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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

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LETTRE CCLXIV

A M. MURRAY

Venise, 3 mars 1817.

«En vous accusant la réception de l'article du Quarterly 62, qui est arrivé il y a trois jours, je ne puis employer de meilleurs termes que ceux de ma sœur Augusta, qui dit qu'il est dicté par les sentimens les plus bienveillans. Il est, à mon avis, quelque chose de plus, et autant que le sujet me permet d'en juger, il me semble très-bien écrit comme composition, et ne déparera pas la revue, car ceux même qui blâmeront son indulgence seront forcés de louer sa générosité. Tant de gens ont été disposés à traiter la question sous un point de vue différent, et moins favorable, qu'en considérant d'ailleurs l'opinion publique et la politique, il n'y a qu'un homme plein de courage et de bonté qui ait pu écrire un pareil article dans un tel ouvrage, et à une telle époque, même en gardant l'anonyme. De telles actions, cependant, portent avec elles leur récompense, et j'ose me flatter que cet écrivain, quel qu'il soit (et je n'en ai pas le moindre soupçon) ne regrettera pas de m'avoir fait éprouver, par la lecture de cet article, autant de satisfaction que pouvait m'en causer un morceau de ce genre, et beaucoup plus qu'aucun autre m'en ait jamais donné, quoique dans mon tems j'en aie beaucoup vu, tant pour, que contre. Ce n'est pas la louange seulement, mais il y règne un tact et une délicatesse, non pas tant par rapport à moi, que par rapport aux autres, que n'ayant jamais trouvés ailleurs, j'avais jusqu'à présent douté de rencontrer nulle part.

Note 62: (retour) Article qui porte le numéro 31 dans cette Revue, qui fut écrit, comme lord Byron le découvrit bientôt, par sir Walter-Scott, et mérite bien, par l'esprit de générosité et de bienveillance qui y règne, la reconnaissance ardente et durable qu'il fit naître dans le noble poète.(Note de Moore.)

»Peut-être, un jour ou l'autre, saurez-vous le nom de l'écrivain, et me le direz-vous. Soyez persuadé que si l'article eût été sévère, je ne vous l'aurais pas demandé.

»Je vous ai écrit très-souvent depuis peu, en vous envoyant des extraits que vous avez reçus, j'espère, ou recevrez avec ou avant cette lettre. Depuis la fin du carnaval, je n'ai cessé d'être indisposé. (Gardez-vous, sous aucun prétexte, d'en informer Mrs. Leigh, car si mon mal empire, elle ne le saura que trop tôt, et si je me rétablis, elle n'a pas besoin de le savoir du tout.) Mais je n'ai presque pas quitté la maison; heureusement je n'ai pas besoin de médecin: si j'étais dans ce cas, ceux d'Italie sont fort heureusement les plus mauvais du monde, de sorte que j'aurais encore une bonne chance. Ils ont, je crois, un fameux chirurgien: c'est Vacca qui habite Pise, et pourrait se rendre utile en cas de dissection; – mais il est à quelques centaines de milles. Ma maladie est une espèce de fièvre lente, dont l'origine, comme le dirait mon pasteur et maître Jackson, est d'avoir trop abusé de soi-même; cependant je me trouve mieux depuis un ou deux jours.

»J'ai manqué l'autre jour le spectacle de la procession du nouveau patriarche à Saint-Marc (à cause de mon indisposition); il marchait à la tête de six-cent cinquante prêtres. – Belle et sainte armée! L'admirable gouvernement de Vienne, dans un de ses édits autorisant son installation, prescrivait comme partie du cortège une voiture à quatre chevaux. Pour vous faire une idée à quel point ceci est allemand, vous n'avez qu'à vous figurer notre parlement ordonnant à l'archevêque de Cantorbéry de se rendre du coin d'Hyde-Park à la cathédrale de Saint-Paul, dans la barque du lord-maire, ou dans la galiote de Margate. Il n'y a que la place Saint-Marc, à Venise, qui soit assez grande pour qu'un carrosse puisse y mouvoir, et elle est pavée de larges dalles polies, de sorte que le char et les chevaux du prophète Élizée lui-même seraient bien embarrassés d'y manœuvrer. Ceux de Pharaon pourraient faire mieux, car les canaux, et surtout le grand canal, sont assez vastes et assez étendus pour toute son armée. La voiture était donc hors de toute possibilité; mais les Vénitiens, qui sont aussi malins que naïfs, se sont beaucoup amusés de cette ordonnance.

»La grammaire arménienne est publiée; mais mes études de l'arménien sont suspendues dans ce moment, jusqu'à ce que la tête me fasse un peu moins de mal. Je vous ai envoyé l'autre jour, sous deux enveloppes, le premier acte de Manfred, drame aussi extravagant que la tragédie de Bedlam de Nat. Lee, qui était en vingt-cinq actes, avec quelques scènes de plus. La mienne n'en a que trois.

»Je m'aperçois que j'ai commencé cette lettre du mauvais côté; n'importe donc, je la finirai du bon.

»Votre très-sincèrement et à jamais obligé, etc.»

LETTRE CCLXV

A M. MURRAY

Venise, 9 mars 1817.

«En vous envoyant le troisième acte de l'espèce de poème dramatique dont vous avez dû, au moins je l'espère, recevoir les deux premiers, j'ai peu de chose à vous observer, sinon qu'il ne faudra pas le publier (si vous le publiez jamais) sans m'en avertir auparavant. Je ne saurais réellement dire s'il est bon ou mauvais, et comme il n'en était pas de même à l'égard de mes autres publications, je suis disposé à lui assigner un rang très-humble. Vous le soumettrez au jugement de M. Gifford, et à qui il vous plaira en outre. Quant à ce qui est du prix du manuscrit (s'il vient jamais à être publié), je ne sais pas si trois cents guinées vous paraîtront une estimation exagérée; dans ce cas, vous pouvez en diminuer ce qu'il vous plaira: je ne pense pas, moi, qu'il vaille plus; ainsi vous voyez que je fais quelque différence entre cet ouvrage et les autres.

»J'ai reçu vos deux Revues, mais non pas les Contes de mon Hôte, et je vous ai accusé réception du Quarterly, à son arrivée, il y a dix jours. Ce que vous me dites de Perry me pétrifie; c'est une imposture grossière. Vers le mois de février ou de mars 1816, on me donna à entendre que M. Croker avait non-seulement coopéré aux attaques du Courrier, en 1814, mais même qu'il était l'auteur de quelques vers très-violens, récemment publiés dans un journal du matin. Là-dessus j'écrivis quelque chose en représailles; j'ai oublié la totalité de ces vers, et j'ai même peine à me rappeler le sujet, car, lorsque vous m'assurâtes qu'il n'était pas l'auteur de tout cela, je les jetai au feu devant vos yeux, et il n'y en avait jamais eu que le brouillon. M. Davies, la seule personne qui les ait entendu lire, m'en demanda une copie que je lui refusai. Si, cependant, par un miracle quelconque, l'ombre de ces vers court maintenant le monde, je ne démentirai jamais ce que j'ai réellement écrit; je me tiens pour personnellement responsable de toute satisfaction qui peut en être demandée, quoique me réservant le droit de désavouer toute fabrication quelconque. Vous avez été témoin des faits précédens, et savez mieux que personne à quel point ma récapitulation est exacte. Je vous prie donc d'informer M. Perry, que je suis fort étonné qu'il permette qu'on fasse un tel abus de mon nom dans son journal; je dis abus, parce que mon absence méritait du moins quelques égards, et que ma présence et ma sanction positive pouvaient seules justifier un tel procédé, en supposant même que les vers soient de moi; et s'ils n'en sont pas, il n'y a pas de terme pour qualifier une telle action. Je vous répète que l'original fut brûlé devant vos yeux d'après l'assurance que vous veniez de me donner, et qu'il n'y en a jamais eu de copie, ni même de répétition verbale, – au grand mécontentement de quelques zélés Whigs, qui, en ayant entendu parler à M. Davies, me tourmentèrent beaucoup pour les connaître; mais ne les ayant écrits que d'après ma croyance; que M. Croker avait été l'agresseur, et pour prendre ma revanche et non par esprit de parti, je ne voulus me prêter au zèle d'aucune secte, lorsque je découvris qu'il n'était pas l'auteur des passages qui m'avaient offensé. Vous savez que, si le fait était vrai, je ne le nierais pas; vous vous rappellerez que je vous en parlai franchement dans le tems, et comment et de quelle manière je détruisis ces vers. Croyez qu'aucune puissance, aucune séduction sur la terre n'aurait pu me faire consentir à en donner une copie (si je me les fusse rappelés), à moins d'être certain que M. Croker était en effet l'auteur du morceau que vous m'avez assuré qu'il n'avait pas fait.

»J'ai l'intention d'aller au printems en Angleterre où j'ai quelques affaires à arranger; mais la poste me presse. Tout ce mois-ci, j'ai été indisposé; cependant je me trouve mieux, et j'ai le projet de m'en retourner vers le mois de mai sans aller à Rome, la saison malsaine arrivant de bonne heure. Je reviendrai ensuite après avoir terminé l'affaire qui m'y appelle et qui ne demande pas beaucoup de tems… J'aurais cru le conte assyrien d'un genre à réussir.

»J'ai vu, dans les poésies de M. W. W., qu'il avait fait mon épitaphe; j'aurais mieux aimé faire la sienne.

»Vous verrez au premier coup d'œil que ce que je vous ai envoyé n'est pas susceptible d'être mis en scène ni même d'en faire venir la pensée. Je doute fort même qu'il puisse être publié; – c'est trop dans mon ancien genre: mais je l'ai composé tout plein de l'horreur du théâtre, et dans la vue d'en rendre la représentation impraticable, connaissant le désir qu'ont mes amis de me voir essayer le genre pour lequel j'ai la plus invincible répugnance, celui de la représentation théâtrale.

»Je suis certainement diablement attaché à ma manière, et il serait tems de la quitter; mais que pouvais-je faire? Si je n'avais donné un but quelconque à l'activité de mon imagination, il aurait fallu succomber aux tourmens qu'elle me fait éprouver et à ceux de la réalité. Mes complimens affectueux à M. Gifford, à Walter Scott, et à tous nos amis.»

 

LETTRE CCLXVI

A M. MOORE

Venise, 10 mars 1817.

«Je vous ai écrit encore dernièrement, mais j'espère que vous ne serez pas fâché d'avoir une nouvelle lettre. J'ai été malade tout le mois dernier d'une espèce de fièvre lente qui me tenait toute la nuit et me quittait le matin. Cependant je me trouve mieux maintenant. Il est probable que nous nous reverrons au printems; au moins mon intention est d'aller en Angleterre où j'ai des affaires, et j'espère vous y trouver rendu à la santé, et chargé de nouveaux lauriers.

»Murray m'a envoyé la Revue d'Édimbourg et le Quarterly. Lorsque je vous apprendrai que c'est Walter Scott qui est l'auteur de l'article inséré dans la dernière de ces publications, vous conviendrez avec moi qu'un tel morceau est plus honorable pour lui que pour moi-même. Je suis aussi parfaitement satisfait de celui de Jeffrey, et je vous prie de le lui dire en lui présentant mes souvenirs; non que je suppose qu'il lui importe, ou lui ait jamais importé que je sois satisfait ou non, mais c'est une simple politesse de la part de quelqu'un qui n'a encore eu avec lui que de simples relations de bienveillance, mais qui pourra bien faire sa connaissance quelque jour. Je voudrais aussi que vous ajoutassiez, ce que vous savez fort bien, c'est que je n'ai jamais été, et ne suis pas même à présent, l'homme sombre et misanthrope pour lequel il me prend, mais un joyeux compagnon, fort à mon aise avec mes amis intimes, et aussi loquace et aussi enjoué que si j'étais un bien plus habile homme.

»Je vois maintenant que je ne pourrai jamais effacer de l'imagination du public le deuil qui m'entoure, surtout depuis que mon moral **** a cimenté ma réputation. Cependant, ni cela, ni même plus, n'a encore éteint mon courage qui renaît toujours en proportion de ce qu'on fait pour l'abattre.

»Nous avons le carême à Venise, et je n'ai pas quitté la maison depuis quelque tems. Ma fièvre demandant de la tranquillité, et… Mais à propos de tranquillité, voici pour m'en promettre davantage la signora Marianna qui vient s'asseoir à mes côtés.

»Avez-vous vu le livre de poésie de ***; et si vous l'avez vu n'en êtes-vous pas charmé? Avez-vous aussi-en vérité je ne puis continuer. Il y a une paire de grands yeux noirs qui regardent par-dessus mon épaule, comme l'ange appuyé sur celles de saint Mathieu dans les vieux frontispices des Évangiles; de sorte qu'il faudra que je me retourne pour leur répondre au lieu de continuer à vous répondre à vous.

»Croyez-moi toujours, etc.»

LETTRE CCLXVII

A M. MOORE

Venise, 25 mars 1817.

«J'ai enfin appris au défaut de vos lettres (ou au défaut de ce que vous ne m'écrivez pas, car je ne suis pas bien fort sur l'application du mot défaut), j'ai enfin appris, dis-je, de Murray, deux particularités qui vous concernent; l'une que vous allez demeurer à Hornsey, pour être, je présume, plus près de Londres; et l'autre que votre poème est annoncé sous le nom de Lalla Rookh. J'en suis bien aise, – d'abord parce que nous allons l'avoir à la fin, et ensuite parce que j'aime assez moi-même un titre un peu dur, témoin le Giaour et Childe Harold qui ont pensé suffoquer à leur apparition la moitié de nos bas-bleus. D'ailleurs c'est la queue du chien d'Alcibiade, non pas que je suppose que vous ayez besoin de chien ou de queue. En parlant de queue 63, je voudrais que vous n'eussiez pas qualifié votre ouvrage de conte persan 64: dites un poème ou un roman; mais non pas un conte. Je suis très-fâché d'avoir donné ce nom à quelques-uns de mes ouvrages, car je pense que c'est quelque chose de mieux. D'ailleurs nous avons les contes arabes, les contes indous, les contes turcs et assyriens. Après tout; c'est là de la frivolité, mais vous ne ferez pas attention à toutes ces sottises.

Note 63: (retour) Le lecteur ne saisira pas trop le sens de cet à-propos, qui vient de la similitude de la prononciation des mots queue et conte, qui s'expriment en anglais par les mots tail (queue), et tale (conte).(Note du Trad.)

Note 64: (retour) Il avait été mal informé sur ce point, l'ouvrage en question ayant été intitulé dès le premier abord Roman oriental. Une méprise bien pire (car elle était volontaire, et ne provenait d'aucune intention charitable), fut celle de plusieurs personnes, qui prétendirent que l'auteur avait voulu faire un poème épique. M. d'Israeli lui-même, par amour pour la théorie, a donné dans cette supposition tout-à-fait gratuite. «Le poète anacréontique, dit-il, reste, après tout, anacréontique dans sa poésie épique.»

»Réellement et en vérité je veux que vous fassiez un grand fracas, ne fût-ce que par amour-propre, parce que nous sommes de vieux amis, et je n'ai pas le moindre doute que vous y arriverez, car je sais que vous le pouvez. Cependant en ce moment je gagerais que vous ne savez où vous fourrer: et je ne suis pas à vos côtés; mais vous avez Rogers. Je l'envie, ce qui n'est pas bien, car lui il n'envie personne. Songez à m'envoyer, ou du moins à me faire envoyer par Murray votre ouvrage dès qu'il aura paru.

»J'ai été très-malade d'une fièvre lente, qui à la fin a pris le galop, et même plus fort que besoin n'était 65. Mais enfin, après avoir passé une semaine dans un demi-délire avec la peau brûlante, la tête en feu, une soif dévorante, d'horribles pulsations et pas de sommeil: grâce à l'eau d'orge et à mon refus de voir de médecin, je suis guéri. C'est une épidémie du lieu qui revient annuellement, et s'en prend aux étrangers. Voici quelques rimes que j'ai faites une nuit d'insomnie 66:

 
J'ai lu Christabelle,
Elle est fort belle.
J'ai lu Missionnaire aussi,
C'est très-joli.
J'aurais voulu lire Ilderim,
Ainsi soit-il.
J'ai, de Marguerite d'Anjou,
Lu deux feuillets. Le pourriez-vous?
Du Waterloo de S… il m'a suffi
De voir une page… fi! fi!
Quant à la Daine de Wordsworth, ah! c'est bien là
Qu'il convient de crier: holà!
.........................
 

Note 65: (retour) Dans un billet à M. Murray, qui se trouva joint à quelques corrections de Manfred, il dit: «Depuis ma dernière, la fièvre lente dont je vous parlais a trouvé bon de doubler le pas, et elle est devenue semblable à celle que j'attrapai, il y a quelques années, dans les marais d'Élis en Morée.»(Notes de Moore.)

Note 66: (retour) Ces rimes satiriques, composées dans le délire de la fièvre, ne peuvent être bien rendues en français, ni en vers ni en prose. On a cherché à donner quelque idée de sa manière. Le lecteur verra que c'est dans le genre de la fameuse épigramme de Boileau: «Après l'Agésilas, etc.»(Note du Trad.)

»Je n'ai pas la plus légère idée de l'endroit où j'irai ni de ce que je ferai. J'aurais voulu aller à Rome, mais à présent elle est empestée d'Anglais. On y rencontre des troupes de benêts, ouvrant de grands yeux, bayant aux corneilles, et voulant à la fois du bon marché et de la magnificence. On est bien fou de voyager en France et en Italie, avant que ces essaims de misérables aient évacué ces deux pays pour retourner chez eux. – Dans deux ou trois ans la première irruption sera passée, et on pourra alors parcourir le continent à son aise et agréablement.

»Je suis resté à Venise en grande partie parce que ce n'est pas un de leurs repaires, et qu'ils ne font qu'y passer et s'y arrêter un moment. En Suisse c'était réellement un fléau. Heureusement que j'étais parti des premiers et que j'avais pu m'assurer de la plus jolie habitation sur le lac avant qu'ils se fussent mis en mouvement avec le reste des autres reptiles. Mais je les trouvais toujours sur mon chemin. J'ai rencontré tout une famille de vieilles femmes et d'enfans à moitié route du mont Wengen (près de la Iungfrau); elles étaient montées sur des mules, et la plupart étaient trop vieilles et les autres trop jeunes pour comprendre le moins du monde ce qu'elles voyaient.

»À ce propos, je regarde la Iungfrau, et toute cette région des Alpes que j'ai traversée en septembre, comme beaucoup supérieure au Mont-Blanc, à Chamouni et au Simplon; je suis monté au sommet du Wengen, qui n'est pas le point le plus élevé (la Iungfrau étant elle-même inaccessible), mais qui est certainement le point le plus favorable pour la vue. J'ai fait un journal de toute cette excursion pour ma sœur Augusta, qui en a copié une partie pour M. Murray.

»J'ai composé une espèce de drame extravagant tout exprès pour y introduire la description des sites des Alpes, et je l'ai envoyé à Murray. Presque tous les personnages sont des esprits, des fantômes, ou des sorciers, et la scène est au milieu des Alpes et dans l'autre monde; ainsi vous voyez quelle folle tragédie cela doit faire. Dites-lui de vous la montrer.

»Cela fait maintenant en tout six lettres, petites ou grandes, que je vous ai écrites, et en retour desquelles j'ai reçu de vous un billet de la longueur de ceux que vous m'écriviez de Bury-Street à St. James-Street du tems que nous dînions si souvent ensemble avec Rogers, que nous causions si librement, que nous allions en société, et de tems en tems entendre le pauvre Shéridan. Vous rappelez-vous un soir qu'il était tellement gris que je fus obligé de lui mettre son chapeau sur la tête, car lui n'en pouvait venir à bout? – et ensuite je le descendis chez Brookes à peu près dans l'état où depuis on le descendit dans la tombe. Hélas! je voudrais être ivre aussi, mais je n'ai devant moi que cette maudite eau d'orge.

»Je suis encore amoureux, ce qui est un terrible désagrément quand on quitte un endroit; et cependant je ne puis rester à Venise beaucoup plus longtems. Que ferai-je sur ce point? je ne sais. Elle veut venir avec moi, mais je n'aime pas ce parti, dans son propre intérêt. Mon esprit a essuyé tant de combats à ce sujet, depuis quelque tems, que je ne suis pas bien sûr qu'ils n'aient pas un peu contribué à la fièvre dont je vous ai parlé. Je lui suis certainement très-attaché; et si vous saviez tout, vous verriez que ce n'est pas sans motif. Mais elle a un enfant; et quoique semblable à toutes les filles du soleil, elle n'écoute que sa passion: je dois réfléchir pour nous deux. Ce n'est qu'une femme vertueuse comme *** qui peut être capable de renoncer à son mari, à son enfant, et d'être toujours heureuse.

»La morale italienne est la plus bizarre qui existe. La manière dont, non pas seulement les actions, mais le raisonnement des femmes est perverti, est quelque chose de vraiment singulier. Ce n'est pas qu'elles ne considèrent la chose en elle-même comme coupable et même très-coupable; – mais l'amour, le sentiment de l'amour, non-seulement en est l'excuse, mais en fait même une vertu réelle, pourvu qu'il soit désintéressé, exempt de caprice, et qu'il se borne à un seul objet. Elles ont d'effrayantes notions de constance, car j'ai vu de vieilles figures de quatre-vingts ans qui m'ont été montrées comme des amans dont la flamme durait depuis quarante, cinquante et soixante ans. Je ne puis pas dire que j'aie vu un tel couple d'époux.

»Toujours à vous.

»P. S. Marianna, à qui je viens de traduire ce que je vous ai écrit à notre égard, m'a répondu: «Si vous m'aimiez véritablement, vous ne feriez pas de si belles réflexions, qui ne sont bonnes qu'à forbirsi i scarpi,» c'est-à-dire à nettoyer ses souliers: – c'est un proverbe vénitien dont on se sert pour apprécier les choses, et qui s'applique à des raisonnemens de toute espèce.»