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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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Et même cette verve d'ironie, – au point où il la porta, – n'était aussi qu'un résultat du choc que son ame fière reçut des événemens qui l'avaient jeté, avec un nom flétri et un coeur brisé, hors de sa patrie et de ses pénates, comme il le dit lui-même d'une façon touchante,

 
Et si je ris des choses du monde,
C'est que je ne puis pleurer.
 

ce rire, – qui, dans de tels tempéramens, est le proche voisin des pleurs, – servait à le distraire de plus amères pensées; et le même calcul philosophique qui fit dire au poète de la mélancolie, à Young, «qu'il aimait mieux rire du monde que de s'irriter contre lui,» amena aussi Lord Byron à produire la même conclusion, et à sentir que, dans les vues misantropiques auxquelles il était enclin à l'égard du genre humain, la gaîté lui épargnait souvent la peine de haïr.

Si, malgré tous ces obstacles à l'effusion des sentimens généreux, il conserva encore tant de tendresse et d'ardeur, comme il en fit preuve, à travers tous ses déguisemens, dans son incontestable amour pour Mme Guiccioli, et dans le zèle encore moins douteux avec lequel il embrassa alors, de coeur et d'ame, la grande cause de la liberté humaine, n'importe où et par qui elle fut proclamée, – cela seul montre quelle dut être la richesse primitive d'une sensibilité et d'un enthousiasme qu'une telle carrière ne put que si peu refroidir ou épuiser. C'est encore une grande consolation que de songer que les dernières années de sa vie ont été embellies par le retour de ce lustre romantique qui, à la vérité, n'avait jamais cessé d'environner le poète, mais n'avait que trop abandonné le caractère de l'homme; et que, lorsque l'amour-tout répréhensible qu'il était, mais enfin amour véritable, – avait le crédit de retirer Byron des seules erreurs qui le souillèrent dans son jeune âge, à la liberté était réservé le noble mais douloureux triomphe de revendiquer comme sienne la dernière période d'une vie glorieuse, et d'éclairer le tombeau du noble poète au milieu des sympathies du monde.

Ayant tâché, dans cette comparaison entre l'homme actuel et l'homme primitif, d'expliquer, par les causes que je tiens pour véritables, les nouveaux phénomènes que le caractère de Byron présenta à cette époque, je donnerai maintenant le Journal, par lequel ces remarques me furent plus particulièrement suggérées, et que je crains d'avoir ainsi trop différé à présenter au lecteur.

EXTRAITS

D'UN JOURNAL DE LORD BYRON, 1821

Ravenne, 4 janvier 1821.

«Une idée soudaine me frappe. Commençons un Journal encore une fois. Le dernier que je tins fut en Suisse, en mémoire d'un voyage dans les Alpes bernoises; je le fis pour l'envoyer à ma soeur, en 1816, et je présume qu'elle l'a encore, car elle m'écrivit qu'elle en était fort contente. Un autre, beaucoup plus long, fut tenu par moi en 1813-1814, et donné la même année à Thomas Moore.

»Ce matin, je me levai tard, comme d'ordinaire: – mauvais tems, – mauvais comme en Angleterre, – même pire. La neige de la semaine dernière se fond au souffle du sirocco d'aujourd'hui, en sorte qu'il y a tout à-la-fois deux inconvéniens du diable. Je n'ai pu aller me promener à cheval dans la forêt. Demeuré à la maison toute la matinée, – regardé le feu, – surpris du retard du courrier. Le courrier arrivé à l'Ave Maria, au lieu d'une heure et demie, comme il le doit. Galignani's Messengers, au nombre de six; – une lettre de Faënza, mais aucune d'Angleterre. Fort mauvaise humeur en conséquence (car il y aurait dû y avoir des lettres); mangé en conséquence un copieux dîner: car lorsque je suis vexé, j'avale plus vite, – mais je n'ai que fort peu bu.

»J'étais maussade; – j'ai lu les journaux, – songé ce que c'est que la gloire, en lisant, dans un procès de meurtre, que «M. Wych, épicier, à Tunbridge, vendit du lard, de la farine, du fromage et, à ce qu'on croit, des raisins secs à une Égyptienne accusée du crime. Il avait sur son comptoir (je cite fidèlement) un livre, la Vie de Paméla, qu'il déchirait pour enveloppes, etc., etc. Dans le fromage, on trouva, etc., etc., et une feuille de Pamela roulée autour du lard.» Qu'aurait dit Richardson, le plus vain et le plus heureux des auteurs vivans (c'est-à-dire durant sa vie), – lui qui, avec Aaron Hill, avait coutume de prophétiser et de railler la chute présumée de Fielding (l'Homère en prose de la nature humaine) et de Pope (le plus beau des poètes); – qu'aurait-il dit, s'il avait pu suivre ses pages de la toilette du prince français (voir Boswell's Johnson) au comptoir de l'épicier et au lard de l'Égyptienne homicide!!!

»Qu'aurait-il dit? Que peut-il dire, sauf ce que Salomon a dit long-tems avant nous? Après tout, ce n'est que passer d'un comptoir à un autre, du libraire à un autre commerçant, – épicier ou pâtissier. .........

»Écrit cinq lettres en une demi-heure environ, courtes et rudes, à toute la racaille de mes correspondans. Le carrosse est arrivé. Appris la nouvelle de trois meurtres à Faënza et à Forli, – un carabinier, un contrebandier et un procureur: – tous trois la nuit dernière. Les deux premiers dans une querelle, le dernier par préméditation.

»Il y a trois semaines, – presque un mois: – c'était le 7, – je fis enlever de la rue le commandant, mortellement blessé; il mourut dans ma maison; assassins inconnus, mais présumés politiques. Ses frères m'ont écrit de Rome, hier soir, pour me remercier de l'avoir assisté à ses derniers momens. Pauvre diable! c'était pitié; il était bon soldat, mais imprudent. Il était huit heures du soir quand on l'a tué. Nous entendîmes le coup de feu; mes domestiques et moi accourûmes dans la rue, et le trouvâmes expirant, avec cinq blessures, dont deux mortelles: – elles semblaient avoir été faites par des balles mâchées. Je l'examinai, mais n'allai pas à la dissection le lendemain matin.

»Le carrosse à 8 heures ou à peu près. – Allé visiter la comtesse Guiccioli. – Je l'ai trouvée à son piano-forté. – Parlé avec elle jusqu'à dix heures, que le comte son père, et son frère, non moins comte, rentrèrent du théâtre. La pièce, dirent-ils, était Filippo d'Alfieri; – bien accueillie.

»Il y a deux jours, le roi de Naples a passé par Bologne pour se rendre au congrès. Mon domestique Luigi a apporté la nouvelle. Je l'avais envoyé à Bologne chercher une lampe. Comment cela finira-t-il? Le tems l'apprendra.

»Rentré chez moi à onze heures, ou même plus tôt. Si le chemin et le tems le permettent, je ferai une promenade à cheval demain. Gros tems, – presque une semaine ainsi, – un jour, neige, sirocco, – l'autre jour, gelée et neige; triste climat pour l'Italie. Mais ces deux saisons, la dernière et la présente sont extraordinaires. Lu une Vie de Léonard de Vinci, par Rossi; – résumé, – écrit ceci, et je vais aller me coucher.»

5 janvier 1821.

«Je me suis levé tard, – morne et abattu; – tems humide et épais. De la neige par terre, et le sirocco dans le ciel, comme hier. Les chemins remplis jusqu'au ventre du cheval, en sorte que l'équitation (du moins comme partie de plaisir) n'est pas praticable. Ajouté un postscriptum à ma lettre à Murray. Lu la conclusion, pour la cinquième fois (j'ai lu tous les romans de Walter-Scott au moins cinq fois) de la troisième série des Contes de mon Hôte, – grand ouvrage, – Fielding écossais, aussi bien que grand poète anglais; – homme merveilleux! Je désire boire avec lui.

»Dîné vers six heures. Oublié qu'il y avait un plum-pudding (j'ai ajouté récemment la gourmandise à la famille de mes vices), et j'avais dîné avant de le savoir. Bu une demi-bouteille d'une sorte de liqueur spiritueuse, – probablement de l'esprit de vin; car, ce qu'on appelle eau-de-vie, rum, etc., etc., n'est pas autre chose que de l'esprit de vin avec telle ou telle couleur. Je n'ai pas mangé deux pommes, qui avaient été servies en guise de dessert. Donné à manger aux deux chats, au faucon, et à la corneille privée (mais non apprivoisée). Lu l'Histoire de la Grèce de Mitford, – la Retraite des Dix Mille de Xénophon. Écrit jusqu'au moment actuel, huit heures moins six minutes, – heure française, non italienne.

»J'entends le carrosse, – je demande mes pistolets et ma redingote, comme d'ordinaire, – ce sont des articles nécessaires. Tems froid, – promené en carrosse découvert; – habitans un peu farouches, – perfides et enflammés de vives passions politiques. Fins matois, néanmoins, – bons matériaux pour une nation. C'est du chaos que Dieu tira le monde, et c'est du sein des passions que sort un peuple.

»L'heure sonne; – sorti pour faire l'amour. C'est un peu périlleux, mais non désagréable.........

......... .......................

»Le dégel continue; – j'espère qu'on pourra se promener à cheval demain. Envoyé les journaux à ***; – grands événemens qui se préparent.

»Onze heures neuf minutes. Visité la comtesse Guiccioli, née G. Gamba. Elle commençait ma lettre en réponse aux remercîmens que m'avait écrits Alessio del Pinto de Rome, pour avoir assisté son frère, feu le commandant, à ses derniers momens; car je l'avais priée d'écrire ma réponse pour plus grande pureté de langage, moi qui suis natif de par-delà les monts, et suis peu habile à faire une phrase de bon toscan. Coupé court à la lettre; – on la finira un autre jour. Parlé de l'Italie, du patriotisme d'Alfieri, de madame Albany, et autres branches de savoir. Même la conspiration de Catilina, et la guerre de Jugurtha de Salluste. A 9 heures, entre son frère il conte Pietro; – à 10, son père conte Ruggiero.

»Parlé des divers usages militaires, – du maniement du grand sabre à la mode hongroise et à celle des montagnards écossais, double exercice dans lequel j'étais autrefois un assez habile maître d'escrime. Convenu que la R. éclatera le 7 ou 8 mars, date à laquelle je me fierais, s'il n'avait pas déjà été convenu que la chose devait éclater en octobre 1820............

 

»Rentré chez moi, – relu de nouveau les Dix Mille, et je vais aller me coucher.

»Mémorandum. – Ordonné à Fletcher (à 4 heures après midi) de copier sept ou huit apophthegmes de Bacon, dans lesquels j'ai découvert des bévues qu'un écolier serait plutôt capable de découvrir que de commettre. Tels sont les sages! Que faut-il qu'ils soient, pour qu'un homme comme moi tombe sur leurs méprises ou leurs mensonges? Je vais me coucher, car je trouve que je deviens cynique.»

6 janvier 1821.

«Brouillard, – dégel, – boue, – pluie. Point de promenade à cheval. Lu les anecdotes de Spence. Pope est un habile homme, – je l'ai toujours pensé. Corrigé les erreurs de neuf apophthegmes de Bacon, – toutes erreurs historiques, – et lu la Grèce de Mitford. Composé une épigramme. Cherché un passage dans Ginguené, – même dans le Lope de Vega de lord Holland. Écrit une note pour Don Juan.

»A huit heures, sorti pour visite. Entendu un peu de musique. Parlé avec le comte Pietro Gamba de l'acteur italien Vestris, qui est maintenant à Rome; – je l'ai vu souvent jouer à Venise, – bon comédien, – très-bon. Un peu maniéré, mais excellent dans la grande comédie, comme dans les sentimens pathétiques. Il m'a fait souvent rire et pleurer, et ce n'est pas chose fort aisée, – du moins à un comédien, de produire sur moi l'un ou l'autre effet.

»Réfléchi à l'état des femmes dans l'ancienne Grèce, – état assez convenable. L'état présent, reste de la barbarie des siècles de chevalerie et de féodalité, – artificiel et contre nature. Elles doivent veiller à la maison, – être bien nourries et bien habillées, – mais non pas mêlées à la société; – recevoir aussi une bonne éducation religieuse, – mais ne lire ni poésie ni politique, – rien que des livres de piété et de cuisine. Musique, – dessin, – danse; – plus, un peu de jardinage et de labourage par-ci par-là. Je les ai vu, en Épire, réparer les chemins avec succès. Pourquoi pas, ainsi que la coupe des foins et le trait du lait?

»Rentré chez moi, lu de nouveau Mitford, et joué avec mon mâtin, – je lui ai donné son souper. Fait une autre leçon de l'épigramme; mais avec le même tour. Le soir au théâtre; il y avait un prince sur son trône à la dernière scène de la comédie, – l'auditoire a ri, et lui a demandé une constitution. Cela explique l'état de l'esprit public en ce pays, ainsi que les assassinats. Il faut une république universelle, – et elle doit être. La corneille est boiteuse, – je m'étonne d'un tel accident, – quelque sot, je présume, lui a marché sur la patte. Le faucon est tout guilleret, – les chats gras et bruyans. – Je n'ai pas regardé les singes depuis le froid. Il fait toujours très-humide, – un hiver italien est une triste chose, mais les autres saisons sont délicieuses.

»Quelle est la raison pour laquelle j'ai été, durant toute ma vie, plus ou moins ennuyé? et pourquoi le suis-je peut-être moins à présent que je ne l'étais à vingt ans, autant je ne puis en croire mes souvenirs? Je ne sais comment résoudre ce problème, sinon présumer que c'est un effet du tempérament, – tout comme l'abattement au réveil, ce qui a été mon invariable manière d'être pendant plusieurs années. La tempérance et l'exercice, dont j'ai fait maintes fois et pendant long-tems une expérience vigoureuse et violente, n'ont produit que peu ou point de différence. Les passions fortes en ont produit une; sous leur immédiate influence, – c'est bizarre, mais-j'eus toujours les esprits agités, et non pas abattus. Une dose de sels excite en moi une ivresse momentanée, comme le champagne léger. Mais le vin et les spiritueux me rendent sombre et farouche jusqu'à la férocité, – silencieux néanmoins, ami de la solitude, et non querelleur, si l'on ne me parle pas. La nage relève aussi mes esprits, – mais en général, ils sont bas, et baissent de jour en jour davantage. Cela est désespérant; car je ne crois pas que je sois aussi ennuyé que je l'étais à dix-neuf ans. La preuve en est qu'alors il me fallait jouer ou boire, ou me livrer à un mouvement quelconque; autrement j'étais malheureux. A présent, je puis rêver avec calme; et je préfère la solitude à toute compagnie, – hormis la dame que je sers. Mais je sens un je ne sais quoi qui me fait penser que si jamais j'atteins la vieillesse, comme Swift, «je mourrai sur le seuil» dès l'abord. Seulement je ne crains pas l'idiotisme ou la démence autant que lui. Au contraire, je regarde quelques phases paisibles de l'un et l'autre de ces états comme préférables à mille circonstances de ce que les hommes appellent la possession de leurs sens.»

Dimanche 7 janvier 1821.

«Toujours de la pluie, – du brouillard, – de la neige, – un tems de bruine, – et toutes les incalculables combinaisons d'un climat où le froid et le chaud se disputent l'empire. Lu Spence, et feuilleté Roscoe pour trouver un passage que je n'ai pas trouvé. Lu le 4e volume de la seconde série des Contes de mon Hôte de Walter-Scott. Dîné. Lu la gazette de Lugano. Lu-je ne sais plus quoi. A huit heures, allé en conversazione. Rencontré là la comtesse Gertrude, Betty V. et son mari, et d'autres personnes. Vu une jolie femme aux yeux noirs, – de vingt-deux ans; – même âge que Teresa, qui est plus jolie, pourtant.

»Le comte Pietro Gamba m'a pris à part pour me dire que les patriotes avaient appris de Forli (à vingt milles d'ici) que cette nuit le gouvernement et son parti veulent frapper un grand coup, – que notre cardinal a reçu des ordres pour faire plusieurs arrestations sur-le-champ, et qu'en conséquence les libéraux s'arment, et ont placé des patrouilles dans les rues, pour sonner l'alarme et appeler au combat.

»Il m'a demandé «qu'est-ce que l'on doit faire?» – Combattre, ai-je répondu, plutôt que se laisser prendre en détail.» Et j'ai offert de recevoir ceux qui sont dans l'appréhension d'une arrestation immédiate, dans ma maison qui est susceptible de défense, et de les défendre, avec l'aide de mes domestiques et la leur propre (nous avons des armes et des munitions), aussi long-tems que nous pourrons, – ou bien d'essayer de les faire échapper à l'ombre de la nuit. En gagnant le logis, j'ai offert au comte les pistolets que j'avais sur moi, – il a refusé, mais il m'a dit qu'il viendrait à moi en cas d'accidens.

»Il s'en faut d'une demi-heure pour être à minuit, et il pleut. Comme dit Gibbet: «Belle nuit pour leur entreprise, il fait noir comme en enfer, et ça tombe comme le diable.» Si l'émeute n'arrive pas aujourd'hui, ce sera bientôt. J'ai pensé que le système de maltraiter le peuple produirait une réaction, – et la voici maintenant qui approche. Je ferai ce que je pourrai dans le combat, quoique j'aie un peu perdu la pratique. La cause est bonne.

»Tourné et retourné une dizaine de livres pour le passage en question, et je n'ai pu le trouver. Je m'attends à entendre au premier moment le tambour et la mousqueterie (car on a juré de résister, et on a raison) – mais je n'entends rien encore, sauf le bruit de la pluie et les bouffées du vent par intervalles. Je ne voudrais pas me coucher, parce que j'ai horreur d'être réveillé, et que je désirerais être prêt pour le tapage, s'il y en a.

»Arrangé le feu, – pris les armes, – et un livre ou deux que je parcourrai. Je ne connais guère le nombre des carbonari, mais je crois qu'ils sont assez forts pour battre les troupes, même ici. Avec vingt hommes, cette maison-ci pourrait être défendue pendant vingt-quatre heures contre toutes les forces que l'on pourrait ici rassembler à présent contre elle dans le même espace de temps; et, cependant, le pays en aurait connaissance, et se soulèverait, – si jamais il doit se soulever, ce dont il est possible de douter. En attendant, je puis aussi bien lire que faire autre chose, puisque je suis seul.»

Lundi 8 janvier 1821.

«Je me lève, et je trouve le comte Pietro Gamba dans mes appartemens. Fait sortir le domestique. Appris que, suivant les meilleures informations, le gouvernement n'avait pas expédié l'ordre des arrestations appréhendées; que l'attaque de Forli n'avait pas été tentée (comme on s'y attendait) par les Sanfedisti89, les opposans des carbonari ou libéraux, – et que l'on est encore dans la même appréhension. Le comte m'a demandé des armes de meilleure qualité que les siennes; je les lui ai données. Convenu qu'en cas de bruit, les libéraux s'assembleraient ici (avec moi), et qu'il avait donné le mot à Vincenzo G. et autres chefs à cet effet. Lui-même et son père s'en vont à la chasse dans la forêt; mais Vincenzo G. doit venir chez moi, et un exprès être envoyé à lui, Pietro Gamba, si quelque chose survient. Opérations concertées.

Note 89: (retour) Les partisans de la foi, della santa fede. (Note du Trad.)

»Je conseillai d'attaquer en détail et de différens côtés (quoique en même tems), de manière à partager l'attention des troupes, qui, malgré leur petit nombre, mais par l'avantage de la discipline, battraient en combat régulier un corps quelconque de gens non disciplinés; – il faut donc qu'elles soient dispersées par petites fractions, et distraites çà-et-là pour différentes attaques. Offert ma maison pour lieu d'assemblée, si on le veut. C'est une forte position; – la rue est étroite, commandée par le feu qu'on ferait de l'intérieur, – et les murs sont tenables..... ......... ...................

»Dîné. Essayé un habit neuf. Lettre à Murray, avec les corrections des apophthegmes de Bacon et une épigramme; – cette dernière pièce n'est pas destinée à l'impression. A huit heures, allé chez Teresa, comtesse Guiccioli… A neuf heures et demie, entrent le comte P*** et le comte P. G***; parlé d'une certaine proclamation récemment publiée.............. ................

»Il paraît après tout qu'il n'y aura rien. J'aurais voulu en savoir autant hier soir, – ou, pour mieux dire, ce matin, – je me serais mis au lit deux heures plus tôt. Et pourtant je ne dois pas me plaindre; car, malgré le sirocco et la pluie battante, je n'ai pas bâillé depuis deux jours.

»Rentré chez moi, – lu l'Histoire de la Grèce; – avant le dîner j'avais lu Rob-Roy de Walter Scott. Écrit l'adresse de la lettre en réponse à Alessio del Pinto, qui m'a remercié de l'assistance que j'ai donnée à son frère expirant (feu le commandant, assassiné ici le mois dernier). Je lui ai dit que je n'avais fait que remplir un devoir d'humanité, – comme il est vrai. Le frère vit à Rome.

»Arrangé le feu avec un peu de sgobole (c'est un mot romagnol), et donné de l'eau au faucon. Bu de l'eau de Seltz. Mémorandum: – reçu aujourd'hui une estampe ou gravure de l'histoire d'Ugolin, par un peintre italien; – elle diffère, comme on pense, de l'oeuvre de sir Josué Reynolds; mais elle n'est pas pire, car Reynolds n'est pas bon en histoire. Déchiré un bouton à mon habit neuf.

»Je ne sais quelle figure ces Italiens feront dans une insurrection régulière. Je pense quelquefois que, comme le fusil de cet Irlandais (à qui l'on avait vendu un fusil recourbé), ils ne seront bons qu'à «tirer leur coup dans une encoignure;» du moins, cette sorte de feu a été le dernier terme de leurs exploits; et pourtant il y a de l'étoffe dans ce peuple, et une noble énergie qu'il s'agirait de bien diriger. Mais qui la dirigera? Qu'importe? C'est dans de telles circonstances que les héros surgissent. Les difficultés sont le berceau des ames hautes, et la liberté est la mère des vertus que comporte la nature humaine.»

Mardi, 9 janvier 1821.

«Je me lève. – Beau jour. Demandé les chevaux; mais Lega, mon secrétaire (par italianisme, au lieu du mot intendant ou maître-d'hôtel), vient me dire que le peintre a fini la fresque de l'appartement pour lequel je l'avais dernièrement fait appeler; je suis allé la voir avant de sortir. Le peintre n'a pas mal copié les dessins du Titien.................. .....................

»Dîné. Lu la Vanité des désirs humains de Johnson. – Tous les exemples, ainsi que la manière de les présenter, sont sublimes, aussi bien que la dernière partie, à l'exception d'un ou deux vers. Je n'admire pas autant l'exorde. Je me rappelle une observation de Sharpe (que l'on nommait à Londres le conversationiste, et qui était un habile homme), savoir, que le premier vers de ce poème était superflu, et que Pope (le meilleur des poètes, je crois) aurait commencé et mis tout d'abord, sans changer la ponctuation,

 
Examine le genre humain de la Chine au Pérou.
 

Le premier vers, livre-toi à l'observation, etc., est, sans aucun doute, lourd et inutile; mais c'est un beau poème, – et si vrai! – vrai comme la dixième satire de Juvénal. Le cours des âges change tout, – le tems, – la langue, – la terre, – les bornes de la mer, – les étoiles du ciel, – enfin tout ce qui est «auprès, autour et au-dessous» de l'homme, excepté l'homme lui-même, qui a toujours été et sera toujours un malheureux faquin. L'infinie variété des vies ne mène qu'à la mort, et l'infinité des désirs n'aboutit qu'au désappointement. Toutes les découvertes qui ont été faites jusqu'à présent ont peu amélioré notre existence. A l'extirpation d'un fléau succède une peste nouvelle; et un nouveau monde n'a donné à l'ancien que fort peu de chose, hormis la v… d'abord, et la liberté ensuite. – Le dernier présent est beau, surtout puisqu'il a été fait à l'Europe en échange de l'esclavage qu'elle avait apporté; mais il est douteux que les souverains ne regardent pas le premier comme le meilleur des deux pour leurs sujets.

 

»Sorti à huit heures, – appris quelques nouvelles. On dit que le roi de Naples a déclaré aux puissances (c'est ainsi qu'on appelle maintenant les méchans couronnés) que sa constitution lui avait été arrachée par la force, etc., etc., et que les barbares Autrichiens touchent de nouveau la solde de guerre et vont entrer en campagne. Qu'ils viennent! «Ils viennent comme des victimes dans leur ajustement» ces chiens de l'enfer! Espérons toujours voir leurs os entassés, comme j'ai vu ceux des dogues humains tombés à Morat, en Suisse.

»Entendu un peu de musique. A neuf heures, les visiteurs ordinaires, – nouvelles, guerre ou bruits de guerre. Tenu conseil avec Pietro Gamba, etc., etc. On veut ici s'insurger et me faire l'honneur d'appeler le secours de mon bras. Je ne reculerai pas, quoique je ne voie ici ni assez de force, ni assez de coeur pour faire une grande besogne; mais: en avant! – voici l'instant d'agir. Et que signifie l'intérêt du moi, si une seule étincelle de ce qui serait digne du passé peut être léguée à l'avenir pour ne s'éteindre jamais? Il ne s'agit ni d'un seul homme, ni d'un million, mais de l'esprit de liberté qu'il faut étendre. Les vagues qui se précipitent contre le rivage sont brisées une à une; mais néanmoins l'Océan poursuit ses conquêtes: il engloutit l'Armada90, use le roc, et si l'on en croit les Neptuniens91, il a non-seulement détruit, mais créé un monde. De la même façon, quel que soit le sacrifice des individus, la grande cause prendra de la force, emportera ce qui est rocailleux, et fertilisera ce qui est cultivable (car l'herbe marine est un engrais). Ainsi donc, les calculs de l'égoïsme ne doivent point avoir de place dans de telles occasions, et aujourd'hui je n'y donnerai aucune valeur. Je ne fus jamais fort dans le calcul des probabilités, et je ne commencerai pas maintenant.»

Note 90: (retour) Nom de la flotte de Philippe II, engloutie par une tempête sous le règne d'Élisabeth.

Note 91: (retour) On nomme ainsi les géologues, qui croient que la terre s'est formée au milieu des eaux de la mer. (Notes du Trad.)

10 janvier 1821.

«Belle journée; – il n'a plu que le matin. Examiné des comptes. Lu les Poètes de Campbell; – noté les erreurs de l'auteur pour les corriger. Dîné, – sorti, – musique, – air tyrolien, avec des variations. Soutenu la cause de la simplicité primitive de l'air contre les variations de l'école italienne… Politique un peu à l'orage, et de jour en jour plus chargée de nuages. Demain, c'est le jour de l'arrivée des postes étrangères, nous saurons probablement quelque chose.

»Rentré chez moi, – lu. Corrigé les lapsus calami de Tom Campbell. Bon ouvrage, quoique le style en soit affecté; – mais l'auteur défend Pope glorieusement. Certainement c'est sa propre cause; – mais n'importe, c'est fort bien, et cela lui fait grand honneur.

11 janvier 1821.

«Lu les lettres. Corrigé la tragédie et les Imitations d'Horace. Dîné, après quoi je me suis senti mieux disposé. Sorti, – rentré, – fini mes lettres, au nombre de cinq. Lu les Poètes et une anecdote dans Spence.

»All… m'écrit que le pape, le grand duc de Toscane et le roi de Sardaigne sont aussi appelés au congrès, mais le pape s'y fera représenter. Ainsi les intérêts de plusieurs millions d'hommes sont dans les mains de quelques fats réunis dans un lieu appelé Laybach!

»Je regretterais presque que mes propres affaires allassent bien, quand les nations sont en péril. Si la destinée du genre humain pouvait être radicalement améliorée, et surtout celle de ces Italiens actuellement si opprimés, je ne songerais pas tant à mon «petit intérêt.» Dieu nous accorde de meilleurs tems, ou plus de philosophie.

»En lisant, je viens de tomber sur une expression de Tom Campbell; en parlant de Collius, il dit que nul lecteur ne se soucie de la vérité des moeurs dans les églogues de l'auteur, pas plus que de l'authenticité du siége de Troie.» C'est faux: – nous nous soucions de l'authenticité du siége de Troie. J'étudiai ce sujet tous les jours, pendant plus d'un mois, en 1810; et si quelque chose diminuait mon plaisir, c'était de penser que ce vaurien de Bryant avait nié la véracité du poète grec. Il est vrai que je lus l'Homère travesti (les douze premiers livres), parce que Hobhouse et d'autres me fatiguèrent de leur érudition locale. Mais je vénérai toujours l'original comme la vérité même en histoire (quant aux faits matériels), et en description des lieux. Autrement je n'y aurais pris aucun plaisir. Qui me persuadera, quand je me penche sur une tombe magnifique, qu'un héros n'y est pas renfermé? les hommes ne travaillent pas sur les morts obscurs et médiocres. Mais voici le pourquoi. Tom Campbell a pris la défense de l'inexactitude de costume et de description: c'est que sa Gertrude, etc., n'a pas plus la couleur locale de la Pensylvanie que de Penmanmaur. Ce poème est notoirement plein de scènes d'une fausseté grossière, comme disent tous les Américains, qui d'ailleurs en louent quelques parties.»

12 janvier 1821.

«Le tems est toujours à tel point humide et impraticable, que Londres, dans ses plus insupportables jours de brouillard, serait un lieu de printems en comparaison de la brume et du sirocco, qui ont régné (sans un seul jour d'intervalle), avec de la neige ou de fortes pluies pour toute variation, depuis le 30 décembre 1820. C'est si ennuyeux, que j'ai un accès littéraire; – mais c'est très-fatigant de ne pouvoir se consoler qu'en chevauchant sur Pégase, durant tant de jours. Les routes sont encore pires que le tems, – par la masse de la boue, la mollesse du sol, et la crue des eaux.

»Lu les Poètes Anglais, c'est-à-dire-dans l'édition de Campbell. Il y a quelquefois beaucoup d'apprêt dans les phrases de préface de Tom; mais l'ensemble de l'ouvrage est bon. Je préfère néanmoins la poésie même de l'auteur.

»Murray écrit qu'on veut jouer la tragédie de Marino Faliero; – quelle sottise! ce drame a été composé pour le cabinet. J'ai protesté contre cet acte d'usurpation (qui paraît pouvoir être légalement consommé par les directeurs sur tout ouvrage imprimé, contre la propre volonté de l'auteur); j'espère toutefois qu'on ne le fera pas. Pourquoi ne pas produire quelques-uns de ces innombrables aspirans à la célébrité théâtrale, qui encombrent aujourd'hui les cartons, plutôt que de me traîner hors de la librairie? J'ai écrit une fière protestation mais j'espère toujours qu'elle ne sera pas nécessaire, et qu'on verra que la pièce n'est point faite pour le théâtre. Marino est trop régulier; – la durée de l'action est de vingt-quatre heures; – les changemens de lieu sont rares; – rien de mélodramatique, – point de surprises, de péripéties, ni de trappes, ni d'occasions «de remuer la tête et de frapper du pied,» – et point d'amour, ce principal ingrédient du drame moderne.».................. ......................

Minuit

«Lu, dans la traduction italienne de Guido Sorelli, l'allemand Grillparzer, – diable de nom, sans doute, pour la postérité; mais il faudra qu'elle apprenne à le prononcer. Si l'on tient compte de l'infériorité nécessaire d'une traduction, et surtout d'une traduction italienne (car les Italiens sont les plus mauvais traducteurs du monde, excepté pour les classiques, – Annibal Caro, par exemple, – et dans ce cas ils sont servis par la bâtardise même de leur idiome, vu que, pour avoir un air de légitimité, ils singent la langue de leurs pères); – si donc on tient compte, dis-je, d'un tel désavantage, la tragédie de Sappho est superbe et sublime. On ne peut le nier: L'auteur a fait une belle oeuvre en écrivant ce drame. Et qui est-il? je ne le sais pas; mais les siècles le sauront. C'est une haute intelligence.