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L'archéologie égyptienne

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La plupart des temples, même les plus petits, sont enveloppés d’une enceinte quadrangulaire. À Médinét-Habou, elle est en grès, basse et crénelée ; c’est une fantaisie de Ramsès III qui, en prêtant à son monument l’aspect extérieur d’une forteresse, a voulu perpétuer le souvenir de ses victoires syriennes. Partout ailleurs, les pertes sont en pierre, les murailles en briques sèches, à assises tordues. L’enceinte n’était pas destinée, comme on l’a dit souvent, à isoler le temple et à dérober aux yeux des profanes les cérémonies qui s’y accomplissaient. Elle marquait la limite où s’arrêtait la maison du dieu, et servait au besoin à repousser les attaques d’un ennemi dont les richesses accumulées dans le sanctuaire auraient allumé la cupidité. Des allées de sphinx, ou, comme à Karnak, une suite de pylônes échelonnés, menaient des portes aux différentes entrées, et formaient autant de larges voies triomphales. Le reste du terrain était occupé, en partie par les étables, les celliers, les greniers des prêtres, en partie par des habitations privées. De même qu’en Europe, au moyen âge, la population s’amassait plus dense autour des églises et des abbayes, en Égypte, elle se pressait autour des temples, pour profiter de la tranquillité qu’assuraient au dieu la terreur de son nom et la solidité de ses remparts. Au début, on avait réservé un espace vide le long des pylônes et des murs, puis les maisons envahirent ce chemin de ronde et s’appuyèrent à la paroi même. Détruites et rebâties sur place pendant des siècles, le sol s’exhaussa si bien de leurs débris, que la plupart des temples finirent par s’enterrer peu à peu et se trouvèrent en contrebas des quartiers environnants. Hérodote le raconte de Bubaste, et l’examen des lieux montre qu’il en était de même dans beaucoup d’endroits. À Ombos, à Edfou, à Dendérah, la cité entière tenait dans la même enceinte que la maison divine. À El-Kab, l’enceinte du temple était distincte de celle de la ville ; elle formait une sorte de donjon où la garnison pouvait chercher un dernier abri. À Memphis, à Thèbes, il y avait autant de donjons que de temples principaux, et ces forteresses divines, d’abord isolées au milieu des maisons, furent, à partir de la XVIIIe dynastie, réunies entre elles par des avenues bordées de sphinx. C’était le plus souvent des androsphinx à tête d’homme et au corps de lion, mais on trouve aussi des criosphinx à corps de lion et à tête de bélier, ou même, dans les endroits où le culte local comportait une pareille substitution, des béliers agenouillés qui tiennent une figure du souverain dédicateur entre leurs pattes de devant.

L’avenue qui va de Louxor à Karnak était composée de ces éléments divers. Elle a 2 kilomètres de long et s’infléchit à diverses reprises, mais n’y reconnaissez pas une preuve nouvelle de l’horreur des Égyptiens pour la symétrie. Les enceintes des deux temples n’étaient pas orientées de la même manière, et les avenues tracées perpendiculairement sur le front de chacune d’elles ne se seraient jamais raccordées, si on ne les avait fait dévier de leur direction première. En résumé, les habitants de Thèbes voyaient de leurs temples presque tout ce que nous en voyons. Le sanctuaire et ses dépendances immédiates leur étaient fermés ; mais ils avaient accès à la façade, aux cours, même à la salle hypostyle, et ils pouvaient admirer les chefs-d’œuvre de leurs architectes presque aussi librement que nous faisons aujourd’hui.

3. La décoration

La tradition antique affirmait que les premiers temples égyptiens ne renfermaient aucune image sculptée, aucune inscription, aucun symbole, et de fait le temple du Sphinx est nu. C’est là toutefois un exemple unique. Les fragments d’architrave et de parois employés comme matériaux dans la pyramide septentrionale de Lisht, et qui portent le nom de Khâfrî, montrent qu’il n’en était déjà plus ainsi dès le temps de la IVe dynastie. À l’époque thébaine, toutes les surfaces lisses, pylônes, parements des murs, fûts des colonnes, étaient couvertes de tableaux et de légendes. Sous les Ptolémées et sous les Césars, lettres et figures étaient tellement pressées, qu’il semble que la pierre disparaisse sous la masse des ornements dont elle est chargée. Un coup d’œil rapide suffit à montrer que les scènes ne sont pas jetées au hasard. Elles s’enchaînent, se déduisent les unes des autres et forment comme un grand livre mystique, où les relations officielles des dieux avec l’homme et de l’homme avec les dieux sont clairement expliquées à qui sait le comprendre. Le temple était bâti à l’image du monde, tel que les Égyptiens le connaissaient. La terre était pour eux une sorte de table plate et mince, plus longue que large. Le ciel s’étendait au-dessus, semblable, selon les uns, à un immense plafond de fer, selon les autres, à une voûte surbaissée. Comme il ne pouvait rester suspendu sans être appuyé de quelque support qui l’empêchât de tomber, on avait imaginé de le maintenir en place au moyen de quatre étais ou de quatre piliers gigantesques. Le dallage du temple représentait naturellement la terre. Les colonnes et, au besoin, les quatre angles des chambres figuraient les piliers. Le toit, voûté à Abydos, plat partout ailleurs, répondait exactement à l’opinion qu’on se faisait du ciel. Chaque partie recevait une décoration appropriée à sa signification. Ce qui touchait au sol se revêtait de végétation. La base des colonnes était entourée de feuilles, le pied des murs se garnissait de longues tiges de lotus ou de papyrus, au milieu desquelles passaient quelquefois des animaux.

Des bouquets de plantes fluviales, émergeant de l’eau, égayaient les soubassements de certaines chambres. Ailleurs, c’étaient des fleurs épanouies, entremêlées de boutons isolés ou reliées par des cordes, des emblèmes indiquant la réunion des deux Égyptes entre les mains d’un seul Pharaon, des oiseaux à bras d’hommes assis en adoration sur le signe des fêtes solennelles, ou des prisonniers accroupis et liés au poteau deux à deux, un nègre avec un Asiatique.

Des Nils mâles et femelles s’agenouillaient, ou s’avançaient majestueusement en procession, au ras de terre, les mains chargées de fleurs et de fruits.

Ce sont les nomes de l’Égypte, les lacs, les districts qui apportent leurs produits au dieu. Une fois même, à Karnak, Thoutmos III a gravé sur le soubassement les fleurs, les plantes et les animaux des pays étrangers qu’il avait vaincus.

Le plafond, peint en bleu, était semé d’étoiles jaunes à cinq branches, auxquelles se mêlent par endroits les cartouches du roi fondateur. De longues bandes d’hiéroglyphes rompaient d’espace en espace la monotonie de ce ciel d’Égypte. Les vautours de Nekhab et d’Ouazit, les déesses du midi et du nord, couronnés et armés d’emblèmes divins, planent dans la travée centrale des salles hypostyles, dans les soffites des portes, par-dessus la route que le roi suivait pour se rendre au sanctuaire.

Au Ramesséum, à Edfou, à Philae, à Dendérah, à Ombos, à Esnéh, les profondeurs du firmament semblent s’ouvrir et révéler leurs habitants aux yeux des fidèles. L’Océan céleste déroule ses eaux, où le soleil et la lune naviguent, escortés des planètes, des constellations et des décans, où les génies des mois et des jours marchent en longues files. À l’époque ptolémaïque, des zodiaques, composés à l’imitation des zodiaques grecs, se placent à côté des tableaux astronomiques d’origine purement égyptienne.

La décoration des architraves qui portaient les dalles de la couverture était complètement indépendante de celle de la couverture proprement dite. On n’y voyait que des légendes hiéroglyphiques en gros caractères, où les beautés du temple, le nom des rois qui y avaient travaillé, la gloire des dieux auxquels il était consacré, sont célébrés avec emphase. En résumé, l’ornementation du soubassement et celle du plafond étaient restreintes à un petit nombre de sujets toujours les mêmes ; les tableaux les plus importants et les plus variés étaient comme suspendus entre ciel et terre, à la paroi des chambres et des pylônes.

Ils illustrent les rapports officiels de l’Égypte avec les dieux. Les gens du commun n’avaient pas le droit de commercer directement avec la divinité. Il leur fallait un médiateur qui, tenant à la fois de la nature humaine et de la nature divine, fût en état de les percevoir également l’une et l’autre. Seul, le roi, fils du soleil, était d’assez haute extraction pour contempler le dieu du temple, le servir et lui parler face à face. Les sacrifices ne se faisaient que par lui ou par délégation de lui ; même l’offrande aux morts était censée passer par ses mains, et la famille se prévalait de son nom (souten di hotpou) pour l’envoyer dans l’autre monde. Le roi est donc partout dans le temple, debout, assis, agenouillé, occupé à égorger la victime, à en présenter les morceaux, à verser le vin, le lait, l’huile, à brûler l’encens : c’est l’humanité entière qui agit en lui et accomplit ses devoirs envers la divinité. Lorsque la cérémonie qu’il exécute exige le concours de plusieurs personnes, alors seulement des aides mortels, autant que possible des membres de sa famille, paraissent à ses côtés. La reine, debout derrière lui, comme Isis derrière Osiris, lève la main pour le protéger, agite le sistre ou bat le tambourin pour éloigner de lui les mauvais esprits, tient le bouquet ou le vase à libation. Le fils aîné tend le filet ou lasse le taureau, et récite la prière pour lui, tandis qu’il lève vers le dieu chaque objet prescrit par le rituel. Un prêtre remplace parfois le prince, mais les autres hommes n’ont jamais que des rôles infimes : ils sont bouchers ou servants, ils portent la barque ou le palanquin du dieu. Le dieu, de son côté, n’est pas toujours seul ; il a sa femme et son fils à côté de lui, puis les dieux des nomes voisins et, d’une manière générale, les dieux de l’Égypte entière. Du moment que le temple est l’image du monde, il doit comme le monde même renfermer tous les dieux grands et petits. Ils sont le plus souvent rangés derrière le dieu principal, assis ou debout, et partagent avec lui l’hommage du souverain. Quelquefois cependant, ils prennent une part active aux cérémonies. Les esprits d’On et de Khonou s’agenouillent devant le soleil et l’acclament. Hor et Sit ou Thot amènent Pharaon à son père Amon-Râ, ou remplissent à côté de lui les fonctions réservées ailleurs au prince ou au prêtre : ils l’aident à renverser la victime, à prendre dans le filet les oiseaux destinés au sacrifice, ils versent sur sa tête l’eau de jeunesse et de vie qui doit le laver de ses souillures. La place et la fonction de ces dieux synèdres était définie strictement par la théologie. Le soleil, allant d’Orient en Occident, coupait, disent les textes, l’univers en deux mondes, celui du midi et celui du nord. Le temple était double comme l’univers, et une ligne idéale, passant par l’axe du sanctuaire, le divisait en deux temples, le temple du midi à droite, le temple du nord à gauche. Les dieux et leurs différentes formes étaient répartis entre ces deux temples, selon qu’ils appartenaient au midi ou au nord. Et cette fiction de dualité était poussée plus loin encore : chaque chambre se divisait, à l’imitation du temple, en deux moitiés dont l’une, celle de droite, était du midi et l’autre était du nord. L’hommage du roi, pour être complet, devait se faire dans le temple du midi et dans celui du nord, aux dieux du midi et à ceux du nord, avec les produits du midi et avec ceux du nord. Chaque tableau devait donc se répéter au moins deux fois dans le temple, sur une paroi de droite et sur une paroi de gauche. Amon, à droite, recevait le blé, le vin, les liqueurs du midi ; à gauche, le blé, le vin, les liqueurs du nord, et ce qui est vrai d’Amon l’est de Mout, de Khonsou, de Montou, de bien d’autres. Dans la pratique, le manque d’espace empêchait qu’il en fût toujours ainsi, et on ne rencontre souvent qu’un seul tableau où produits du nord et produits du midi étaient confondus, devant un Amon qui représentait à lui seul l’Amon du midi et l’Amon du nord. Cette dérogation à l’usage n’est jamais que momentanée : la symétrie se rétablissait dès que le permettaient les circonstances.

 

Aux temps pharaoniques, les tableaux ne sont pas très serrés l’un contre l’autre. La surface à couvrir, arrêtée en bas par une ligne tracée au-dessus de la décoration du soubassement, est limitée vers le haut, soit par la corniche normale, soit par une frise composée d’uraeus, de faisceaux de lotus alignés côte à côte, de cartouches royaux, entourés de symboles divins, d’emblèmes empruntés au culte local, des têtes d’Hathor, par exemple, dans un temple d’Hathor, ou d’une dédicace horizontale en belles lettres gravées profondément.

Le panneau ainsi encadré ne formait souvent qu’un seul registre, souvent aussi se divisait en deux registres superposés ; il fallait une muraille bien haute pour que ce nombre fût dépassé. Figures et légendes étaient espacées largement et les scènes se succédaient à la file presque sans séparation matérielle ; c’était affaire au spectateur d’en discerner le commencement et la fin. Les têtes du roi étalent de véritables portraits dessinés d’après nature, et la figure des dieux en reproduisait les traits aussi exactement que possible. Puisque Pharaon était fils des dieux, la façon la plus sûre d’obtenir la ressemblance était de modeler leur visage sur le visage de Pharaon. Les acteurs secondaires n’étaient pas moins soignés que les autres, mais quand il y en avait trop, on les distribuait sur deux ou trois registres, dont la hauteur totale ne dépasse jamais celle des personnages principaux. Les offrandes, les sceptres, les bijoux, les vêtements, les coiffures, les meubles, tous les accessoires étaient traités avec un souci très réel de l’élégance et de la vérité. Les couleurs, enfin, étaient combinées de telle façon qu’une tonalité générale dominât dans une même localité. Il y avait dans les temples des pièces qu’on pouvait appeler à juste titre : la salle bleue, la salle rouge, la salle d’or.

Voilà pour l’époque classique. À mesure qu’on descend vers les bas temps, les scènes se multiplient. Sous les Grecs et sous les Romains, elles sont si nombreuses que la plus petite muraille ne peut les contenir à moins de quatre, cinq, six, huit registres.

Les figures principales semblent se contracter sur elles-mêmes pour occuper moins de place, et des milliers de menus hiéroglyphes envahissent tout l’espace qu’elles ne remplissent pas. Les dieux et les rois ne sont plus des portraits du souverain régnant, mais des types de convention sans vigueur et sans vie. Quant aux figures secondaires et aux accessoires, on n’a plus qu’un souci, c’est de les entasser aussi serré que possible. Ce n’est pas là faute de goût ; une idée religieuse a décidé et précipité ces changements. La décoration n’avait pas seulement pour objet le plaisir des yeux. Qu’on l’appliquât à un meuble, à un cercueil, à une maison, à un temple, elle possédait une vertu magique, dont chaque être ou chaque action représentée, chaque parole inscrite ou prononcée au moment de la consécration, déterminait la puissance et le caractère. Chaque tableau était donc une amulette en même temps qu’un ornement. Tant qu’il durait, il assurait au dieu le bénéfice de l’hommage rendu ou du sacrifice accompli par le roi ; il confirmait au roi, vivant ou mort, les grâces que le dieu lui avait accordées en récompense, il préservait contre la destruction le pan de mur sur lequel il était tracé. À la XVIIIe dynastie, on pensait qu’une ou deux amulettes de ce genre suffisaient à obtenir l’effet qu’on en attendait. Plus tard, on crut qu’on ne saurait trop en augmenter la quantité, et on en mit autant que la muraille pouvait en recevoir. Une chambre moyenne d’Edfou et de Dendérah fournit à l’étude plus de matériaux que la salle hypostyle de Karnak, et la chapelle d’Antonin à Philae, si elle avait été terminée, renfermerait autant de scènes que le sanctuaire de Louxor et le couloir qui l’enveloppe.

En voyant la variété des sujets traités sur les murs d’un même temple, on est d’abord tenté de croire que la décoration ne forme pas un ensemble suivi d’un bout à l’autre, et que, si plusieurs séries sont, à n’en pas douter, le développement d’une seule idée historique ou dogmatique, d’autres sont jetées simplement à la file, sans aucun lien qui les rattache entre elles. À Louxor et au Ramesséum, chaque face de pylône est un champ de bataille, sur lequel on peut étudier presque jour à jour la lutte de Ramsès II contre les Khiti, en l’an V de son règne, le camp des Égyptiens attaqué de nuit, la maison du roi surprise pendant la marche, la défaite des barbares, leur fuite, la garnison de Qodshou sortie au secours des vaincus, les mésaventures du prince de Khiti et de ses généraux. Ailleurs la guerre n’est point représentée, mais le sacrifice humain qui marquait jadis la fin de chaque campagne : le roi saisit aux cheveux les prisonniers prosternés à ses pieds, et lève la massue comme pour écraser leurs têtes d’un seul coup. À Karnak, le long du mur extérieur, Séti Ier fait la chasse aux Bédouins du Sinaï. Ramsès III, à Médinét-Habou, détruit la flotte des peuples de la mer, ou reçoit les mains coupées des Libyens que ses soldats lui apportent en guise de trophées. Puis, sans transition, on aperçoit un tableau pacifique, où Pharaon verse à son père Amon une libation d’eau parfumée. Il semble qu’on ne puisse établir aucun lien entre ces scènes, et pourtant l’une est la conséquence nécessaire des autres. Si le dieu n’avait pas donné la victoire au roi, le roi à son tour n’aurait pas institué les cérémonies qui s’accomplissaient dans le temple. Le sculpteur a transporté les événements sur la muraille, dans l’ordre où ils s’étaient passés, la victoire, puis le sacrifice, le bienfait du dieu d’abord et les actions de grâces du roi. À y regarder de près, tout se suit, tout s’enchaîne de la même manière dans cette multitude d’épisodes. Tous les tableaux, et ceux-là dont la présence s’explique le moins au premier coup d’œil, représentent les moments d’une action unique, qui commence à la porte et se déroule, à travers les salles, jusqu’au fond du sanctuaire. Le roi entre au temple. Dans les cours, le souvenir de ses victoires frappe partout ses regards ; mais voici que le dieu sort à sa rencontre, caché dans une châsse et environné de prêtres. Les rites prescrits en pareil cas sont retracés sur les murs de l’hypostyle où ils s’exécutaient, puis roi et dieu prennent ensemble le chemin du sanctuaire. Arrivés à la porte qui donne accès de la partie publique dans la partie mystérieuse du temple, le cortège humain s’arrête, et le roi, franchissant le seuil, est accueilli par les dieux. Il fait l’un après l’autre tous les exercices religieux auxquels l’oblige la coutume ; ses mérites s’accroissent par la vertu des prières, ses sens s’affinent, il prend place parmi les types divins, et pénètre enfin dans le sanctuaire, ou le dieu se révèle à lui sans témoin et lui parle face à face. La décoration reproduit fidèlement le progrès de cette présentation mystique : accueil bienveillant des divinités, gestes et offrandes du roi, les vêtements qu’il dépouille ou revêt successivement, les couronnes dont il se coiffe, les prières qu’il récite et les grâces qui lui sont conférées, tout est gravé sur les murs en ses lieu et place. Le roi et les rares personnes qui l’accompagnent ont le dos tourné à la porte d’entrée, la face tournée à la porte du fond. Les dieux au contraire, ceux du moins qui ne font point partie pour le moment de l’escorte royale, ont la face à la porte, le dos au sanctuaire. Si, au cours d’une cérémonie, le roi officiant venait à manquer de mémoire, il n’avait qu’à lever les yeux vers la muraille pour y trouver ce qu’il devait faire.

Et ce n’est pas tout : chaque partie du temple avait son décor accessoire et son mobilier. La face extérieure des pylônes était garnie, non seulement des mâts à banderoles dont j’ai déjà parlé, mais de statues et d’obélisques. Les statues, au nombre de quatre ou de six, étaient en calcaire, en granit ou en grès. Elles représentaient toujours le roi fondateur et atteignaient parfois une taille prodigieuse. Les deux Memnon qui siégeaient à l’entrée de la chapelle d’Amenhotpou III, à Thèbes, mesurent environ seize mètres de haut. Le Ramsès II du Ramesséum a dix-sept mètres et demi, celui de Tanis vingt mètres au moins. Le plus grand nombre ne dépassait pas six mètres. Elles montaient la garde en avant du temple, la face au dehors, comme pour faire front à l’ennemi. Les obélisques de Karnak sont presque tous perdus au milieu des cours intérieures ; même ceux de la reine Hatshopsitou ont été encastrés, jusqu’à cinq mètres au-dessus du sol, dans des massifs de maçonnerie qui en cachaient la base. Ce sont là des accidents faciles à expliquer. Chacun des pylônes qu’ils précèdent a été tour à tour la façade du temple, et ne s’est trouvé relégué aux derniers plans que par les travaux successifs des Pharaons. La place réelle des obélisques est en avant des colosses, de chaque côté de la porte ; ils ne vont jamais que par paire, de hauteur souvent inégale. On a prétendu reconnaître en eux l’emblème d’Amon-Générateur, un doigt de dieu, l’image d’un rayon de soleil. À dire le vrai, ils ne sont que la forme régularisée de ces pierres levées, qu’on plantait en commémoration des dieux et des morts chez les peuples à demi sauvages. Les tombes de la IVe dynastie en renferment déjà, qui n’ont guère plus d’un mètre, et sont placés à droite et à gauche de la stèle, c’est-à-dire de la porte qui conduit au logis du défunt ; ils sont en calcaire et ne nous apprennent qu’un nom et des titres. À la porte des temples, ils sont en granit et prennent des dimensions considérables, 20m,75 à Héliopolis, 23m,59 et 23m, 03 à Louxor.

Le plus élevé de ceux que l’on possède aujourd’hui, celui de la reine Hatshopsitou à Karnak, monte jusqu’à 33m,20. Faire voyager des masses pareilles et les calibrer exactement était déjà chose difficile, et l’on a peine à comprendre comment les Égyptiens réussissaient à les dresser rien qu’avec des cordes et des caissons de sable. La reine Hatshopsitou se vante d’avoir taillé, transporté, érigé les siens en sept mois, et nous n’avons aucune raison de douter de sa parole. Les obélisques étaient presque tous établis sur plan carré, avec les faces légèrement convexes et une pente insensible de haut en bas. La base était d’un seul bloc carré, orné de légendes ou de cynocéphales en ronde bosse, adorant le soleil. La pointe était coupée en pyramidion et revêtue, par exception, de bronze ou de cuivre doré. Des scènes d’offrandes à Râ-Harmakhis, Hor, Atoum, Amon, sont gravées sur les pans du pyramidion et s’étagent à la partie supérieure du prisme ; le plus souvent, les quatre faces verticales n’ont d’autre ornement que des inscriptions en lignes parallèles consacrées exclusivement à l’éloge du roi. Voilà l’obélisque ordinaire : on en rencontre çà et là d’un type différent. Celui de Bégig, au Fayoum, est sur plan rectangulaire et s’arrondit en pointe mousse.

 

Une entaille, pratiquée au sommet, prouve qu’il se terminait par quelque emblème en métal, un épervier peut-être, comme l’obélisque représenté sur une stèle votive du Musée de Boulaq. Cette forme, qui dérive ainsi que la première de la pierre levée, dura jusqu’aux derniers jours de l’art égyptien : on la signale encore à Axoum, en pleine Éthiopie, vers le IVe siècle de notre ère, à une époque où l’on se contentait en Égypte de transporter les anciens obélisques, sans plus songer à en élever de nouveaux. Telle était la décoration accessoire du pylône. Les cours intérieures et les salles hypostyles renfermaient encore des colosses. Les uns, adossés à la face externe des piliers ou des murs, étaient à demi engagés dans la maçonnerie et bâtis par assise ; ils présentaient le roi, debout, muni des insignes d’Osiris. Les autres, placés à Louxor sous le péristyle, à Karnak des deux côtés de la travée centrale, entre chaque colonne, étaient aussi à l’image du Pharaon, mais du Pharaon triomphant et revêtu de son costume d’apparat. Le droit de consacrer une statue dans le temple était avant tout un droit régalien ; cependant le roi permettait quelquefois à des particuliers d’y dédier leurs statues à côté des siennes. C’était alors une grande faveur, et l’inscription de ces monuments mentionne toujours qu’ils ont été déposés par la grâce du roi à la place qu’ils occupent. Si rarement que ce privilège fût accordé par le souverain, les statues votives avaient fini par s’accumuler avec les siècles, et les cours de certains temples en étaient remplies. À Karnak, l’enceinte du sanctuaire était garnie extérieurement d’une sorte de banc épais, construit à hauteur d’appui en façon de socle allongé. C’est là que les statues étaient placées, le dos au mur. Elles étaient accompagnées chacune d’un bloc de pierre rectangulaire, muni sur l’un des côtés d’une saillie creusée en gouttière : c’est ce que l’on appelle la table d’offrandes.

La face supérieure en est évidée plus ou moins profondément et porte souvent en relief des pains, des cuisses de bœuf, des vases à libations couchés à plat, et les autres objets qu’on avait accoutumé de présenter aux morts ou aux dieux. Celles du roi Amoni-Entouf-Amenemhâït, à Boulaq, sont des blocs de plus d’un mètre de long, en grès rouge, dont la face supérieure est chargée de godets creusés régulièrement ; une offrande particulière répondait à chaque godet. Un culte était en effet attaché aux statues, et les tables étaient de véritables autels, sur lesquels on déposait, pendant le sacrifice, les portions de la victime, les gâteaux, les fruits, les légumes.

Le sanctuaire et les pièces qui l’environnent contenaient le matériel du culte. Les bases d’autel sont, les unes carrées et un peu massives, les autres polygonales ou cylindriques ; plusieurs de ces dernières ressemblent assez à un petit canon pour que les Arabes leur en donnent le nom. Les plus anciennes sont de la Ve dynastie ; la plus belle, déposée aujourd’hui à Boulaq, a été dédiée par Séti Ier. Le seul autel complet que je connaisse a été découvert à Menshiéh en 1884.

Il est en calcaire blanc, compact, poli comme le marbre, et a pour pied un cône très allongé, sans ornement qu’un tore d’environ dix centimètres au-dessous du sommet. Un vaste bassin hémisphérique s’emboîte dans une entaille carrée, qui sert comme de gueule au canon. Les naos sont de petites chapelles de pierre ou de bois où logeait en tout temps l’esprit, à certaines fêtes, le corps même du dieu.

Les barques sacrées étaient bâties sur le modèle de la bari dans laquelle le soleil accomplissait sa course journalière. Un naos s’élevait au milieu, recouvert d’un voile qui ne permettait pas aux spectateurs de voir ce qu’il renfermait ; l’équipage était figuré, chaque dieu à son poste de manœuvre, les pilotes d’arrière au gouvernail, la vigie à l’avant, le roi à genoux, devant la porte du naos. Nous n’avons trouvé jusqu’à présent aucune des statues qui servaient aux cérémonies du culte, mais nous savons l’aspect qu’elles avaient, le rôle qu’elles jouaient, les matières dont elles étaient composées.

Elles étaient animées et avaient, outre leur corps de pierre, de métal, ou de bois, une âme enlevée par magie à l’âme de la divinité qu’elles représentaient. Elles parlaient, remuaient, agissaient, réellement et non par métaphore. Les derniers Ramessides n’entreprenaient rien sans les consulter ; ils s’adressaient à elles, leur exposaient l’affaire, et, après chaque question, elles approuvaient en secouant la tête. Dans la stèle de Bakhtan, une statue de Khonsou impose quatre fois les mains sur la nuque d’une autre statue, pour lui transmettre le pouvoir de chasser les démons. La reine Hatshopsitou envoya une escadre à la recherche des Pays de l’Encens, après avoir conversé avec la statue d’Amon dans l’ombre du sanctuaire.

En théorie, l’âme divine était censée produire seule des miracles : dans la pratique, la parole et le mouvement étaient le résultat d’une fraude pieuse. Avenues interminables de sphinx, obélisques gigantesques, pylônes massifs, salles aux cent colonnes, chambres mystérieuses ou le jour ne pénétrait jamais, le temple égyptien tout entier était bâti pour servir de cachette à une poupée articulée, dont un prêtre agitait les fils.

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