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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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LETTRE CCCLXXX

À M. MURRAY

Ravenne, 17 juillet 1820.

«J'ai reçu des livres, des numéros de la Quarterly50, et de la Revue d'Édimbourg, ce dont je suis très-reconnaissant; c'est là tout ce que je connais de l'Angleterre, outre les nouvelles du journal de Galignani.

Note 50: (retour) Quarterly Review.

»La tragédie est achevée, mais maintenant vient le travail de la copie et de la correction. C'est un ouvrage fort long (quarante-deux feuilles de grand papier, de quatre pages chaque), et je crois qu'il formera plus de cent quarante ou cent cinquante pages d'impression, outre plusieurs extraits et notes historiques que je veux y joindre en forme d'appendice. J'ai suivi exactement l'histoire. Le récit du docteur Moore est en partie faux, et, somme toute, c'est un absurde bavardage. Aucune des chroniques (et j'ai consulté Sanuto, Sandi, Navagero, et un siége anonyme de Zara, outre les histoires de Laugier, Daru, Sismondi, etc.), ne porte ou même ne fait entendre que le doge demanda la vie; on dit seulement qu'il ne nia pas la conspiration. Ce fut un des grands hommes de Venise. – Il commanda le siége de Zara, – battit quatre-vingt mille Hongrois, en tua huit mille, et en même tems ne quitta pas la ville qu'il tenait assiégée; – prit Capo-d'Istria; – fut ambassadeur à Gênes, à Rome, et enfin doge; c'est dans cette magistrature qu'il tomba pour trahison, en entreprenant de changer le gouvernement; fin que Sanuto regarde comme l'accomplissement d'un jugement, parce que Faliero, plusieurs années auparavant (quand il était podesta et capitaine de Trévise), avait renversé un évêque qui était trop lent à porter le Saint-Sacrement dans une procession. Il «le bâte d'un jugement», comme Thwacum fit Square; mais il ne mentionne pas si Faliero avait été immédiatement puni pour un acte qui paraîtrait si étrange même aujourd'hui, et qui doit le paraître bien plus dans un âge de puissance et de gloire papale. Il dit que pour ce soufflet le ciel priva le doge de sa raison, et le poussa à conspirer. Però fu permesso che il Faliero perdette l'intelletto, etc.51.

»Je ne sais ce que vos commensaux penseront du drame que j'ai fondé sur cet événement extraordinaire. La seule histoire semblable que l'on trouve dans les annales des nations, est celle d'Agis, roi de Sparte, prince qui se ligua avec les communes52 contre l'aristocratie, et perdit la vie pour cela. Mais je vous enverrai la tragédie quand elle sera copiée.» ..................

Note 51: (retour) Il fut donc permis que Faliero perdît l'esprit.

Note 52: (retour) C'est Byron qui est coupable de cet anachronisme de style; il a employé le mot commons. (Notes du Trad.)

LETTRE CCCLXXXI

À M. MURRAY

Ravenne, 31 août 1820.

«J'ai donné mon ame à la tragédie (comme vous en même cas); mais vous savez qu'il y a des ames condamnées tout comme des tragédies. Songez que ce n'est pas une pièce politique, quoiqu'elle en ait peut-être l'air; elle est strictement historique. Lisez l'histoire et jugez. «Le portrait d'Ada est celui de sa mère. J'en suis content. La mère a fait une bonne fille. Envoyez-moi l'opinion de Gifford, et ne songez plus à l'archevêque. Je ne puis ni vous envoyer promener ni vous donner cent pistoles ou un meilleur goût: je vous envoie une tragédie, et vous me demandez de «facétieuses épîtres»; vous faites un peu comme votre prédécesseur, qui conseillait au docteur Prideaux de mettre «tant soit peu plus d'humour53» dans sa Vie de Mahomet.

Note 53: (retour) Mot anglais presque intraduisible; il signifie cette sorte d'esprit moitié bouffon, moitié sérieux, propre au caractère britannique. (Note du Trad.)

»Bankes est un homme étonnant. Il y a à peine un seul de mes camarades d'école ou de collége qui ne se soit plus ou moins illustré. Peel, Palmerston, Bankes, Hobhouse, Tavistock, Bob Mills, Douglas Kinnaird, etc., etc., ont tous parlé, et fait parler d'eux................

»Nous sommes ici sur le point de nous battre un peu le mois prochain, si les Huns traversent le Pô, et probablement aussi s'ils ne le font. S'il m'arrive mésaventure, vous aurez dans mes manuscrits de quoi faire un livre posthume; ainsi, je vous prie, soyez civil. Comptez là-dessus; ce sera une oeuvre sauvage, si l'on commence ici. Le Français doit son courage à la vanité, l'Allemand au phlegme, le Turc au fanatisme et à l'opium, l'Espagnol à l'orgueil, l'Anglais au sang-froid, le Hollandais à l'opiniâtreté, le Russe à l'insensibilité, mais l'Italien à la colère; aussi vous verrez que rien ne sera épargné.»

LETTRE CCCLXXXII

À M. MOORE

Ravenne, 31 août 1820.

«Au diable votre mezzo cammin54: – «La fleur de l'âge» eût été une phrase plus consolante. D'ailleurs, ce n'est point exact; je suis né en 1788, et, par conséquent, je n'ai que trente-deux ans. Vous vous êtes mépris sur un autre point: la boîte à sequins n'a jamais été mise en réquisition, et ne le sera pas très-probablement. Il vaudrait mieux qu'elle l'eût été; car alors un homme n'a pas d'obligation, comme vous savez. Quant à une réforme, je me suis réformé, – que voudriez-vous? «La rébellion était dans son chemin et il la trouva.» Je crois vraiment que ni vous ni aucun homme d'un tempérament poétique ne peut éviter une forte passion de ce genre: c'est la poésie de la vie. Qu'aurais-je connu ou écrit, si j'avais été un politique paisible et mercantile, ou un lord de la chambre? Un homme doit voyager et s'agiter, ou bien il n'y a pas d'existence. D'ailleurs, je ne voulais être qu'un cavalier servente, et n'avais pas l'idée que cela tournerait en roman, à la mode anglaise.

Note 54: (retour) Je l'avais félicité d'être arrivé à ce que Dante appelle le mezzo cammin (le milieu de la route) de la vie, l'âge de trente-trois ans. (Note de Moore.)

»Quoi qu'il en soit, je soupçonne connaître en Italie une ou deux choses-de plus que lady Morgan n'en a recueillies en courant la poste. Qu'est-ce que les Anglais connaissent de l'Italie, hors les musées et les salons, – et quelque beauté mercenaire en passant55? Moi, j'ai vécu dans le coeur des maisons, dans les contrées les plus vierges et les moins influencées par les étrangers; – j'ai vu et suis devenu (pars magna fui56) une partie des espérances, des craintes et des passions italiennes, et je suis presque inoculé dans une famille: c'est ainsi que l'on voit les personnes et les chose telles qu'elles sont.

Note 55: (retour) En français dans le texte.

Note 56: (retour) Æn. lib. II.

»Que pensez-vous de la reine? J'entends dire que M. Hoby prétend «qu'il pleure en la voyant, et qu'elle lui rappelle Jane Shore.»

 
Sieur Hoby le bottier a la coeur déchiré,
Car en voyant la reine il songe à Jane Shore,
En vérité............57.
 

Note 57: (retour) Il y a là une suppression de Thomas Moore, dont la pudeur pédantesque a partout supprimé les phrases et les mots un peu trop lestes pour les chastes ladies. (Note du Trad.)

»Excusez, je vous prie, cette gaillardise. Où en est votre poème?.........

»Votre, etc.

»Est-ce vous qui avez fait ce brillant morceau sur Peter Bell? C'est assez spirituel pour être de vous, et presque trop pour être de tout autre homme vivant. C'était dans Galignani l'autre jour.»

LETTRE CCCLXXXIII

A M. MURRAY

Ravenne, 7 septembre 1820.

«En corrigeant les épreuves, il faut les comparer au manuscrit, parce qu'il y a diverses leçons. Faites-y attention, je vous prie, et choisissez ce que Gifford préférera. Écrivez-moi ce qu'il pense de tout l'ouvrage.

»Mes dernières lettres vous ont averti de compter sur une explosion par ici; l'on a amorcé et chargé, mais on a hésité à faire feu. Une des villes s'est séparée de la ligue. Je ne puis m'expliquer davantage pour mille raisons. Nos pauvres montagnards ont offert de frapper le premier coup, et de lever la première bannière, mais Bologne est demeurée en repos; puis c'est maintenant l'automne, et la saison est à moitié passée. «Ô Jérusalem, Jérusalem!» Les Huns sont sur le Pô; mais une fois qu'ils l'auront passé pour faire route sur Naples, toute l'Italie sera derrière eux. Les chiens! – les loups! – puissent-ils périr comme l'armée de Sennachérib! Si vous désirez publier la Prophétie du Dante, vous n'aurez jamais une meilleure occasion.»

LETTRE CCCLXXXIV

A M. MURRAY

Ravenne, 11 septembre 1820.

........................................

«Ce que Gifford dit du premier acte est consolant. L'anglais, le pur anglais sterling58 est perdu parmi vous, et je suis content de posséder une langue si abandonnée; et Dieu sait comme je la conserve: je n'entends parler que mon valet, qui est du Nottinghamshire, et je ne vois que vos nouvelles publications, dont le style n'est pas une langue, mais un jargon; même votre *** est terriblement guindé et affecté… Oh! si jamais je reviens parmi vous, je vous donnerai une Baviade et Méviade, non aussi bonne que l'ancienne, mais mieux méritée. Il n'y a jamais eu une horde telle que vos mercenaires (je n'entends pas seulement les vôtres, mais ceux de tout le monde). Hélas! avec les cockneys59, les lakistes60, et les imitateurs de Scott, Moore et Byron, vous êtes dans la plus grande décadence et dégradation de la littérature. Je ne puis y songer sans éprouver les remords d'un meurtrier. Je voudrais que Johnson fût encore en vie pour fustiger ces maroufles!»

 

Note 58: (retour) C'est-à-dire de bon aloi. Nous avons conservé le trope national du texte.

Note 59: (retour) Nom national des badauds anglais, appliqué aux imitateurs citadins des lakistes.

Note 60: (retour) Poètes de l'école des lacs. (Notes du Trad.)

LETTRE CCCLXXXV

A M. MURRAY

Ravenne, 14 septembre 1820.

«Quoi! pas une ligne? Bien, prenez ce système.

»Je vous prie d'informer Perry que son stupide article61 est cause que tous mes journaux sont arrêtés à Paris. Les sots me croient dans votre infernal pays, et ne m'ont pas envoyé leurs gazettes, en sorte que je ne sais rien du sale procès de la reine.

»Je ne puis profiter des remarques de M. Gifford, parce que je n'ai reçu que celles du premier acte.

»Votre, etc.»

»P. S. Priez les éditeurs de journaux de dire toutes les sottises qu'il leur plaira, mais de ne pas me placer au nombre de ceux dont ils signalent l'arrivée. Ils me font plus de mal par une telle absurdité que par toutes leurs insultes.»

Note 61: (retour) Sur le retour de Byron en Angleterre. (Note du Trad.)

LETTRE CCCLXXXVI

A M. MURRAY

Ravenne, 21 septembre 1820.

«Ainsi, vous revenez à vos anciens tours. Voici le second paquet que vous m'avez envoyé, sans l'accompagner d'une seule ligne de bien, de mal ou de nouvelles indifférentes. Il est étrange que vous ne vous soyez pas empressé de me transmettre les observations de Gifford sur le reste. Comment changer ou amender, si je ne reçois plus aucun avis? Ou bien ce silence veut-il dire que l'oeuvre est assez bonne telle qu'elle est, ou qu'elle est trop mauvaise pour être réparée? Dans le dernier cas, pourquoi ne le dites-vous pas sur-le-champ, et ne jouez-vous pas franc jeu, quand vous savez que tôt ou tard vous devrez déclarer la vérité.

»P. S.-Ma soeur me dit que vous avez envoyé chez elle demander où j'étais, dans l'idée que j'étais arrivé, conduisant un cabriolet, etc., etc., dans la cour du Palais. Me croyez-vous donc un fat ou un fou, pour ajouter foi à une telle apparition? Ma soeur ma mieux connu, et vous a répondu qu'il n'était pas possible que ce fût moi. Vous auriez pu tout aussi bien croire que je fusse entré sur un cheval pâle, comme la mort dans l'Apocalypse

LETTRE CCCLXXXVII

A M. MURRAY

Ravenne, 23 septembre 1820.

«Demandez à Hobhouse mes Imitations d'Horace, et envoyez m'en une épreuve (avec le latin en regard). Cet ouvrage a satisfait complètement au nonum prematur in annum62 pour être mis maintenant au jour: il a été composé à Athènes en 1811. J'ai idée qu'après le retranchement de quelques noms et de quelques passages, il pourra être publié; et je pourrais mettre parmi les notes mes dernières observations pour Pope, avec la date de 1820. La versification est bonne; et quand je jette en arrière un regard sur ce que j'écrivais à cette époque, je suis étonné de voir combien peu j'ai gagné. J'écrivais mieux alors qu'aujourd'hui, mais c'est que je suis tombé dans l'atroce mauvais goût du siècle. Si je puis arranger cet ouvrage pour la publication actuelle, en sus des autres compositions que vous avez de moi, vous aurez un volume ou deux de variétés; car il y aura toutes sortes de rhythmes, de styles, de sujets bons ou mauvais. Je suis inquiet de savoir ce que Gifford pense de la tragédie; écrivez-moi sur ce point. Je ne sais réellement pas ce que je dois moi-même en penser.

Note 62: (retour) Précepte de l'Art poétique. Horace conseille aux poètes de conserver leurs oeuvres neuf ans dans le portefeuille avant de les produire. (Note du Trad.)

»Si les Allemands passent le Pô, ils seront servis d'une messe selon le bréviaire du cardinal de Retz. *** est un sot, et ne pourrait comprendre cela: Frere le comprendra. C'est un aussi joli jeu de mots que vous puissiez en entendre un jour d'été.

Personne ici ne croit à un mot d'évidence contre la reine. Les hommes du peuple poussent eux-mêmes un cri général d'indignation contre leurs compatriotes, et disent que pour moitié moins d'argent que le procès n'en a coûté, on ferait venir d'Italie tous les témoignages possibles. Vous pouvez regarder cela comme un fait: je vous l'avais dit auparavant. Quant aux rapports des voyageurs, qu'est-ce que c'est que les voyageurs? Moi, j'ai vécu parmi les Italiens; – je n'ai pas seulement couru Florence, Rome, les galeries et les conversations pendant quelques mois, puis regagné mon pays: – mais j'ai été de leurs familles, de leurs amitiés, de leurs haines, de leurs amours, de leurs conseils et de leur correspondance, dans la région de l'Italie la moins connue des étrangers, – et j'ai été parmi les gens de toutes classes, depuis le comte jusqu'au contadino, et vous pouvez être sûr de ce que je vous dis.»

LETTRE CCCLXXXVIII

A M. MURRAY

Ravenne, 28 septembre 1820.

«Je croyais vous avoir averti, il y a long-tems, que la tragédie n'avait jamais été conçue ou écrite le moins du monde pour le théâtre: je l'ai même dit dans la préface. C'est trop long et trop régulier pour votre théâtre; les personnages y sont trop peu nombreux, et l'unité trop observée. C'est plutôt dans le genre d'Alfieri que dans vos habitudes dramatiques (soit dit sans prétendre à égaler ce grand homme); mais il y a de la poésie, et ce n'est pas au-dessous de Manfred, quoique je ne sache quelle estime on a pour Manfred.

»Je suis absent d'Angleterre depuis un tems aussi long que celui durant lequel j'y suis resté alors que je vous voyais si fréquemment. Je revins le 14 juillet 1811, et repartis le 25 avril 1816, en sorte qu'au 28 septembre 1820, il ne s'en faut que de quelques mois que la durée de mon absence n'égale celle de mon séjour. Ainsi, je ne connais le goût et les sentimens du public que par ce que je peux glaner dans les lettres, etc., etc., etc. Au reste, goût et sentimens, tout me semble aussi mauvais que possible.

»J'ai trouvé Anastasius excellent: ne l'ai-je pas dit? le journal de Matthews excellentissime; cela, et Forsyth, et des morceaux de Hobhouse, voilà tout ce que nous avons de vrai et de sensé sur l'Italie. La Lettre à Julia est, certes, fort bonne. Je ne méprise pas ***; mais si elle eût tricoté des bas bleus au lieu d'en porter, c'eût été bien mieux. Vous êtes déçus par ce style faux, guindé et plein de friperies, mélange de tous les styles du jour, qui sont tous ampoulés (je n'en excepte pas le mien: – nul n'a plus que moi contribué par négligence à corrompre la langue); mais ce n'est ni de l'anglais ni de la poésie, le tems le prouvera.

»Je suis fâché que Gifford n'ait pas poussé ses remarques au-delà du premier acte: trouve-t-il l'anglais d'aussi bon aloi dans les autres actes qu'il l'a trouvé dans le premier? Vous avez eu raison de m'envoyer les épreuves: j'étais un sot, mais je hais réellement la vue des épreuves; c'est une absurdité, mais elle vient de la paresse.

»Vous pouvez glisser sans bruit dans le monde les deux chants de Don Juan, annexés aux autres. Le drame comme vous voudrez, – le Dante aussi; mais quant au Pulci, j'en suis fier: c'est superbe; vous n'avez pas de traduction pareille. C'est la meilleure chose que j'aie faite en ma vie.................

»P. S. La politique ici est toujours farouche et incertaine. Toutefois, nous sommes tous dans nos buffleteries pour «joindre les montagnards s'ils traversent le Forth63», c'est-à-dire pour crosser les Autrichiens, s'ils passent le Pô. Les gredins! – et ce chien de L-l, ne dit-il pas que leurs sujets sont heureux! Si je reviens jamais, je travaillerai quelques-uns de ces ministres64.»

Note 63: (retour) Rivière d'Écosse.

Note 64: (retour) Byron a ajouté à cette lettre du 28 septembre un appendice du 29, que nous avons supprimé comme peu intéressant. (Notes du Trad.)

LETTRE CCCLXXXIX

A M. MURRAY

Ravenne, 6 octobre 1820.

«Vous devez avoir reçu tous les actes de Marino Faliero, revus et corrigés. Ce que vous dites du pari de 100 guinées fait par quelqu'un qui dit m'avoir vu la semaine dernière, me rappelle une aventure de 1810. Vous pouvez aisément constater le fait, qui est vraiment bizarre.

»À la fin de 1811, je rencontrai un soir chez Alfred mon ancien camarade d'école et de classe, le secrétaire irlandais Peel. Il me raconta qu'en 1810 il avait cru me rencontrer dans Saint-James-Street, mais que nous avions tous deux passé outre sans nous parler. Il parla de cette rencontre, qui fut niée comme chose impossible, puisque j'étais alors en Turquie. Un jour ou deux après, il montra à son frère une personne à l'autre côté de la rue, en disant: «Voici l'homme que j'ai pris pour Byron.» Son frère répondit sur-le-champ: «Comment! c'est Byron, et non pas un autre.» Mais ce n'est pas tout: – quelqu'un m'a vu écrire mon nom parmi ceux qui venaient s'informer de la santé du roi alors attaqué de folie. Or, à cette époque, j'étais à Patras, en proie à une fièvre violente que j'avais gagnée de la malaria dans les marais près d'Olympia. Si j'étais mort alors, c'eût été pour vous une nouvelle histoire de revenant. Vous pouvez facilement vous assurer de l'exactitude du fait par le témoignage de Peel lui-même qui me l'a raconté en détail. Je suppose que vous serez de l'opinion de Lucrèce, qui nie l'immortalité de l'ame, mais-affirme que «les surfaces ou cases où les corps sont renfermés, s'en séparent quelquefois comme les pellicules d'un oignon, et peuvent être vues dans un état de parfaite intégrité, en sorte que les formes et les ombres des vivans et des morts apparaissent fréquemment.».............. ....................

»Votre, etc.

»P. S. L'an dernier (en juin 1819), je rencontrai chez le comte Mosti, à Ferrare, un Italien qui me demanda «si je connaissais Lord Byron.» – Je lui dis que non (personne ne se connaît, comme vous savez). – «Eh bien, dit-il, je le connais, moi; je l'ai vu à Naples l'autre jour.» – Je tirai ma carte, et lui demandai si c'était ainsi que le nom était écrit; il me répondit: «Oui.» Je soupçonne que c'était un mauvais chirurgien de la marine, qui suivait une jeune dame en voyage, et se faisait passer pour un lord dans les maisons de poste.»......

LETTRE CCCXC

A M. MURRAY

Ravenne, 8 octobre 1820.

...........................................

«La lettre de Foscolo est précisément la chose nécessaire; premièrement, parce que Foscolo est un homme de génie, et puis, parce qu'il est Italien, et par conséquent le meilleur juge des compositions relatives à l'Italie. En outre, c'est-à-dire, il ressemble plus aux anciens Grecs qu'aux modernes Italiens. Quoi qu'il soit «un peu,» comme dit Dugald Dalgetty, «trop sauvage et trop farouche» (ainsi que Ronald du Brouillard), c'est un homme merveilleux, et mes amis Hobhouse et Rose ne jurent tous deux que par lui, et ils sont bons juges des hommes, et des humanités italiennes.

 
«Il est plutôt un antique Romain qu'un Danois.»
 

»Voilà en tout deux voix considérables déjà gagnées. Gifford dit que c'est du bon et pur anglais sterling, et Foscolo dit que les caractères sont vraiment vénitiens. Shakspeare et Otway ont eu un million d'avantages sur moi, outre le mérite incalculable d'être morts depuis un ou deux siècles, et d'être nés tous deux de rien (ce qui exerce une telle attraction sur les aimables lecteurs vivans). Il faut au moins que je conserve le seul avantage qui puisse m'appartenir: – celui d'avoir été à Venise, et d'être entré plus avant dans la couleur locale; je ne réclame rien de plus.

 

»Je sais ce que Foscolo veut dire relativement à Calendaro, crachant contre Bertram; cela est national, – je parle de l'objection. Les Italiens et les Français, avec ces «étendards d'abomination,» ou mouchoirs de poche, crachent çà et là, et partout, – presque à votre face, et par conséquent objectent que c'est une action trop familière pour être transportée sur le théâtre. Mais nous, qui ne crachons nulle part-hors à la face d'un homme quand nous devenons furieux-nous ne pouvons sentir cela: rappelez-vous Massinger et le Sir Giles Overreach de Kean.

 
«Seigneur! ainsi je crache contre toi et ton conseil.»
 

»D'ailleurs, Calendaro ne crache pas à la face de Bertram; il crache contre lui, comme j'ai vu les Musulmans le faire quand ils sont dans un accès de colère. De plus, il ne méprise pas, dans le fond, Bertram, quoiqu'il l'affecte, – comme nous faisons tous lorsque nous sommes irrités contre quelqu'un que nous regardons comme notre inférieur. Il est en colère qu'on ne le laisse pas mourir naturellement (quoiqu'il n'ait pas peur de la mort); et souvenez-vous qu'il soupçonnait et haïssait Bertram dès le commencement. D'autre part, Israël Bertuccio est un individu plus froid et plus concentré; il agit par principe et par impulsion; Calendaro par impulsion et par exemple.

»Il y a aussi un argument pour vous.

»Le doge répète; – c'est vrai, mais c'est parce que la passion le possède, parce qu'il voit différentes personnes, et qu'il est toujours obligé de recourir au motif prédominant dans son esprit. Ses discours sont longs; – c'est encore vrai, mais j'ai écrit pour le cabinet, et sur le patron français et italien plutôt que sur le vôtre, dont je n'ai pas une haute opinion: car tous vos vieux dramaturges, Dieu sait qu'ils sont assez longs: – regardez tel d'entre eux qu'il vous plaira.

»Je vous rends la lettre de Foscolo, parce qu'elle parle aussi de ses affaires particulières. Je suis fâché de voir un tel homme dans la gêne, parce que je connais ce que c'est ou plutôt ce que c'était. Je n'ai jamais rencontré que trois hommes qui auraient étendu le doigt pour moi; l'un fut vous-même, l'autre William Bankes, et l'autre un noble personnage mort depuis long-tems; mais de ces trois hommes le premier fut le seul qui me fit des offres lorsque j'étais réellement bisogneux; le second le fit de bon coeur, – mais je n'avais pas besoin des secours de Bankes, et dans le cas contraire je ne les aurais même pas acceptés (quoique j'aie de l'amitié et de l'estime pour lui); et le troisième..... ................65

»Ainsi vous voyez que j'ai vu d'étranges choses dans mon tems. Quant à votre offre, c'était en 1815, lorsque je n'étais pas sûr de demeurer avec cinq livres sterling. Je la refusai, mais je ne l'ai pas oubliée, quoique probablement vous l'ayiez oubliée vous-même.

Note 65: (retour) Suppression de Moore.

»P. S. Le Ricciardo de Foscolo a été prêté, sans avoir eu ses feuilles coupées, à quelques Italiens, maintenant en villeggiatura, en sorte que je n'ai pas eu l'occasion d'écouter leur avis ou de lire moi-même l'ouvrage. Ils s'en sont emparés, et parce que c'était de Foscolo, et en raison de la beauté du papier et de l'impression. Si je trouve qu'il prend, je le ferai réimprimer ici. Les Italiens ont de Foscolo une aussi haute opinion que de qui que ce soit au monde, tout divisés et misérables qu'ils sont, sans loisirs à consacrer à la lecture, et n'ayant de tête ni de coeur que pour juger les extraits des journaux français et de la gazette de Lugano.

»Nous nous entre-regardons tous les uns les autres, comme des loups à la poursuite de leur proie, n'attendant que la première occasion pour faire des choses inexprimables. C'est un grand monde dans le chaos, ou ce sont des anges en enfer, tout comme il vous plaira: mais du chaos est sorti le paradis, et de l'enfer-je ne sais quoi; mais le diable est entré ici, et c'est un rusé compagnon, vous savez.

»Vous n'avez pas besoin de m'envoyer d'autres ouvrages périodiques que la Revue d'Édimbourg et la Quarterly, et de tems en tems un Blackwood-Magazine ou une Monthly Review. Quant au reste, je ne me sens jamais assez de curiosité pour porter mon regard au-delà des couvertures......... ...................

»Songez que si vous mettiez mon nom à Don Juan dans ces jours d'hypocrisie, les hommes de loi pourraient faire opposition auprès de la chancellerie à mon droit de tutelle sur ma fille, en articulant que c'est une parodie: – tels sont les dangers d'une folle plaisanterie. Je n'ai pas su cela d'abord, mais vous pourrez, je crois, en constater l'exactitude, et soyez sûr que les Noël ne laisseraient pas échapper cette occasion. Or, je préfère mon enfant à un poème, et vous feriez vous-même ainsi, quoique vous en ayez une demi-douzaine...... ..................

»Si vous feuilletez les premières pages de l'Histoire de la Pairie d'Huntingdon, vous verrez combien Ada fut un nom commun dans les premiers tems des Plantagenet. J'ai trouvé ce nom dans ma propre lignée, sous les règnes de Jean et de Henri, et l'ai donné à ma fille. C'était aussi celui de la soeur de Charlemagne. Il est dans un des premiers chapitres de la Genèse, comme nom de la femme de Lamech, et je suppose qu'Ada est le féminin d'Adam. Il est court, ancien, sonore, et a été dans ma famille; voilà pourquoi je l'ai donné à ma fille.»