinction de ce genre est-elle née depuis peu, mais je n'en ai pas beaucoup entendu parler, et ce serait la preuve d'un si mauvais goût, que je serais fâché d'y croire.»

LETTRE CCCXCIV

A M. MOORE

Ravenne, 17 octobre 1820.

«Vous me devez deux lettres, – acquittez-vous. Je désire savoir ce que vous faites. L'été est passé, et vous retournerez à Paris. À propos de Paris, ce n'était pas Sophie Gail, mais Sophie Gay, – le mot anglais Gay72, – qui était entrée en correspondance avec moi73. Pouvez-vous me dire qui elle est, comme vous le fîtes de défunte ***?

Note 72: (retour) Gay qui est le même mot que Gai en français. (Note du Trad.)

Note 73: (retour) Je m'étais méprisA sur le nom de la dame dont Byron s'informait, et lui avais répondu qu'elle était morte. Mais en recevant cette lettre-ci, je découvris qu'il s'agissait de Mme Sophie Gay, mère d'une personne aussi célèbre par sa poésie que par sa beauté, Mlle Delphine Gay. (Note de Moore.)

Note A: (retour) C'était Byron et non Moore qui s'était mépris. Voir la lettre 294. (Note du Trad.)

»Avez-vous continué votre poème? J'ai reçu la traduction française du mien. Pensez seulement à être traduit dans une langue étrangère sous un si abominable travestissement!!!......

»Avez-vous fait copier mon Mémoire? J'en ai commencé une continuation. Vous l'enverrai-je telle qu'elle est maintenant?

»Je ne puis rien vous dire sur l'Italie, car le gouvernement me regarde ici d'un oeil soupçonneux, comme j'en suis bien informé. Pauvres gens! – comme si moi, étranger solitaire, je pouvais leur faire quelque mal. C'est parce que j'aime avec passion le tir de la carabine et du pistolet; car ils ont pris l'alarme à la quantité de cartouches que je consommais, – les benêts!

»Vous ne méritez pas une longue lettre, – pas même la moindre lettre, à cause de votre silence. Vous avez un nouveau Bourbon, ce me semble, que l'on a baptisé Dieu-Donné74. – Peut-être l'honneur du présent est susceptible de contestation… ................

Note 74: (retour) On sait que ce mot composé, traduit du latin Deodatus, veut dire, à proprement parler, donné par Dieu. (Note du Trad.)

»La reine a fourni un joli thème aux journaux. Publia-t-on jamais pareille évidence? C'est pire que Little ou Don Juan. Si vous ne m'écrivez bientôt, je vous ferai une querelle.»

LETTRE CCCXCV

A M. MURRAY

Ravenne, 25 octobre 1820.

«Pressez, je vous prie, la remise du paquet ci-joint à lady Byron. C'est pour affaires.

»En vous remerciant pour l'Abbé, j'ai commis quatre grandes erreurs. Sir John Gordon n'était pas de Gight, mais de Bogagight; il périt non pour sa fidélité, mais dans une insurrection. Il n'eut aucun rapport avec les événemens de Loch-Leven; car il était mort quelque tems avant l'époque de l'emprisonnement de la reine: et quatrièmement je ne suis pas sûr qu'il ait été ou non l'amant de la reine; car Robertson n'en dit rien, tandis que Walter Scott place Gordon dans la liste qu'à la fin de l'Abbé il donne des admirateurs de Marie (comme ayant tous été malheureux.)

»J'ai dû commettre toutes ces méprises en me rappelant le récit de ma mère sur ce sujet, quoiqu'elle fût plus exacte que je ne suis, et se piquât de précision sur les points de généalogie, comme toute l'aristocratie écossaise.......

»Votre, etc.

»P. S. Vous avez bien fait de ne pas publier la prose destinée aux Blackwood's et Robert's Magazines, excepté ce qui concerne Pope; – vous avez laissé le tems se passer.»

Le pamphlet en réponse au Blackwood's Magazine, dont il est ici question, fut occasioné par un article inséré dans cet ouvrage périodique, sous le titre de Remarques sur Don Juan, et, quoique mis sous presse par M. Murray, ne fut jamais publié. L'auteur de l'article ayant, à propos de certains passages de Don Juan, pris occasion d'exprimer quelques censures sévères sur la conduite conjugale du poète, Lord Byron, dans sa réplique, entre dans quelques détails sur ce pénible sujet; et les extraits suivans de sa défense, si l'on doit nommer défense une réponse à des griefs qui n'ont jamais été définis, – seront lus avec un vif intérêt.

»Mon savant confrère poursuit: «C'est en vain, dit-il, que Lord Byron essaierait de justifier sa conduite dans cette affaire; et aujourd'hui qu'il a si publiquement et si audacieusement appelé l'enquête et le reproche, nous ne voyons pas pourquoi il ne serait point clairement averti par la voix de ses concitoyens.» Jusqu'à quel point la publicité d'un poème anonyme, et l'audacieuse fiction d'un caractère imaginaire, que le rédacteur suppose avoir été créé en vue de lady Byron, peuvent-elles mériter cette formidable dénonciation de leurs douces voix? je ne le sais ni ne m'en soucie. Mais quand il dit que je ne puis justifier ma conduite dans cette affaire, j'acquiesce à cette assertion, parce qu'on ne peut se justifier tant qu'on ne sait pas de quoi l'on est accusé; et je n'ai jamais eu, – Dieu le sait, – qu'un désir, celui d'obtenir une accusation-des charges spéciales quelconques, qui me fussent soumises, sous une forme tangible, par ma partie adverse, non par des tiers, – à moins qu'on ne prenne pour telles les atroces calomnies de la rumeur publique, et le mystérieux silence des conseillers officiels de milady. Mais le rédacteur n'est-il pas content de ce qu'on a déjà dit et fait? Le cri général de ses concitoyens n'a-t-il pas prononcé sur ce sujet-une sentence sans débats, et une condamnation sans charges? N'ai-je pas été exilé par l'ostracisme, hormis que les écailles sur lesquelles on écrivait ma proscription étaient anonymes? Le rédacteur ignore-t-il l'opinion et la conduite du public à cette occasion? S'il l'ignore, je ne l'ignore pas; le public même l'oubliera long-tems avant que je cesse de m'en souvenir.

»L'homme qui est exilé par une faction a la consolation de penser qu'il est un martyr; il est soutenu par l'espérance, et par la dignité de la cause, réelle ou imaginaire, qu'il a embrassée. Celui qui se retire pour dettes peut se reposer dans l'idée que le tems et la prudence relèveront ses affaires; celui qui est condamné par la loi n'a qu'un bannissement à terme, et en rêve l'abréviation, ou bien, peut-être, il connaît ou suppose quelque injustice dans la loi, ou dans l'application de la loi à son égard. Mais celui qui est proscrit par l'opinion générale, sans l'intermède d'une politique ennemie, d'un jugement illégal, ou d'affaires embarrassées, doit, innocent ou coupable, supporter toute l'amertume de l'exil, sans espoir, sans orgueil, sans allégement. Ce dernier cas fut le mien. Sur quels motifs le public fonda-t-il son opinion? je l'ignore; mais cette opinion fut générale et décisive. On ne savait rien de moi, sinon que j'avais composé ce qu'on appelle de la poésie, que j'étais noble, que je m'étais marié, que j'étais devenu père, et que j'avais eu des différends avec ma femme et ses parens, on ne savait pourquoi, puisque les personnes plaignantes refusaient d'articuler leurs griefs. Le monde fashionable75 se divisa en partis, et mon parti ne consista qu'en une très-faible minorité; le monde raisonnable se rangea naturellement du plus fort côté, qui se trouva être celui de lady Byron. La presse fut active et ignoble; et telle fut la rage du tems, que la malheureuse publication de deux pièces de vers, plutôt louangeuses que défavorables à l'égard des personnes qui en étaient le sujet, fut métamorphosée en une espèce de crime par la torture de l'interprétation. Je fus accusé des vices les plus monstrueux par la rumeur publique et la rancune particulière: mon nom, qui avait été un nom chevaleresque et noble depuis que mes pères avaient aidé Guillaume-le-Normand dans la conquête de son royaume, mon nom, dis-je, fut taché. Je sentis que si ce qu'on chuchotait, grommelait et murmurait, était vrai, je n'étais plus bon pour l'Angleterre; que si c'était faux, l'Angleterre n'était plus bonne pour moi. Je me retirai: mais ce n'était pas assez. Dans d'autres pays, en Suisse, à l'ombre des Alpes, et près de l'azur profond des lacs, je fus poursuivi et atteint par le même fléau. Je franchis les montagnes, mais ce fut la même chose; alors j'allai un peu plus loin, et m'établis près des flots de l'Adriatique, comme le cerf aux abois s'enfuit dans les eaux.

 

Note 75: (retour)75 Nous avons conservé le terme anglais, qui commence déjà à se naturaliser dans notre langue. Nous aurions d'ailleurs fort bien pu dire: Le beau monde, le monde du bel air, etc. (Note du Trad.)

»Si j'en puis juger par les rapports du petit nombre d'amis qui se groupèrent autour de moi, le cri de réprobation dont je parle outrepassa tout précédent, toute circonstance analogue, même les cas où des motifs politiques ont animé la calomnie et doublé l'inimitié. Je fus averti de ne point paraître dans les théâtres, de crainte que je ne fusse sifflé, ni d'aller exercer mes droits dans le parlement, de crainte que je ne fusse insulté dans la route. Le jour même de mon départ, mon plus intime ami m'a dit ensuite qu'il était dans l'appréhension de voies de fait de la part du peuple qui pourrait s'assembler à la porte de la voiture. Toutefois, ces conseils ne m'empêchèrent pas de voir Kean dans ses meilleurs rôles, ni de voter conformément à mes principes; et quant aux troisièmes et dernières appréhensions de mes amis, je ne pouvais les partager, parce que je n'ai pu en comprendre l'étendue que quelque tems après avoir traversé la Manche. D'ailleurs, je ne suis pas de nature à être très-impressionné par la colère des hommes, quoique je puisse me sentir blessé par leur aversion. Contre tout outrage individuel, je pouvais moi-même m'assurer protection et vengeance; et contre les outrages de la foule, j'aurais été probablement capable de me défendre, avec l'assistance d'autrui, comme en diverses occasions semblables.

»Je quittai mon pays, en voyant que j'étais l'objet du blâme général. Je n'imaginai pas, à la vérité, comme Jean-Jacques Rousseau, que tout le genre humain était en conspiration contre moi, quoique j'eusse peut-être d'aussi bons motifs qu'il en eut jamais pour une telle chimère; mais je m'aperçus que j'étais à un point extraordinaire devenu personnellement odieux en Angleterre, peut-être par ma faute, mais le fait était incontestable. Le public, en général, aurait été difficilement excité jusqu'à un tel point contre un homme plus populaire, sans accusation du moins ou sans charge quelconque positivement exprimée ou spécifiée: car je puis à peine concevoir que l'accident commun et quotidien d'une séparation entre mari et femme ait pu de lui-même produire une si grande fermentation. Je n'élèverai pas les plaintes usuelles de préjugé, de condamnation par avance, d'injustice, de partialité, etc., monnaie ordinaire des personnes qui ont eu ou doivent subir un procès; mais je fus un peu surpris de me trouver condamné sans acte d'accusation, et de m'apercevoir que, dans l'absence de ces griefs monstrueux, si énormes qu'ils pussent être, tout crime possible ou impossible était substitué en leur place par la rumeur publique, et tenu pour accordé. Cela ne pouvait arriver qu'à l'égard d'une personne fort peu aimée, et je ne connaissais aucun remède, ayant déjà usé de tous les moyens que je pouvais avoir de plaire à la société. Je n'avais point de parti dans le monde, quoiqu'on m'ait dit le contraire dans la suite; – mais je ne l'avais pas formé, et je n'en connaissais donc pas l'existence: – point en littérature: – et en politique j'avais voté avec les whigs, avec cette importance qu'un vote whig possède dans ces jours de torysme, sans autre liaison personnelle avec les meneurs des deux chambres que celle que sanctionnait la société où je vivais, sans droit ou prétention au moindre témoignage d'amitié de la part de qui que ce fût, excepté quelques camarades de mon âge, et quelques hommes plus avancés dans la vie, que j'avais eu le bonheur de servir dans des circonstances difficiles. C'était, en effet, être seul; et je me souviens que quelque tems après Mme de Staël me dit en Suisse: «Vous n'auriez pas dû entrer en guerre avec le monde: – c'est trop fort pour un seul individu; je l'ai essayé moi-même dans ma jeunesse, mais cela ne mène à rien.» J'acquiesce complètement à la vérité de cette remarque; mais le monde m'a fait l'honneur de commencer la guerre, et assurément, si la paix ne peut être obtenue qu'en le courtisant et lui payant tribut, je ne suis pas propre à obtenir sa faveur. Je pensai, avec Campbell:

 
Allons; épouse une destinée d'exil,
Et si le monde ne t'a pas aimé,
Tu peux supporter l'isolement.
 

..................... .....................

»J'ai entendu dire, et je crois, qu'il y a des êtres humains constitués de manière à être insensibles aux injures; mais je crois que le meilleur moyen de s'abstenir de la vengeance est de se placer hors de la tentation. J'espère n'en avoir jamais d'occasion; car je ne suis point sûr de pouvoir me retenir, ayant reçu de ma mère quelque chose du perfervidum ingenium Scotorum76. Je n'ai point cherché, ni ne chercherai la vengeance, et peut-être elle ne viendra jamais sur mon chemin. Je n'entends point ici parler de ma partie adverse, qui pouvait avoir tort ou raison, mais de plusieurs personnes qui ont donné cette cause pour prétexte à leur propre inimitié......... ..................

Note 76: (retour) Bouillant caractère des Écossais.

»Le rédacteur parle de la voix générale de ses concitoyens; je parlerai de quelques-uns en particulier.

»Au commencement de 1817, il parut dans la Quarterly-Review un article écrit, je crois, par Walter-Scott, article qui lui fit grand honneur, et qui fut loin d'être déshonorant pour moi, quoique, sous le double rapport du talent poétique et du caractère personnel, il fût plus favorable qu'il ne fallait à l'ouvrage et à l'auteur dont il traitait. Il fut écrit à une époque où un égoïste n'eût pas voulu et un lâche n'eût pas osé dire un mot en faveur de l'un ou de l'autre; il fut écrit par un homme à qui l'opinion publique m'avait donné un moment pour rival, – distinction haute et peu méritée, mais qui ne nous empêcha point, moi de l'aimer, lui de répondre à cette amitié. L'article en question fut écrit sur le troisième chant de Childe-Harold; et, après plusieurs observations qu'il ne me serait pas plus convenable de répéter que d'oublier, il finissait par exprimer l'espoir de mon retour en Angleterre. Comment ce voeu fut-il accueilli en Angleterre? je ne sais pas; mais il offensa grièvement les dix ou vingt mille respectables voyageurs anglais alors réunis à Rome. Je ne visitai Rome que quelque tems après, en sorte que je n'eus pas l'occasion de connaître par moi-même le fait; mais je fus informé long-tems après, que la plus grande indignation avait été manifestée dans le cercle anglais de cette année, où se trouvaient-parmi un levain considérable de Welbeck-Street et de Devonshire-Place-plusieurs familles réellement bien nées et bien élevées, qui n'en participèrent pas moins aux sentimens de la circonstance. «Pourquoi retournerait-il en Angleterre?» fut l'exclamation générale. – Je réponds; pourquoi? C'est une question que je me suis quelquefois posée à moi-même, et je n'ai jamais pu y donner une réponse satisfaisante. Je n'avais alors aucune pensée de retour, et si j'en ai aujourd'hui, c'est une pensée d'affaires et non de plaisir. De tous ces liens qui ont été mis en pièces, il y a quelques anneaux encore entiers, quoique la chaîne elle-même soit brisée. J'ai des devoirs et des relations qui peuvent un jour requérir ma présence, – et je suis père. J'ai encore quelques amis que je désire rencontrer, et, peut-être, un ennemi. Ces causes, et les minutieux détails d'intérêt que le tems accumule durant l'absence de tout homme dans ses affaires et sa propriété, me rappelleront probablement en Angleterre; mais j'y retournerai avec les mêmes sentimens que lors de mon départ, à l'égard du pays lui-même, quoique j'aie pu en changer relativement aux individus, suivant que j'ai été depuis plus ou moins bien informé de leur conduite: car c'est bien long-tems après mon départ que j'ai connu leurs procédés et leur langage dans toute leur réalité et leur plénitude. Mes amis, comme font tous les amis, par des motifs conciliatoires, m'ont caché tout ce qu'ils ont pu, et même certaines choses qu'ils auraient dû dévoiler. Toutefois, ce qui est différé n'est pas perdu, – mais il n'a pas tenu à moi qu'il n'y ait eu rien de différé.

»J'ai rappelé la scène qu'on a dit s'être passée à Rome, pour montrer que le sentiment dont j'ai parlé n'était pas borné aux Anglais d'Angleterre, et c'est une partie de ma réponse au reproche lancé contre ce qu'on appelle mon exil égoïste et volontaire. Volontaire, oui; car quel homme voudrait demeurer parmi un peuple nourrissant une haine si vive contre lui? Jusqu'à quel point ai-je été égoïste: c'est ce que j'ai déjà expliqué.»

Les passages suivans du même pamphlet ne seront pas trouvés moins curieux, sous un point de vue littéraire.

«Ici je désire dire quelques mots sur l'état actuel de la poésie anglaise. Peu de personnes douteront que ce ne soit l'âge de déclin de la poésie anglaise, quand elles auront envisagé le sujet avec calme. La présence d'hommes de génie parmi les poètes actuels ne contredit que peu le fait, parce qu'on a très-bien dit que, «après celui qui forme le goût de sa nation, le plus grand génie est celui qui le corrompt.» Personne n'a contesté le génie à Marino, qui corrompit, non-seulement le goût de l'Italie, mais celui de toute l'Europe pour près d'un siècle. La grande cause de l'état déplorable de la poésie anglaise doit être attribuée à cette absurde et systématique dépréciation de Pope, pour laquelle il y a eu, pendant ces dernières années, une sorte de concurrence épidémique. Les hommes des opinions les plus opposées se sont unis sur ce point. Warton et Churchill ont commencé, ayant probablement tiré cette idée des héros de la Dunciade, et de l'intime conviction que leur propre réputation ne serait rien tant que le plus parfait et le plus harmonieux des poètes ne serait pas rabaissé à ce qu'ils regardaient comme son juste niveau; mais même ils n'osèrent pas le descendre au-dessous de Dryden. Goldsmith, Rogers et Campbell, ses plus heureux disciples, et Hayley qui, tout faible qu'il est, a laissé un poème77 qu'on ne laissera pas volontiers périr, ont conservé la réputation de ce style pur et parfait; et Crabbe, le premier des poètes vivans, a presque égalé le maître........