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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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LETTRE CCCCXIII

A M. MURRAY

Ravenne, 21 février 1821.

«À la page 44e du premier volume des Voyages de Turner (que vous m'avez dernièrement envoyés), il est dit que «Lord Byron, en établissant avec tant de confiance la possibilité de traverser à la nage le détroit des Dardanelles, semble avoir oublié que Léandre le traversait dans l'un et l'autre sens, tour-à-tour suivant et contre la direction du courant; tandis que lui (Lord Byron) n'a accompli que la partie la plus aisée de la tâche, en nageant suivant le courant d'Europe en Asie.» Je n'ai pas, sans aucun doute, oublié ce que sait le premier écolier venu, c'est-à-dire que Léandre traversait le détroit dans la nuit, et revenait le matin. Mon but a été de démontrer que l'Hellespont pouvait être traversé à la nage, et c'est à quoi M. Ekenhead et moi nous avons réussi, l'un en une heure et dix minutes, l'autre en une heure et cinq minutes. Le courant ne nous était pas favorable; au contraire, la grande difficulté fut d'y résister; car, loin de nous aider à gagner le rivage asiatique, il nous emportait droit dans l'archipel. Ni M. Ekenhead, ni moi, ni, j'oserai ajouter, personne à bord de la frégate, à commencer par le capitaine Bathurst, n'avait la moindre notion de cette différence de courant que M. Turner signale du côté de l'Asie. Je n'en ai jamais entendu parler; autrement, j'aurais fait le trajet dans le sens contraire. Le seul motif qui décida le lieutenant Ekenhead, ainsi que moi-même, à partir du rivage d'Europe, fut que le petit cap au-dessus de Sestos était un lieu plus proéminent, et que la frégate qui était à l'ancre au-dessous du fort asiatique, formait un meilleur point de vue pour diriger notre nage; et, dans le fait, nous abordâmes juste au-dessous.

»M. Turner dit: «Tout ce qu'on jette dans le courant, sur cette partie de la rive européenne, arrive nécessairement à la côte asiatique.» Cette assertion est si loin d'être vraie, que l'objet abandonné au courant arrive nécessairement dans l'archipel, quoiqu'un vent violent, soufflant dans la direction de l'Asie, ait pu quelquefois produire l'effet contraire.

»M. Turner essaya la traversée en partant de la rive asiatique, et ne réussit pas: «Après vingt-cinq minutes, pendant lesquelles il n'avança pas de cent yards119, il renonça à l'entreprise par épuisement.» Cela est fort possible, et aurait pu lui arriver tout aussi bien sur la rive européenne. Il aurait dû commencer son trajet une couple de milles plus haut, et il aurait pu alors arriver à terre sous le fort européen. J'ai particulièrement remarqué (et M. Hobhouse l'a remarqué aussi) que nous fûmes obligés d'allonger la traversée réelle du détroit, qui n'a qu'un mille de largeur, jusqu'à trois ou quatre milles, vu la force du courant. Je puis assurer à M. Turner que son succès m'aurait fait un grand plaisir, puisqu'il aurait fortifié d'un exemple de plus la probabilité de l'histoire de Léandre. Mais il n'est pas très-convenable à lui d'inférer que, parce qu'il a échoué, Léandre n'a pu réussir. Il y a toujours quatre exemples du fait; un Napolitain, un jeune juif, M. Ekenhead et moi; et l'authenticité des deux derniers exemples se fonde sur le témoignage oculaire de quelques centaines de marins anglais.

Note 119: (retour) Yard, mesure anglaise, qui est la moitié du fathom ou toise, et qui équivaut à trois pieds. (Note du Trad.)

»Quant à la différence du courant, je n'en ai aperçu aucune; la direction n'en est favorable au nageur ni d'un côté ni de l'autre, mais on peut en éluder l'effet en entrant dans la mer à une distance considérable au-dessus du point opposé de la côte où le nageur veut aborder, et en résistant continuellement; le courant est fort, mais, moyennant un bon calcul, vous pouvez arriver à terre. Mon expérience et celle des autres me forcent de déclarer le trajet de Léandre possible et praticable. Tout homme jeune, et doué de quelque habileté dans la natation, peut réussir en partant n'importe de quel côté. Je restai trois heures à traverser le Tage à la nage, ce qui est beaucoup plus hasardeux, puisque le trajet est de deux heures plus long que celui de l'Hellespont. Je mentionnerai encore un exemple de ce qu'il est possible de faire en nageant. En 1818, le chevalier Mengaldo, gentilhomme de Bassano, bon nageur, désira nager avec mon ami M. Alexandre Scott et avec moi. Comme il paraissait attacher à cette partie le plus vif intérêt, nous ne le refusâmes pas. Nous partîmes tous trois de l'île du Lido pour gagner Venise. À l'entrée du Grand Canal, Scott et moi nous étions très en avant, et nous n'apercevions plus notre ami étranger, ce qui, toutefois, était de peu de conséquence, puisqu'il y avait une gondole pour garder ses habits et le prendre au sortir de l'eau. – Scott nagea jusqu'au-delà du Rialto, où il aborda, moins par la fatigue qu'à cause du froid; car il avait été quatre heures dans l'eau, sans se reposer ou s'arrêter, si ce n'est en se laissant aller sur le dos-(c'était la condition expresse de notre partie). Je continuai ma course jusqu'à Santa-Chiara, et parcourus ainsi la totalité du Grand Canal (outre la distance du Lido), et j'abordai là où la lagune se rouvre pour le passage de Fusina. J'avais été dans l'eau, montre en main, sans aide ni repos, sans jamais toucher ni sol ni barque, quatre heures et vingt minutes. M. le consul-général Hoppner fut témoin de cette partie, et plusieurs autres personnes en ont connaissance. M. Turner peut aisément vérifier le fait, s'il y ajoute quelque importance, en s'en informant auprès de M. Hoppner. Nous ne pourrions assigner exactement la distance parcourue, qui toutefois, dut être considérable.

»Je ne mis à traverser l'Hellespont qu'une heure et dix minutes. Je suis maintenant plus vieux de dix ans d'âge, et de vingt ans de constitution que lorsque je traversai le détroit des Dardanelles; et pourtant il y a deux ans, je fus capable de nager pendant quatre heures et vingt minutes; et je suis sûr que j'aurais pu continuer encore deux heures, quoique j'eusse une paire de caleçons, accoutrement qui n'est nullement favorable à ce genre d'exercice. Mes deux compagnons furent aussi quatre heures dans l'eau. Mengaldo pouvait avoir environ trente ans; Scott, environ vingt-six.

»Avec ces expériences de natation, faites par moi ou par d'autres, non-seulement sur le lieu, mais ailleurs encore, pourquoi douterais-je que l'exploit de Léandre ne fût point parfaitement praticable? Puisque trois individus ont parcouru une distance plus grande que la largeur de l'Hellespont, pourquoi lui, Léandre, n'aurait-il pu franchir ce détroit? Mais M. Turner a échoué; et, cherchant une raison plausible de son échec, il rejette la faute sur la rive asiatique du détroit. Il a essayé de nager tout en travers, au lieu de partir de plus haut pour gagner un avantage; il aurait pu tout aussi bien essayer de voler par-dessus le mont Athos.

»Qu'un jeune Grec des tems héroïques, épris d'amour, et doué de membres vigoureux, ait pu réussir dans un pareil trajet, je ne m'en étonne ni n'en doute. A-t-il tenté ou non ce trajet? c'est une autre question; car il aurait pu avoir une petite barque qui lui eût épargné cette peine.

»Je suis votre sincère, etc.

BYRON.

»P. S. M. Turner dit que la traversée d'Europe en Asie est «la partie la plus aisée de la tâche.» Je doute que Léandre fût de cet avis; car c'était le retour: toutefois, il y avait plusieurs heures d'intervalle entre les deux traversées. L'argument de M. Turner que «plus haut ou plus bas, le détroit s'élargit si considérablement, qu'il y aurait eu peu d'avantage à s'écarter,» n'est bon que pour de médiocres nageurs; un homme de quelque habileté et de quelque expérience dans la natation, aura toujours moins égard à la longueur du trajet qu'à la force du courant. Si Ekenhead et moi eussions songé à traverser dans le point le plus étroit, au lieu de remonter jusqu'au cap, nous aurions été entraînés à Ténédos. Toutefois le détroit ne s'élargit pas excessivement, même au-dessus ou au-dessous des forts. Comme la frégate stationna quelque tems dans les Dardanelles, en attendant le firman, je me baignai souvent dans le détroit après notre traversée, et généralement sur la côte asiatique, sans apercevoir cette plus grande force dans le courant par laquelle le voyageur diplomatique excuse son échec. Notre amusement, dans la petite baie qui s'ouvre immédiatement au-dessous du fort asiatique, était de plonger pour attraper les tortues de terre, que nous jetions exprès dans l'eau, et qui, en véritables amphibies, se traînaient au fond de la mer; cela ne prouve pas une plus grande violence dans le courant que sur la rive européenne. Quant à la modeste insinuation que nous choisîmes cette dernière rive comme «plus facile,» j'en appelle à la décision de M. Hobhouse et au capitaine Bathurst (le pauvre Ekenhead étant mort). Si nous avions été instruits de cette prétendue différence du courant, nous en aurions du moins tenté l'épreuve, et nous n'étions pas gens à renoncer après les vingt-cinq minutes de l'expérience de M. Turner. Le secret de tout ceci est que M. Turner a échoué et que nous avons réussi; il est par conséquent désappointé, et paraît disposé à rabaisser le peu de mérite qu'il peut y avoir dans notre succès. Pourquoi n'essaya-t-il pas du côté de l'Europe? S'il y avait réussi, après avoir échoué du côté de l'Asie, son excuse aurait été meilleure. M. Turner peut trouver tels défauts qu'il lui plaira dans ma poésie ou ma politique; mais je lui recommande de renoncer aux réflexions aquatiques, jusqu'à ce qu'il soit capable de nager «vingt-cinq minutes sans être épuisé,» quoi qu'il soit, je pense, le premier tory des tems modernes qui ait jamais nagé contre le courant durant une demi-heure.»

LETTRE CCCCXIV

A M. MOORE

Ravenne, 22 février 1821.

 

«Comme je souhaite que l'ame de feu Antoine Galignani repose en paix (vous aurez sans doute lu sa mort, publiée par lui-même dans son journal), vous êtes particulièrement invité à informer ses enfans et héritiers que je n'ai reçu qu'un numéro de leur Literary Gazette, à laquelle je me suis abonné il y a plus de dix mois, – malgré les fréquentes réclamations que je leur ai écrites. S'ils n'ont aucun égard pour moi, simple abonné, ils doivent en avoir pour leur parent défunt, qui indubitablement n'est pas bien traité dans sa présente demeure pour ce manque total d'attention: sinon, il me faut la restitution de mes francs. J'ai payé par l'entremise du libraire vénitien Missiaglia. Vous pouvez aussi faire entendre à ces gens-là que lorsqu'un honnête homme écrit une lettre, il est d'usage de lui adresser une réponse.

»Nous sommes ici à la guerre, et à deux jours de distance du théâtre des hostilités, dont nous attendons la nouvelle de moment en moment. Nous allons voir si nos amis italiens sont bons à autre chose qu'à «faire feu de derrière une encoignure,» comme le fusil d'un Irlandais. Excusez-moi si je me hâte de finir, – j'écris tandis qu'on m'attache mes éperons. Mes chevaux sont à la porte, et un comte italien m'attend pour m'accompagner dans ma promenade équestre.

»Votre, etc.

»Dites-moi, je vous prie, si, parmi toutes mes lettres, vous en avez reçu une qui détaille la mort de notre commandant. Il a été tué près de ma porte, et a expiré dans ma maison.»

LETTRE CCCCXV

A M. MURRAY

Ravenne, 2 mars 1821.

«Vous avez ci-joint le commencement d'une lettre que j'écrivais à Perry, mais que j'ai interrompue dans l'espoir que vous auriez le pouvoir d'empêcher les théâtres de me représenter. Vous ne devez certainement pas l'envoyer à son adresse; mais elle vous expliquera mes sentimens à ce sujet. Vous me dites: «Il n'y a rien à craindre; laissez-les faire ce qu'il leur plaît,» c'est-à-dire que vous me verriez damné avec la plus parfaite tranquillité. Vous êtes un gentil garçon.»

À M. PERRY

Ravenne, 22 janvier 1821.

Monsieur,

«J'ai reçu une étrange nouvelle, qui ne peut être plus désagréable à votre public qu'elle ne l'est à moi-même. Des lettres particulières et les gazettes me font l'honneur de dire que c'est l'intention de quelques directeurs de Londres de mettre en scène le poème de Marino Faliero, etc., qui n'a jamais été destiné à cette exposition publique, et qui, j'espère, ne la subira jamais. Il n'y est certainement pas propre. Je n'ai jamais écrit que pour le lecteur solitaire, et ne demande d'autres applaudissemens qu'une approbation silencieuse. Puisque le dessein de m'amener de force, comme un gladiateur, sur l'arène théâtrale est une violation de toutes les convenances littéraires, je compte que la partie impartiale de la presse se rangera entre moi et cette monstrueuse violation de mes droits; car je réclame comme auteur le droit d'empêcher que mes écrits ne soient convertis en pièces de théâtre. Je respecte trop le public pour que cela se fasse de mon gré. Si j'avais recherché sa faveur, c'eût été par une pantomime.

»J'ai dit que je n'écris que pour le lecteur: je ne puis consentir à aucun autre genre de publicité, ou à l'abus de la publication de mes ouvrages dans l'intérêt des histrions. Les applaudissemens d'un auditoire ne me causeraient point de plaisir; et pourtant, son improbation pourrait me causer de la peine: les chances ne sont donc pas égales. Vous me direz peut-être: «Comment est-ce possible? Si l'improbation de l'auditoire vous cause de la peine, l'approbation ne pourrait pas vous faire plaisir?» Point du tout: la ruade d'un âne ou la piqûre d'une guêpe peut être pénible pour ceux qui ne trouveraient rien d'agréable à entendre l'un braire et l'autre bourdonner.

»La comparaison peut sembler impolie; mais je n'en ai pas d'autre sous la main, et elle se présente naturellement.»

LETTRE CCCCXVI

A M. MURRAY

Ravenne, Marzo 1821.

Cher Moray120,

«Dans mon paquet du 12 courant, dernière feuille-et dernière page, – retranchez la phrase qui définit ou prétend définir ce que c'est que la qualité de gentleman, et quels gens doivent être ainsi qualifiés. Je vous dis de retrancher la phrase entière, parce qu'elle ne vient pas plus à propos que «la cosmogonie ou création du monde» dans le Vicaire de Wakefield.

Note 120: (retour) Écrit ainsi par Lord Byron, suivant l'orthographe italienne.

»Dans la phrase plus haut, presque au commencement de la même page, après les mots: «Il existe toujours ou peut toujours exister une aristocratie de poètes,» ajoutez et intercalez les paroles suivantes: «Je ne prétends pas que ces poètes écrivent en gens de qualité ou affectent l'euphuisme121: mais il y a une noblesse de pensée et d'expression que l'on trouve dans Shakspeare, Pope et Burns comme dans Dante, Alfieri, etc.» Ou, si vous aimez mieux, peut-être aurez-vous raison de retrancher la totalité de la digression finale sur les poètes vulgaires, et de ne rien publier au-delà de la phrase où je déclare préférer l'Homère de Pope à celui de Cowper, et où je cite le docteur Clarke en faveur de l'exactitude de la traduction du premier.

Note 121: (retour) Euphuisme est un mot intraduisible, adopté en Angleterre pour désigner le langage maniéré des personnes qui affectent de ne rien dire simplement; je ne sais s'il serait convenablement rendu par style précieux. (Notes du Trad.)

»Sur tous ces points, prenez une opinion arrêtée; prenez l'avis sensé (ou insensé) de vos savans visiteurs, et agissez en conséquence. Je suis fort traitable-en prose.

»Je ne sais si j'ai décidé la question pour Pope; mais je suis sûr d'avoir mis un grand zèle à la soutenir. Si l'on en vient aux preuves, nous battrons les vauriens. Je montrerai plus d'images dans vingt vers de Pope que dans un passage quelconque de longueur égale, tiré de tout autre poète anglais, – et cela dans les endroits où l'on s'y attend le moins; par exemple, dans ses vers sur Sporus. – Lisez-les, et notez-en les images séparément et arithmétiquement122 ..................

Note 122: (retour) Nous avons dû supprimer la liste des expressions figurées que Lord Byron note une à une; car la plupart de ces expressions, traduites littéralement, seraient bizarres, et traduites par des équivalens, ne répondraient plus au but de l'auteur.

»Or, y a-t-il dans tout ce passage un vers qui ne soit pourvu de l'image la plus propre à remplir le but du poète? Faites attention à la variété, – à la poésie de ce passage, – à l'imagination qui y brille; à peine y a-t-il un vers qui ne puisse être peint, et qui ne soit lui-même une peinture! Mais ce n'est rien en comparaison des plus beaux passages de l'Essai sur l'Homme, et de plusieurs autres poèmes sérieux ou comiques. Il n'y eut jamais au monde critique plus injuste que celle de ces marauds contre Pope.

»Demandez à M. Gifford si, dans le cinquième acte du Doge, après la phrase du voile, vous ne pouvez pas intercaler les vers suivans dans la réponse de Marino Faliero?

 
Ainsi soit fait. Mais ce sera en vain:
Le voile noir qui couvre ce nom flétri,
Et qui cache ou semble cacher ce visage,
Attirera plus de regards que les mille portraits
Qui montrent alentour dans leurs splendides ornemens
Ces hommes-vos mandataires esclaves-et les tyrans du peuple123.
 

Note 123: (retour) Ces vers n'ont jamais été insérés dans la tragédie, – peut-être par la difficulté même de l'intercalation. (Note de Moore.)

»Votre véritable, etc.

»P. S. Je ne dis ici qu'un mot des affaires publiques: vous entendrez bientôt parler d'un soulèvement général en Italie. Il n'y eut jamais de mesure plus folle que l'expédition contre Naples.

»Je veux proposer à Holmes, le miniaturiste, de venir me trouver ce printems. Je le rembourserai de tous ses frais de voyage, en sus du prix de son talent. Je veux lui faire peindre ma fille (qui est à présent dans un couvent), la comtesse Guiccioli, et la tête d'une jeune paysanne qui pourrait être une étude de Raphaël. C'est une vraie physionomie de paysanne, mais de paysanne italienne, et tout-à-fait dans le style de la Fornarina de Raphaël. Cette fille a une taille haute, mais peut-être un peu trop grosse et nullement digne d'être comparée à sa figure, qui est réellement superbe. Elle n'a pas encore dix-sept ans, et je suis curieux d'avoir son-visage avant qu'il ne périsse. Me Guiccioli est aussi fort belle, mais dans un genre tout différent; – elle est blonde et blanche, – ce qui est rare en Italie; ce n'est pourtant pas une blonde anglaise; mais c'est plutôt une blonde de Suède ou de Norwége. Ses formes, surtout dans le buste, sont extraordinairement belles. Il me faut Holmes; j'aime ce peintre, parce qu'il saisit parfaitement les ressemblances. Nous sommes ici en état de guerre; mais un voyageur solitaire, avec un petit bagage et sans aucun rapport avec la politique, n'a rien à craindre. Embarquez-le donc dans la diligence. Veuillez ne pas oublier.

LETTRE CCCCXVII

A M. HOPPNER

Ravenne, 3 avril 1821.

»Mille remercîmens pour la traduction. Je vous ai envoyé quelques livres, sans savoir si vous les aviez déjà lus ou non; – en tout cas, vous n'avez pas besoin de les renvoyer. Je vous envoie ci-joint une lettre de Pise. Je ne me suis jamais épargné ni peine ni dépense pour le soin de ma fille, et comme elle avait maintenant quatre ans accomplis et qu'elle devait être tout-à-fait hors de la surveillance des domestiques, – et comme, d'autre part, un homme qui sans femme est seul à la tête de sa maison, ne peut donner une grande attention à une éducation, – je n'ai eu d'autre ressource que de placer l'enfant pour quelque tems (moyennant une forte pension) dans le couvent de Bagna-Cavalli (à une distance de douze milles), endroit où l'air est bon, et où elle fera du moins quelques progrès dans son instruction, et recevra des principes de morale et de religion. J'avais encore une autre raison. – Les affaires étaient et sont encore ici dans un état que je n'ai aucune raison de regarder comme très-rassurant sous le point de vue de ma sûreté personnelle, et j'ai pensé qu'il vaudrait mieux que l'enfant fût éloigné de toute chance périlleuse, pour le moment présent.

»Il est également à propos d'ajouter que je n'ai jamais eu ni n'ai encore l'intention de donner à un enfant naturel une éducation anglaise, parce qu'avec le désavantage de sa naissance, son établissement à venir serait deux fois plus difficile. À l'étranger, avec une éducation conforme aux usages du pays, et avec une part de cinq ou six mille livres sterling, ma fille pourra se marier fort honorablement. En Angleterre une pareille dot donnerait à peine de quoi vivre, tandis qu'ailleurs c'est une fortune. C'est d'ailleurs mon désir qu'Allégra soit catholique romaine, c'est là la religion que je tiens pour la meilleure, comme elle est sans contredit la plus ancienne des diverses branches du christianisme. J'ai exposé mes idées quant à l'endroit où ma fille est à présent, c'est le meilleur que j'aie pu trouver pour le moment, mais je n'ai point de prévention en sa faveur.

»Je ne parle pas de politique, parce que c'est un sujet désespérant, tant que ces faquins auront la faculté de menacer l'indépendance des états.

»Croyez-moi votre ami pour jamais, et de coeur.

»P. S. On annonce ici un changement en France; mais la vérité n'est pas encore connue.

»P. S. Mes respects à Mrs. Hoppner. J'ai la meilleure opinion des femmes de son pays, et à l'époque de la vie où je suis (j'ai eu trente-trois ans le 22 janvier 1821), c'est-à-dire, après la vie que j'ai menée, une bonne opinion est la seule opinion raisonnable qu'un homme doive avoir sur tout le sexe: – jusqu'à trente ans, plus un homme peut penser mal des femmes en général, mieux vaut pour lui; plus tard, c'est une chose sans aucune importance pour elles ou pour lui, qu'il ait telle ou telle opinion, – son tems est passé, ou du moins doit l'être.

 

»Vous voyez comme je suis devenu sage.