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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

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LETTRE CCLXIII

A M. MURRAY

Venise, 25 mars 1817.

«Votre lettre et ce qu'elle contient sont arrivés sans accident; mais un gentleman anglais est une chose très-rare, c'est-à-dire à Venise. Je doute qu'il y en ait d'autres maintenant que le consul et le vice-consul que je ne connais pas du tout. Dès que je pourrai mettre la main sur un témoin, je vous enverrai l'acte signé en toutes formes. Mais encore faut-il que ce soit quelqu'un de distingué! Venise n'est pas un endroit où les Anglais s'attroupent; leurs colombiers sont à Florence, Naples, Rome, etc. Et pour vous dire la vérité, c'est là une des raisons pour lesquelles je suis resté ici jusqu'à la saison où Rome est purgée de ces sortes de gens, car elle en est en ce moment infectée; d'ailleurs j'abhorre la nation, et la nation m'abhorre. Il m'est impossible de vous décrire mes sensations à cet égard, mais il suffira de vous dire que, si je rencontrais quelqu'un de cette race dans les plus belles parties de la Suisse, leur aspect le plus éloigné empoisonnait tout le plaisir que me causaient ces sites superbes, et je ne me soucie pas qu'ils me gâtent la vue du Panthéon, de Saint-Pierre ou du Capitole. Cette manière de sentir est sans doute l'effet des événemens qui se sont passés récemment, mais elle n'en existe pas moins, et tant qu'elle durera, je ne la cacherai pas plus qu'une autre.

»J'ai été sérieusement malade d'une fièvre, – mais elle est passée, je crois, ou du moins je suppose que c'était la fièvre indigène de l'endroit qui revient tous les ans à cette époque, et dont les chirurgiens changent tous les ans le nom, afin d'expédier plus vite leurs malades. C'est une espèce de typhus qui tue quelquefois. Je l'ai eue assez fort, rien cependant de bien dangereux. Elle m'a laissé beaucoup de faiblesse et un grand appétit. Il y a beaucoup de malades à présent, et je présume que c'est de la même maladie.

»Je suis fâché qu'Horner ne soit plus, s'il est vrai qu'il existât quelque chose dans ce monde qui le lui fît aimer; et j'en suis encore bien plus fâché pour ses amis, car il y avait en lui beaucoup à regretter. C'est par votre lettre que j'ai appris sa mort.

»Je vous écrivis il y a quelques semaines pour vous accuser réception de l'article de Walter Scott. Maintenant que je sais qu'il en est l'auteur, cela n'augmente pas la bonne opinion que j'avais de lui, mais cela ajoute à celle que j'ai de moi. Lui, Gifford et Moore sont les seuls auteurs qui n'aient rien du métier dans leurs manières, – aucune sottise, aucune affectation, voyez-vous! Quant à tous les autres que j'ai connus, il y avait toujours plus ou moins de l'auteur dans leur personne. Le petit bout de la plume passait derrière leur oreille, et leur pouce conservait encore quelques légères taches d'encre.

»Lalla Rookh-vous vous rappellerez, à propos de titre, qu'on ne peut encore aujourd'hui venir à bout de prononcer le Giaour, et que ce dernier et Childe Harold parurent très-plaisans à nos bluets 67, et beaux esprits de la ville, jusqu'à ce que, surpris et un peu alarmés, ils eussent appris à changer de ton. – Ainsi donc Lalla Rookh, qui est très-orthodoxe et très-oriental, est un titre tout aussi bon, et meilleur même qu'il ne vous le faut. J'aurais désiré seulement qu'il n'eût pas intitulé son ouvrage: conte persan; d'abord parce que nous avons déjà les contes turcs, indous et assyriens, et je me repens d'avoir donné à la poésie le sobriquet de conte: fable vaudrait mieux. En second lieu, conte persan me rappelle un des vers de Pope sur Ambrose Phillips; et quoique assurément personne ne puisse dire que ce conte ait été «tourné pour un écu», cependant il vaut toujours mieux éviter de telles dissonnances. Pourquoi pas histoire persanne ou roman? Je suis aussi anxieux pour Moore que je le serais pour moi-même quand il s'agirait de mon ame, et je ne veux pour lui que des succès brillans, comme je ne doute pas qu'il n'en obtienne.

Note 67: (retour) Terme qui s'applique aux savans et à ceux qui ont des prétentions en littérature.

»Quant au drame du sorcier, je vous en ai envoyé les trois actes par la poste, de semaine en semaine, dans le courant de ce mois. Je vous répète que je ne sais absolument me dire s'il est bon ou mauvais; s'il est mauvais, il ne faut pour rien au monde en risquer la publication; s'il est bon, il est à votre service. Je l'estime à 300 guinées et même moins, si vous le voulez. Peut-être, si vous le publiez, vaudra-t-il mieux l'ajouter à votre volume de cet hiver que de le faire paraître séparément. Le prix vous montrera que je n'y attache pas beaucoup d'importance; vous pouvez le jeter au feu, dans le cas où cela vous plairait, et où le drame ne plairait pas à Gifford.

»La Grammaire arménienne est publiée, – c'est-à-dire l'une des deux: l'autre est encore manuscrite. Ma maladie m'a empêché de sortir depuis un mois, et je ne me suis plus occupé de l'arménien.

»Je ne vous dirai rien, ou du moins fort peu de chose des mœurs italiennes ou plutôt lombardes. Je suis allé deux ou trois fois à la conversazione du gouverneur (et une fois présenté, vous êtes libre d'y aller toujours). Là, je n'ai vu que des femmes très-laides, un cercle très-raide enfin, la pire espèce de tous les routs, aussi n'y suis-je pas retourné. Je suis allé à l'Académie, où j'ai vu à peu près la même chose, avec l'addition de quelques littérateurs, qui sont les mêmes 68 bleus que dans tous les pays du monde. Je suis devenu amoureux, dès la première semaine, de Mme ***, et j'ai continué de l'être parce qu'elle est très-jolie, très-attrayante, qu'elle parle le vénitien, ce qui m'amuse, et de plus qu'elle est naïve.

»Votre très-sincèrement, etc., etc.

»P. S. Envoyez-moi la poudre de corail pour les dents, par une main sûre, et promptement 69......

Note 68: (retour) Lorsqu'il se présente, comme dans ce cas, un mot ou un passage sur lequel lord Byron aurait appuyé dans la conversation, on s'aperçoit qu'en les traçant il a donné à son écriture quelque chose de la même force.

Note 69: (retour) Ici suivent les mêmes rimes: «J'ai vu la Christabelle,» qui ont déjà été données dans une lettre qui m'est adressée.»(Notes de Moore.)

Pour attraper le lecteur, vous, John Murray, avez publié Marguerite d'Anjou, qui ne se vendra pas de sitôt (au moins la vente n'en est pas encore commencée), puis, pour l'égarer encore davantage, voilà que dans vos remords vous prônez Ilderim; cela étant, ayez soin de ne pas faire de dettes, car si vous veniez à manquer, ces livres seraient pour vous d'assez mauvaises cautions. Songez aussi à ne pas vous laisser surprendre ces rimes par le Morning-Post ou par Perry; ce serait un tour perfide, et très-perfide, que de me jeter dans un tel embarras. Car il me faudrait livrer combat dans ma petite barque contre une galère tout entière, et s'il m'arrivait d'occire l'Assyrien, j'aurais encore à combattre un chevalier femelle....

»Vous pouvez montrer ceci à Moore et aux élus, mais non aux profanes, et dites à Moore que je m'étonne qu'il n'écrive pas de tems en tems.»

LETTRE CCLXIX

A M. MOORE

Venise, 31 mars 1817.

«Vous devez commencer à trouver que je deviens un peu prodigue de mes offrandes épistolaires (quel que soit l'autel auquel il vous plaise de les vouer); mais jusqu'à ce que vous m'ayez répondu, je ne me ralentirai pas, car vous ne méritez pas qu'on vous épargne. Je sais que vous vous portez bien, ayant appris que vous aviez été à Londres et dans les environs, ce qui m'a fait plaisir, votre billet m'ayant donné de l'inquiétude, à cause de la purgation et de la saignée dont il y était question. J'ai appris aussi que vous étiez sous presse, ce qui, je pense, aurait pu vous fournir matière pour une lettre de moyenne taille, considérant surtout que je suis en pays étranger, et que les annonces du mois dernier ou le catalogue des décès auraient été pour moi de véritables nouvelles m'arrivant de votre île du nord.

»Je vous ai dit dans ma dernière lettre que j'avais eu la fièvre assez fort. Il règne ici une maladie épidémique, mais je soupçonne, à certains symptômes, que ma fièvre m'appartenait en propre, et n'avait rien de commun avec le bas et vulgaire typhus qui, en ce moment, décime Venise, et qui a, si ce qu'on en dit est vrai, à moitié dépeuplé Milan. Cette maladie a fort maltraité mes domestiques qui désirent terriblement s'en aller, et voudraient bien me décider à changer de lieu; mais, outre mon obstination naturelle, à force d'entendre continuellement parler de peste en Turquie, je suis devenu inaccessible à la peur de la contagion: la crainte d'ailleurs n'en exempte pas, et puis je suis encore amoureux, et quarante mille fièvres épidémiques ne me feraient pas bouger avant le tems, lorsque je suis sous l'influence de ce délire qui l'emporte sur tous les autres. Plaisanterie à part, il règne dans cette ville une maladie fort dangereuse, dit-on; cependant la mienne ne m'a pas semblé avoir ce caractère, quoiqu'elle n'ait pas été très-agréable.

»Nous sommes dans la semaine de la Passion et de Ténèbres, et tout le monde est à vêpres. On va éternellement à l'église dans tous ces pays catholiques; cependant, ici, on me paraît moins bigot qu'en Espagne.

»Je ne sais pas si je dois être bien aise ou fâché que vous quittiez Mayfield. Si j'avais été à Newsteadt pendant votre séjour ici (exceptez-en cependant l'hiver de 1813 à 1814, où les chemins étaient impraticables), nous eussions été assez voisins pour nous appeler, et j'aurais aimé à faire avec vous le tour du Pic. Je connais bien ce pays, l'ayant parcouru dans mon enfance. Avez-vous jamais été dans le Dovedale? Je vous assure qu'il y a des sites aussi magnifiques dans le Derbyshire que dans la Grèce ou la Suisse. Mais vous avez toujours eu du penchant pour Londres, et je ne m'en étonne pas; je l'ai moi-même tout autant aimé qu'un autre, de tems en tems.

 

»Veuillez me rappeler à Rogers qui, je présume, est en pleine prospérité, et que je regarde comme notre père poétique: vous êtes son fils légitime, et moi son enfant naturel. A-t-il déjà commencé à écrire sur Shéridan? Quand vous rencontrerez notre ami le républicain Leigh Hunt, présentez-lui mes complimens. – J'ai vu, il y a environ neuf mois, qu'il était en querelle (comme mon ami Hobhouse) avec les éditeurs du Quarterly. Quant à moi, je n'ai jamais pu comprendre ces disputes des auteurs entre eux ou avec leurs critiques. «Pour l'amour de Dieu, messieurs, qu'est-ce que cela veut dire?»

»Que pensez-vous de votre compatriote Mathurin? Je m'applaudis d'avoir contribué par mes efforts à faire paraître Bertram, quoique je doive dire que mes collègues y ont mis tout autant de bonne volonté et d'empressement que moi. C'est même Walter-Scott qui en parla le premier, et qui me le nomma avec les plus grands éloges; c'était en 1815. C'est donc au hasard, et à deux ou trois autres circonstances accidentelles, que cet homme plein de talent a dû un premier succès si bien mérité. A quoi tient la célébrité!

»Vous ai-je dit que j'avais traduit deux épîtres? Elles font partie de la correspondance de saint Paul avec les Corinthiens, et n'existent pas dans notre langue, mais dans la langue arménienne d'où je les ai traduites. – Elles m'ont paru fort orthodoxes, et je les ai rendues en prose anglaise dans le style de l'Écriture 70.

»Croyez-moi toujours, etc.»

Note 70: (retour) Le seul titre plausible de ces épîtres à l'authenticité, vient de ce que saint Paul (suivant l'opinion de Mosheim et d'autres), aurait écrit une épître aux Corinthiens avant celle que nous regardons comme la première. Elles sont cependant généralement rejetées comme apocryphes, quoique le primat Usher, Johan, Grégoire et d'autres savans en parlent comme existant en langue arménienne; elles furent pour la première fois, je crois, traduites de cette langue par les deux Whistons, qui ajoutèrent cette correspondance, dont ils donnèrent une version grecque et une latine, à leur édition de l'Histoire d'Arménie de Moïse de Chorène, publiée en 1736.

La traduction de lord Byron est, à ma connaissance, la première qu'on ait essayée en anglais. Au bas de la copie que j'en possède sont écrits les mots suivans: «Mis en anglais par moi, en janvier et en février de 1817, au couvent de Saint-Lazare, à l'aide d'explications sur le texte arménien, qui m'ont été données par le père Paschal Aucher, moine arménien. BYRON. – J'avais aussi, ajoute-t-il, le texte latin, mais il est en beaucoup d'endroits fort corrompu, et on y trouve de grandes lacunes.»(Note de Moore.)

LETTRE CCLXX

A M. MURRAY

Venise, 2 avril 1817.

«Je vous ai envoyé mon drame en entier, à trois différentes fois, acte par acte, sous des enveloppes séparées. J'espère que vous avez déjà reçu, sinon le tout, du moins une partie, et que le reste vous parviendra.

»Ainsi donc, Love a de la conscience. – De par Diane, je lui ferai reprendre la boîte, fût-ce même celle de Pandore. C'est en l'envoyant chez le bijoutier, pour faire arranger le couvercle, de manière à y placer le portrait de Marianna, qu'il a été découvert que ce n'était que de l'argent. Là-dessus, comme vous pensez bien, j'ai fait remettre la boîte in statu quo, et le portrait a été enchâssé dans une autre qui semble faite exprès. La boîte sur laquelle on m'a trompé a été à peine touchée, et n'est pas restée plus d'une heure entre les mains de l'ouvrier.

»Je conviens de tout ce que vous dites d'Otway, et suis un de ses grands admirateurs, à l'exception pourtant de 71 sa bégueule de Belvidera, chastement impudique, toujours gémissante et curieuse, caractère que je méprise, abhorre et déteste complètement. Mais l'histoire de Marino Faliéro est bien différente, et tellement supérieure pour l'intérêt, que je voudrais qu'Otway eût choisi ce sujet au lieu du sien. Le chef conspirant contre le corps entier qui a refusé de lui faire justice d'une injure réelle; – la jalousie, la trahison, toutes les passions inflexibles et invétérées d'un vieillard sur lequel agit aussi la politique: – le diable lui-même ne pourrait prendre un plus beau sujet, et vous savez qu'il est le seul auteur dramatique et tragique que nous ayons.

Note 71: (retour) Except of that maudlin b-h of chaste lewdeness and blubbering curiosity. Ces expressions anglaises sont d'une énergie trop grossière, pour que la traduction littérale en fût supportable dans notre langue.(Note du Trad.)

»On voit encore dans le palais du doge le voile noir peint sur le portrait de Faliéro, et l'escalier sur lequel il fut d'abord couronné doge et ensuite décapité. C'est ce qui a le plus frappé mon imagination à Venise, bien plus que le Rialto que j'ai parcouru pour l'amour de Shylock, et plus aussi que l'Arménien de Schiller, roman qui me fit une grande impression étant encore enfant. Il a aussi pour titre: le Fantôme prophète, et je n'ai jamais traversé la place Saint-Marc, par le clair de lune, sans y songer et me rappeler ces mots: «A neuf heures il mourut!» au surplus, je hais ce qui n'est que fiction: c'est pourquoi le Marchand de Venise et Othello ne me retracent pas ici des souvenirs d'un grand intérêt, mais il en est autrement de Pierre. La création la plus fantastique devrait toujours être fondée sur quelque fait: l'invention toute pure n'est que le talent de bien mentir.

»Vous parlez de mariage; depuis les funérailles du mien, ce mot me donne des vertiges et des sueurs froides: – ne le répétez pas, je vous prie.

»Vous devriez terminer avec Mme de Staël: ce sera son meilleur ouvrage, et tout historique d'un bout à l'autre. – Il roule sur son père, la révolution, Bonaparte, etc., etc. Bonstetten m'a dit, en Suisse, que c'était très-beau. – Je ne l'ai pas lu moi-même, quoique j'aie vu souvent l'auteur: elle a été très-aimable pour moi à Coppet.

»Il a paru deux articles dans les journaux de Venise, dont l'un est une revue de Glenarvon, et l'autre de Childe Harold, dans lequel on me proclame l'admirateur le plus séditieux et le plus entêté de Bonaparte, qui lui soit resté en Europe. Ces deux articles sont traduits de l'allemand, et tirés de la Gazette littéraire d'Iéna.......

»Dites-moi si Walter-Scott va mieux. – Je ne voudrais pour rien au monde qu'il fût malade: je présume que c'est par sympathie que j'ai eu la fièvre en même tems.

»Je me réjouis du succès de votre Quarterly, mais je continue de m'en tenir à la Revue d'Édimbourg. Jeffrey en a agi de même à mon égard; je dois le dire, en dépit de tout, et c'est plus que je n'en méritais de sa part. – Je vous ai plus d'une fois, dans mes lettres, accusé réception de l'article et même des articles: apprenez-moi au moins que vous avez reçu les susdites, ne sachant pas autrement quelles lettres vous arrivent. Les deux Revues me sont parvenues, mais pas autre chose: – je n'ai pas encore vu la pièce de M*** et l'extrait......

»Écrivez-moi, afin que je sache si vous avez enfin reçu mon magicien, avec ses scènes, tous ses enchantemens, etc., etc.

»Toujours tout à vous.

»P. S. Il est inutile d'envoyer vos lettres à la Poste pour l'Étranger: rien ne m'arrive par cette voie; j'imagine que quelque commis zélé aura cru du devoir d'un tory d'y mettre obstacle.»

LETTRE CCLXXI

A M. ROGERS

Venise, 4 avril 1817.

«Il s'est écoulé un tems considérable depuis que je ne vous ai écrit; et je ne sais pas trop pourquoi je vous importunerais aujourd'hui, si ce n'est que je me flatte intérieurement que vous ne serez pas fâché de recevoir de tems en tems de mes nouvelles. – Vous et moi n'avons jamais entretenu de correspondance ensemble; mais il y a toujours eu entre nous quelque chose de mieux, c'est-à-dire une bonne et franche amitié.

»J'ai vu votre ami Sharp en Suisse, ou plutôt sur le territoire allemand qui est et n'est pas la Suisse. Il nous avait indiqué, à Hobhouse et à moi, une très-bonne route pour aller aux Alpes bernoises; cependant nous en avons suivi une autre que nous a enseignée un Allemand, et nous sommes allés par Clarens et la Dent de Jaman à Montbovon, et par le Simmenthal à Thoun, et ainsi de suite jusqu'à Lauterbrounn, excepté que de là, au lieu de faire le tour pour nous rendre au Grindelwald, nous avons traversé tout droit le sommet du mont Wengen; et nous trouvant tout juste au-dessous de la Iungfrau, nous avons vu ses glaciers et entendu les avalanches dans toute leur gloire, ayant eu un fameux tems pour cela. Une fois sur le Grindelwald, bien entendu, nous traversâmes le Sheideck pour aller à Brientz et à son lac, et suivîmes le Richenbach et toute cette route montagneuse qui me rappela l'Albanie, l'Étolie et la Grèce, si ce n'est que le peuple ici est plus civilisé et plus fripon. A l'exception de la source de l'Arveron, dont nous nous sommes approchés jusqu'au bord de la glace, de manière à regarder dans la cavité et à y toucher, contre l'avis de nos guides, dont un seulement nous accompagna jusque-là, je n'ai pas été aussi émerveillé de Chamouni que de la Iungfrau, de la Pissevache et du Simplon, qui ne peuvent être rivalisés par rien dans ce monde.

»J'ai passé près d'une lune à Milan, et j'y ai vu Monti et d'autres curiosités vivantes. De là, je suis allé à Vérone, où je n'ai pas oublié votre histoire d'assassinat pendant le séjour que vous y fites. J'ai emporté de cette ville quelques fragmens du tombeau de Juliette, et une impression très-vive de son amphithéâtre. La comtesse Goetz (femme du gouverneur de cette ville) m'a dit qu'il y avait encore un château ruiné des Montecchi, entre Vérone et Vicence. Je suis à Venise depuis le mois de novembre, mais je me rendrai probablement bientôt à Rome. – Quant à ce que j'ai fait ici, ne l'ai-je pas consigné dans mes lettres au silencieux Thomas Moore? – c'est donc à lui que je vous renvoie; il les a toutes reçues, et n'a pas répondu à une seule.

»Veuillez, je vous prie, me rappeler au souvenir de lord et de lady Holland. Je dois des remerciemens à ce dernier, d'un livre que je n'ai pas encore reçu, mais que je me propose de relire avec grand plaisir à mon retour; c'est la seconde édition des œuvres de Lope de Vega. J'ai entendu dire que le poème de Moore allait paraître. Il ne peut pas se souhaiter à lui-même plus de succès que je ne lui en souhaite et ne lui en prédis. J'ai aussi entendu faire un grand éloge des Contes de mon Hôte; mais ne les ai pas encore reçus. D'après ce qu'on en dit, ils surpassent Waverley même, etc., etc., et sont du même auteur. Il paraît que la seconde tragédie de Mathurin est tombée, ce dont je crois que tout le monde sera fâché. Ma santé a été très-florissante jusqu'au mois dernier, où j'ai été atteint d'une fièvre. Il règne une épidémie dans cette ville, mais je ne crois pas que ce fût là ma maladie; quoi qu'il en soit, je me suis rétabli sans médecin ni drogues.

»J'oubliais de vous dire que, l'automne dernier, j'avais donné, pendant quelques jours, le pain et le sel à Lewis, dans ma campagne de Diodati, en retour de quoi (indépendamment de sa conversation), il m'avait traduit verbalement le Faust de Gœthe, et j'ai eu aussi le plaisir de le mettre aux prises avec Mme de Staël, au sujet de la traite des nègres. Je suis vraiment redevable de mille attentions obligeantes à notre dame de Coppet, et je l'aime autant maintenant que j'ai toujours aimé ses ouvrages, dont j'ai été et suis toujours grand admirateur. – Quand commencez-vous à vous occuper de Sheridan? que faites-vous maintenant? et comment va la santé?

»Croyez-moi toujours très-sincèrement, etc.»