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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

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»J'avais oublié de vous rapporter sa réponse, lorsque je lui reprochai d'avoir arraché le masque de Mme de Contarini, à la cavalchina. Je lui représentais que c'était une dame d'une haute naissance, una dama, etc.; elle répondit: -Se ella è dama, mi son Veneziana (si c'est une dame, moi je suis Vénitienne). Cela aurait été beau il y a cent ans, lorsque l'orgueil de la nation se soulevait contre l'orgueil de l'aristocratie; mais, hélas! Venise, son peuple et ses nobles, tous retournent également vite vers l'Océan; et là où il n'existe pas d'indépendance, il ne peut y avoir de véritable respect de soi-même.»

Ce fut à cette époque, comme nous le verrons par les lettres que je vais donner, et comme les traits de l'ouvrage lui-même ne l'indiquent que trop bien, qu'il conçut et écrivit quelques parties de son poème de Don Juan. Jamais aucun livre ne peignit d'une manière plus fidèle, et, sous quelques rapports, plus affligeante, cette variété de sensations, de caprices et de passions qui dominaient successivement l'esprit de l'auteur pendant qu'il écrivait. Il ne fallait rien moins, en effet, que la réunion singulière de toutes les facultés extraordinaires qu'il possédait, et qui étaient alors en lui en pleine activité, pour lui suggérer un semblable ouvrage, et le rendre capable de l'exécuter. La froide pénétration de l'âge mûr unie à la vivacité et à la chaleur de la jeunesse; – l'esprit de Voltaire avec la sensibilité de Rousseau; – les connaissances pratiques et minutieuses d'un homme de société, avec l'esprit métaphysique et contemplatif du poète; – une vive susceptibilité de tout ce qu'il y a de plus grand et de plus touchant dans la vertu humaine, et la profonde et désolante expérience de tout ce qui lui est le plus fatal; enfin les deux extrêmes de la nature mixte et contradictoire de l'homme, tantôt enveloppée dans les vapeurs grossières de la terre, tantôt respirant les parfums du ciel. – Tel était le bizarre assemblage d'élémens contraires réunis dans le même esprit, et tous appelés à contribuer à leur tour à la même œuvre, d'où seule pouvait naître ce poème extraordinaire, l'exemple le plus frappant, et, à quelques égards, le plus douloureux de la versatilité du génie, qui ait jamais été laissé à l'admiration et aux regrets des générations futures.

Je vais maintenant continuer sa correspondance, ayant jugé que quelques-unes des observations précédentes étaient nécessaires, non-seulement pour expliquer au lecteur bien des choses qu'il trouvera dans ses lettres, mais aussi pour qu'il ne s'étonne pas de tout ce qu'on a cru indispensable d'en retrancher.

LETTRE CCCXVIII

A M. MURRAY

Venise, 18 juin 1818.

«Mes affaires, ainsi que le silence total et inexplicable de mes correspondans, me rendent impatient et importun. J'ai écrit à M. Hanson pour avoir la balance d'un compte qui est ou doit être dans ses mains: – pas de réponse. – Il y a deux mois que j'attends le messager qui doit m'apporter les actes de Newstead, et, au contraire, je reçois l'avis de me rendre à Genève, ce qui, de la part de *** (qui sait à quel point j'ai de la répugnance à me rapprocher de l'Angleterre), ne peut être qu'une ironie ou une insulte.

»Il faut donc que je vous prie de verser immédiatement chez mon banquier les sommes que vous pourrez, sans vous gêner, m'avancer sur nos conventions. Je me vois sur le point d'être réduit à la gêne la plus cruelle, et dans un moment où, d'après toutes les probabilités et tous les calculs raisonnables, j'aurais dû toucher des sommes considérables, ne négligez pas ce que je vous demande, je vous prie; vous ne pouvez vous imaginer autrement dans quelles extrémités fâcheuses je me verrais. *** avait quelque projet absurde sur l'emploi de ces fonds, qu'il parlait de placer en rente viagère ou je ne sais comment, ne l'ayant écouté, pendant qu'il était ici, que pour éviter les querelles ou les sermons; mais j'ai besoin du principal, et je n'ai jamais songé sérieusement à l'employer à autre chose qu'à mes dépenses personnelles. Le désir de Hobhouse serait, s'il était possible, de m'entraîner en Angleterre 98; mais il ne réussira pas, car s'il parvenait à m'y mener je n'y resterais pas; je hais ce pays-là et j'aime celui-ci; et toute folle opposition ne fait qu'ajouter à ce sentiment. Votre silence me fait douter du succès du quatrième chant; s'il n'en a point, je vous ferai sur notre convention originale toute déduction que vous jugerez honnête et suffisante; mais je désire que ce qui restera à payer me soit envoyé sans délai par la voie ordinaire, c'est-à-dire la poste.

Note 98: (retour) Il est vivement à regretter, pour plusieurs motifs, que ce projet de l'amitié n'ait pas réussi.

»Quand je vous dirai que je n'ai pas reçu un mot d'Angleterre depuis le commencement de mai, assurément je fais l'éloge de mes amis, ou des personnes qui en prennent le titre, en leur écrivant si souvent et de la manière la plus pressante. – Grâce à Dieu, plus mon absence se prolonge, moins je vois de cause pour regretter ce pays et toute sa population vivante.

»Votre, etc.

»P. S. Dites à M. *** que… et que je ne lui pardonnerai jamais, à lui ni à tout autre, la cruauté de leur silence dans un moment où je désirais si ardemment, et pour tant de raisons, avoir des nouvelles de mes amis.»

LETTRE CCCXIX

A M. MURRAY

Venise, 10 juillet 1818.

«J'ai reçu votre lettre et la lettre de crédit de Morland, etc. – J'ai aussi tiré sur vous à soixante jours de date pour le reste, d'après votre offre.

»Je suis encore attendant à Venise le commis de M. Hanson; qui peut le retenir? je ne le sais; mais j'espère que lorsque l'accès politique de M. Kinnaird et de M. Hobhouse sera passé, ils prendront la peine de s'en enquérir et de me l'expédier; car près de 100,000 livres sterl. dépendent pour moi de la fin de cette vente et de la signature des actes.

»Vous ferez mieux de remettre les éditions que vous projetez pour novembre, car j'ai quelque chose en vue, et que je prépare, qui pourra vous être utile, quoique ce ne soit pas très-important. J'ai terminé une ode sur Venise; – et j'ai deux histoires, l'une sérieuse et l'autre bouffonne (à la Beppo), qui ne sont encore ni finies, ni prêtes à l'être.

»Vous dites que la lettre à Hobhouse est fort admirée et vous parlez de prose. J'ai le projet d'écrire (pour mettre en tête de votre édition complète) des mémoires de ma vie, sur le même modèle (quoique bien loin, je crains, d'y atteindre jamais) de ceux de Gifford, de Hume, etc., et cela sans intention de faire des révélations ou des remarques qui pourraient être désagréables à des personnages vivans. Je pense que la chose serait possible et faisable; cependant cela demande réflexion. J'ai des matériaux en abondance; mais la plus grande partie ne pourrait pas être employée par moi de cent ans à venir. Toutefois il m'en reste encore sans cela de quoi faire une préface à l'édition que vous méditez, et seulement comme littérateur; mais ceci n'est qu'en passant, et je n'ai pas encore pris de parti là-dessus.

»Je vous envoie une note au sujet de Parisina, que M. Hobhouse vous habillera. C'est un extrait de quelques particularités de l'histoire de Ferrare.

»J'espère que vous avez eu quelques attentions pour Missiaglia, car les Anglais ont en ce moment la réputation de négliger les Italiens, et je me flatte que vous vous justifierez de ce reproche.

»Votre, à la hâte, etc.

B.

LETTRE CCCXX

A M. MURRAY

Venise 17 juillet 1818.

«Je présume qu'Aglietti prendra ce que vous lui offrez, mais jusqu'à son retour de Vienne je ne puis lui faire aucune proposition, et vous ne m'avez pas vous-même autorisé à lui en faire. Les trois billets français sont de lady Mary, un autre aussi partie anglais, français et italien; ils sont fort jolis et très-passionnés; c'est bien dommage qu'il y en ait quelque chose de perdu. Il paraît qu'Algarotti la traitait mal, mais elle était son aînée de beaucoup, et toutes les femmes sont maltraitées, ou du moins elles le disent, que cela soit ou non.......

»Je recevrai avec plaisir vos livres et vos poudres. J'attends encore le clerc d'Hanson: mais heureusement que ce n'est pas à Genève. Tous mes bons amis m'ont écrit de me hâter d'aller l'y joindre, mais pas un n'a eu le bon sens ou la bonté de me récrire plus tard pour me dire que ce serait du tems et un voyage perdus, puisqu'il ne pouvait partir que quelques mois après l'époque désignée; si je m'étais mis en route d'après le conseil général, je n'aurais jamais reparlé à aucun de vous de ma vie. J'ai écrit à M. Kinnaird pour le prier, quand les vapeurs de la politique seront dissipées, de tirer une réponse positive de ce ***, et de ne pas me tenir dans une telle incertitude à ce sujet. J'espère que Kinnaird, qui a ma procuration, a soin d'avoir l'œil sur ce monsieur, ce qui est d'autant plus nécessaire, que je ne penserais qu'avec répugnance à venir le surveiller moi-même.

»J'ai plusieurs choses commencées en vers et en prose; mais rien de très-avancé. – J'ai écrit six ou sept feuilles d'une vie que je veux continuer et que je vous enverrai quand elle sera finie; elle pourra servir aux éditions que vous projetez. Si vous vouliez me dire exactement (car je ne sais rien et n'ai que des correspondances d'affaires) comment ont été reçues nos dernières publications, et les sensations qu'elles ont excitées, mais sans avoir égard à aucune délicatesse (je suis trop endurci pour en avoir besoin), je saurais alors à quoi m'en tenir, et comment procéder; je ne voudrais pas trop publier, ce qui peut-être est déjà fait, au reste, je vous le répète, je ne sais rien.

 

»J'écrivais autrefois pour donner cours à la plénitude de mon esprit et par amour pour la gloire (non pour atteindre un but, mais comme un moyen d'obtenir sur l'esprit des hommes cette influence qui est elle-même le pouvoir et qui en a les résultats); maintenant j'écris par habitude et par intérêt, de sorte qu'il est probable que l'effet doit être aussi différent que les motifs qui m'inspirent; j'ai la même facilité, je pourrais dire même le même besoin de composition pour éviter l'oisiveté (quoique l'oisiveté soit un plaisir dans un pays chaud); mais je suis bien plus indifférent au sort de mes ouvrages après qu'ils ont rempli mon but immédiat. – Cependant je ne voudrais pas du tout… Mais je n'achèverai pas comme le fit l'archevêque de Grenade, car je suis bien sûr que vous craignez le sort de Gilblas, et avec raison.

»Votre, etc.

»P. S. J'ai écrit des lettres très dures à M. Hobhouse, à M. Kinnaird, à vous et à Hanson, parce qu'un si long silence m'avait dépouillé de mes derniers lambeaux de patience. – J'ai vu deux ou trois publications anglaises qui ne valent pas grand chose à l'exception de Rob Roy. Je serais bien aise d'avoir Whistlecraft.»

LETTRE CCCXXI

A M. MURRAY

Venise, 26 août 1818.

«Vous pouvez continuer votre édition sans compter sur les mémoires, que je ne publierai pas à présent. – Ils sont presque finis, mais trop longs; et il y a tant de choses dont je ne puis parler par égard pour les vivans, que j'ai écrit avec beaucoup de détails ce qui m'intéressait le moins; de sorte que mon essai sur moi-même ressemblerait à la tragédie à Hamlet, jouée sur un théâtre de province où l'on aurait omis le rôle d'Hamlet d'après une demande particulière. Je garderai ces mémoires parmi mes papiers, ce sera une espèce de guide, en cas de mort, pour empêcher quelques-uns des mensonges qu'on pourrait débiter, et détruire ceux qui l'ont déjà été.

»Les contes aussi sont inachevés, et je ne puis dire quand ils seront finis: ils ne sont pas non plus du meilleur genre. C'est pourquoi il ne vous faut compter sur rien pour cette nouvelle édition. Les mémoires ont déjà quarante-quatre feuilles d'un papier très-large et très-long, et en auront cinquante ou soixante. Mais je désire les continuer à loisir, et une fois finis, quoique pour le moment vous en pussiez tirer quelque avantage, je ne crois pas que le résultat en fût bon. Ils sont trop remplis de passions et de préjugés, dont il m'a été impossible de me préserver: je n'ai pas assez de sang-froid.

Vous trouverez ci-incluse une liste de livres que le docteur Aglietti sera bien aise de recevoir en déduction des prix de ses lettres manuscrites, si vous êtes disposé à les acheter à la valeur de 50 liv. st. Il prendra les livres pour une partie de la somme, et je lui donnerai le reste en argent, que vous pouvez porter sur mon compte de livres, et déduire sur ce que vous me devez. – Ainsi les lettres vous appartiennent si vous voulez, de cette manière, et lui et moi allons nous mettre à la piste pour en découvrir encore quelques autres de lady Montague, qu'il espère trouver. Je vous écris à la hâte; – mes remerciemens de l'article; croyez-moi,

»Votre, etc.»

J'ai déjà dit que Lord Byron avait été accusé par quelques voyageurs anglais d'être en général repoussant et inhospitalier envers ses compatriotes. – J'ajouterai aux preuves que j'ai déjà données du contraire, des détails qui m'ont été fournis par le capitaine Basile Hall, et qui montrent dans leur véritable jour la politesse et la bienveillance du noble poète.

«Le dernier jour d'août 1818, dit cet écrivain distingué, je tombai malade d'une fièvre à Venise, et connaissant assez l'infériorité de l'art médical dans ce pays, j'étais fort inquiet de savoir qui je consulterais. Je ne connaissais personne à qui je pusse m'adresser à Venise, et n'avais qu'une lettre de recommandation pour Lord Byron, devant lequel je ne m'étais pas soucié de paraître en qualité de touriste, ayant entendu raconter beaucoup de traits de la répugnance qu'il avait pour ce genre d'individus. Cependant maintenant que je me sentais sérieusement malade, j'étais bien sûr que sa seigneurie ne verrait plus en moi qu'un compatriote malheureux, et j'envoyai la lettre chez Lord Byron, par un de mes compagnons de voyage, avec un billet dans lequel je m'excusais de mon importunité, en lui expliquant que j'étais malade et avais besoin des soins d'un médecin, et que je n'enverrais chercher personne que je n'eusse appris de sa seigneurie le nom du meilleur praticien de Venise.

»Par malheur pour moi Lord Byron était encore au lit, quoiqu'il fût près de midi, et plus malheureusement encore le porteur du billet se fit scrupule de l'éveiller sans venir me consulter d'abord. J'étais tombé pendant ce tems dans toutes les horreurs du frisson, et n'étais vraiment pas en état d'être consulté sur rien. – Oh! non certainement, dis-je, ne dérangez pas Lord Byron pour moi; – sonnez l'hôte et envoyez chercher le premier qu'il vous nommera. – Cet ordre absurde ayant été ponctuellement exécuté, une heure après j'étais au pouvoir de l'ami de mon hôte, sur le mérite et les succès duquel mon projet n'est pas de m'appesantir ici. – Qu'il suffise de dire que j'étais irrévocablement entre ses mains long-tems avant que le domestique de Lord Byron m'eût apporté cette lettre obligeante.»

Venise, 31 août 1818.

«CHER MONSIEUR,

»Le docteur Aglietti est le meilleur médecin, non-seulement de Venise, mais de toute l'Italie. – Il demeure sur le Grand Canal, et sa maison est facile à trouver. J'ignore son numéro, mais il n'y a probablement que moi à Venise qui ne le sache pas. Il n'y a aucune comparaison entre lui et les autres médecins de cette ville. Je regrette beaucoup de vous savoir malade, et j'aurai l'honneur de me rendre chez vous dès que je serai levé. Je vous écris dans mon lit, et ne fais que de recevoir la lettre et le billet. Je vous prie de croire qu'aucun autre motif n'aurait pu m'empêcher de répondre de suite ou de venir en personne; il n'y a pas une minute qu'on m'a réveillé.

»J'ai l'honneur d'être très-sincèrement votre très-obéissant serviteur,

»BYRON.»

«Sa seigneurie suivi de près son billet, et j'entendis sa voix dans la pièce voisine; mais quoiqu'il attendit plus d'une heure, je ne pus le voir, étant sous la ferule inexorable du docteur. Dans le cours de la même soirée il revint, mais je dormais. – Quand je m'éveillai je trouvai son valet assis à côté de mon lit. Il me dit que son maître lui avait donné l'ordre de rester près de moi pendant que je serais malade, et l'avait chargé de me dire que tout ce que sa seigneurie possédait ou pouvait se procurer était à mon service, et qu'il viendrait lui-même me tenir compagnie; enfin, qu'il ferait tout ce qui me serait agréable si je voulais lui faire savoir en quoi il pouvait y réussir.

»En conséquence j'envoyai chez lui le lendemain chercher un livre, qui me fut apporté avec le catalogue de tous ceux de sa bibliothèque. J'oublie ce qui m'empêcha de voir Lord Byron ce jour-là, quoiqu'il vînt plusieurs fois, et le lendemain j'étais trop malade de la fièvre pour parler à personne.

»Dès que je pus sortir je pris une gondole, afin d'aller saluer sa seigneurie et la remercier de ses attentions. Il était près de trois heures, et cependant il n'était pas encore levé; et lorsque j'y retournai à cinq heures, le lendemain, j'eus la mortification d'apprendre qu'il était parti en même tems que moi pour me voir; de sorte que nous nous étions croisés sur le canal. – Bref, à mon grand regret, je fus obligé de quitter Venise sans le voir.»

LETTRE CCCXXII

A M. MOORE

Venise, 19 septembre 1818.

«Un journal anglais ici serait un prodige, et une feuille de l'opposition paraîtrait un monstre; car, à l'exception de quelques extraits d'extraits des misérables gazettes de Paris, rien de ce genre ne parvient au peuple lombardo-vénitien, qui est peut-être le plus opprimé de tous ceux de l'Europe. Ma correspondance avec l'Angleterre est en grande partie pour mes affaires, et elle a principalement lieu avec mon ***, qui n'a pas des idées très-étendues ni très-élevées de ce qui constitue un auteur, car il lui arriva un jour d'ouvrir une Revue d'Édimbourg, et ayant regardé dedans pendant une minute, il me dit: «Je vois que vous donnez dans les Magazines.» Et voilà la seule phrase que je lui aie jamais entendu dire qui eût trait à la littérature.

»J'ai ici un de mes enfans naturels; c'est une jolie petite fille qui se nomme Allegra, et qui, dit-on, ressemble à son papa. – Sa mère est Anglaise; mais ce serait une longue histoire; laissons cela: – la petite a environ vingt mois.

»J'ai fini le premier chant en cent quatre-vingts octaves d'un poème qui est dans le genre de Beppo, encouragé par le succès de ce dernier. Il est intitulé Don Juan, et il a pour but de plaisanter innocemment un peu sur tout; – cependant je crains qu'il ne soit, du moins jusqu'à présent, un peu libre pour un siècle aussi modeste. Quoiqu'il en soit, j'en ferai l'épreuve en gardant l'anonyme, et s'il ne réussit pas, je ne le continuerai pas. Il est dédié à S***, en assez bons vers, mais assez crus sur la politique de *** et la manière dont il l'a adoptée; mais rien n'est plus insupportable que l'ennui de recopier tout cela, et j'aurais un secrétaire qu'il ne me serait pas utile à grand'chose; mon écriture est si difficile à déchiffrer.

»En écrivant la vie de Shéridan ne vous arrêtez pas à tous les mensonges que la colère a fait faire à ces charlatans de whigs. Rappelez-vous qu'il était Irlandais et homme d'esprit, et que nous avons passé avec lui des momens bien agréables. N'oubliez pas qu'il avait été au collége d'Harrow, où, de mon tems, nous avions soin de montrer son nom, R. B. Shéridan, comme un honneur pour les murs du collége; rappelez-vous que............... et qu'il y avait dans ce parti-là des gens bien pires que Shéridan.

»Je vous souhaite une bonne nuit, et j'y joins une bénédiction vénitienne. -Benedetto te, et la terra che ti farà 99. «Sois béni toi et la terre que tu feras.» – N'est-ce pas joli? Vous le trouveriez bien plus joli si vous l'aviez entendu comme moi, il y a deux heures, de la bouche d'une jeune vénitienne aux grands yeux noirs, avec la figure de Faustine et la taille de Junon, grande et énergique comme une pythonisse, le regard enflammé, ses longs cheveux noirs flottans au clair de la lune; une de ces femmes, enfin, dont on peut tout faire. Je suis sûr que si je mettais un poignard dans la main de celle-ci, elle l'enfoncerait où je lui dirais de l'enfoncer, et dans mon sein même, si je venais à l'offenser. – J'aime cette espèce d'animal, et je suis sûr que j'aurais préféré Médée à toutes les femmes qui vécurent jamais. Vous vous étonnerez peut-être que dans ce cas je ne............

Note 99: (retour) Il y a ici dans le texte italien une faute évidente, ou bien la traduction n'est pas exacte: Che ti farà veut dire qui te fera, et non que tu feras.

»J'aurais pardonné le poignard et le poison, tout enfin, excepté le désespoir dont on m'accabla de sang-froid lorsque j'étais seul dans mes foyers, mes dieux domestiques brisés autour de moi 100...... Croyez-vous que j'aie pu l'oublier ou le pardonner? Tout autre sentiment a disparu en moi devant celui-là, et je ne suis plus qu'un spectateur sur la terre, jusqu'à ce qu'il se présente une occasion éclatante; – elle peut encore venir; – il y a des gens plus coupables que ***, et c'est sur ces derniers que je ne cesse d'attacher les yeux.»

Note 100: (retour) «Il ne m'était resté qu'une source de repos, et ils l'ont empoisonnée. Mes chastes pénates furent brisés sur mon foyer.» MARINO FALIERO.