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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

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LETTRE CCLV

A M. MURRAY

Venise, 4 déc. 1816.

«Je vous ai écrit si souvent depuis peu, que vous trouvez sans doute que je vous assomme de lettres, et moi, de mon côté, je vous tiens pour fort impoli de ne pas avoir répondu à celles que je vous ai adressées de Suisse, de Milan, de Vérone et de Venise. Il y a des choses que je désirais et désire encore savoir; par exemple, si M. Davies, de négligente mémoire, vous avait ou non remis le manuscrit qui lui a été confié dans ce but, parce que, dans le cas contraire, vous verrez qu'il en aura généreusement donné des copies à tous les curieux de sa connaissance, et alors vous vous trouverez probablement prévenu dans votre publication par la chronique de Cambridge ou d'autres. – En second lieu, – j'oublie ce que je voulais dire en second lieu; mais pour le troisième point, je veux savoir si vous avez déjà publié, ou quand vous avez l'intention de le faire, et pourquoi vous ne l'avez pas fait plus tôt, parce que dans votre dernière lettre, datée de septembre (vous devez être honteux de cette date), vous parliez de publier sans délai.

»Je n'ai pas de nouvelles d'Angleterre et ne sais rien de rien, ni de personne. Je n'ai qu'un seul correspondant (excepté M. Kinnaird, qui m'écrit de tems en tems pour affaire), et ce correspondant est une femme, de sorte que je ne sais de votre île ou de votre ville que ce que la version italienne des papiers français veut bien nous en dire, ou les annonces de M. Colburn pour l'année suivante, attachées au bout de la Revue du Trimestre. Je vous ai écrit assez longuement la semaine dernière, et j'ai peu de chose à ajouter, si ce n'est que j'ai commencé et que je continue l'étude de la langue arménienne que j'apprends aussi bien que je peux dans un couvent arménien où je vais tous les jours prendre des leçons d'un moine fort savant. J'ai acquis quelques connaissances assez singulières, et pas tout-à-fait inutiles, sur la littérature et les mœurs de ce peuple de l'Orient. Il a ici un établissement, une église et un couvent de quatre-vingt-dix moines dont quelques-uns sont des hommes pleins d'instruction et de talent. Ils ont aussi une imprimerie, et font de grands efforts pour éclairer leur nation. Je trouve que cette langue (qui est double, la littérale et la vulgaire) présente de grandes difficultés, mais non pas insurmontables, au moins je l'espère, et je la continuerai. J'ai senti la nécessité d'appliquer mon esprit à quelque étude un peu rude, et celle-ci étant la plus difficile que j'aie pu trouver servira de lime au serpent.

»J'ai l'intention de rester ici jusqu'au printems, ainsi adressez-moi directement à Venise, poste restante. M. Hobhouse est allé pour le moment à Rome avec son frère, la femme de son frère et sa sœur qui l'ont rejoint ici. Il revient dans deux mois. J'y serais allé aussi, mais je suis devenu amoureux, et il faut que je reste jusqu'à ce que ce soit passé. Je pense que de ceci, et de l'alphabet arménien, il y en aura pour tout l'hiver. Heureusement pour moi la dame a été moins difficile que la langue, car entre les deux j'y aurais perdu les restes de ma raison. Par parenthèse, elle n'est pas Arménienne, mais Vénitienne, comme je crois vous l'avoir dit dans ma dernière. Quant à l'italien, je le parle assez facilement, y compris même le dialecte vénitien qui ressemble un peu à l'anglais qu'on parle dans le comté de Somerset; et je n'ai pas oublié pendant mes voyages ce que j'ai pu savoir auparavant des dialectes plus classiques.

»Tout à vous sincèrement et à jamais.B.

»P. S. Rappelez-moi à M. Gifford.»

LETTRE CCLVI

A M. MURRAY

Venise, 9 déc. 1816.

«J'apprends par une lettre d'Angleterre qu'un homme, appelé Johnson, a pris la liberté de publier quelques poèmes intitulés: Pélerinage à Jérusalem, la Tempête et une Prière à ma Fille, et qu'il me les attribue en soutenant qu'il me les a payés cinq cents guinées. Ma réponse à ceci sera courte. Je n'ai jamais écrit ces poèmes; je n'ai jamais reçu la somme mentionnée, ni aucune autre de ce côté-là; et (autant qu'un homme peut être moralement sûr d'une chose) je n'ai jamais eu directement ou indirectement la moindre communication avec Johnson de toute ma vie, ne connaissant pas même son existence avant que cette nouvelle fût venue m'apprendre qu'il y avait au monde un tel individu. Rien ne m'étonne, autrement ceci en serait capable, et je m'amuse en général de tout, sans quoi ceci ne m'amuserait guère. Par rapport à moi, cet homme ne s'est rendu coupable que d'un mensonge, et c'est naturel; dés gens qui sont au-dessus de lui lui en ont bien donné l'exemple; mais par rapport à vous, je crains que son assertion ne fasse du tort à vos publications, et je désire qu'elle soit contredite de la manière la plus formelle et la plus publique. Je ne crois pas qu'il y ait de châtiment pour des choses de cette espèce, et s'il y en avait, je ne me sentirais disposé à poursuivre cet ingénieux charlatan, qu'autant qu'il faudrait pour le confondre. – Mais il peut être nécessaire d'aller jusque-là.

»Vous ferez l'usage qu'il vous plaira de cette lettre; et M. Kinnaird, qui est autorisé à agir pour moi en mon absence, s'empressera, j'en suis sûr, de faire avec vous les démarches qui peuvent être nécessaires par rapport à l'absurde imposture de ce pauvre homme. Comme vous devez avoir reçu depuis peu plusieurs lettres de moi, écrites sur la route de Venise, ainsi que deux que je vous ai adressées depuis mon arrivée ici, je ne vous en dirai pas davantage aujourd'hui.

»Toujours à vous.»

»P. S. Faites-moi savoir, je vous prie, que vous avez reçu cette lettre. – Adressez les vôtres à Venise, poste restante.

»Pour empêcher que de semblables fabrications n'aient encore lieu, vous pouvez dire que je ne me rends responsable d'aucune publication, depuis 1812 jusqu'à ce moment, qui ne serait pas sortie de votre presse. Je dis depuis cette époque, parce qu'auparavant Cawthorn et Ridge ont tous deux imprimé de mes compositions. Un Pélerinage à Jérusalem! et comment diable aurais-je écrit un pélerinage à Jérusalem où je n'ai jamais été? Quant à la Tempête, je n'ai pas eu de tempête, mais une brise très-fraîche à mon départ d'Angleterre; et pour ce qui est du poème adressé à ma petite Ada (qui, par parenthèse, aura un an demain), je n'ai jamais rien écrit à son sujet, excepté dans les Adieux et le troisième chant de Childe Harold

LETTRE CCLVII

A M. MURRAY

Venise, 27 déc. 1816.

«Puisque le démon du silence paraît s'être emparé de vous, j'ai résolu, moi, de m'en venger en vous faisant payer des ports de lettres. Celle-ci est la sixième ou septième que je vous écris depuis la fin de l'été et mon départ de Suisse. Ma dernière contenait une injonction de démentir et de livrer à la honte cet imposteur de Cheapside, qui (à ce que j'ai appris par une lettre de votre île) a jugé à propos de joindre mon nom à ses poésies bâtardes dont je ne sais rien, non plus que de l'achat prétendu qu'il a fait du manuscrit et de son droit de propriété. J'espère que vous avez enfin reçu cette lettre.

»Comme les nouvelles de Venise doivent vous intéresser beaucoup, je vais vous en régaler.

»Hier étant le jour de la Saint-Étienne, tout le monde était en mouvement. On n'entendait que le son du violon et des orgues; on ne voyait que jeux et divertissemens sur tous les canaux de cette ville aquatique. Je dînai avec la comtesse Albrizzi et une société de Padoue et de Venise, et ensuite nous fûmes à l'opéra au théâtre de la Fenice, qui ouvrait ce jour-là pour le carnaval; c'est le plus beau que j'aie jamais vu: il laisse bien loin derrière lui tous nos théâtres pour la beauté et les décorations, et ceux de Milan et de Brescia doivent lui céder la prééminence. L'opéra et ses sirènes ressemblent beaucoup à tous les opéras et à toutes les sirènes du monde; mais le sujet du susdit avait quelque chose d'édifiant. L'intrigue est fondée sur un fait raconté par Tite-Live, de cent cinquante femmes mariées qui empoisonnèrent leurs cent cinquante maris dans les bons vieux tems. Les célibataires de Rome regardèrent cette étonnante mortalité comme l'effet ordinaire du mariage ou d'une épidémie; mais les époux qui survécurent étant tous saisis de la colique, examinèrent à fond l'affaire, et s'aperçurent qu'on avait drogué leur breuvage; or il s'en suivit beaucoup de scandale et plusieurs procès. Voilà, en toute vérité, le sujet de l'opéra qu'on a donné l'autre jour à la Fenice, et vous ne pouvez imaginer toutes les jolies choses qui sont introduites dans le chant, et le récitatif au sujet de l'orrenda strage 53. Le dénouement est, qu'une dame se voit sur le point d'avoir la tête coupée par un licteur. Mais je suis fâché de dire qu'il la lui laisse, et qu'elle vient en avant chanter un trio avec les deux consuls, pendant que le sénat, qui est dans le fond, forme le chœur. Le ballet n'avait rien de remarquable, excepté que la première danseuse est tombée en convulsion, parce qu'elle n'était pas applaudie à son premier début, et que le directeur a paru pour demander s'il se trouvait «un médecin dans la salle. »J'avais un Grec dans ma loge à qui j'aurais voulu persuader de lui offrir ses services, étant sûr que dans ce cas ce seraient les dernières convulsions qu'aurait la ballerina 54; mais il ne s'en soucia pas. La foule était énorme; et en sortant, comme j'avais une dame sous le bras, je fus presque obligé, pour m'ouvrir un passage, de battre un Vénitien et d'attenter à l'état, car je me vis forcé de régaler un individu, qui me gênait, d'un coup de poing dans le ventre (à l'anglaise) qui l'envoya aussi loin que le passage voulut le permettre. Il n'en attendit pas un second; mais, avec de grands signes d'épouvante et de mécontentement, il en appela à ses compatriotes qui se moquèrent de lui.

 

Note 53: (retour) De l'horrible carnage.

Note 54: (retour) Danseuse.

»Je continue d'étudier l'arménien tous les matins, et d'aider à activer une partie d'une grammaire anglaise et arménienne qu'on publie maintenant dans le couvent de Saint-Lazare.

»Le supérieur des moines est un évêque. – C'est un beau vieillard qui a une barbe semblable à la queue d'une comète. Le frère Pascal est aussi un homme pieux et instruit. Il a passé deux ans en Angleterre.

»Je suis encore terriblement amoureux de la dame adriatique dont je vous ai parlé dans une lettre précédente (et non dans celle-ci, car la seule femme dont il y est question est âgée et savante, deux choses que j'ai cessé d'admirer), et l'amour dans cette portion du monde n'est pas une sinécure. C'est aussi la saison où tout le monde arrange ses intrigues pour l'année suivante et où l'on choisit son partenaire pour la première partie.

»Maintenant, si vous ne m'écrivez pas, je ne sais pas ce que je ne dirai ou ne ferai pas, ni ce que je dirai ou ferai. Donnez-moi des nouvelles, et de bonnes.

»Votre très-sincèrement, etc.

»P. S. Rappelez-moi au souvenir de M. Gifford, en lui présentant mes devoirs.

»J'ai appris que la Revue d'Édimbourg avait déchiré la Christabel de Coleridge, et moi aussi, par contre-coup, pour l'avoir louée. Ceci ne me paraît présager rien de bon pour le chant qui a paru ou va paraître, et pour le Château de Chillon. Ma veine de bonheur de l'année dernière semble avoir changé de toute façon. – Mais n'importe, je finirai par m'en sortir; et sinon je me retrouverai toujours où j'étais en commençant. En attendant, je ne suis pas fâché d'être où je suis, c'est-à-dire à Venise. Ma nymphe de l'Adriatique vient d'entrer ici, c'est pourquoi il faut que je suspende cette lettre.»

LETTRE CCLVIII

A M. MURRAY

Venise, 2 janvier 1817.

«Votre lettre est arrivée. – Dites-moi, je vous prie; en publiant le troisième chant, n'avez-vous pas omis quelque passage? je vous avais écrit en traversant les Alpes pour prévenir un pareil accident. Dites-moi dans votre première lettre si le chant a été publié en totalité tel qu'il vous a été envoyé. Je vous ai écrit encore l'autre jour et deux fois, je crois, et je serais bien aise d'apprendre la réception de ces lettres.

»Aujourd'hui est le 2 janvier. De ce même jour, il y a trois ans, date, je crois, la publication du Corsaire dans ma lettre à Moore. Ce même jour, il y a deux ans, je me mariai (le Seigneur châtie ceux qu'il aime). – Il n'y a pas de danger que j'oublie de sitôt, ce jour; et il est assez singulier que je reçoive aujourd'hui une lettre de vous qui m'annonce la publication du Childe Harold, etc., etc., etc., à la même date que le Corsaire, et que j'en aie reçu aussi une de ma sœur, écrite le 10 décembre, jour de naissance de ma fille, et en partie relative à cet enfant, qui m'arrive ce même jour, 2 de janvier, anniversaire de mon mariage, et dans le mois de ma naissance, et avec beaucoup d'autres rapports astrologiques que je n'ai pas le tems d'énumérer.

»A propos, vous ferez bien d'écrire à Hentsch le banquier de Genève, pour vous informer si les deux paquets confiés à ses soins ont été ou non remis à M. Saint-Aubyn, ou s'ils sont encore entre ses mains. L'un contient des papiers, des lettres, et tous les manuscrits originaux de votre troisième chant, tel qu'il fut d'abord conçu, et l'autre renfermait des os ramassés à Morat. Bien des remerciemens de toutes vos nouvelles, et surtout de la gaîté avec laquelle votre lettre est écrite.

»Venise et moi sommes très-bien d'accord, mais je ne crois pas qu'il y ait ici rien de neuf si ce n'est le nouvel opéra dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre. Le carnaval commence, et il y a de tous côtés beaucoup de gaîté sans compter les affaires, car tout le monde ici renouvelle ses intrigues pour la saison; on change, et l'on commence un nouveau bail. Je me trouve très-bien de Marianna, qui n'est pas du tout une personne à m'ennuyer, d'abord parce que je ne me fatigue jamais d'une femme à cause de sa personne, mais parce qu'elles ont presque toujours des caractères insupportables; secondement parce qu'elle est aimable et qu'elle possède un tact que n'a pas toujours cette belle moitié de la création; troisièmement parce qu'elle est très-jolie; et quatrièmement-mais il n'y a pas besoin d'en spécifier davantage............... ......................................

Jusqu'à présent nous sommes fort contens l'un de l'autre, et quant à l'avenir je ne l'anticipe jamais. -Carpe diem. – Le passé au moins nous appartient, ce qui est une raison pour s'assurer du présent. En voilà assez sur ma liaison.

»L'état général des mœurs est ici à peu près le même que du tems des doges. Une femme est vertueuse, suivant le code, quand elle se borne à son mari et à un amant; celles qui en ont deux, trois ou plus sont un peu légères; mais il n'y a que celles qui sont déréglées sans distinction, et forment des liaisons basses comme la princesse de Galles avec son courrier (qui, par parenthèse, a été fait chevalier de Malte), qui passent pour franchir les bornes de la réserve imposée par le mariage. Les nobles Vénitiens épousent fréquemment des danseuses et des chanteuses: il est vrai de dire que les femmes de leur classe sont loin d'être belles; mais en général la race des femmes du second ordre, et d'autres inférieures, celles des marchands, des propriétaires, et des gens à la mode, mais sans titre, ont la plupart 55 il bel'sangue, et c'est parmi elles que se forment ordinairement les liaisons amoureuses. Il y a aussi de prodigieux exemples de constance. Je connais une femme de cinquante ans qui, n'ayant jamais eu qu'un amant, qui mourut jeune, devint dévote et renonça à tout, à l'exception de son mari. Elle se glorifie, comme on peut bien le croire, de cette fidélité miraculeuse, et elle en parle quelquefois avec certaines réflexions morales qui sont assez amusantes. Il n'y a pas moyen ici de convaincre une femme qu'elle enfreint le moins du monde les règles de la vertu ou des convenances en ayant un amoroso. Le plus grand mal semble consister à le cacher ou à en avoir plus d'un à la fois, à moins pourtant que cette extension de prérogative ne soit connue et approuvée du premier en titre, etc.

Note 55: (retour) Un beau sang.

»Je vous envoie dans un autre paquet quelques feuillets d'une grammaire 56 anglaise et arménienne à l'usage des Arméniens, dont j'ai encouragé et même déterminé la publication (il ne m'en coûte que 1,000 francs). Je continue mes leçons dans cette langue sans faire aucun progrès rapide, mais avançant un peu chaque jour. Le père Pascal, avec un peu d'aide de ma part pour la traduction de son italien en anglais, s'occupe aussi d'une grammaire manuscrite pour faciliter aux Anglais l'étude de l'arménien; et nous la ferons imprimer aussi quand elle sera terminée.

Note 56: (retour) Le fragment intéressant que nous allons donner, et qui fut trouvé parmi ses papiers, paraît avoir été destiné à servir de préface à la Grammaire arménienne dont il est ici question.

«Le lecteur anglais sera probablement étonné de trouver mon nom associé à un ouvrage de ce genre, et sera peut-être disposé à avoir de mes connaissances, comme linguiste, une opinion que je suis loin de mériter.

»Comme je ne voudrais pas volontairement l'induire en erreur, je rapporterai, aussi brièvement que possible, de quelle manière j'ai participé à cette compilation, et les motifs qui m'y déterminèrent. A mon arrivée à Venise, en 1816, je m'aperçus que l'état de mon esprit me faisait un besoin de l'étude et d'un genre d'étude qui laissât peu d'espace à l'imagination, et présentât quelques difficultés.

»A cette époque je fus très-frappé, comme l'ont été sans doute tous les voyageurs, de la communauté du couvent de Saint-Lazare, qui me parût réunir tous les avantages d'une institution monastique sans aucun de ses vices.

»L'ordre, la propreté, la douceur, la véritable dévotion, les talens et les vertus qu'on trouve chez les frères de cet ordre, sont bien capables d'imprimer à l'homme du monde la conviction qu'il en existe un autre et un meilleur.

»Ces hommes sont les prêtres d'une nation noble et opprimée qui a partagé la proscription et l'esclavage des Juifs et des Grecs. Sans être intraitable comme les uns et servile comme les autres, ce peuple a amassé des richesses sans usure, et obtenu tous les honneurs auxquels on peut parvenir dans l'esclavage, sans intrigue. Toutefois ils ont fait partie, depuis long-tems, de la «Maison de Captivité» qui, depuis peu, a pris une si grande extension. Il serait difficile peut-être de trouver dans les annales d'aucune nation, moins de crimes que dans celles des Arméniens, dont les vertus ont toutes été pacifiques, et dont les vices ont été l'effet de la violence. Mais quelle qu'ait pu être leur destinée, et elle a été cruelle, quelle qu'elle puisse être à l'avenir, leur pays sera à jamais un des plus intéressans du globe, et leur langue n'a besoin peut-être que d'être un peu plus connue pour présenter plus d'attrait. Si l'on explique bien l'Écriture, c'est en Arménie que le paradis fut placé, dans cette Arménie qui a payé aussi cher que tous les descendans d'Adam, la participation passagère de son sol à la félicité de celui qui avait été créé de sa poussière. Ce fut en Arménie que le déluge s'apaisa d'abord, et que la colombe s'abattit. Mais de la disparition du paradis lui-même, on peut presque faire dater le malheur de ce pays; car, bien qu'il ait formé long-tems un royaume puissant, il n'a presque jamais joui de l'indépendance, et les satrapes de la Perse et les pachas de la Turquie ont également ravagé la contrée où Dieu avait créé l'homme à son image.»

»Nous voulons savoir s'il se trouve en Angleterre, soit à Oxford, Cambridge ou ailleurs, aucuns types ou caractères d'imprimerie arméniens? Vous savez, je présume, qu'il y a bien des années, les deux Whistons publièrent, en Angleterre, un texte original d'une Histoire d'Arménie, avec leur version latine; ces types existent-ils encore, et où sont-ils? informez-vous-en, je vous prie, aux savans de votre connaissance.

»Quand cette grammaire (je parle de celle qu'on imprime maintenant) sera terminée, consentiriez-vous à en prendre quarante ou cinquante exemplaires qui ne vous coûteront pas plus de 5 à 10 guinées, pour les mettre en vente, et faire ainsi l'épreuve de la curiosité des savans? Dites oui ou non, comme il vous plaira. Je puis vous assurer que ces moines possèdent des livres et des manuscrits très-curieux, et qui sont la plupart des traductions d'originaux grecs maintenant perdus: c'est d'ailleurs une communauté savante et fort respectée, et l'étude de leur langue avait été embrassée avec beaucoup d'ardeur par quelques littérateurs français, du tems de Bonaparte.

»Je n'ai pas écrit une rime depuis que j'ai quitté la Suisse, et je ne me sens pas l'estro pour le moment. Je crois que vous craignez d'avoir un quatrième chant avant septembre, et un autre manuscrit à payer; mais soyez tranquille, je n'ai en ce moment aucune intention de reprendre ce poème ni d'en commencer un autre. Si j'écris, j'ai envie d'essayer de la prose; mais je crains d'introduire des personnages vivans, ou des caractères dont on pourrait faire l'application à des caractères vivans. Peut-être, un jour ou l'autre, serai-je tenté d'écrire quelque ouvrage d'imagination en prose, qui offrirait la peinture des mœurs italiennes et des passions humaines. Quant à la poésie, la mienne n'est que le rêve des passions qui sommeillent; une fois réveillées, je ne sais plus parler leur langage que dans leur somnambulisme, et dans ce moment elles ne dorment pas.

»Si M. Gifford veut avoir carte blanche pour le Siége de Corinthe, il l'a, et peut en faire ce qu'il lui plaît.

»Je vous ai adressé l'autre jour une lettre renfermant un démenti au sujet de cet homme de Cheapside, qui a inventé le conte dont vous me parlez. Mes complimens les plus sincères à M. Gifford, et à ceux de mes amis que vous pourrez voir chez vous. Je vous souhaite à tous beaucoup de prospérité, et vous offre mes vœux pour la nouvelle année.

»Toujours votre, etc.»