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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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LETTRE CCCCXXXIV

A M. MOORE

Ravenne, 4 juin 1821.

«Vous ne m'avez pas écrit dernièrement, quoiqu'il soit d'usage entre littérateurs bien élevés de consoler ses amis par ses observations dans les cas d'importance. Je ne sais si je vous ai envoyé mon élégie sur le rétablissement de lady ***131.

 
Voyez les félicités de mon fortuné sort,
Ma pièce tombe, et non pas lady ***.
 

Note 131: (retour) Le nom a été supprimé par Moore, comme tous ceux qui sont remplacés par des astérisques. Il est facile de voir que c'est ici Lady Noël. (Note du Trad.)

»Les journaux (et peut-être votre correspondance.) vous auront fait connaître la conduite dramatique du directeur Elliston. Il est présumable que la pièce a été arrangée pour le théâtre par M. Dibdin, qui remplit l'office de tailleur dans les occasions semblables, et qui aura pris mesure avec son exactitude ordinaire. J'apprends que l'on continue toujours à me jouer, – trait d'entêtement dont je me console un peu en pensant qu'il aura vidé la bourse du discourtois histrion.

»Vous serez étonné d'apprendre que j'ai fini une autre tragédie en cinq actes, dans laquelle j'ai observé strictement toutes les unités. Elle a pour titre Sardanapale, et je l'ai envoyée en Angleterre par le dernier courrier. Elle n'est pas plus pour le théâtre que la première n'y fut destinée, – et je prendrai cette fois plus de précautions pour empêcher qu'on ne s'en empare.

»Je vous ai aussi envoyé, il y a quelques mois, une nouvelle lettre sur Bowles, etc.; mais il paraît à tel point touché des égards (c'est son expression) que j'eus pour lui dans la première épître, que je ne suis pas sûr de publier celle-ci, qui est un peu trop pleine de phrases «récréatives et surabondantes.» J'apprends par des lettres particulières de M. Bowles, que c'est vous qui étiez l'illustre littérateur en astérisques132. Qui donc y aurait songé? Vous voyez quel mal ce révérend personnage a fait en imprimant les notes sans nom. Comment diable pouvais-je supposer que les premiers quatre astérisques désignaient Campbell et non Pope, et que le nom laissé en blanc était celui de Thomas Moore? Vous voyez ce qui résulte d'être en intimité avec des ecclésiastiques. Les réponses de Bowles ne me sont pas parvenues, mais je sais d'Hobhouse, que lui (Hobhouse) y a été attaqué. En ce cas, Bowles aurait rompu la trève (que, par parenthèse, il avait lui-même proclamée), et il me faut avoir encore un démêlé avec lui.

Note 132: (retour) M. Bowles avait cité à son appui une phrase d'une lettre particulière de Moore, en l'annonçant comme l'opinion d'un illustre littérateur, mais en remplaçant le nom par des astérisques; Byron avait fait là-dessus force plaisanteries. (Note du Trad.)

»Avez-vous reçu mes lettres avec les deux ou trois dernières feuilles des mémoires?

»Il n'y a point ici de nouvelles très-intéressantes. Un espion allemand (se vantant de l'être) a reçu un coup de poignard la semaine dernière, mais le coup n'était pas mortel. Dès l'instant où j'appris qu'il s'était laissé aller à cette vanterie fanfaronne, il fut aisé pour moi, comme pour tout autre, de prédire ce qui lui adviendrait; c'est ce que je fis, et il reçut le coup deux jours après.

»L'autre nuit, une querelle sur une dame de l'endroit, entre ses divers amans, a occasioné à minuit une décharge de pistolets, mais personne n'a été blessé. Ç'a été toutefois un grand scandale: – la dame est plantée là par son amant, – pour être rebutée par son mari, pour cause d'inconstance à son légitime servente; elle s'est retirée toute confuse à la campagne, quoique nous soyons dans le fort de la saison de l'opéra. Toutes les femmes sont furieuses contre elle (attendu qu'elle était médisante) pour s'être laissée ainsi découvrir. C'est une jolie femme, – une comtesse ***, – un beau vieux nom visigoth ou ostrogoth.

»Et les Grecs! Qu'en pensez-vous? Ce sont mes vieilles connaissances; – mais je ne sais que penser. Espérons, néanmoins.

»Tout à vous.»

BYRON.

LETTRE CCCCXXXV

A M. MOORE

Ravenne, 22 juin 1821.

«Votre naine de lettre est arrivée hier. C'est juste; – tenez-vous à votre magnum opus. – Ah! que ne pouvons-nous combiner un peu nos talens pour notre Journal de Trévoux. Mais il est inutile de soupirer, et cependant c'est bien naturel; – car je pense que vous et moi irions mieux ensemble dans une association littéraire, que toute autre couple d'auteurs vivans.

»J'ai oublié de vous demander si vous aviez vu votre panégyrique dans la Correspondance de mistriss Waterhouse et du colonel Berkeley. Certainement, leur morale n'est pas tout-à-fait exacte, mais votre passion est complètement efficace, et toute la poésie du genre asiatique-(je dis asiatique, comme les Romains disaient l'éloquence asiatique, et non parce que la scène se passe en Orient) – doit être constatée par cette épreuve seule. Je ne suis pas très-sûr que je permette un jour aux miss Byron (légitimes ou illégitimes) de lire Lalla Rookh, – d'abord, à cause de ladite passion, et, en second lieu, afin qu'elles ne découvrent pas qu'il y eut un meilleur poète que papa.

»Vous ne me dites rien de la politique; – mais hélas! que peut-on dire!

 
Le monde est une botte de foin,
Les hommes sont les ânes qui la mangent,
Chacun la tire de son côté, -
Et le plus grand de tous est John Bull!
 

»Comment nommez-vous l'oeuvre nouvelle que vous projetez? J'ai envoyé à Murray une nouvelle tragédie, intitulée Sardanapale, écrite suivant les règles d'Aristote, – hormis le choeur: – je n'ai pu me décider à l'introduire. J'en ai commencé une autre, et je suis au second acte: – ainsi, vous voyez que je vais comme de coutume.

»Les réponses de Bowles me sont parvenues; mais je ne puis continuer toujours à disputer, – surtout d'une façon civile. Je présume qu'il prendra mon silence volontaire pour un silence forcé. Il a été si poli, que je n'ai plus assez de bile pour le plaisanter; – autrement, j'aurais une rude plaisanterie ou même deux à son service.

»Je ne puis vous envoyer le petit journal, parce que je ne puis le confier à la poste. Ne supposez pas qu'il contienne rien de particulier; mais il vous montrera les intentions des Italiens à cette époque, – et un ou deux autres faits personnels comme le premier.

»Donc Longman ne mord pas: – c'était mon désir que de tirer parti de cet ouvrage. Ne pourriez-vous obtenir une somme, quelque petite qu'elle fût, par une vente à réméré.

»Êtes-vous à Paris ou à la campagne? Si vous êtes à la ville, vous ne résisterez jamais à l'invasion anglaise dont vous parlez. Je vois à peine un Anglais tous les six mois; et, quand cela m'arrive, je tourne mon cheval à l'opposite. Le fait que vous trouverez dans la dernière note de Marino Faliero, m'a fourni une bonne excuse pour rompre toute relation avec les voyageurs.

»Je ne me rappelle pas le discours dont vous parlez, mais je soupçonne que ce n'en est pas un du doge, mais d'Israël Bertuccio à Calendaro. J'espère que vous regardez la conduite d'Elliston comme honteuse: – c'est mon unique consolation. J'ai obligé les journalistes milanais à rétracter leur mensonge, ce qu'ils ont fait avec la bonne grâce de gens habitués à cela.

»Tout à vous, etc.»

BYRON.

LETTRE CCCCXXXVI

A M. MOORE

Ravenne, 5 juillet 1821.

«Comment avez-vous pu présumer que je voulusse jamais me rendre coupable d'une plaisanterie à votre égard? Je regrette que M. Bowles n'ait pas dit plus tôt que vous étiez l'auteur de la note, ce que j'ai appris par une lettre particulière qu'il a écrite à Murray, et que Murray m'envoie. Au diable la controverse!

 
Au diable Twizzle,
Au diable la cloche,
Au diable le sot qui la mit en branle! – Ma foi!
Je serai bientôt délivré de tous ces fléaux.
 

»J'ai vu un ami de votre M. Irving, – un fort joli garçon, – un M. Coolidge, de Boston, – un peu trop plein seulement de poésie et d'enthousiasme. J'ai été fort poli envers lui pendant son séjour de quelques heures, et j'ai beaucoup parlé avec lui sur Irving, dont les écrits font mes délices. Mais je soupçonne qu'il n'a pas été autant charmé de moi, vu qu'il s'attendait à rencontrer un misanthrope en culottes de peau de loup, ne répondant que par de farouches monosyllabes, au lieu d'un homme de ce monde. Je ne puis jamais faire comprendre aux gens que la poésie est l'expression de la passion, et qu'il n'existe pas plus une vie toute de passion qu'un tremblement de terre continuel, ou une fièvre éternelle. D'ailleurs, qui voudrait jamais se raser dans un tel état?

»J'ai reçu aujourd'hui une lettre curieuse d'une jeune fille d'Angleterre-que je n'ai jamais vue, – et qui me dit qu'elle meurt d'une maladie de langueur, mais qu'elle n'a pu sortir de ce monde sans me remercier du plaisir que ma poésie, pendant plusieurs années, etc., etc. Cette lettre est signée, N. N. A., et ne contient pas un mot de jargon ou de prêche qui ait trait à des opinions quelconques. La jeune personne dit simplement qu'elle est mourante, et qu'elle a cru pouvoir me dire combien j'avais contribué aux plaisirs de son existence; elle me prie de brûler sa lettre, – ce que je ne puis faire, attendu que je regarde une lettre pareille comme supérieure à un diplôme de Gottingue. J'ai autrefois reçu une lettre de félicitation en vers de Drontheim, en Norwége (mais elle n'était pas d'une femme mourante): – ce sont ces choses-là qui font quelquefois croire à un homme qu'il est poète. Mais s'il faut croire que *** et autres gens pareils sont poètes aussi, il vaut mieux être hors du corps.

 

»Je suis maintenant au cinquième acte de Foscari: c'est la troisième tragédie dans l'espace d'un an, outre la prose; ainsi, vous voyez que je ne suis point paresseux. Et vous aussi, êtes-vous occupé? Je soupçonne que votre vie de Paris prend trop sur votre tems, et c'est vraiment pitié. Ne pouvez-vous partager vos journées de manière à tout combiner? J'ai eu une multitude d'affaires mondaines sur les bras pendant l'année dernière, – et pourtant il ne m'a pas été si difficile de donner quelques heures aux Muses.

»Pour toujours, etc.

»Si nous étions ensemble, je publierais mes deux pièces (périodiquement) dans notre commun journal. Ce serait notre plan de publier par cette voie nos meilleures productions.»

Dans le journal intitulé Pensées Détachées, je trouve la mention intéressante des hommages rendus à son génie.

«En fait de gloire (qu'on ait jamais obtenue de son vivant), j'ai eu ma part, peut-être, – que dis-je? – certainement plus grande que mes mérites.

»J'ai acquis par ma propre expérience quelques bizarres exemples des lieux sauvages et étranges où un nom peut pénétrer, et produire même une vive impression. Il y a deux ans (presque trois, c'était en août ou juillet 1819), je reçus à Ravenne une lettre, en vers anglais, de Drontheim, en Norwége, écrite par on Norwégien, et pleine des complimens ordinaires, etc., etc.: elle est encore quelque part dans mes papiers. Le même mois, je reçus une invitation pour le Holstein, de la part d'un M. Jacobson (je crois) de Hambourg; plus, par la même voie, une traduction du chant de Médora du Corsaire, par une baronne westphalienne (non pas la baronne Thunderton-Trunck133), avec quelques vers du propre cru de cette dame (vers fort jolis et klopstock-iens134), et une traduction en prose y annexée, au sujet de ma femme: – comme ces vers concernaient ma femme plus que moi, je les lui envoyai, avec la lettre de M. Jacobson. C'était assez singulier que de recevoir en Italie une invitation de passer l'été dans le Holstein, de la part de gens que je n'avais jamais connus. La lettre fut adressée à Venise. M. Jacobson me parlait des «roses sauvages fleurissant l'été dans le Holstein.» Pourquoi donc les Cimbres et les Teutons émigrèrent-ils?

Note 133: (retour) Nom de la baronne westphalienne, dans le célèbre roman de Candide. (Note du Trad.)

Note 134: (retour) Klopstock-ish. Byron a lui-même forgé cet adjectif avec le nom de l'illustre auteur de la Christiade. (Note du Trad.)

»Quelle étrange chose que la vie et que l'homme! Si je me présentais à la porte de la maison où ma fille est maintenant, la porte me serait fermée, – à moins que (ce qui n'est pas impossible) je n'assommasse le portier; et si j'étais allé cette année-là (et peut-être encore aujourd'hui) à Drontheim, la ville la plus reculée de la Norwége, j'aurais été reçu à bras ouverts dans la demeure de gens sans rapport de parenté ou de patrie avec moi, et attachés à moi par l'unique lien de l'esprit et de la renommée.

»En fait de gloire, j'ai eu ma part; à la vérité, les accidens de la vie humaine y ont mêlé leur levain, et cela en plus grande quantité qu'il n'est arrivé à la plupart des littérateurs d'un rang distingué; mais, en total, je prends le mal comme l'équilibre nécessaire du bien dans la condition humaine.»

Il parle aussi, dans le même journal, de la visite du jeune Américain, en ces termes.

«Un jeune Américain, nommé Coolidge, est venu me rendre visite il y a quelques mois. C'était un jeune homme intelligent, fort beau, et âgé de vingt ans au plus, à en juger par l'apparence; un peu romantique (ce qui va bien à la jeunesse), et fortement passionné pour la poésie, comme on peut le présumer de sa visite dans mon antre. Il m'apporta un message d'un vieux serviteur de ma famille (Joe Murray), et me dit que lui (M. Coolidge) avait obtenu une copie de mon buste de Thorwaldsen à Rome, pour l'envoyer en Amérique. J'avoue que je fus plus flatté du jeune enthousiasme de ce voyageur solitaire par-delà l'Atlantique, que si l'on m'eût décrété une statue dans le Panthéon de Paris (j'ai vu, même de mon tems, les empereurs et les démagogues renversés de dessus leurs piédestaux, et le nom de Grattan effacé de la rue de Dublin, à laquelle il avait été donné); je dis que j'en fus plus flatté, parce que c'était un hommage simple, sans motif politique, sans intérêt ou ostentation, – le pur et vif sentiment d'un jeune homme pour le poète qu'il admirait. Son admiration, toutefois, a dû lui coûter cher. – Je ne voudrais pas payer le prix d'un buste de Thorwaldsen pour la tête et les épaules de qui que ce soit, excepté Napoléon, mes enfans, «quelque absurde individu de l'espèce féminine», comme dit Monkbarns, – et ma soeur. Me demande-t-on pourquoi je posai pour mon buste? – Réponse; ce fut à la requête particulière de J. C. Hobhouse, Esquire, et pour nul autre. Un portrait est une autre affaire; tout le monde pose pour son portrait; mais un buste a l'air de prétendre à la permanence, et offre une idée d'inclination pour la renommée publique plutôt que de souvenir particulier.

»Toutes les fois qu'un Américain demande à me voir (ce qui n'est pas rare), je condescends à son désir, premièrement parce que je respecte un peuple qui a conquis sa liberté par un courage ferme, sans excès; et, secondement, parce que ces visites transatlantiques «en petit nombre et à longs intervalles» me font le même effet que si je m'entretenais, de l'autre côté du Styx, avec la postérité. Dans un siècle ou deux, les nouvelles Atlantides espagnole et anglaise, suivant toute probabilité, régneront sur le vieux continent, comme la Grèce et l'Europe soumirent l'Asie, leur mère, dans les tems anciens et primitifs, comme on les appelle.»

LETTRE CCCCXXXVII

A M. MURRAY

Ravenne, 6 juillet 1821.

«Pour condescendre à un désir exprimé par M. Hobhouse, je suis déterminé à omettre la stance sur le cheval de Sémiramis, dans le cinquième chant de Don Juan. Je vous dis cela, au cas que vous soyez ou ayez l'intention d'être l'éditeur des derniers chants.

»À la requête particulière de la comtesse Guiccioli, j'ai promis de ne pas continuer Don Juan. Vous regarderez donc ces trois chants comme les derniers du poème. Depuis qu'elle avait lu les deux premiers dans la traduction française, elle ne cessait de me supplier de n'en plus écrire de nouveaux. La raison de ces prières ne frappe pas d'abord un observateur superficiel des moeurs étrangères; mais elle dérive du désir qu'ont toutes les femmes d'exalter le sentiment des passions, et de maintenir l'illusion qui leur donne l'empire. Or, Don Juan déchire cette illusion, et en rit comme de bien d'autres choses. Je n'ai jamais connu de femme qui ne protégeât Rousseau, ou qui ne traitât avec dégoût les Mémoires de Grammont, Gilblas, et tous les tableaux comiques des passions, quand ils sont naturellement présentés.»

LETTRE CCCCXXXVIII

A M. MURRAY

14 juillet 1821.

«J'espère que l'on ne prendra pas Sardanapale pour une pièce politique; car une telle intention fut si loin d'être la mienne, que je ne songeai jamais qu'à l'histoire d'Asie. La tragédie vénitienne aussi est strictement historique. Mon but a été de mettre en drame, à la manière des Grecs (phrase modeste), des points d'histoire frappans, comme ces mêmes Grecs l'ont fait à l'égard de l'histoire et de la mythologie. Vous trouverez que tout cela ne ressemble guère à Shakspeare; et c'est tant mieux dans un sens, car je le regarde comme le pire des modèles, bien que le plus extraordinaire des écrivains. J'ai eu pour but d'être aussi simple et aussi sévère qu'Alfiéri, et j'ai plié la poésie autant que j'ai pu au langage ordinaire. La difficulté est que, dans ce tems, on ne peut parler ni de rois ni de reines sans être soupçonné d'allusions politiques ou de personnalités. Je n'ai point eu d'intention pareille.

»Je ne suis pas très-bien, et j'écris au milieu de scènes désagréables: on a, sans jugement ni procès, banni un grand nombre des principaux habitans de Ravenne et de toutes les villes des états romains, – et parmi les exilés il y a plusieurs de mes amis intimes, en sorte que tout est dans la confusion et la douleur; c'est un spectacle que je ne saurais décrire sans éprouver la même peine qu'à le voir.

»Vous êtes chiche dans votre correspondance.

»Tout à vous sincèrement.»

BYRON.

LETTRE CCCCXXXIX

A M. MURRAY

Ravenne, 22 juillet 1821.

«L'imprimeur a fait un miracle; – il a lu ce que je ne puis lire moi-même, – mon écriture.

»Je m'oppose au délai jusqu'à l'hiver; je désire particulièrement que l'on imprime tandis que les théâtres d'hiver sont fermés, afin de gagner du tems au cas que les directeurs ne nous jouent le même tour de politesse. Toute perte sera prise en considération dans notre contrat, quelle qu'en soit l'occasion, soit la saison, soit autre chose; mais imprimez et publiez.

»Je crois qu'il faudra avouer que j'ai plus d'un style. Sardanapale, toutefois, est presque un personnage comique; mais ainsi est Richard III. Faites attention que les trois unités sont mon principal but. Je suis charmé de l'approbation de Gifford; quant à la foule, vous voyez que j'ai eu en vue toute autre chose que le goût du jour pour d'extravagans «coups de théâtre.» Toute perte probable, comme je vous l'ai déjà dit, sera évaluée dans nos comptes. Les Revues (excepté une ou deux, le Blackwood Magazine, par exemple) sont assez froides; mais ne songez plus aux journalistes, – je les ferai marcher droit, si je me le mets en tête. J'ai toujours trouvé les Anglais plus vils en certains points que toute autre nation. Vous vous étonnez de mon assertion, mais elle est vraie quant à la reconnaissance, – peut-être est-ce parce que les Anglais sont fiers, et que les gens fiers haïssent les obligations.

»La tyrannie du gouvernement éclate ici. On a exilé environ mille personnes des meilleures familles des états romains. Comme plusieurs de mes amis sont de ce nombre, je songe à partir aussi, mais pas avant que je n'aie reçu vos réponses. Continuez de m'adresser vos lettres ici, comme d'ordinaire, et le plus vite possible. Ce que vous ne serez pas fâché d'apprendre, c'est que les pauvres de l'endroit, apprenant que j'avais l'intention de partir, ont fait une pétition au cardinal pour le prier de me prier de rester. Je n'ai entendu parler que de cela il y a un ou deux jours; et ce n'est un déshonneur ni pour eux ni pour moi; mais cette démarche aura mécontenté les hautes autorités, qui me regardent comme un chef de charbonniers. On a arrêté un de mes domestiques pour une querelle dans la rue avec un officier (on a pris sur un autre des couteaux et des pistolets); mais comme l'officier n'était pas en uniforme, et qu'il était d'ailleurs dans son tort, mon domestique, sur ma vigoureuse protestation, a été relâché. Je n'étais pas présent à la bagarre, qui arriva de nuit près de mes écuries. Mon homme (qui est un Italien), d'un caractère brave et peu endurant, aurait tiré une cruelle vengeance, si je ne l'en eusse pas empêché. Voici ce qu'il avait fait: il avait tiré son stiletto, et, sans les passans, il aurait fricassé le capitaine, qui, à ce qu'il paraît, fit triste figure dans la querelle, qu'il avait cependant provoquée. L'officier s'était adressé à moi, et je lui avais offert toute sorte de satisfaction, soit par le renvoi de l'homme, soit autrement, puisque l'homme avait tiré son couteau. Il me répondit que des reproches seraient suffisans. Je fis des reproches au domestique; et cependant, après cela, le misérable chien alla se plaindre au gouvernement, – après avoir dit qu'il était complètement satisfait. Cela me mit en colère, et j'adressai une remontrance qui eut quelque effet. Le capitaine a été réprimandé, le domestique relâché, et l'affaire en est restée là.»

Parmi les victimes de «la noire sentence» et de la proscription par laquelle les maîtres de l'Italie, comme il appert des lettres précédentes, se vengeaient maintenant de leur dernière alarme sur tous ceux qui y avaient contribué, même dans le plus faible degré, les deux Gamba se trouvèrent nécessairement compris comme chefs présumés des carbonari de la Romagne. Vers le milieu de juillet, Mme Guiccioli, dans un profond désespoir, écrivit à Lord Byron pour l'informer que son père, dans le palais duquel elle résidait alors, venait de recevoir l'ordre de quitter Ravenne dans les vingt-quatre heures, et que c'était l'intention de son frère de partir le lendemain matin. Mais le jeune comte n'avait pas même été laissé tranquille si long-tems, et avait été conduit par des soldats jusqu'à la frontière; et la comtesse elle-même, peu de jours après, vit qu'elle devait aussi se joindre aux exilés. La perspective d'être de nouveau séparée de Byron, semble avoir rendu l'exil presque aussi terrible que la mort aux yeux de cette noble dame. «Cela seul», dit-elle dans une lettre à son amant, «manquait pour combler la mesure de mon désespoir. Venez à mon aide, mon amour, car je suis dans la plus terrible situation, et sans vous je ne puis me résoudre à rien. *** vient de me quitter; il était envoyé par *** pour me dire qu'il faut que je parte de Ravenne avant mardi prochain, parce que mon mari a eu recours à la cour de Rome pour me forcer de retourner avec lui ou d'entrer dans un couvent; et la réponse est attendue sous peu de jours. Je ne dois parler de cela à personne; il faut que je m'échappe de nuit; car, si mon projet est découvert, on y mettra obstacle, et mon passeport (que la bonté du ciel m'a permis je ne sais comment d'obtenir), me sera retiré. Byron! je suis au désespoir! – S'il faut vous laisser ici sans savoir quand je vous reverrai; si c'est votre volonté que je souffre si cruellement, je suis résolue à rester. On peut me mettre dans un couvent; je mourrai, – mais, – mais vous ne pouvez me secourir, et je ne puis rien vous reprocher. Je ne sais ce qu'on me dit: car mon agitation m'anéantit; – et pourquoi? ce n'est point parce que je crains mon danger présent, mais seulement, j'en prends le ciel à témoin, seulement parce qu'il faut vous quitter.»

 

Vers la fin de juillet, celle qui écrivait cette lettre si tendre et si vraie se trouva forcée de quitter Ravenne, – séjour de sa jeunesse, et maintenant de ses affections, – sans savoir où elle irait, et où elle retrouverait son amant. Après avoir langui quelque tems à Bologne, dans la faible espérance que la cour de Rome pourrait encore, par la médiation de quelques amis, être engagée à rapporter l'arrêt prononcé contre son père et son frère; cette espérance une fois évanouie, elle rejoignit enfin ses parens à Florence.

On a déjà vu, par les lettres de Lord Byron, qu'il était lui-même devenu l'objet des plus vifs soupçons pour le gouvernement, et que c'était même surtout dans le désir de se débarrasser de lui qu'on avait pris toutes ces mesures contre la famille Gamba: – attendu qu'on craignait que la constante bienfaisance qu'il exerçait envers les pauvres de Ravenne ne lui donnât une dangereuse popularité parmi des hommes non accoutumés à l'exercice de la charité sur une si large échelle. «Une des principales causes, dit Mme Guiccioli, de l'exil de mes parens fut l'idée que Lord Byron partagerait l'exil de ses amis. Déjà le gouvernement voyait d'un mauvais oeil le séjour de Lord Byron à Ravenne; on connaissait ses opinions; on craignait son influence, et on s'exagérait même l'étendue de ses moyens d'action. On s'imaginait qu'il avait donné l'argent pour l'achat des armes, etc., et qu'il avait fourni à tous les besoins pécuniaires de la société. La vérité est que lorsqu'il était invité à exercer sa bienfaisance, il ne s'enquérait point des opinions politiques ou religieuses de ceux qui réclamaient son aide: tous les hommes malheureux et indigens avaient un droit égal à sa bienveillance. Les anti-libéraux cependant s'étaient fermement persuadés qu'il était le principal soutien du libéralisme en Romagne, et désiraient qu'il s'en allât; mais n'osant pas exiger directement son départ, ils espéraient pouvoir indirectement le forcer à cette mesure135.»

Note 135: (retour) Una delle principali ragioni per cui si erano esigliati i miei parenti, era la speranza che Lord Byron pure lascerebbe la Romagna quando i suoi amici fossero partiti. Già da qualche tempo la permanenza di Lord Byron in Ravenna era mal gradita dal governo, conoscendo si le sue opinioni, e temendosi la sua influenza, ed esaggerandosi anche i suoi mezzi per esercitarla. Si credeva che egli somministrasse danaro per provvedere armi, che provvedesse ai bisogni della società. La verità era che nello spargere le sue beneficenze egli non s'informava delle opinioni politiche e religiose di quello che aveva bisogno del suo soccorso; ogni misero ed ogni infelice aveva un eguale diritto alla sua generosità. Ma in ogni modo gli anti-liberali lo credevano il principale sostegno del liberalismo della Romagna, e desideravano la sua partenza; ma non osando provocarla in nessun modo diretto, speravano di ottenerla indirettamente.

Après avoir donné les détails de son propre départ, la comtesse continue: «Lord Byron cependant resta à Ravenne, ville déchirée par l'esprit de parti, ville où il avait certainement, à cause de ses opinions, bon nombre d'ennemis fanatiques et perfides; et mon imagination me le peignait toujours au milieu de mille dangers. On peut donc concevoir ce que fut pour moi ce voyage, et ce que je souffris si loin de Lord Byron. Ses lettres m'auraient consolé; mais il y avait deux jours d'intervalle entre l'instant où il me les écrivait et celui où je les recevais. Cette idée empoisonnait toute la consolation qu'elles auraient pu me donner, et par conséquent mon coeur était déchiré par les craintes les plus cruelles. Cependant il était nécessaire, pour son propre honneur, qu'il restât encore quelque tems à Ravenne, afin que l'on ne pût pas dire qu'il avait été banni aussi. D'ailleurs il avait conçu une grande affection pour la ville même, et il désirait, avant d'en partir, épuiser tous les moyens de procurer le rappel de mes parens136.»

Note 136: (retour) Lord Byron restava frattanto a Ravenna, in un paese sconvolto dai partiti, e dove aveva certamente dei nemici di opinioni fanatiche perfidi, e la mia imaginazione me lo dipingeva circondato sempre da mille pericoli. Si può dunque pensare cosa dovesse essere cruel viaggio per me, e cosa io dovessi soffrire nella sua lontananza. Le sue lettere avrebbero potuto essermi di conforto; ma quando io le riceveva, era già trascorso lo spazio di due giorni dal momento in cui furono scritte, e questo pensiero distruggeva tutto il bene che esse potevano farmi, e la mia anima era lacerata dai più crudeli timori. Frattanto era necessario per la di lui convenienza che egli restasse ancora qualche tempo in Ravenna affinchè non avesse a dirsi che egli pure ne era esigliato; ed oltre ciò egli si era sommamente affezionato à quel soggiorno, e voleva innanzi di partire vedere esauriti tutti i tentativi e tutte le speranze del ritorno dei miei parenti.