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L'archéologie égyptienne

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Chapitre III. Les tombeaux

Les Égyptiens composaient l’homme de plusieurs êtres différents, dont chacun avait ses fonctions et sa vie propre. C’était d’abord le corps, puis le double (ka), qui est le second exemplaire du corps en une matière moins dense que la matière corporelle, une projection colorée, mais aérienne de l’individu, le reproduisant trait pour trait, enfant, s’il s’agissait d’un enfant, femme s’il s’agissait d’une femme, homme s’il s’agissait d’un homme. Après le double venait l’âme (bi, baï), que l’imagination populaire se représentait sous la figure d’un oiseau, et après l’âme, le lumineux (khou), parcelle de flamme détachée du feu divin. Aucun de ces éléments n’était impérissable par nature ; mais, livrés à eux-mêmes, ils n’auraient pas tardé à se dissoudre et l’homme à mourir une seconde fois, c’est-à-dire à tomber dans le néant. La piété des survivants avait trouvé le moyen d’empêcher qu’il en fût ainsi. Par l’embaumement, elle suspendait pour les siècles la décomposition des corps ; par la prière et par l’offrande, elle sauvait le double, l’âme et le lumineux de la seconde mort, et elle leur procurait ce qui leur était nécessaire à prolonger leur existence. Le double ne quittait jamais le lieu où reposait la momie. L’âme et le lumineux s’en éloignaient pour suivre les dieux, mais y revenaient sans cesse, comme un voyageur qui rentre au logis après une absence. Le tombeau était donc une maison, la maison éternelle du mort, au prix de laquelle les maisons de cette terre sont des hôtelleries, et le plan sur lequel il était établi répondait fidèlement à la conception que l’on se faisait de l’autre vie. Il devait renfermer les appartements privés de l’âme, où nul vivant ne pouvait pénétrer sans sacrilège, passé le jour de l’enterrement, les salles d’audience du double, où les prêtres et les amis venaient apporter leurs souhaits et leurs offrandes, et, entre les deux, des couloirs plus ou moins longs. La manière dont ces trois parties étaient disposées variait beaucoup selon les époques, les localités, la nature du terrain, la condition et le caprice de chaque individu. Souvent les pièces accessibles au public étaient bâties au-dessus du sol et formaient un édifice isolé. Souvent encore, elles étaient creusées entièrement dans le flanc d’une montagne avec le reste du tombeau. Souvent enfin, le réduit où la momie reposait et le couloir étaient dans un endroit, tandis qu’elles s’élevaient au loin dans la plaine. Mais, si l’on remarque des variantes nombreuses dans les détails et dans le groupement des parties, le principe est toujours le même : la tombe est un logis, dont l’agencement doit favoriser le bien-être et assurer la perpétuité du mort.

1. Les mastabas

Les tombes monumentales les plus anciennes sont toutes réunies dans la nécropole de Memphis, d’Abou-Roâsh à Dahshour, et appartiennent au type des mastabas. Le mastaba est une construction quadrangulaire qu’on prendrait de loin pour une pyramide tronquée.

Plusieurs ont 10 ou 12 mètres de haut, 50 mètres de façade, 25 mètres de profondeur ; d’autres n’atteignent pas 3 mètres de hauteur et 5 mètres de largeur. Les faces sont inclinées symétriquement et le plus souvent unies ; parfois cependant les assises sont en retraite et forment presque gradins. Les matériaux employés sont la pierre ou la brique. La pierre est toujours le calcaire, débité en blocs, longs d’environ 0m,80 sur 0m,50 de hauteur et sur 0m,60 de profondeur. On rencontre trois sortes de calcaire : pour les tombes soignées, le beau calcaire blanc de Tourah ou le calcaire siliceux compact de Saqqarah ; pour les tombes ordinaires, le calcaire marneux de la montagne Libyque. Ce dernier, mêlé à des couches minces de sel marin et traversé par des filons de gypse cristallisé, est friable à l’excès et prête peu à l’ornementation. La brique est de deux espèces, et simplement séchée au soleil. La plus ancienne, dont l’usage cesse vers la VIe dynastie, est de petites dimensions (0m,22 x 0m,11 x 0m,14), d’aspect jaunâtre, et ne renferme que du sable mêlé d’un peu d’argile et de gravier ; l’autre est de la terre mêlée de paille, noire, compacte, moulée avec soin et d’assez grand module (0m,38 x 0m,18 x 0m,14). La façon de la maçonnerie interne n’est pas la même selon la nature des matériaux que l’architecte a employés. Neuf fois sur dix, les mastabas en pierre n’ont d’appareil régulier qu’à l’extérieur. Le noyau est en moellons grossièrement équarris, en gravats, en fragments de calcaire, rangés sommairement par couches horizontales, et noyés dans de la terre délayée, ou même entassés au hasard, sans mortier d’aucune sorte. Les mastabas en briques sont presque toujours de construction homogène ; les parements extérieurs sont cimentés avec soin, et les lits reliés à l’intérieur par du sable fin coulé dans les interstices. La masse devait être orientée canoniquement, les quatre faces aux quatre points cardinaux, le plus grand axe dirigé du nord au sud ; mais les maçons ne se sont point préoccupés de trouver le nord juste, et l’orientation est rarement exacte. À Gizéh, les mastabas sont distribués selon un plan symétrique et rangés le long de véritables rues ; à Saqqarah, à Abousîr, à Dahshour, ils s’élèvent en désordre à la surface du plateau, espacés ou pressés par endroits. Le cimetière musulman de Siout présente encore aujourd’hui une disposition analogue à celle qu’on observe à Saqqarah, et nous permet d’imaginer ce que pouvait être la nécropole memphite dans les derniers temps de l’ancien Empire.

Une plate-forme unie, non dallée, formée par la dernière couche du noyau, s’étend au sommet du cube en maçonnerie. Elle est semée de vases en terre cuite, enterrés presque à fleur de sol, nombreux au-dessus des vides intérieurs, rares partout ailleurs. Les murs sont nus. Les portes sont tournées vers l’est, quelquefois vers le nord ou vers le sud, jamais vers l’ouest. On en comptait deux, l’une réservée aux morts, l’autre accessible aux vivants ; mais celle du mort n’était qu’une niche étroite et haute, ménagée dans la face est, à côté de l’angle nord-est, et au fond de laquelle étaient tracées des raies verticales, encadrant une baie fermée. Souvent même on supprimait ce simulacre d’entrée, et l’âme se tirait d’affaire comme elle pouvait. La porte des vivants avait plus ou moins d’importance, selon le plus ou moins de développement de la chambre à laquelle elle conduisait.

Chambre et porte se confondent plus d’une fois en un réduit sans profondeur, décoré d’une stèle et d’une table d’offrandes, et protégé à l’occasion par un mur qui fait saillie sur la façade.

On a alors une sorte d’avancée, ouvrant vers le nord, carrée au tombeau de Kaâpîr, irrégulière dans celui de Nofirhotpou à Saqqarah.

Quand le plan comporte l’existence d’une ou de plusieurs chambres, la porte est pratiquée au milieu d’une petite façade architecturale, ou sous un petit portique soutenu par deux piliers carrés, sans base et sans abaque.

Elle est d’une simplicité extrême : deux jambages, ornés de bas-reliefs représentant le défunt et surmontés d’un tambour cylindrique gravé aux titre et au nom du propriétaire. Dans le tombeau de Pohounika, à Saqqarah, les montants figurent deux pilastres, couronnés chacun de deux fleurs de lotus en relief : c’est là un fait unique jusqu’à ce jour. La chapelle était généralement petite et se perdait dans la masse de l’édifice ; mais aucune règle précise n’en déterminait l’étendue.

Dans le tombeau de Ti, on rencontre d’abord un portique (À), puis une antichambre carrée avec piliers (B), puis un couloir (C), flanqué d’un cabinet sur la droite (D) et débouchant dans une dernière chambre (E).

Il y a là de l’espace pour plusieurs personnes, et, en effet, la femme de Ti repose à côté de son mari. Quand le monument appartenait à un seul personnage, pareille complication n’était pas nécessaire. Un boyau étranglé et court mène dans une pièce oblongue, où il tombe à angle droit, par le milieu. Souvent la muraille du fond est lisse, et l’ensemble offre l’aspect d’une sorte de marteau à têtes égales ; souvent aussi, elle se creuse en face de l’entrée, et l’on dirait une croix dont le chevet serait plus ou moins découpé. C’était la distribution la plus fréquente, mais l’architecte était libre de la rejeter, si bon lui semblait. Telle chapelle consiste de deux couloirs parallèles, soudés par un passage transversal.

Dans telle autre, la chambre s’emmanche sur le couloir par un des angles.

Ailleurs, dans le tombeau de Phtahhotpou, le terrain concédé était resserré entre des constructions antérieures et ne suffisait pas : on a rattaché le mastaba nouveau au mastaba ancien, de manière à leur donner une entrée commune, et la chapelle de l’un s’est agrandie de tout l’espace que couvrait celle de l’autre.

La chapelle était la salle de réception du double. C’est là que les parents, les amis, les prêtres célébraient le sacrifice funéraire aux jours prescrits par la loi, « aux fêtes du commencement des saisons, à la fête de Thot, au premier jour de l’an, à la fête d’Ouaga, à la grande fête de la canicule, à la procession du dieu Mînou, à la fête des pains, aux fêtes du mois et de la quinzaine et chaque jour ». Ils déposaient l’offrande dans la pièce principale, au pied de la paroi ouest, au point précis où se trouvait l’entrée de la maison éternelle du mort. Ce point n’était pas, comme la kiblah des mosquées ou des oratoires musulmans, orienté toujours vers la même région du compas. On le trouve assez souvent à l’ouest, mais cette position n’était pas réglementaire. Il était marqué au début par une véritable porte, étroite et basse, encadrée et décorée comme la porte la porte d’une maison ordinaire, mais dont la baie n’était point percée. Une inscription, tracée sur le linteau en gros caractères bien lisibles, commémorait le nom et le rang du maître. Des figures en pied ou assises étaient gravées sur les côtés et rappelaient son portrait aux visiteurs. Un tableau, sculpté ou peint sur les blocs qui fermaient la baie de la porte, le montrait assis devant un guéridon et allongeant la main vers le repas qu’on lui apportait. Une table d’offrandes plate encastrée dans le sol, entre les deux montants, recevait les mets et les boissons. Les vivants partis, le double sortait de chez lui et mangeait. En principe, la cérémonie devait se renouveler d’année en année, jusqu’à la consommation des siècles ; mais il n’avait pas fallu longtemps aux Égyptiens pour s’apercevoir qu’il n’en pouvait être ainsi. Au bout de deux ou trois générations, les morts d’autrefois étaient délaissés au profit des morts plus récents. Lors même qu’on établissait des fondations pieuses, dont le revenu payait le repas funèbre et les prêtres chargés de le préparer, on ne faisait que reculer l’heure de l’oubli. Le moment arrivait tôt ou tard, où le double en était réduit à chercher pâture parmi les rebuts des villes, parmi les excréments, parmi les choses ignobles et corrompues qui gisaient abandonnées sur le sol. Pour obtenir que l’offrande consacrée le jour des funérailles conservât ses effets à travers les âges, on imagina de la dessiner et de l’écrire sur les murs de la chapelle.

 

La reproduction en peinture ou en sculpture des personnes et des choses assurait à celui au bénéfice de qui on l’exécutait la réalité des personnes et des choses reproduites : le double se voyait sur la muraille mangeant et buvant, et il mangeait et buvait. L’idée une fois admise, les théologiens et les artistes en tirèrent rigoureusement les conséquences. On ne se borna pas à donner des provisions simulées, on y joignit l’image des domaines qui les produisaient, des troupeaux, des ouvriers, des esclaves. S’agissait-il de fournir la viande pour l’éternité ? On pouvait se contenter de dessiner les membres d’un bœuf ou d’une gazelle déjà parés pour la cuisine, l’épaule, la cuisse, les côtes, la poitrine, le cœur et le foie, la tête ; mais on pouvait aussi reprendre de très haut l’histoire de l’animal, sa naissance, sa vie au pâturage, puis la boucherie, le dépeçage, la présentation des morceaux. De même, à propos des gâteaux et des pains, rien n’empêchait qu’on retraçât le labourage, les semailles, la moisson, le battage des grains, la rentrée au grenier, le pétrissage de la pâte. Les vêtements, les parures, le mobilier servaient de prétexte à introduire les fileuses, les tisserands, les orfèvres, les menuisiers. Le maître domine bêtes et gens de sa taille surhumaine.

Quelques tableaux discrets le montrent courant à toutes voiles vers l’autre monde, sur le bateau des funérailles, le jour où il avait pris possession de son logis nouveau.

Dans les autres, il est en pleine activité et surveille ses vassaux fictifs comme il surveillait jadis ses vassaux réels.

Les scènes, si variées et si désordonnées qu’elles semblent être, ne sont pas rangées au hasard. Elles convergent toutes vers le semblant de porte qui était censé communiquer avec l’intérieur. Les plus rapprochées représentent les péripéties du sacrifice et de l’offrande. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne, les opérations et les travaux préliminaires s’accomplissent chacun à son tour. À la porte, la figure du maître semble attendre les visiteurs et leur souhaiter la bienvenue. Les détails changent à l’infini, les inscriptions s’allongent ou s’abrègent au caprice de l’écrivain, la fausse porte perd son caractère architectonique et n’est plus souvent qu’une pierre de taille médiocre, une stèle, sur laquelle on consigne le nom du maître et son état civil : grande ou petite, nue ou décorée richement, la chapelle reste toujours comme la salle à manger, ou plutôt comme le garde-manger, où le mort puise à son gré quand il a faim. De l’autre côté du mur se cachait une cellule étroite et haute, ou mieux un couloir, d’où le nom de serdab, que les archéologues lui prêtent à l’exemple des Arabes. La plupart des mastabas n’en ont qu’un ; d’autres en contiennent trois ou quatre.

Ils ne communiquent pas entre eux ni avec la chapelle, et sont comme noyés dans la maçonnerie.

S’ils sont reliés au monde extérieur, c’est par un conduit ménagé à hauteur d’homme et tellement resserré qu’on a peine à y glisser la main. Les prêtres venaient murmurer des prières et brûler des parfums à l’orifice : le double était au delà et profitait de l’aubaine ou du moins ses statues l’accueillaient en son nom. Comme sur la terre, l’homme avait besoin d’un corps pour subsister ; mais le cadavre défiguré par l’embaumement ne rappelait plus que de loin la forme du vivant. La momie était unique, facile à détruire ; on pouvait la brûler, la démembrer, en disperser les morceaux. Elle disparue, qu’adviendrait-il du double ? Les statues qu’on enfermait dans le serdab devenaient, par la consécration, les corps de pierre ou de bois du défunt. La piété des parents les multipliait, et, par suite, multipliait aussi les supports du double ; un seul corps était une seule chance de durée pour lui, vingt représentaient vingt chances. C’est dans une intention analogue qu’on joignait aux statues du mort celles de sa femme, de ses enfants, de ses serviteurs, saisis dans les différents actes de la domesticité, broyant le grain, pétrissant la pâte, poissant les jarres destinées à contenir le vin. Les figures plaquées à la muraille de la chapelle s’en détachaient et prenaient dans le serdab un corps solide. Ces précautions n’empêchaient pas d’ailleurs qu’on n’employât tous les moyens pour mettre ce qui restait du corps de chair à l’abri des causes naturelles de destruction et des attaques de l’homme. Au tombeau de Ti, un couloir rapide, qui affleure le sol au milieu de la première salle, conduit du dehors au caveau ; mais c’est là une exception presque unique ; on y descend par un puits perpendiculaire, creusé rarement dans un coin de la chapelle, d’ordinaire au centre de la plate-forme.

La profondeur en varie entre 3 et 30 mètres. Il traverse la maçonnerie, pénètre dans le rocher ; au fond, vers le sud, un couloir, trop bas pour qu’on y chemine debout, donne accès à une chambre. C’est là que la momie repose, dans un grand sarcophage en calcaire blanc, en granit rose ou en basalte. Il porte rarement une inscription, le nom et les titres du mort, plus rarement des ornements ; on en connaît pourtant qui simulent la décoration d’une maison égyptienne avec ses portes et ses fenêtres. Le mobilier est des plus simples : des vases en albâtre pour les parfums, des godets où le prêtre avait versé quelques gouttes des liqueurs offertes au mort, de grandes jarres en terre cuite rouge pour l’eau, un chevet en albâtre ou en bois, une palette votive de scribe. Après avoir scellé la momie dans la cuve qui l’attendait, les ouvriers dispersaient sur le sol les quartiers du bœuf ou de la gazelle qu’on venait de sacrifier ; puis ils muraient avec soin l’entrée du couloir et remplissaient le puits jusqu’à la bouche d’éclats de pierre mêlés de sable et de terre. Le tout, largement arrosé, finissait par s’agglutiner en un béton presque impénétrable, dont la dureté défiait tout essai de profanation. Le corps, livré à lui-même, ne recevait plus d’autre visite que celle de son âme. L’âme quittait de temps en temps la région céleste où elle voyageait en compagnie des dieux, et descendait se réunir à la momie. Le caveau était sa maison, comme la chapelle était la maison du double.

Jusqu’à la VIe dynastie, le caveau est nu ; une seule fois Mariette y a trouvé des lambeaux d’inscriptions appartenant au Livre des morts. J’ai découvert à Saqqarah, en 1881, des tombes où il est orné de préférence à la chapelle. Elles sont en grosses briques et n’ont pour le sacrifice qu’une niche renfermant la stèle. À l’intérieur, le puits est remplacé par une petite cour rectangulaire, dans la partie occidentale de laquelle on ajustait le sarcophage. Au-dessus du sarcophage, on bâtissait en calcaire une chambre aussi large et aussi longue que lui, haute d’environ 1 mètre et recouverte de dalles posées à plat. Au fond ou sur la droite, on réservait une niche qui tenait lieu de serdab. On ménageait au-dessus du toit plat une voûte de décharge d’environ 0 m 50 de rayon, et, par-dessus la voûte, on plaçait des lits horizontaux de briques jusqu’au niveau de la plate-forme. La chambre occupe les deux tiers environ de la cavité et a l’aspect d’un four, dont la gueule serait restée béante. Quelquefois, les murs de pierre reposent sur le couvercle même du sarcophage, et la chambre n’était achevée qu’après l’enterrement.

Le plus souvent, ils s’appuient sur deux montants de briques, et le sarcophage pouvait être ouvert ou fermé à volonté. La décoration, tantôt peinte, tantôt sculptée, est la même partout. Chaque paroi était comme une maison où étaient déposés les objets dessinés ou énumérés à la surface ; aussi avait-on soin d’y figurer une porte monumentale, par laquelle le mort avait accès à son bien. Il trouvait sur la paroi de gauche un monceau de provisions et la table d’offrandes ; sur celle du fond, des ustensiles de ménage, du linge, des parfums, avec le nom et l’indication des quantités.

Ces tableaux sont un résumé de ceux qu’on voit dans la chapelle des mastabas communs. Si on les a distraits de leur place primitive, c’est qu’en les transportant au caveau, on les garantissait contre les dangers de destruction, qui les menaçaient dans des salles accessibles au premier venu, et que leur conservation assurait plus longtemps au mort la possession des biens qu’ils représentaient.

2. Les pyramides

Les tombes royales ont la forme de pyramides à base rectangulaire et sont l’équivalent, en pierre ou en brique, du tumulus en terre meuble qu’on amoncelait sur le corps des chefs de guerre, aux époques antéhistoriques. Les mêmes idées prévalaient sur les âmes des rois qui avaient cours sur celles des particuliers. Le plan de la pyramide comporte donc les trois parties de celui des mastabas : la chapelle, les couloirs, les chambres funéraires.

La chapelle est toujours isolée. À Saqqarah, on n’en a découvert aucune trace. Elle était probablement, comme plus tard à Thèbes, située dans le faubourg de la ville le plus proche de la montagne. À Gizèh, à Abousîr, à Dahshour, les débris en sont encore visibles sur le front de la façade orientale ou septentrionale. C’était alors un véritable temple avec chambres, cours et passages. Les fragments de bas-reliefs qui sont parvenus jusqu’à nous montrent les scènes du sacrifice et prouvent que la décoration était identique à celle des salles publiques du mastaba. La pyramide proprement dite ne renferme que les couloirs et le caveau funèbre. La plus ancienne dont les textes nous certifient l’existence, au nord d’Abydos, est celle de Snofrou ; les plus modernes appartiennent aux princes de la XIIe dynastie. La construction de ces monuments a donc été, pendant treize ou quatorze siècles, une opération courante, prévue par l’administration. Le granit, l’albâtre, le basalte destinés au sarcophage et à certains détails, étaient les seuls matériaux dont l’emploi et la quantité ne fussent pas réglés à l’avance et qu’il fallût aller chercher au loin. Pour se les procurer, chaque roi envoyait un des principaux personnages de la cour en mission aux carrières de la haute Égypte, et la célérité avec laquelle on rapportait les blocs était un titre puissant à la faveur du souverain. Le reste n’exigeait pas tant de frais. Si le gros œuvre était en brique, on moulait la brique sur place, avec la terre prise dans la plaine au pied de la colline. S’il était en pierre, les parties du plateau les plus voisines fournissaient le calcaire marneux à profusion. On réservait d’ordinaire à la construction des chambres et au revêtement le calcaire de Tourah, qu’on n’avait même pas la peine de faire venir spécialement de l’autre côté du Nil. Memphis avait des entrepôts toujours pleins, où l’on puisait sans cesse pour les édifices publics, et par conséquent pour la tombe royale. Les blocs, pris dans ces réserves et apportés en barque jusque sous la montagne, montaient à l’emplacement choisi par l’architecte, le long de chaussées inclinées doucement. La disposition intérieure, la longueur des couloirs, la hauteur sont très variables ; la pyramide de Khéops culminait à 145 mètres environ au-dessus du sol, la plus petite n’atteignait pas 10 mètres. Comme il est malaisé de concevoir aujourd’hui quels motifs ont déterminé les Pharaons à choisir des proportions aussi différentes, on a pensé que la masse bâtie était en proportion directe du temps consacré à la bâtir, c’est-à-dire de la durée de chaque règne. Dès qu’un prince montait sur le trône, on aurait commencé par lui ériger à la hâte une pyramide assez vaste pour contenir les parties essentielles du tombeau ; puis, d’année en année, on aurait ajouté des couches nouvelles autour du noyau primitif, jusqu’au moment où la mort arrêtait à jamais la croissance du monument. Les faits ne justifient pas cette hypothèse. La moindre des pyramides de Saqqarah appartient à Ounas, qui régna trente ans ; mais les deux imposantes pyramides de Gizèh ont été édifiées par Khéops et par Khéphrên, qui gouvernèrent l’Égypte l’un vingt-quatre, l’autre vingt-trois ans. Mirinrì, qui mourut fort jeune, a une pyramide aussi grande que Pepi II, qui prolongea sa vie au delà de quatre-vingt-dix ans. Le plan de chaque pyramide était tracé une fois pour toutes par l’architecte, selon les instructions qu’il avait reçues et les ressources qu’on plaçait à sa disposition. Une fois mis en train, l’exécution s’en poursuivait jusqu’à complet achèvement des travaux, sans se développer ni se restreindre.

 

Les pyramides devaient avoir les faces aux quatre points cardinaux, comme les mastabas ; mais, soit maladresse, soit négligence, la plupart ne sont pas orientées exactement, et plusieurs s’écartent sensiblement du nord vrai. Sans parler des ruines d’Abou-Roâsh et de Zaouiét-el-Aryân, qui n’ont pas encore été étudiées d’assez près, elles se partagent naturellement en six groupes, distribués du nord au sud sur la lisière du plateau de Libye, de Gizèh au Fayoum, par Abousîr, Saqqarah, Dahshour et Lisht. Le groupe de Gizèh en compte neuf, et, dans le nombre, celles de Khéops, de Khéphrên et de Mykérinos, que l’antiquité classait parmi les merveilles du monde. Le terrain sur lequel le Khéops repose était assez irrégulier, au moment de la construction. Un petit tertre qui le dominait fut taillé rudement et englobé dans la maçonnerie, le reste fut aplani et garni de grosses dalles dont quelques-unes subsistent encore.

La pyramide même avait une hauteur de cent quarante-cinq mètres et une base de deux cent trente-trois, que l’injure du temps a réduites respectivement à cent trente-sept et deux cent vingt-sept. Elle garda, jusqu’à la conquête arabe, un parement en pierres de couleurs diverses, si habilement assemblées qu’on aurait dit un seul bloc du pied au sommet. Le travail de revêtement avait commencé par le haut : la pointe avait été placée la première, puis les assises s’étaient recouvertes de proche en proche jusqu’à ce qu’on eût gagné le bas. À l’intérieur, tout avait été calculé de manière à cacher le site exact du sarcophage et à décourager les fouilleurs que le hasard ou leur persévérance auraient mis sur la bonne voie. Le premier point était, pour eux, de découvrir l’entrée sous le revêtement qui le masquait. Elle était à peu près au milieu de la face nord, mais au niveau de la dix-huitième assise, à quarante-cinq pieds environ au-dessus du sol. Les dalles qui l’obstruaient une fois déplacées, on pénétrait dans un couloir incliné, haut de 1 m 06, large de 1 m 22, pratiqué en partie dans la roche vive.

Il descend l’espace de quatre-vingt-dix-sept mètres, traverse une chambre inachevée (C) et se termine dix-huit mètres plus loin en cul-de-sac. C’était un premier désappointement. Si pourtant on ne se laissait pas rebuter, et qu’on examinât le passage avec soin, on distinguait dans le plafond, à dix-neuf mètres de la porte, un bloc de granit qui tranchait sur le calcaire environnant (D). Il était si dur que les chercheurs, après avoir travaillé vainement à le briser ou à le déchausser, prirent le parti de se frayer un chemin à travers les parties de la maçonnerie construites en une pierre plus tendre. L’obstacle tourné, ils débouchèrent dans un couloir ascendant, qui se raccorde au premier sous un angle de 120 degrés et se divise en deux branches (E). L’une s’enfonce horizontalement vers le centre de la pyramide et se perd dans une chambre en granit à toit pointu, qu’on appelle, sans raison valable, Chambre de la Reine (F). L’autre, tout en continuant à monter, change de forme et d’aspect. C’est maintenant une galerie longue de 45 mètres, haute de 8 m 50, bâtie en belle pierre du Mokatam, si polie et si finement appareillée qu’on a peine à glisser entre les joints « une aiguille ou même un cheveu ». Les assises les plus basses portent d’aplomb l’une sur l’autre, les sept suivantes s’avancent en encorbellement, de manière que les dernières ne soient plus séparées au plafond que par un intervalle de 0 m 60. Un obstacle nouveau se dressait à l’extrémité (G). Le couloir qui mène à la chambre du sarcophage était clos d’une seule plaque de granit ; venait ensuite un petit vestibule (H), coupé à espaces égaux par quatre herses, également en granit, qu’il fallait briser. Le caveau royal (I) est une chambre en granit, à toit plat, haute de 5 m 81, longue de 10 m 43, large de 5 m 20 ; on n’y voit ni figure ni inscription, rien qu’un sarcophage en granit mutilé et sans couvercle. Telles étaient les précautions prises contre les hommes : l’événement a prouvé qu’elles étaient efficaces, car la pyramide garda son dépôt plus de quatre mille ans. Mais le poids même des matériaux était un danger plus sérieux pour elle. On empêcha le caveau d’être écrasé par les cent mètres de pierre qui le protégeaient, en ménageant au-dessus de lui cinq pièces de décharge, basses et superposées (J). La dernière est abritée par un toit pointu, formé de deux énormes dalles appuyées par le haut l’une à l’autre. Grâce à cet artifice, la pression centrale fut rejetée presque entière sur les faces latérales, et le caveau fut respecté. Aucune des pierres qui le revêtent n’a été écrasée, aucune n’a cédé d’une ligne depuis le jour où les ouvriers l’ont scellée en sa place.

Les pyramides de Khéphrên et de Mykérinos ont été bâties à l’intérieur sur un plan différent de celle de Khéops. Khéphrên a deux issues, toutes deux tournées vers le nord, l’une sur l’esplanade, l’autre à 15 mètres au-dessus du sol. Mykérinos possède encore les débris de son revêtement de granit rose. Le couloir d’entrée descend à un angle de 26°, 2’et pénètre rapidement dans le roc. La première salle qu’il traverse est décorée de panneaux sculptés dans la pierre et fermée à la sortie par trois herses en granit. La seconde pièce paraissait être inachevée, mais ce n’était là qu’une ruse destinée à tromper les fouilleurs : un couloir ménagé dans le sol et soigneusement dissimulé donnait accès au caveau. Là reposait la momie dans un sarcophage de basalte sculpté, encore intact au commencement du siècle : enlevé par Vyse, il a sombré sur la côte d’Espagne avec le navire qui le transportait en Angleterre. La même variété de disposition prévaut dans le groupe d’Abousîr et dans une partie de celui de Saqqarah. La grande pyramide de Saqqarah n’est pas orientée exactement : la face nord s’écarte de 4°, 35 du nord vrai. Elle n’a point pour base un carré parfait, mais un rectangle allongé de l’est à l’ouest, de 120 m 60 sur 107 m 30 de côté. Elle est haute de 59 m 68 et se compose de six cubes à pans inclinés, en retraite l’un sur l’autre de 2 mètres environ : le plus rapproché du sol a 11 m 48 d’élévation, le plus éloigné 8 m 89.

Elle est construite entièrement avec le calcaire de la montagne environnante. Les matériaux sont petits et mal taillés, les lits d’assise concaves, selon la méthode qu’on appliquait également à la construction des quais et des forteresses. Quand on explore les brèches de la maçonnerie, on reconnaît que la face externe de chaque gradin est comme habillée de deux enveloppes, dont chacune a son parement régulier. La masse est pleine, les chambres sont creusées dans le roc au-dessous de la pyramide. La principale des quatre entrées donne au nord, et les couloirs forment un véritable dédale au milieu duquel il est périlleux de s’aventurer : portique à colonnes, galeries, chambres, tout aboutit à une sorte de puits, au fond duquel était pratiquée une cachette, destinée sans doute à contenir les objets les plus précieux du mobilier funéraire. Les pyramides qui entourent ce monument extraordinaire ont été presque toutes édifiées sur un modèle unique et ne se distinguent que par les proportions. La porte s’ouvre juste au-dessous de la première assise, vers le milieu de la face septentrionale, et le couloir (B) descend, par une pente assez douce, entre des murs en calcaire.

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