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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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LETTRE CCCCXL

A M. HOPPNER

Ravenne, 23 juillet 1821.

«Ce pays-ci étant en proie à la proscription, et tous mes amis étant exilés ou arrêtés, – la famille entière des Gamba obligée pour le moment d'aller à Florence, – le père et le fils pour motifs politiques, – (et la Guiccioli, parce qu'elle est menacée du couvent en l'absence de son père), – j'ai résolu de me retirer en Suisse, et les Gamba aussi. Ma vie court, dit-on, de très grands dangers ici; mais ç'a été la même chose depuis douze mois, et ce n'est donc pas là la principale considération.

»J'ai écrit par le même courrier à M. Hentsch jeune, banquier à Genève, pour avoir, s'il est possible une maison pour moi, et une autre pour la famille Gamba (pour le père, le fils et la fille), toutes deux meublées, et avec une écurie de huit chevaux (au moins dans la mienne) au bord du lac de Genève, sur le côté du Jura. J'emmènerai Allegra avec moi. Pourriez-vous nous aider, Hentsch ou moi, dans nos recherches? Les Gamba sont à Florence; mais ils m'ont autorisé à traiter en leur nom. Vous savez ou ne savez pas que ce sont de grands patriotes, – et tous deux braves gens, surtout le fils; je puis le dire, car je les ai dernièrement vus dans une très-difficile situation, – non pas sous le rapport pécuniaire, mais sous le rapport personnel, – et ils se sont conduits en héros, sans céder ni se rétracter.

»Vous n'avez pas idée de l'état d'oppression dans lequel est ce pays-ci; on a arrêté environ un millier de personnes de haute ou basse condition dans la Romagne, – banni les uns, emprisonné les autres, sans jugement, sans procédure, et même sans accusation!!!.. Tout le monde dit qu'on aurait fait la même chose à mon égard si l'on avait osé: toutefois, mon motif pour rester est que toutes les personnes de ma connaissance, au nombre de cent à-peu-près, ont été exilées.

»Voudrez-vous faire ce que vous pourrez pour trouver une couple de maisons meublées et pour en conférer avec Hentsch à notre place? Peu nous importe la société: – nous ne voulons qu'un asile temporaire et tranquille, et notre liberté individuelle.

»Croyez-moi, etc.

»P. S. Pouvez-vous me donner une idée des dépenses nécessaires en Suisse, par comparaison à l'Italie? je ne me rappelle plus cela. Je parle seulement des dépenses pour une vie honnête, chevaux, etc., et non des dépenses de luxe, et pour un grand train de maison. Ne décidez rien toutefois avant que je n'aie reçu votre réponse, car c'est alors seulement que je pourrai savoir que penser sur ces points de transmigration, etc., etc.»

LETTRE CCCCXLI

A M. MURRAY

Ravenne, 30 juillet 1821.

«Je vous envoie ci-joint la meilleure histoire sur le doge Faliero; elle est tirée d'un vieux manuscrit, et je ne l'ai que depuis quelques jours. Faites-la traduire et adjoignez-la en forme de note à la prochaine édition. Vous serez peut-être content de voir que la manière dont j'ai conçu le caractère du doge est conforme à la vérité; je regrette néanmoins de n'avoir pas eu cet extrait auparavant. Vous verrez que Faliero dit lui-même ce que je lui fais dire sur l'évêque de Trévise. Vous verrez aussi que «il parla très-peu et ne laissa échapper que des paroles de colère et de dédain» après qu'il eut été arrêté, ce qu'il fait aussi dans la pièce, excepté quand il éclate à la fin du cinquième acte. Mais son discours aux conspirateurs est meilleur dans le manuscrit que dans la pièce; je regrette de ne pas l'avoir connu à tems. N'oubliez pas cette note, avec la traduction.

»Dans une ancienne note de Don Juan, j'ai cité, en parlant de Voltaire, sa phrase fameuse: «Zaïre, tu pleures,» c'est une erreur; c'est: «Zaïre, vous pleurez.» Songez à corriger la citation.

»Je suis tellement occupé ici pour ces pauvres proscrits, qui sont dispersés en exil çà-et-là, et à essayer d'en faire rappeler quelques-uns, que j'ai à peine assez de tems ou de patience pour écrire une courte préface pour les deux pièces: toutefois je la ferai en recevant les prochaines épreuves.

»Tout à vous à jamais, etc.

»P. S. Veuillez joindre, à la première occasion, la lettre sur l'Hellespont comme note aux vers sur Léandre, etc., dans Childe Harold. N'oubliez pas cela au milieu de votre multitude d'occupations, que je songe à célébrer dans une ode dithyrambique à Albemarle-Street.

»Savez-vous que Shelley a composé une élégie sur Keats, et qu'il accuse la Quarterly d'avoir tué ce jeune poète.

 
Qui tua John Keats?
«Moi, dit la Quarterly,
Farouche comme un Tartare;
C'est un de mes exploits!»
Qui décocha la flèche? -
Le poète-prêtre Milman,
(Toujours prêt à tuer son homme),
Ou Southey ou Barrow.
 

»Vous savez bien que je n'approuvais pas la poésie de Keats, ni ses théories poétiques, ni son injurieux mépris pour Pope; mais puisqu'il est mort, omettez tout ce que je dis sur son compte dans mes écrits, soit manuscrits, soit déjà publiés. Son Hypérion est un beau monument et conservera son nom. Je ne porte pas envie à celui qui a écrit l'article; – vous autres écrivains des Revues, vous n'avez pas plus le droit de meurtre que les voleurs de grand chemin; mais, à la vérité, celui qui est mort pour un article de critique serait probablement mort pour toute autre cause non moins triviale. La même chose arriva presque à Kirke White, qui mourut ensuite de consomption.»

LETTRE CCCCXLII

A M. MOORE

Ravenne, 2 août 1821.

«Certainement j'avais répondu à votre dernière lettre, quoique en peu de mots, sur le point que vous rappelez, en disant tout simplement: «Au diable la controverse,» et en citant quelques vers de George Colman, applicables non à vous, mais aux disputeurs. Avez-vous reçu cette lettre? Il m'importe de savoir que nos lettres ne sont pas interceptées ou égarées.

»Votre drame de Berlin137 est un honneur inconnu depuis Elkanah Settle, dont l'Empereur de Maroc fut joué par les dames de la cour, ce qui fut, dit Johnson, «le dernier coup de la douleur» pour le pauvre Dryden, qui ne put le supporter, et devint ennemi de Settle sans pitié ni modération, à cause de cette faveur, et d'un frontispice que l'auteur avait osé mettre à sa pièce.

Note 137: (retour) On avait joué, peu de tems auparavant, à la cour de Berlin, un spectacle fondé sur le poème de Lalla Rookh; l'empereur de Russie remplit le rôle de Feramorz, et l'impératrice celui de Lalla Rookh. (Note de Moore.)

»N'était-ce pas un peu périlleux de montrer, comme vous l'avez fait, les Mémoires à ***? N'y a-t-il pas une ou deux facétieuses allusions qui doivent être réservées pour la postérité?

»Je connais bien Schlegel, – c'est-à-dire je l'ai rencontré à Coppet. N'est-il pas légèrement attaqué dans les Mémoires? Dans un article sur le quatrième chant de Childe-Harold, publié il y a trois ans dans le Blackwood's-Magazine, on cite quelques stances d'une élégie de Schlegel sur Rome, d'où l'on dit que j'ai pu tirer quelques idées. Je vous donne ma parole d'honneur que je n'avais jamais vu les vers avant cet article critique, qui donne, je crois, trois ou quatre stances envoyées, dit-on, par un correspondant, – peut-être par l'auteur même. Le fait se prouve facilement, car je ne comprends point l'allemand, et il n'y avait point, je crois, de traduction, – du moins c'était la première fois que j'entendais parler ou prenais lecture de la traduction et de l'original.

»Je me souviens d'avoir causé un peu avec Schlegel sur Alfiéri, dont il nie le mérite. Il était irrité aussi contre le jugement de la Revue d'Édimbourg sur Goëthe, jugement qui, en effet, était assez dur. Il vint aussi à parler des Français: «Je médite une terrible vengeance contre les Français; – je prouverai que Molière n'est pas poète138.»

...... ..................

Note 138: (retour) Cette menace a été depuis mise à exécution, – le critique allemand a frappé d'horreur les littérateurs français en déclarant Molière un farceur. (Note de Moore.)

»Je ne vois pas pourquoi vous parleriez «du déclin des ans.» La dernière fois que je vous vis, vous aviez moins d'embonpoint et paraissiez encore plus jeune que quand nous nous quittâmes plusieurs années auparavant. Vous pouvez compter sur cette assertion comme sur un fait. Si cela n'était pas, je ne vous dirais rien; car je ne saurais faire de mauvais complimens à qui que ce soit sur sa personne; – comme le compliment est une vérité, je vous le fais. Si vous aviez mené ma vie, changé de climats et de relations, – si vous vous amaigrissiez par le jeûne et par les purgatifs, – outre l'épuisement causé par des passions rongeantes, et un mauvais tempérament en sus, – vous pourriez parler ainsi. – Mais vous! je ne sache personne qui ait si bonne mine pour son âge, ou qui mérite d'avoir mine ou santé meilleure sous tous les rapports. Vous êtes un… et ce qui vaut peut-être mieux pour vos amis, un bon garçon. Ainsi donc, ne parlez pas de décadence, mais comptez sur quatre-vingts ans.

»Je suis à présent principalement occupé par ces malheureuses proscriptions et condamnations d'exil, qui ont eu lieu ici pour motifs politiques. Ç'a été un misérable spectacle que la désolation générale des familles. Je fais tout ce que je puis pour les exilés, grands ou petits, avec tout l'intérêt et tous les moyens que je puis employer. Il y a eu mille proscrits, le mois dernier, dans l'exarquat, ou, pour parler en style moderne, dans les légations. Hier un homme a eu les reins brisés en tirant un de mes chiens de dessous la roue d'un moulin. Le chien a été tué, et l'homme est dans le plus grand danger. Je n'étais pas présent; – cela est arrivé avant que je fusse levé, par la faute d'un enfant stupide qui a fait baigner le chien dans un endroit dangereux. Je dois, sans aucun doute, pourvoir aux besoins du pauvre diable tant qu'il vivra, et à ceux de sa famille, s'il meurt. J'aurais de grand coeur donné-plus qu'il ne m'en coûtera, pour qu'il n'eût pas été blessé. Donnez-moi, je vous prie, de vos nouvelles, et excusez ma hâte et la chaleur.

 

»Tout à vous, etc.

............... ........................

»Vous aurez probablement vu toutes les attaques dont quelques gazettes d'Angleterre m'ont assailli il y a quelques mois. Je ne les ai vues que l'autre jour, grâce à la bonté de Murray. On m'appelle «plagiaire.» Je ne sais quels noms on ne me donne pas. Je crois maintenant que j'aurai été accusé de tout.

»Je ne vous ai pas donné de détails sur les petits événemens qui se sont passés ici; mais on a essayé de me faire passer pour le chef d'une conspiration, et on ne s'est arrêté que faute de preuves suffisantes pour informer contre un Anglais. Si c'eût été un natif du pays, le soupçon aurait suffi, comme pour des centaines d'autres.

»Pourquoi n'écrivez-vous pas sur Napoléon? je n'ai pas assez de verve ni d'estro139 pour le faire. Sa chute, dès le principe, m'a porté un coup terrible. Depuis cette époque, nous avons été les esclaves des sots. Excusez cette longue lettre. Ecco140 une traduction littérale d'une épigramme française.

 
Églé, belle et poète, a deux petits travers,
Elle fait son visage et ne fait pas ses vers141.
 

»Je vais monter à cheval, averti que je suis de ne pas aller dans un certain endroit de la forêt, à cause des ultra-politiques.

Note 139: (retour) Mot italien, du latin oestrum, qui signifie verve poétique. (Note du Trad.)

Note 140: (retour) Voici.

Note 141: (retour):

 
Egle, beauty and poet, has two little crimes,
She makes her own face, and does not make her rhymes.
 

»N'y a-t-il aucune chance pour votre retour en Angleterre, et pour notre journal? j'y aurais publié les deux pièces, – deux ou trois scènes par numéro.»

Vers cette époque, M. Shelley, qui avait alors fixé sa résidence à Pise, reçut une lettre de Lord Byron, qui le priait instamment de venir le voir; et, par conséquent, il partit sur-le-champ pour Ravenne. Les extraits suivans des lettres qu'il écrivit, durant le tems de son séjour auprès de son noble ami, seront lues avec ce double sentiment d'intérêt qu'on ne manque jamais d'éprouver en entendant un homme de génie exprimer ses opinions sur un autre homme de génie.

Ravenne, 7 août 1821.

»J'arrivai hier soir à dix heures, et me mis à causer avec Lord Byron jusqu'à cinq heures du matin; puis j'allai dormir, et maintenant je viens de m'éveiller à onze heures; après avoir dépêché mon déjeûner aussi vite que possible, je veux vous consacrer tout le tems qui me reste jusqu'à midi, heure où part le courrier.

»Lord Byron est très-bien, et il a été charmé de me voir. Il a, en vérité, complètement recouvré sa santé, et il mène une vie totalement contraire à celle qu'il menait à Venise. Il a une sorte de liaison permanente avec la comtesse Guiccioli, qui est maintenant à Florence, et qui, à en juger par ses lettres, semble une très-aimable femme. Elle attend dans cette ville qu'il y ait quelque chose de décidé sur leur émigration en Suisse, ou sur leur séjour en Italie; point qui n'est pas encore définitivement résolu. Elle a été forcée de s'échapper du territoire papal en grande hâte, vu que des mesures avaient déjà été prises pour la placer dans un couvent où elle aurait été impitoyablement confinée pour la vie. Les droits oppressifs d'un contrat de mariage, tels qu'ils existent dans la législation et l'opinion de l'Italie, quoique moins souvent exercés qu'en Angleterre, sont encore plus terribles qu'en ce dernier pays.

»Lord Byron s'était presque tué à Venise. Il avait été réduit à un tel état de débilité, qu'il était incapable de rien digérer, il était consumé par une fièvre hectique, et il serait bientôt mort sans cet attachement, qui le retira des excès où il s'était plongé plutôt par insouciance et orgueil que par goût. Pauvre garçon, il est maintenant tout-à-fait bien; et il s'est jeté dans la politique et la littérature. Il m'a donné beaucoup de détails intéressans sur la première; mais nous n'en parlerons pas dans une lettre. Fletcher est ici, et-comme si, à la manière d'une ombre, il croissait et décroissait avec le corps même de son maître, – il a aussi repris sa bonne mine, et du milieu de ses cheveux gris prématurés s'est élevée une nouvelle pousse de touffes blondes.

»Nous avons beaucoup causé de poésie et de sujets analogues hier soir, et comme d'ordinaire, nous n'avons pas été d'accord, – et je crois, moins que jamais. Byron affecte de se déclarer le patron d'un système de littérature propre à ne produire que la médiocrité, et quoique tous ses plus beaux poèmes et ses plus beaux passages n'aient été produits qu'au mépris de ce système, je reconnais dans le doge de Venise les pernicieux effets de cette nouvelle foi littéraire qui gênera et arrêtera dorénavant ses efforts, quelque grands qu'ils puissent être; à moins qu'il ne secoue le joug. Je n'ai lu que quelques passages de la pièce, ou plutôt il me les a lus, et m'a donné le plan de l'ensemble.»

Ravenne, 15 août 1821.

»Nous sortons à cheval le soir pour nous promener dans la forêt de pins qui sépare la ville de la mer. Je t'écris notre genre de vie, auquel je me suis accommodé sans beaucoup de difficulté: – Lord Byron se lève à deux heures, – et déjeûne-nous causons, lisons, etc. jusqu'à six, – puis nous montons à cheval à huit, et après dîner nous devisons jusqu'à quatre ou cinq heures du matin. Je me lève à midi, et je vous consacre aujourd'hui le tems qui reste libre entre mon lever et celui de Byron.

»Lord Byron a beaucoup gagné sous tous les rapports, – en génie, en caractère, en vues morales, en santé et en bonheur. Sa liaison avec la Guiccioli a été pour lui un avantage inappréciable. Il vit avec une grande splendeur, mais sans outrepasser son revenu, qui est aujourd'hui d'environ quatre mille livres sterling par an, et dont il consacre le quart à des oeuvres de charité. Il a eu de désastreuses passions, mais il semble les avoir subjuguées, et il devient ce qu'il devait être: un homme vertueux. L'intérêt qu'il a pris aux affaires politiques d'Italie, et les actions qu'il a faites en conséquence ne doivent point s'écrire dans une lettre, mais vous causeront du plaisir et de la surprise.

»Il n'est pas encore décidé à aller en Suisse, pays en vérité peu fait pour lui; le commérage et les cabales de ces coteries anglicanes le tourmenteraient comme auparavant, et pourraient le faire retomber dans le libertinage, où il s'est, dit-il, plongé non par goût mais par désespoir. La Guiccioli, et son frère (qui est l'ami et le confident de Lord Byron, et approuve complètement la liaison de sa soeur avec lui) désirent aller en Suisse, à ce que dit Lord Byron, seulement par amour de la nouveauté et pour le plaisir de voyager. Lord Byron préfère la Toscane ou Lucques, et il essaie de leur faire adopter ses idées. Il m'a fait écrire une longue lettre à la comtesse pour l'engager à rester. C'est une chose assez bizarre pour un étranger que d'écrire sur des sujets de la plus grande délicatesse à la maîtresse de son ami, – mais le destin semble vouloir que j'aie toujours une part active dans les affaires de tous ceux que j'approche. J'ai exprimé en doucereux italien les raisons les plus fortes que j'ai pu imaginer contre l'émigration en Suisse. Pour vous dire la vérité, je serais charmé de le voir, pour prix de ma peine, s'établir en Toscane. Ravenne est un misérable endroit, les habitans sont barbares et sauvages, et leur langage est le plus infernal patois que vous puissiez concevoir; Byron serait, sous tous les rapports, beaucoup mieux chez les Toscans.

»Il m'a lu un des chants encore inédits de Don Juan. C'est une oeuvre d'une étonnante beauté: elle le place non-seulement au-dessus, mais beaucoup au-dessus, de tous les poètes du siècle. Chaque mot a le cachet de l'immortalité. Ce chant est dans le même style que la fin du second (mais il est entièrement pur d'indécences, et soutenu avec une aisance et un talent incroyables); il n'y a pas un mot que le plus rigide défenseur de la dignité de la nature humaine voulût faire biffer. Voilà, jusqu'à un certain point, ce que j'ai long-tems réclamé, – une production tout-à-fait neuve, adaptée au siècle, et cependant extraordinairement belle. C'est peut-être vanité, mais je crois voir l'effet des vives exhortations que je fis à Byron pour l'engager à créer quelque chose d'entièrement neuf..............

»Je suis sûr que si je demandais je ne serais pas refusé; mais il y a en moi quelque chose qui m'empêche absolument de demander. Lord Byron et moi sommes très-bons amis, et si j'étais réduit à la pauvreté ou si j'étais un écrivain qui n'eût aucun droit à une position plus élevée que celle où je suis, ou si j'étais dans une position plus élevée que je ne mérite, nous paraîtrions toujours tels, et je lui demanderais librement toute espèce de faveur. Mais ce n'est pas là mon cas. Le démon de la défiance et de l'orgueil veille entre deux personnes telles que nous, et empoisonne la liberté de nos relations. C'est une taxe, et une taxe lourde, que nous devons payer par cela même que nous sommes hommes. Je ne crois pas que la faute soit de mon côté; non, très probablement, puisque je suis le plus faible. J'espère que dans l'autre monde les choses seront mieux arrangées. Ce qui se passe dans le coeur d'un autre, échappe rarement à l'observation de celui qui est l'anatomiste exact de son propre coeur ..................

»Lord Byron a ici de splendides appartemens dans le palais du mari de sa maîtresse, un des hommes les plus riches d'Italie. Mme Guiccioli est divorcée, avec une pension de douze mille écus par an, misérable traitement de la part d'un homme qui a cent-vingt mille livres sterling de rente. Il y a deux singes, cinq chats, huit chiens et dix chevaux; tous (excepté les chevaux) se promènent dans la maison comme s'ils en étaient maîtres. Le Vénitien Tita est ici, et me sert de valet, – c'est un beau garçon, avec une admirable barbe noire; il a déjà poignardé deux ou trois personnes, et il a l'air le plus doux que j'aie jamais vu.

Mercredi, Ravenne.

»Je vous ai dit que j'avais écrit d'après le désir de Lord Byron, à la Guiccioli pour la dissuader ainsi que sa famille, du voyage en Suisse. La réponse de cette dame est arrivée, et mes représentations semblent avoir fait comprendre combien la mesure était mauvaise. À la fin d'une lettre pleine de toutes les belles choses que la noble dame dit avoir entendues sur mon compte, se trouve cette demande que je transcris ici, «-Signore, la vostra bontà mi far ardita di chiedervi un favore; me la accorderete-voi? Non partite da Ravenna senza milord142.» Sans contredit me voilà de par toutes les lois de la chevalerie, captif sur parole à la requête d'une dame, et je ne recouvrerai ma liberté que lorsque Byron sera établi à Pise. Je répondrai à la comtesse que sa demande lui est accordée, et que si son amant hésite à quitter Ravenne après que j'aurai fait tous les arrangemens nécessaires pour le recevoir à Pise, je m'engage à me remettre dans la même situation qu'aujourd'hui pour le fatiguer d'importunités jusqu'à ce qu'il aille la rejoindre. Heureusement cela n'est pas nécessaire, et je n'ai pas besoin de vous avertir que cette chevaleresque soumission aux grandes lois de l'antique courtoisie, contre lesquelles je ne me révolte jamais et qui constituent ma religion, ne m'empêchera pas de retourner bientôt près de vous pour y rester long-tems............

Note 142: (retour) Monsieur, votre bonté me rend assez hardie pour vous demander une faveur; me l'accorderez-vous? Ne quittez pas Ravenne sans milord.

»Nous montons à cheval tous les soirs comme à l'ordinaire, et nous nous exerçons au tir du pistolet, et je ne suis pas fâché de vous dire que j'approche de l'adresse avec laquelle mon noble ami frappe au but. J'ai la plus grande peine à m'en aller, et Lord Byron, pour m'obliger à rester, a prétendu que sans moi ou la Guiccioli il retombera certainement dans ses anciennes habitudes. Je lui parle donc raison, et il m'écoute, aussi j'espère qu'il est trop bien instruit des terribles et dégradantes conséquences de son ancien genre de vie pour courir quelque danger dans le court intervalle de tentation qui lui sera laissé.»