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L'archéologie égyptienne

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Il est bouché sur toute son étendue de gros blocs qu’on doit briser avant de parvenir à la salle d’attente (C). Au sortir de cette salle, il marche quelque temps encore dans le calcaire, puis il passe entre quatre murs de granit de Syène poli, après quoi le calcaire reparaît, et on débouche dans le vestibule (E). La partie bâtie en granit est interrompue trois fois, à 60 ou 80 centimètres d’intervalle, par trois énormes herses de granit (D). Au-dessus de chacune d’elles se trouve un vide, dans lequel elle était maintenue par des supports qui laissaient le passage libre.

La momie une fois introduite, les ouvriers en se retirant enlevaient les étais, et les trois herses, tombant en place, interceptaient toute communication avec le dehors. Le vestibule était flanqué, à l’est, d’un serdab à toit plat, divisé en trois niches et encombré d’éclats de pierre, balayés à la hâte par les esclaves, au moment où l’on nettoyait les chambres pour y recevoir la momie. La pyramide d’Ounas les a conservées toutes trois. Dans Teti et dans Mirinrì, les murs de séparation ont été fort proprement enlevés, dès l’antiquité, et n’ont laissé d’autre trace qu’une ligne d’attache et une teinte plus blanche de la paroi, aux endroits qu’ils recouvraient primitivement. Le caveau (G) s’étendait à l’ouest du vestibule : le sarcophage y était déposé le long de la muraille occidentale, Les pyramides de Gizéh appartenaient à des Pharaons de la IVe dynastie, et celles d’Abousîr à des Pharaons de la Ve. Les cinq pyramides de Saqqarah, dont le plan est uniforme, appartiennent à Ounas et aux quatre premiers rois de la VIe dynastie, Teti, Pepi Ier, Mirinrì, Pepi II, et sont contemporaines des mastabas à caveaux peints que j’ai signalés plus haut. On ne s’étonnera donc point d’y rencontrer des inscriptions et des ornements. Partout, les plafonds sont chargés d’étoiles pour figurer le ciel de la nuit. Le reste de la décoration est fort simple. Dans la pyramide d’Ounas, où elle joue le plus grand rôle, elle n’occupe que le fond de la chambre funéraire ; la partie voisine du sarcophage avait été revêtue d’albâtre et ornée à la pointe des grandes portes monumentales, par lesquelles le mort était censé entrer dans ses magasins de provisions. Les figures d’hommes et d’animaux, les scènes de la vie courante, le détail du sacrifice n’y sont point représentés et n’auraient pas d’ailleurs été à leur place en cet endroit. On les retraçait dans les lieux où le double menait sa vie publique, et où les visiteurs exécutaient réellement les rites de l’offrande ; les couloirs et le caveau où l’âme était seule à circuler ne pouvaient recevoir d’autre ornementation que celle qui a rapport à la vie de l’âme. Les textes sont de deux sortes. Les moins nombreux ont trait à la nourriture du double et sont la transcription littérale des formules par lesquelles le prêtre lui assurait la transmission de chaque objet au delà de ce monde : c’était pour lui une ressource suprême, au cas où les sacrifices réels auraient été suspendus, et où les tableaux magiques de la chapelle auraient été détruits. La plus grande partie des inscriptions se rapportaient à l’âme et la préservaient des dangers qu’elle courait au ciel et sur la terre. Elles lui révélaient les incantations souveraines contre la morsure des serpents et des animaux venimeux, les mots de passe qui lui permettaient de s’introduire dans la compagnie des dieux bons, les exorcismes qui annulaient l’influence des dieux mauvais. De même que la destinée du double était de continuer à mener l’ombre de la vie terrestre et s’accomplissait dans la chapelle, la destinée de l’âme était de suivre le soleil à travers le ciel et dépendait des instructions qu’elle lisait sur les murailles du caveau. C’était par leur vertu que l’absorption du mort en Osiris devenait complète et qu’il jouissait désormais de toutes les immunités naturelles à la condition divine. Là-haut, dans la chapelle, il était homme et se comportait à la façon des hommes ; ici, il était dieu et se comportait à la façon d’un dieu. L’énorme massif rectangulaire que les Arabes appellent Mastabat-el-Faraoun, le siège de Pharaon, se dresse à côté de Pepi II.

On a voulu y voir, tantôt une pyramide inachevée, tantôt une tombe surmontée d’un obélisque ; c’est un mastaba royal dont l’intérieur présente l’ordonnance d’une pyramide. Mariette croyait qu’Ounas y était enterré, mais les fouilles de ces temps derniers ont rendu cette attribution impossible. En revanche, elles semblent montrer que la pyramide méridionale de Dahshour appartient à Snofrou. Si le fait est confirmé par des recherches postérieures, il y a des chances pour que le groupe entier soit le plus ancien de tous et remonte à la IIIe dynastie. Il fournit une variante curieuse du type ordinaire. L’une des pyramides en pierre a la moitié inférieure inclinée de 54°, 41’sur l’horizon, tandis qu’à partir de mi-hauteur l’inclinaison change brusquement et est de 42°, 59’; on dirait un mastaba couronné d’une mansarde gigantesque. À Lisht, on quitte l’ancien empire pour les dynasties thébaines, et la structure se modifie encore : le couloir en pente aboutit à un puits perpendiculaire, au fond duquel débouchaient des chambres envahies aujourd’hui par les infiltrations du Nil. Le groupe du Fayoum est tout entier de la XIIe dynastie, mais les pyramides de Biahmou sont presque entièrement détruites ; celle d’Illahoun n’a jamais été explorée, et celle de Méïdoum, violée avant le siècle des Ramessides, est vide. Elle consiste en trois tours carrées, à pans légèrement inclinés et qui s’étagent en retraite l’une sur l’autre.

L’entrée est au nord, à seize mètres environ au-dessus du sable. Au delà de vingt mètres, le couloir descend dans le roc ; à cinquante-trois, il se redresse, s’arrête douze mètres plus loin, remonte perpendiculairement vers la surface, et affleure dans le sol du caveau, six mètres et demi plus haut.

Un appareil de poutres et de cordes, encore en place au-dessus de l’orifice, montre que les voleurs ont tiré le sarcophage hors de la chambre, dès l’antiquité. L’usage des pyramides ne cessa pas avec la XIIe dynastie : on en connaît à Manfalout, à Hékalli, au sud d’Abydos, à Mohammériah, au sud d’Esnéh. Jusqu’à l’époque romaine, les souverains à demi barbares de l’Éthiopie tinrent à honneur de donner à leurs tombes la forme pyramidale. Les plus anciennes, celle de Nouri, où dorment les Pharaons de Napata, rappellent par la facture les pyramides de Saqqarah ; les plus modernes, celles de Méraouy, présentent des caractères nouveaux. Elles sont plus hautes que larges, de petit appareil et garnies parfois aux angles de bordures carrées ou arrondies. La face orientale est munie d’une fausse lucarne, surmontée d’une corniche et flanquée d’une chapelle que précède un pylône. Toutes ne sont pas muettes : comme sur les murs des tombeaux ordinaires, on y a retracé des scènes empruntées au Rituel des Funérailles ou aux vicissitudes de la vie d’outre-tombe.

3. Les tombes de l’empire thébain ; les hypogées

Les derniers mastabas connus appartiennent à la XIIe dynastie, encore sont-ils concentrés dans la plaine sablonneuse de Méïdoum et n’ont-ils jamais été achevés. Deux systèmes les remplacèrent par toute l’Égypte. Le premier conserve la chapelle construite au-dessus du sol et combine la pyramide avec le mastaba. Le second creuse le tombeau entier dans le roc, la chapelle comme le reste.

Le quartier de la nécropole d’Abydos, où furent enterrées les générations du vieil empire thébain, nous offre les exemples les plus anciens du premier système. Les tombes sont en grosses briques crues, noires, sans mélange de paille ni de gravier. L’étage inférieur est un mastaba à base carrée ou rectangulaire, dont le plus long côté atteint quelquefois douze ou quinze mètres ; les murs sont perpendiculaires et rarement assez élevés pour qu’un homme puisse se tenir debout à l’intérieur. Sur cette façon de socle se dresse une pyramide pointue, dont la hauteur varie entre quatre et dix mètres, et dont les faces étaient revêtues d’une couche de pisé unie, peinte en blanc. La mauvaise qualité du sol a empêché qu’on y creusât la salle funéraire ; on s’est donc résigné à la cacher dans la maçonnerie. Une sorte de chambre ou plutôt de four, voûté en encorbellement, a été ménagé au centre et abrite souvent la momie ; plus souvent encore, le caveau a été pratiqué moitié dans le mastaba, moitié dans les fondations, et le vide supérieur n’est là que pour servir de dégagement.

Dans bien des cas, il n’y avait aucune chapelle extérieure ; la stèle, posée sur le soubassement ou encadrée extérieurement sur la face, marque l’endroit du sacrifice. Ailleurs, on a construit en avancée un vestibule carré où les parents s’assemblaient.

Assez rarement un mur d’enceinte construit à hauteur d’appui enveloppe le monument et délimite le terrain qui lui appartenait. Cette forme mixte demeura fort en usage dans les cimetières de Thèbes, à partir des premières années du moyen empire. Plusieurs rois de la XIe dynastie et les grands personnages de leur cour se firent édifier à Drah aboûl Neggah des tombes semblables à celles d’Abydos.

Pendant les siècles suivants, les proportions relatives du mastaba et de la pyramide se modifièrent ; le mastaba, qui n’était souvent qu’un soubassement insignifiant, reprit peu à peu sa hauteur primitive, tandis que la pyramide s’abaissa et finit par n’être plus qu’un pyramidion sans importance.

Tous ceux de ces tombeaux qui ornaient les nécropoles thébaines à l’époque des Ramessides ont péri, mais les peintures contemporaines nous en font connaître les nombreuses variétés, et la chapelle d’un des Apis morts sous Amenhotpou III est encore là pour prouver que la mode s’en était étendue à Memphis. Du pyramidion, quelques traces subsistent à peine ; mais le mastaba est intact. C’est un massif en calcaire, carré, monté sur un soubassement, étayé de quatre colonnes aux angles et bordé d’une corniche évasée ; un escalier de cinq marches mène à la chambre intérieure.

 

Les modèles les plus anciens du second genre, ceux qu’on voit à Gizèh parmi les mastabas de la IVe dynastie, ne sont ni grands ni très ornés. On commença à en soigner l’exécution vers la VIe dynastie, et dans les localités lointaines, à Bershéh, à Shéikh-Sâid, à Kasr-es-Sayad, à Neggadéh. L’hypogée n’atteignit son plein développement qu’un peu plus tard, pendant les siècles qui séparent les derniers rois memphites des premiers rois thébains.

Les parties diverses du mastaba s’y retrouvent. L’architecte choisissait de préférence des veines de calcaire bien en vue, sises assez haut dans la montagne pour ne pas être menacées par l’exhaussement progressif du sol, assez bas pour que le cortège funèbre pût y monter aisément, et y creusait les tombes. Les plus belles appartiennent aux principales familles féodales qui se partageaient l’Égypte : les princes de Minièh reposent à Béni-Hassan, ceux de Khmounou à Bershèh, ceux de Siout et d’Éléphantine à Siout même et en face d’Assouân. Tantôt, comme à Siout, à Bershèh, à Thèbes, elles sont dispersées aux divers étages de la montagne ; tantôt, comme à Syène et à Béni-Hassan, elles suivent les ondulations du filon et sont rangées sur une ligne à peu près droite.

Un escalier, construit sommairement en pierres à moitié brutes, menait de la plaine à l’entrée du tombeau : il est détruit ou enseveli sous les sables à Béni-Hassan et à Thèbes, mais les fouilles récentes ont mis au jour celui d’une des tombes d’Assouân. Le cortège funèbre, après l’avoir escaladé lentement, s’arrêtait un moment à l’entrée de la chapelle. Le plan n’était pas nécessairement uniforme dans un même groupe. Plusieurs des tombeaux de Béni-Hassan ont un portique dont toutes les parties, piliers, bases, entablement, ont été prises dans la roche ; pour Amoni et pour Khnoumhotpou, il se compose de deux colonnes polygonales.

À Syène, la baie étroite qui s’ouvre dans la muraille de rocher est coupée, vers le tiers de sa hauteur, par un linteau rectangulaire qui réserve une porte dans la porte même.

À Siout, l’hypogée d’Hapizoufi était précédé d’un véritable porche d’environ 7 mètres de haut, arrondi en voûte, peint et sculpté avec amour. Le plus souvent on se contentait d’aplanir et de dresser un pan de montagne sur un espace plus ou moins considérable, selon les dimensions qu’on prétendait donner au tombeau. Cette opération avait le double avantage de créer sur le devant une petite plate-forme fermée de trois côtés, et de développer en façade une surface à peu près verticale, qu’on décorait, ou non, à la fantaisie du maître. La porte pratiquée au milieu, quelquefois n’avait point de cadre, quelquefois était encadrée de deux montants et d’un linteau légèrement saillants. Les inscriptions, quand elle en avait, étaient fort simples. Dans le haut, une ou plusieurs lignes horizontales. À droite et à gauche, une ou deux lignes verticales, accompagnées d’une figure humaine assise ou debout : c’était, avec une prière, le nom, les titres et la filiation du défunt. La chapelle n’a, en général, qu’une seule chambre carrée ou oblongue, au plafond plat ou légèrement voûté, sans autre jour que de la porte. Quelquefois des piliers, taillés en pleine pierre au moment de l’excavation, lui donnent l’aspect d’une petite salle hypostyle. Amoni et Khnoumhotpou, à Béni-Hassan, avaient chacun quatre de ces piliers ; d’autres en ont six ou huit et sont d’ordonnance irrégulière.

L’hypogée n° 7 était d’abord une simple salle à plafond arrondi, de six colonnes sur trois rangs. Plus tard, il fut agrandi vers la droite, et la partie nouvelle forma une sorte de portique à plafond plat supporté par quatre colonnes.

Ménager un serdab dans la roche vive était presque impossible, et, d’autre part, c’était exposer les statues mobiles au vol ou à la mutilation que les laisser dans une pièce accessible à tout venant. Le serdab fut transformé et se combina avec la stèle des mastabas antiques. La fausse porte d’autrefois devint une niche pratiquée dans la muraille du fond, presque toujours en face de la porte réelle. Les statues du mort et de sa femme y trônent, sculptées dans la pierre vive. Les parois sont ornées des scènes de l’offrande, et la décoration entière de l’hypogée converge vers elle, comme celle du mastaba convergeait vers la stèle. C’est toujours, dans l’ensemble, la même série de tableaux, mais avec des additions notables. La marche du cortège funéraire, la prise de possession du tombeau par le double, qui sont à peine indiquées autrefois, s’étalent avec ostentation sur les murs de l’hypogée thébain.

Le convoi se déroule avec ses pleureuses, ses troupes d’amis, ses porteurs d’offrandes, ses barques, son catafalque traîné par des bœufs. Il arrive à la porte ; la momie, dressée sur ses pieds, reçoit l’adieu de la famille et subit les dernières cérémonies qui doivent l’initier à la vie d’au delà.

Le sacrifice et les préliminaires qu’il évoque, le labourage, les semailles, la moisson, l’élève des bestiaux, les métiers manuels, sont sculptés ou peints, comme jadis, à profusion de couleurs. Sans doute, bien des détails y figurent qu’on ne rencontre pas sous les premières dynasties, ou sont absents qui ne manquent jamais dans le voisinage des pyramides ; les siècles avaient marché, et vingt siècles changent beaucoup aux usages de la vie journalière, même dans l’indestructible Égypte. On y chercherait presque en vain les troupeaux de gazelles privées, car, sous les Ramsès, on n’entretenait plus ces animaux que par exception à l’état domestique. En revanche, le cheval avait envahi la vallée du Nil, et piaffe sur les murs, à l’endroit où paissaient les gazelles. Les métiers sont plus nombreux et plus compliqués, les outils plus perfectionnés, les actions du mort plus variées et plus personnelles. L’idée d’une rétribution future n’existait pas, ou existait peu, au temps où l’on avait réglé la décoration des tombeaux. Ce que l’homme avait fait ici-bas n’avait aucune influence sur le sort qui l’attendait dans la mort ; bon ou mauvais, du moment que les rites avaient été célébrés sur lui et les prières récitées, il était riche et heureux. C’en était donc assez pour établir son identité d’énoncer son nom, ses titres, sa filiation ; on n’avait que faire de décrire son passé par le menu. Mais, quand la croyance à des récompenses ou à des châtiments prédomina dans les esprits, on s’avisa qu’il était utile de garantir à chacun le mérite de ses actions particulières, et l’on joignit à l’espèce d’extrait de l’état civil, qui avait suffi jusqu’alors, des renseignements biographiques précis. Quelques mots d’abord, puis, vers la VIe dynastie, de vraies pages d’histoire où un ministre, Ouni, raconte les services qu’il a rendus sous quatre rois ; puis, vers le commencement du nouvel empire, des dessins et des tableaux, qui conspirent avec l’écriture à immortaliser les faits et gestes du maître. Khnoumhotpou de Béni-Hassan expose en détail les origines et la grandeur de ses ancêtres.

Khiti étale sur ses murailles les péripéties de la vie militaire : exercices des soldats, danses de guerre, sièges de forteresses, batailles sanglantes. La XVIIIe dynastie continue, en cela comme en tout, la tradition des âges précédents. Aï retrace, dans son bel hypogée de Tell-el-Amarna, les épisodes de son mariage avec la fille de Khouniaton. Nofirhotpou de Thèbes avait reçu d’Harmhabi la décoration du Collier d’or ; il reproduit avec complaisance les moindres circonstances de l’investiture, le discours du roi, l’année, le jour où lui fut conférée la récompense suprême. Tel autre, qui avait travaillé au cadastre, se montre accompagné d’arpenteurs traînant la chaîne et préside à l’enregistrement de la population humaine, comme Ti présidait jadis au dénombrement de ses bœufs. La stèle elle-même participe au caractère nouveau que revêt la décoration murale. Elle proclame, outre les prières ordinaires, le panégyrique du mort, le résumé de sa vie, trop rarement son cursus honorum avec dates à l’appui.

Quand l’espace le permettait, le caveau tombait directement sous la chapelle. Le puits, tantôt était pratiqué au coin d’une des chambres, tantôt s’amorçait au dehors en avant de la porte. Dans les grandes nécropoles, à Thèbes par exemple ou à Memphis, la superposition des trois parties n’était pas toujours possible ; à vouloir donner au puits la profondeur normale, on risquait d’effondrer les tombeaux situés à l’étage inférieur de la montagne. On remédia à ce danger, soit en poussant fort loin un couloir, à l’extrémité duquel on forait le puits, soit en disposant, sur un même plan horizontal ou modérément incliné, les pièces que le mastaba plaçait sur un même plan vertical. Le couloir est alors percé au milieu de la paroi du fond ; la longueur moyenne en varie entre 6 et 40 mètres. Le caveau est presque toujours petit et sans ornement, ainsi que le couloir. L’âme, sous les dynasties thébaines, se passait aussi bien de décoration que sous les dynasties memphites ; mais quand on se décidait à garnir les murailles, les figures et les inscriptions avaient trait à sa vie et fort peu à la vie du double. Au tombeau de Harhotpou, qui est du temps des Ousirtasen, et dans les hypogées du même genre, les murs, celui de la porte excepté, sont partagés en deux registres. Le supérieur appartient au double et porte, avec la table d’offrandes, l’image des mêmes objets de ménage qu’on voit dans certains mastabas de la VIe dynastie : étoffes, bijoux, armes, parfums, dont Harhotpou avait besoin pour assurer à ses membres une éternelle jeunesse. L’inférieur était au double et à l’âme, et on lit les fragments de plusieurs livres liturgiques, Livre des morts, Rituel de l’embaumement, Rituel des funérailles, dont les vertus magiques protégeaient l’âme et soutenaient le double. Le sarcophage en pierre et le cercueil lui-même sont noirs d’écriture. De même que la stèle était comme le sommaire de la chapelle entière, le sarcophage et le cercueil étaient le sommaire du caveau et formaient comme une chambre sépulcrale dans la chambre sépulcrale. Textes, tableaux, tout ce qu’on y voit a trait à la vie de l’âme et à sa sécurité dans l’autre monde.

À Thèbes comme à Memphis, ce sont les tombes des rois qu’il convient de consulter, si l’on veut juger du degré de perfection auquel pouvait atteindre la décoration des couloirs et du caveau. Des plus anciennes, qui étaient situées dans la plaine ou sur le versant méridional de la montagne, rien ne subsiste aujourd’hui. Les momies d’Amenhotpou Ier et de Thoutmos III, de Soqnounrî et d’Harhotpou ont survécu à l’enveloppe de pierre qui était censée les défendre. Mais, vers le milieu de la XVIIIe dynastie, toutes les bonnes places étaient prises, et l’on dut chercher ailleurs un terrain libre où établir un nouveau cimetière royal. On alla d’abord assez loin, au fond de la vallée qui débouche vers Drah abou’l Neggah ; Amenhotpou III, Aï, d’autres peut-être, y furent enterrés ; puis on songea à se rapprocher de la ville des vivants. Derrière la colline qui borne au nord la plaine thébaine, se creusait jadis une sorte de bassin, fermé de tous les côtés, et sans autre communication avec le reste du monde que des sentiers périlleux. Il se divise en deux branches, croisées presque en équerre : l’une regarde le sud-est, tandis que l’autre s’allonge vers le sud-ouest et se divise en rameaux secondaires. À l’est, une montagne se dresse, dont la croupe rappelle, avec des proportions gigantesques, le profil de la pyramide à degrés de Saqqarah. Les ingénieurs remarquèrent que ce vallon était séparé du ravin d’Amenhotpou III par un simple seuil d’environ 500 coudées d’épaisseur. Ce n’était pas de quoi effrayer des mineurs aussi exercés que l’étaient les Égyptiens. Ils taillèrent dans la roche vive une tranchée, profonde de 50 à 60 coudées, au bout de laquelle un passage étranglé, semblable à une porte, donne accès dans le vallon. Est-ce sous Harmhabi, est-ce sous Ramsès Ier que fut entrepris ce travail gigantesque ? Ramsès Ier est le plus ancien roi dont on ait retrouvé la tombe en cet endroit. Son fils Séti Ier, puis son petit-fils Ramsès II vinrent s’y loger à ses côtés, puis les Ramsès l’un après l’autre ; Hrihor fut peut-être le dernier et ferma la série. Ces tombeaux réunis ont valu à la vallée le nom de Vallée des Rois, qu’elle a gardé jusqu’à nos jours.

Le tombeau n’est pas là tout entier. La chapelle est au loin dans la plaine, à Gournah, au Ramesséum, à Médinét-Habou, et nous l’avons déjà décrite. Comme la pyramide memphite, la montagne thébaine ne renferme que les couloirs et le caveau. Pendant le jour, l’âme pure ne courait aucun danger sérieux ; mais le soir, au moment où les eaux éternelles, qui roulent sur la voûte des cieux, tombaient vers l’Occident en larges cascades et s’engouffraient dans les entrailles de la terre, elle pénétrait, avec la barque du soleil et son cortège de dieux lumineux, dans un monde semé d’embûches et de périls. Douze heures durant, l’escadre divine parcourait de longs corridors sombres, où des génies, les uns hostiles, les autres bienveillants, tantôt s’efforçaient de l’arrêter, tantôt l’aidaient à surmonter les difficultés du voyage. D’espace en espace, une porte, défendue par un serpent gigantesque, s’ouvrait devant elle et lui livrait l’accès d’une salle immense, remplie de flamme et de fumée, de monstres aux figures hideuses et de bourreaux qui torturaient les damnés ; puis les couloirs recommençaient étroits et obscurs, et la course à l’aveugle au sein des ténèbres, et les luttes contre les génies malfaisants, et l’accueil joyeux des dieux propices.

 

À partir du milieu de la nuit, on remontait vers la surface de la terre. Au matin, le soleil avait atteint l’extrême limite de la contrée ténébreuse et sortait à l’orient pour éclairer un nouveau jour. Les tombeaux des rois étaient construits sur le modèle du monde infernal. Ils avaient leurs couloirs, leurs portes, leurs salles voûtées, qui pénétraient profondément au sein de la montagne. La distribution dans la vallée n’en était déterminée par aucune considération de dynastie ou de succession au trône. Chaque souverain attaquait le rocher à l’endroit où il espérait rencontrer une veine de pierre convenable, et avec si peu de souci des prédécesseurs, que les ouvriers durent parfois changer de direction pour éviter d’envahir un hypogée voisin. Les devis de l’architecte n’étaient qu’un simple projet, qu’on modifiait à volonté et qu’on ne se piquait pas d’exécuter fidèlement ; ainsi les mesures et la distribution réelles du tombeau de Ramsès IV sont en désaccord avec les cotes et l’agencement du plan qu’un papyrus du musée de Turin nous a conservé.

Rien pourtant n’était plus simple que la disposition générale : une porte carrée, très sobre d’ornements, un couloir qui aboutit à une chambre plus ou moins étendue, au fond de laquelle s’ouvre un second corridor qui conduit à une seconde chambre, et de là parfois à d’autres salles, dont la dernière renfermait le cercueil. Dans quelques tombeaux, le tout est de plain-pied et une pente douce, à peine coupée par deux ou trois marches basses, conduit de l’entrée à la paroi du fond. Dans d’autres, les parties sont disposées en étage l’une derrière l’autre. Un escalier long et raide, et un corridor en pente (À) mènent, chez Séti Ier, à un premier appartement (B), composé d’une petite antichambre et de deux salles à piliers.

Un second escalier (C), ouvert dans le sol de l’antichambre, mène à un second appartement (D) plus vaste que le premier, et qui abritait le sarcophage. Le tombeau n’était pas destiné à s’arrêter là.

Un troisième escalier (E) avait été pratiqué au fond de la salle principale, qui devait sans doute mener à un nouvel ensemble de pièces : la mort du roi a seule arrêté les ouvriers. Les variantes de plan ne sont pas très considérables, si on passe d’un hypogée à l’autre. Chez Ramsès III, la galerie d’entrée est flanquée de huit petites cellules latérales. Presque partout ailleurs, on ne remarque de différences que celles qui proviennent du degré d’achèvement des peintures et du plus ou moins d’étendue des couloirs. Le plus petit des hypogées s’arrête à 16 mètres, celui de Séti Ier, qui est le plus long, descend jusqu’à plus de 150 mètres et n’est pas achevé. Les mêmes ruses qui avaient servi aux ingénieurs des pyramides servaient à ceux des syringes thébaines pour dépister les recherches des malfaiteurs, faux puits destinés à dérouter les indiscrets, murailles peintes et sculptées bâties en travers des couloirs ; l’enterrement terminé, on obstruait l’entrée avec des quartiers de roche, et on rétablissait du mieux qu’on pouvait la pente naturelle de la montagne.

Séti Ier nous a légué le type le plus complet que nous possédions de ce genre de sépulture ; figures et hiéroglyphes y sont de véritables modèles de dessin et de sculpture gracieuse. L’hypogée de Ramsès III est déjà inférieur. La plus grande partie en est peinte assez sommairement : les jaunes y abondent, les bleus et les rouges rappellent les tons que les enfants choisissent pour leurs premiers barbouillages. Plus tard, la médiocrité règne en souveraine, le dessin s’amollit, les couleurs deviennent de plus en plus criardes, et les derniers tombeaux ne sont plus que la caricature lamentable de ceux de Séti Ier et de Ramsès III. La décoration est la même partout, et partout procède du même principe qui a présidé à la décoration des pyramides. À Thèbes comme à Memphis, il s’agissait d’assurer au double la libre jouissance de sa maison nouvelle, d’introduire l’âme au milieu des divinités du cycle solaire et du cycle osirien, de la guider à travers le dédale des régions infernales ; mais les prêtres thébains s’ingéniaient à rendre sensible aux yeux par le dessin ce que les Memphites confiaient par l’écriture à la mémoire du mort, et lui accordaient de voir ce qu’il était jadis obligé de lire sur les parois de sa tombe. Où les textes d’Ounas racontent qu’Ounas, identifié au soleil, navigue sur les eaux d’en haut ou s’introduit dans les Champs Élysées, les scènes de Séti Ier montrent Séti dans la barque solaire, et celles de Ramsès III, Ramsès III dans les Champs Élysées.

Où les murs d’Ounas ne donnent que les prières récitées sur la momie pour lui ouvrir la bouche, lui rendre l’usage des membres, l’habiller, la parfumer, la nourrir, ceux de Séti Ier représentent la momie elle-même et les statues supports du double entre les mains des prêtres qui leur ouvrent la bouche, les habillent, les parfument, leur tendent les plats divers du repas funèbre. Les plafonds étoilés des pyramides reproduisent la figure du ciel, mais sans indiquer à l’âme le nom des étoiles ; sur les plafonds de quelques syringes, les constellations sont tracées chacune avec son image, des tables astronomiques donnent l’état du ciel de quinze jours en quinze jours pendant les mois de l’année égyptienne, et l’âme n’avait qu’à lever les yeux pour savoir dans quelle partie du firmament sa course la menait chaque nuit. L’ensemble est comme un récit illustré des voyages du soleil, et par suite de l’âme, à travers les vingt-quatre heures du jour. Chaque heure est représentée, et son domaine, qui était divisé en circonscriptions plus petites dont la porte était gardée par un serpent gigantesque, Face de feu, œil de flamme, Mauvais œil. La troisième heure du jour était celle où se décidait le sort des âmes : le dieu Toumou les pesait et leur assignait un séjour selon les indications de la balance. L’âme coupable était livrée aux cynocéphales assesseurs du tribunal, qui la chassaient à coups de verge, après l’avoir changée en truie ou en quelque animal impur ; innocente, elle passait dans la cinquième heure, où ses pareilles cultivaient les champs, fauchaient les épis de la moisson céleste, et, le travail accompli, se divertissaient sous la garde des génies bienveillants. Au delà de la cinquième heure, les mers du ciel n’étaient plus qu’un vaste champ de bataille : les dieux de lumière pourchassaient, entraînaient, enchaînaient le serpent Apopi et finissaient par l’étrangler à la douzième heure. Leur triomphe n’était pas de longue durée. Le soleil, à peine victorieux, était emporté par le courant dans le royaume des heures de la nuit, et dès l’entrée, il était assailli, comme Virgile et Dante aux portes de l’enfer, par des bruits et par des clameurs épouvantables. Chaque cercle avait sa voix qu’on ne pouvait confondre avec la voix des autres : l’un s’annonçait comme par un immense bourdonnement de guêpes, l’autre comme par les lamentations des femmes et des femelles quand elles pleurent les maris et les mâles, l’autre comme par un grondement de tonnerre. Le sarcophage lui-même était chargé de ces tableaux joyeux ou sinistres. Il était d’ordinaire en granit rose ou noir, et si large, que souvent il ne pouvait entrer dans la vallée par la porte des rois. On devait le hisser à grand’peine au sommet de la colline de Déir-el-Baharî, puis, de là, le descendre à destination. Comme il était la dernière pièce du mobilier funéraire dont on s’occupât, on n’avait pas toujours le loisir de l’achever. Quand il était terminé, les scènes et les textes qui le couvrent en faisaient le résumé de l’hypogée entier. Le mort y retrouvait une fois de plus l’image de ses destinées surhumaines et y apprenait à connaître le bonheur des dieux. Les tombes privées recevaient rarement une décoration aussi complète ; cependant deux hypogées de la XXVIe dynastie, celui de Pétaménophis à Thèbes et celui de Bokenranf à Memphis, peuvent rivaliser sous ce rapport avec les syringes royales. Le premier renferme une édition complète du Livre des morts, le second de longs extraits du même livre et des formules qui remplissent les pyramides.

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