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L'archéologie égyptienne

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Voici encore une ampoule lenticulaire, haute de huit centimètres, à fond bleu marin d’une intensité et d’une pureté admirables, sur lequel un semis de feuilles de fougère s’enlève en jaune, d’un trait fin et hardi ; deux petites anses vert clair s’attachent au col et un filet jaune court sur le rebord du goulot.

Une amphore de même taille est d’un vert olive profond et demi-transparent.

Une ceinture de chevrons bleus et jaunes, saisis entre quatre lignes jaunes, lui serre la panse à l’endroit le plus large ; les anses sont vert clair et le filet est bleu tendre. La princesse Nsikhonsou avait à côté d’elle, dans la cachette de Déir-el-Baharî, des gobelets de travail analogue, sept en pâte unie vert clair, jaune, bleue, quatre en une pâte noire mouchetée de blanc, un seul enveloppé de feuilles de fougère multicolores, disposées sur deux rangs.

Les manufactures étaient donc en pleine activité dès le temps des grandes dynasties thébaines. Des monceaux de scories, mêlées à des rebuts de cuisson, marquent encore, au Ramesséum, à El-Kab, sur le tell d’Ashmounéïn, la place où leurs fourneaux s’allumaient. Les Égyptiens émaillaient la pierre. La moitié au moins des scarabées, des cylindres et des amulettes que renferment nos musées, sont en calcaire, en schiste, en lignite, revêtus d’une glaçure colorée. L’argile ordinaire ne leur paraissait pas sans doute appropriée à ce genre de décoration. Ils la remplaçaient par plusieurs sortes de terre, l’une blanche et sableuse, l’autre bise et fine, produite par la pulvérisation d’un calcaire spécial, qu’on trouve en abondance aux environs de Qénéh, de Louxor et d’Assouân, une troisième rougeâtre et mêlée de grès en poudre et de brique pilée. Ces substances diverses sont bien connues sous les noms également inexacts de porcelaines ou faïences égyptiennes. Les plus anciennes, à peine lustrées, sont couvertes d’un enduit excessivement mince, sauf dans le creux des hiéroglyphes et des figures, où la matière vitreuse accumulée tranche, par son aspect luisant, sur le ton mat des parties environnantes. Le vert est de beaucoup la couleur la plus fréquente sous les anciennes dynasties ; mais le jaune, le rouge, le brun, le violet, le bleu, n’étaient point dédaignés. Le bleu l’emporta dans les manufactures thébaines, dès les premières années du moyen empire. C’est, d’ordinaire, un bleu brillant et doux, imitant la turquoise ou le lapis-lazuli. Le musée de Boulaq possédait jadis trois hippopotames de cette nuance, découverts à Drah-aboûl-Neggah, dans la tombe d’un Entouf.

Un était couché, les deux autres sont debout dans un marais, et le potier a dessiné sur leur corps, à l’encre noire, des fourrés de roseaux et de lotus au milieu desquels volent des oiseaux et des papillons.

C’était une manière de montrer la bête dans son milieu naturel. Le bleu en est profond, éclatant, et il faut descendre vingt siècles d’un coup pour en retrouver d’aussi pur, parmi les statuettes funéraires qui proviennent de Déir-el-Baharî. Le vert reparaît avec les dynasties saïtes, plus pâle qu’aux anciennes époques. Il domine dans le nord de l’Égypte, à Memphis, à Bubaste, à Saïs, mais sans éliminer entièrement le bleu. Les autres nuances n’ont été d’usage courant que pendant quatre ou cinq siècles, d’Ahmos Ier aux Ramessides. C’est alors, mais alors seulement, qu’on voit se multiplier les Répondants à vernis blanc ou rouge, les fleurs de lotus et les rosaces jaunes, rouges et violettes, les boîtes à kohol bariolées. Les potiers du temps d’Amenhotpou III avaient un goût particulier pour les tons gris et violets. Les olives au nom de ce pharaon et des princesses de sa famille portent des hiéroglyphes en bleu léger sur un fond mauve des plus délicats. Le vase de la reine Tiï, au musée de Boulaq, est d’un gris mêlé de bleu ; il a, autour du goulot, des ornements et des légendes en deux couleurs. La fabrication des émaux multicolores paraît avoir atteint son plus grand développement sous Khouniaton : du moins est-ce à Tell-Amarna que j’en ai trouvé les modèles les plus fins et les plus légers, des bagues jaunes, vertes, violettes, des fleurettes blanches ou bleues, des poissons, des luths, des grenades, des grappes de raisin. Telle figurine d’Hor a le corps bleu et la face rouge ; tel chaton de bague porte, sur une surface bleu clair, le nom du roi réservé en violet. Si restreint que soit l’espace, les tons divers ont été posés avec une telle sûreté de main qu’ils ne se confondent jamais, mais tranchent vivement l’un sur l’autre. Un vase à poudre d’antimoine, ciselé et monté sur un pied à jour, est glacé de rouge brun.

Un autre, qui a la forme d’un épervier mitré, est bleu, rehaussé de taches noires ; il appartenait jadis au roi Ahmos Ier. Un troisième, creusé dans un hérisson de bonne volonté, est d’un vert chatoyant.

Une tête de pharaon, d’un bleu mat, porte une coiffure rayée de bleu sombre. Si belles que soient ces pièces, le chef-d’œuvre de la série est la statuette du premier prophète d’Amon Ptahmos, à Boulaq. Les hiéroglyphes et les détails du maillot funéraire ont été gravés en relief, sur un fond blanc d’une égalité admirable, puis remplis d’émaux. Le visage et les mains sont bleu turquoise, la coiffure est jaune à raies violettes, violets également sont les caractères de l’inscription et le vautour qui déploie ses ailes sur la poitrine. Le tout est harmonieux, brillant, léger : aucune bavure n’émousse la pureté des contours ou la netteté des traits. La poterie émaillée fut commune en tous temps. Les tasses à pied, les bols bleus, arrondis du fond et ornés d’yeux mystiques, de lotus, de poissons, de palmes à l’encre noire, sont en général de la XVIIIe, de la XIXe ou de la XXe dynastie.

Les ampoules lenticulaires, à vernis verdâtre, garnies de rangs de perles ou d’oves sur la tranche, de colliers sur la panse, et flanquées de deux singes accroupis en guise d’anses, appartiennent toutes, ou peu s’en faut, au règne d’Apriès et d’Amasis.

Manches de sistre, coupes, vases à boire en forme de lotus à demi épanoui, plats, écuelles de table, les Égyptiens aimaient cette vaisselle fraîche au toucher, agréable à l’œil et facile à tenir propre. Poussaient-ils le goût de l’émail jusqu’à en recouvrir les murs mêmes de leurs maisons ? Rien ne permet de l’affirmer ou de le nier avec certitude, et les quelques exemples que nous avons de ce mode de décoration proviennent tous d’édifices royaux. On lit le prénom et la bannière de Pepi Ier sur une brique jaune, les noms de Ramsès III sur une verte, ceux de Séti Ier et de Sheshonq sur des fragments rouges et blancs. Une des chambres de la pyramide à degrés de Saqqarah avait gardé jusqu’au commencement du siècle sa parure de faïence.

Elle était revêtue aux trois quarts de plaques vertes, oblongues, légèrement convexes au dehors, mais plates à la face interne ; une saillie carrée, percée d’un trou, servait à les assembler par derrière, sur une seule ligne horizontale, au moyen d’une baguette de bois.

Les trois bandes qui encadraient la porte du fond sont historiées aux titres d’un pharaon mal classé des premières dynasties memphites. Les hiéroglyphes s’enlèvent en bleu, en rouge, en vert, en jaune, sur un ton chamoisé. Vingt siècles plus tard, Ramsès III essaya d’un genre nouveau à Tell-el-Yahoudî. Cette fois ce n’est plus d’une seule chambre, c’est d’un temple entier qu’il s’agit. Le noyau de la bâtisse était en calcaire et en albâtre ; mais les tableaux, au lieu d’être sculptés comme à l’ordinaire, étaient en une sorte de mosaïque, où la pierre découpée et la terre vernissée se combinaient à parties presque égales. L’élément le plus fréquemment répété est une rondelle en frite sableuse, revêtue d’un enduit bleu ou gris, sur lequel se détachent en nuance crème des rosaces simples, ou encadrées de dessins géométriques, des toiles d’araignées, des fleurs ouvertes.

Le bouton central est en relief, les feuilles et les réseaux sont incrustés dans la masse. Ces rondelles, dont le diamètre varie d’un à dix centimètres, étaient fixées à la paroi au moyen d’un ciment très fin. On les employait à dessiner des ornements très divers, enroulements, rinceaux, filets parallèles, tels qu’on les voit sur un pied d’autel et sur une base de colonne conservés à Boulaq. Les cartouches étaient en général d’une seule pièce, ainsi que les figures : les détails, creusés ou modelés sur la terre avant la cuisson, étaient ensuite recouverts chacun du ton qui lui appartenait. Les lotus et les feuillages qui couraient sur le soubassement ou le long des corniches étaient au contraire formés de morceaux indépendants : chaque couleur est une pièce découpée de manière à s’ajuster exactement aux pièces voisines.

Le temple avait été exploité au commencement du siècle, et le Louvre possédait, depuis Champollion, des figures de prisonniers qui en proviennent. Ce qui en restait a été démoli, il y a quelques années, par les marchands d’antiquités, et les débris en sont dispersés un peu partout. Mariette en recueillit à grand’peine les fragments les plus importants, le nom de Ramsès III, qui nous donne la date de la construction, des bordures de lotus et d’oiseaux à mains humaines, des têtes d’esclaves nègres ou asiatiques.

La destruction de ce monument est d’autant plus fâcheuse que les Égyptiens n’ont pas dû en édifier beaucoup du même type. La brique émaillée, le carreau, la mosaïque d’émail se gâtent aisément : c’était là un vice rédhibitoire pour un peuple épris de force et d’éternité.

2. Le bois, l’ivoire, le cuir et les matières textiles

L’ivoire, l’os, la corne sont assez rares dans les musées : ce n’est pas une raison pour croire que les Égyptiens n’en aient pas tiré bon parti. La corne ne dure guère : certains insectes en sont très friands et la détruisent en fort peu de temps. L’os et l’ivoire perdent aisément leur consistance et deviennent friables. Les Égyptiens connaissaient les éléphants de toute antiquité ; peut-être même les ont-ils rencontrés dans la Thébaïde, au moment où ils s’y installèrent, car le nom de l’île d’Éléphantine est écrit avec l’image d’un de ces animaux, dès la Ve dynastie. L’ivoire leur arrivait des régions du haut Nil par dents et par demi-dents. Ils le teignaient à volonté en vert ou en rouge, mais lui laissaient le plus souvent sa teinte naturelle et l’employaient beaucoup en menuiserie, pour incruster des chaises, des lits et des coffrets ; ils en fabriquaient aussi des dés à jouer, des peignes, des épingles à cheveux, des ustensiles de toilette, des cuillers d’un travail délicat, des étuis à collyre creusés dans une colonne surmontée d’un chapiteau, des encensoirs formés d’une main qui supporte un godet en bronze où brûler des parfums, des boumérangs couverts au trait de divinités et d’animaux fantastiques.

 

Quelques-uns de ces objets sont de véritables œuvres d’art : ainsi, à Boulaq, un manche de poignard qui représente un lion, les reliefs plaqués sur la boîte à jeu de Touaï, qui vivait à la fin de la XVIIe dynastie, une figurine de la Ve dynastie malheureusement mutilée, mais qui garde encore des traces de couleur rose, et la statue en miniature d’Abi, qui mourut sous la XIIIe. Elle est juchée majestueusement sur une colonne en campane. Le personnage regarde droit devant lui, d’un air majestueux que ses oreilles très écartées de la tête rendent tant soit peu comique. La touche est large et spirituelle. Le morceau pourrait être comparé sans trop de désavantage aux bons ivoires italiens de la Renaissance, épingles à cheveux, des ustensiles de toilette, des cuillers d’un travail délicat, des étuis à collyre creusés dans une colonne surmontée d’un chapiteau, des encensoirs formés d’une main qui supporte un godet en bronze où brûler des parfums, des boumérangs couverts au trait de divinités et d’animaux fantastiques.

Quelques-uns de ces objets sont de véritables œuvres d’art : ainsi, à Boulaq, un manche de poignard qui représente un lion, les reliefs plaqués sur la boîte à jeu de Touaï, qui vivait à la fin de la XVIIe dynastie, une figurine de la Ve dynastie malheureusement mutilée, mais qui garde encore des traces de couleur rose, et la statue en miniature d’Abi, qui mourut sous la XIIIe. Elle est juchée majestueusement sur une colonne en campane. Le personnage regarde droit devant lui, d’un air majestueux que ses oreilles très écartées de la tête rendent tant soit peu comique. La touche est large et spirituelle. Le morceau pourrait être comparé sans trop de désavantage aux bons ivoires italiens de la Renaissance.

L’Égypte ne nourrit pas beaucoup d’arbres, encore la plupart de ceux qu’elle produit sont-ils impropres à la sculpture. Les deux espèces les plus répandues, le palmier et le doum, sont d’une fibre grossière et par trop inégale. Quelques variétés de sycomore et d’acacia ont seules un corps dont le grain souple et fin se prête au travail du ciseau. Le bois n’en était pas moins la matière favorite des sculpteurs qui voulaient faire vite et à bon marché. Ils le choisissaient parfois pour des œuvres d’importance, telles que les supports du double, et nous jugeons par le Shéikh-el-beled de quelle hardiesse et de quelle ampleur ils savaient le traiter. Mais les billots ou les poutres dont ils disposaient avaient rarement la longueur et la largeur suffisante pour qu’on en tirât une statue d’une seule pièce. Le Shéikh-el-beled lui-même, qui cependant n’est pas de grandeur naturelle, est un assemblage de morceaux tenus par des chevilles carrées. On s’accoutuma donc à ramener les sujets qu’on voulait exécuter en bois à des proportions telles qu’on pût les tailler tout entiers dans un même bloc ; sous les dynasties thébaines, les statues d’autrefois sont devenues des statuettes. L’art ne perdit rien à cette décroissance, et plus d’une parmi ces figurines est comparable aux plus beaux ouvrages de l’ancien empire. La meilleure peut-être est au musée de Turin, et appartient à la XXe dynastie. Elle représente une fillette sans vêtement qu’une ceinture étroite passée sur les reins. Elle est encore à cet âge indécis où le sexe n’est pas développé et où les formes tiennent à la fois du garçon et de la femme. La tête est d’une expression douce et mutine : c’est, à trente siècles de distance, le portrait de ces gracieuses filles Éléphantine qui se promènent nues sous le regard des étrangers, sans gêne et sans impudeur. Trois petits hommes du musée de Boulaq sont probablement contemporains de la figurine de Turin. Ceux-là sont revêtus du costume d’apparat et ce n’est que justice, car l’un d’eux était le favori du roi, Hori, surnommé Râ. Ils marchent droit, d’un mouvement calme et mesuré, le buste bien effacé, la tête haute : l’expression de leur physionomie est maligne et rusée. Un officier, qui a pris sa retraite au Louvre, est en demi-costume militaire du temps d’Amenhotpou III et de ses successeurs : perruque légère, sarrau collant à manches courtes, pagne bridant sur la hanche, descendant à peine jusqu’à mi-cuisse et garni sur le devant d’une pièce d’étoffe bouffante, gaufrée dans le sens de la longueur.

Il a pour voisin un prêtre coiffé de petites mèches étagées, vêtu de la jupe longue tombant à mi-jambe et s’étalant en une sorte de tablier plissé.

Il supporte à deux mains un insigne divin, consistant en une tête de bélier surmontée du disque solaire, le tout emmanché au bout d’une hampe solide. Officier et prêtre sont peints en brun rouge, à l’exception des cheveux qui sont noirs, de la cornée des yeux qui est blanche et de l’insigne divin qui est jaune. Chose curieuse, leur camarades de vitrine, la petite dame Nâï, est peinte comme eux en rouge et non en jaune, qui est la couleur réglementaire des femmes en Égypte.

Elle est prise dans un peignoir collant, garni de haut en bas d’une broderie en fil blanc. Elle porte au cou un collier d’or à trois rangs, et aux poignets des bracelets d’or, sur la tête une perruque dont les tresses descendent jusqu’à la naissance de la gorge. Le bras droit pend le long du corps, et la main tenait un objet, probablement un miroir en métal, qui a disparu : le bras gauche est replié sur la poitrine, et la main serre une tige de lotus dont le bouton pointe entre les seins. Le corps est souple et bien fait, la gorge jeune, droite et peu développée, la face large et souriante avec une expression de douceur et de vulgarité. L’artiste n’a pas su éviter la lourdeur dans l’agencement de la coiffure, mais le buste est modelé avec une élégance chaste, la robe dessine les formes sans les exposer trop indiscrètement, le geste par lequel la jeune femme ramène la fleur sur sa poitrine est rendu avec finesse et naturel. Ce sont là des portraits, et, comme les modèles n’étaient pas d’ordre très relevé, on peut supposer qu’ils ne s’étaient pas adressés pour les avoir aux faiseurs en renom : ils avaient eu recours à des ouvriers sans prétention, mais la science de la forme et la sûreté de l’exécution sont bien propres à prouver jusqu’à quel point l’influence de la grande école de sculpture qui florissait alors à Thèbes s’exerçait fortement, même sur les gens de métier.

Elle est plus sensible encore quand on étudie l’attirail de la toilette et le mobilier proprement dit. Ce ne serait pas petite affaire que de passer en revue tous les menus ustensiles de parure féminine, auxquels la fantaisie des artistes donnait une forme ingénieuse et spirituelle. Les manches de miroir représentent le plus souvent une tige de lotus ou de papyrus, surmontée d’une fleur épanouie d’où sort le disque de métal poli ; quelquefois une jeune fille nue ou vêtue d’une chemise étroite le tient en équilibre sur sa tête. Les épingles à cheveux se terminent en serpent lové, en museau de chacal, de chien, en bec d’épervier. La pelote dans laquelle elles sont plantées est un hérisson ou une tortue, dont la carapace est percée de trous selon un dessin régulier. Les chevets, sur lesquels on appuyait la tête pour dormir, étaient décorés de reliefs empruntés aux mythes de Bîsou et de Sokhit : la tête grimaçante du dieu s’étale sur les bas côtés ou sur la base. Mais c’est surtout dans l’exécution des cuillers à parfum ou des étuis à collyre que brille le génie inventif des ouvriers. On se servait des cuillers pour manier, sans trop se salir, soit des essences, soit des pommades, soit les fards de différentes couleurs dont hommes et femmes se teignaient les joues, les lèvres, le bord et le dessous des yeux, les ongles, la paume des mains. Les motifs sont empruntés généralement à la faune ou à la flore du Nil. Un des étuis de Boulaq a la figure d’un veau couché, creusé pour servir de boîte : la tête et le dos de l’animal s’enlèvent et font couvercle. Une cuiller du même musée représente un chien qui se sauve, emportant un énorme poisson dans sa gueule : le corps du poisson est le bol de la cuiller.

L’autre est un cartouche qui jaillit d’un lotus épanoui, un fruit de lotus posé sur un bouquet de fleurs ou un simple récipient triangulaire flanqué de deux boutons.

Les plus soignées combinent avec ces données la figure humaine. Une jeune fille nue, sauf une ceinture qui lui serre les hanches, nage, tenant la tête bien hors de l’eau ; ses deux bras allongés poussent un canard creusé en boîte, et dont les deux ailes, s’écartant à volonté, tiennent lieu de couvercle.

Au Louvre, c’est encore une jeune fille, mais perdue dans les lotus et qui cueille un bouton.

Une botte de tiges, d’où s’échappent deux fleurs épanouies, réunit le manche au bol de la cuiller, dont l’ovale tourne sa partie ronde au dehors, sa pointe à l’intérieur. Ailleurs, la jeune fille est encadrée entre deux tiges fleuries et marche en jouant de la guitare à long manche. Ailleurs encore, la musicienne est debout sur une barque ou est remplacée par une porteuse d’offrandes. Parfois enfin, c’est un esclave qui s’avance, courbé sous le poids d’un énorme sac. Tous ces personnages ont chacun leur physionomie et leur âge caractérisés nettement. La cueilleuse de lotus est bien née, comme l’indique sa chevelure nattée avec soin et la jupe plissée dont elle est habillée. Les dames thébaines étaient vêtues de long, et celle-là ne s’est troussée haut qu’afin de pouvoir marcher par les roseaux sans mouiller ses vêtements. Au contraire, les deux musiciennes et la nageuse sont de condition inférieure ou servile. Deux d’entre elles n’ont qu’une ceinture, la troisième a un jupon court lié négligemment. La porteuse d’offrandes est coiffée de la longue tresse pendante dont on affublait les enfants.

C’est une de ces adolescentes minces et fluettes, comme on en voit beaucoup encore chez les fellahs des bords du Nil, et sa nudité ne l’empêche pas d’être de naissance ingénue ; les enfants nobles ne commençaient à prendre le costume de leur sexe que vers l’âge de puberté. Enfin l’esclave, avec ses lèvres épaisses, son nez plat, sa mâchoire lourde et bestiale, son front déprimé, sa tête glabre en pain de sucre, est évidemment la caricature d’un prisonnier étranger.

La mine abrutie avec laquelle il s’en va pliant sous le faix a été fort bien saisie, et les saillies anguleuses du corps, le type de la tête, l’agencement des diverses parties, rappellent l’aspect général des terres cuites grotesques de l’Asie Mineure. Tous les détails de nature groupés autour du sujet principal et qui l’encadrent, la forme des fleurs et des feuilles, l’espèce des oiseaux, sont rendus avec un grand amour de l’exactitude et avec un certain esprit. Des trois canards que la porteuse d’offrandes a liés par les pattes et laisse pendre à son bras, deux se sont résignés à leur sort et sont là ballants, le cou tendu, l’œil ouvert ; le troisième relève la tête et bat de l’aile pour protester. Les deux oiseaux d’eau perchés sur les lotus écoutent, au repos et le bec sur le jabot, la joueuse de luth. L’expérience leur a appris qu’il ne faut pas se déranger pour des chansons et qu’une jeune fille n’est à craindre qu’à la condition d’être armée. La vue d’un arc et d’une flèche les met en fuite dans les bas-reliefs, comme de nos jours la vue d’un fusil fait s’envoler une bande de pies. Les Égyptiens connaissaient à merveille les habitudes des animaux et se sont plu à les reproduire exactement. L’observation de tous les menus faits était devenue instinctive chez eux, et donnait aux moindres productions de leurs mains ce caractère de réalité dont nous sommes frappés aujourd’hui.

Les meubles n’étaient pas plus nombreux dans l’Égypte ancienne qu’ils ne sont dans l’Égypte actuelle. Chez les pauvres, quelques nattes et des huches en terre battue. Chez les gens de la classe moyenne, des coffrets à linge et des escabeaux. Chez les riches seuls, des lits, des fauteuils, des divans, des tables : armoires, buffets, dressoirs, commodes, la plupart des pièces qui composent notre mobilier étaient inconnus. L’art du menuisier n’en était pas moins porté à un haut degré de perfection dès les anciennes dynasties. Les ais, dressés à l’herminette, emmortaisés, collés, réunis par des chevilles en bois dur ou des épines d’acacia, jamais par des clous métalliques, étaient polis, puis revêtus de peintures. Les coffres sont généralement juchés sur quatre pieds droits, parfois assez élevés. Le couvercle est plat ou arrondi selon une courbe spéciale, que les Égyptiens ont aimée de tout temps, rarement taillé en pointe comme le toit de nos maisons.

 

Il s’enlève le plus souvent tout entier, souvent il tourne autour d’une cheville enfoncée dans l’épaisseur de l’un des montants, parfois enfin il roule sur des pivots en bois, analogues à ceux de nos armoires.

Les panneaux, dont la grande surface se prêtait étonnamment à la décoration artistique, sont rehaussés de peintures, incrustés d’ivoire, d’argent, de plaques d’émail, de bois précieux. Peut-être sommes-nous mal placés aujourd’hui pour juger de l’habileté que les Égyptiens déployaient à l’occasion, et de la variété des formes qu’ils inventaient à chaque époque. Presque tous les meubles qui nous restent proviennent des tombeaux et sont, ou bien des imitations à bon marché de meubles précieux destinées à être enfermées dans le caveau avec les morts, ou bien des meubles de nature particulière, dont l’usage était exclusivement réservé aux momies.

Les momies étaient, en effet, les clients les plus certains des menuisiers. Partout ailleurs, l’homme n’emportait au delà de la vie qu’un petit nombre d’objets : en Égypte, il ne se contentait pas à moins d’un mobilier complet. Le cercueil était à lui seul un véritable monument, dont la construction mettait en branle une escouade d’ouvriers.

La mode en variait selon les époques. Aux temps de l’empire memphite et du premier empire thébain, on ne rencontre guère que de grandes caisses rectangulaires, en bois de sycomore, à couvercle et à fonds plats, composées de plusieurs pièces assemblées au moyen de chevilles également en bois. Le modèle n’en est pas élégant, mais la décoration en est des plus curieuses. Le couvercle n’a pas de corniche. Une longue bande d’hiéroglyphes en occupe le milieu à l’extérieur ; tantôt simplement tracée à l’encre ou à la couleur, tantôt sculptée à même le bois, puis remplie de pâte bleuâtre, elle ne contient que le nom et le titre du défunt, parfois une courte formule de prière en sa faveur. La surface intérieure est enduite d’une couche épaisse de stuc, ou blanchie au lait de chaux : on y inscrivait d’ordinaire le chapitre XVII du Livre des Morts, aux encres rouge et noire et en beaux hiéroglyphes cursifs. La cuve consiste en huit planches verticales, disposées deux à deux, pour les parois, et en trois planches horizontales pour le fond. Elle est décorée quelquefois, à l’extérieur, de grandes rainures prismatiques terminées en feuilles de lotus entre-croisées, comme celles qu’on rencontre sur les sarcophages en pierre. Le plus souvent elle est ornée, sur la gauche, de deux yeux grands ouverts et de deux portes monumentales, sur la droite, de trois portes, en tout semblables à celles qu’on voit dans les hypogées contemporains. Le cercueil est en effet la maison propre du mort, et, comme tel, il doit présenter sur ses faces un résumé des prières et des tableaux qui s’espaçaient sur les murs de la tombe entière. Les formules et les représentations nécessaires sont écrites et illustrées à l’intérieur, presque dans le même ordre où nous les trouvons au fond des mastabas. Chaque paroi est divisée en trois registres, et chaque registre contient ou bien une dédicace au nom du mort, ou bien la figure des objets qui lui appartiennent, ou bien les textes du Rituel qu’on récitait à son intention. Le tout agencé habilement, sur un fond imitant assez exactement le bois précieux, forme un tableau d’un trait hardi et d’une couleur harmonieuse. Le menuisier n’avait que la moindre part au travail, et les longues boîtes où l’on enfermait les morts les plus anciens n’exigeaient pas de lui une grande habileté. Il n’en fut pas de même dès qu’on s’avisa de donner au cercueil l’aspect général du corps humain. Deux types sont alors en présence. Dans le plus ancien, la momie sert de modèle à son enveloppe. Les pieds et les jambes sont réunis tout du long. Les saillies du genou, les rondeurs du mollet, de la cuisse et du ventre, sont indiquées de façon sommaire et se modèlent vaguement sous le bois. La tête, seule vivante sur ce corps inerte, est dégagée entièrement. Le mort est emprisonné dans une sorte de statue de lui-même, assez bien équilibrée pour qu’on pût, à l’occasion, la dresser sur ses pieds comme sur une base. Ailleurs, il est étendu sur sa tombe, et sa figure, sculptée en ronde bosse, sert de couvercle à sa momie. La tête est chargée de la perruque à marteaux, la casaque de batiste blanche presque transparente voile le buste à demi, le jupon couvre les jambes de ses plis serrés. Les pieds sont chaussés de sandales élégantes, les bras s’allongent ou se replient sur la poitrine, les mains tiennent des emblèmes divers, la croix ansée, la boucle de ceinture, le tat, ou, comme la femme de Sennotmou à Boulaq, une guirlande de lierre. Ce genre de gaine momiforme est rare sous les dynasties menaphites ; Menkaourî, le Mykérinos des Grecs, nous en a donné pourtant un exemple mémorable. Très fréquente à la XIe dynastie, elle n’est souvent, alors, qu’un tronc d’arbre évidé, où l’on a sculpté grossièrement une tête et des pieds humains. Le masque est bariolé de couleurs éclatantes, jaune, rouge, vert ; les cheveux et la coiffure sont rayés de noir ou de bleu. Un collier s’étale pompeusement sur la poitrine. Le reste du cercueil est, ou bien enveloppé des longues ailes dorées d’Isis et de Nephthys, ou bien revêtu d’un ton uniforme, jaune ou blanc, et illustré parcimonieusement de figures ou de bandes d’hiéroglyphes bleues et noires. Les plus soignés parmi les cercueils des rois de la XVIIIe dynastie, que j’ai déterrés à Déir-el-Baharî, appartiennent à ce type et ne se signalent que par le fini du travail et par la perfection vraiment extraordinaire avec laquelle l’ouvrier a reproduit les traits du souverain. Le masque d’Ahmos Ier, celui d’Amenhotpou Ier, celui de Thoutmos II, sont de véritables chefs-d’œuvre en leur genre. Celui de Ramsès II ne porte d’autre trace de peinture qu’une raie noire, afin d’accentuer la coupe de l’œil ; modelé sans doute à l’image du Pharaon Hrihor, qui restaura l’appareil funèbre de son puissant prédécesseur ; il est presque comparable aux meilleures œuvres des statuaires contemporains.

Deux des cercueils, ceux de la reine Nofritari et de sa fille Ahhotpou II, sont de taille gigantesque et mesurent plus de 3 mètres de haut. On dirait, à les voir debout, une des cariatides qui ornent la cour de Médinét-Habou, mais en plus petit.

Le corps est emmailloté et n’a plus que l’apparence indécise d’un corps humain. Les épaules et le buste sont revêtus d’un réseau en relief, dont chaque maille se détache en bleu sur le fond jaune de l’ensemble. Les mains s’échappent de cette espèce de mantelet et se croisent sur la poitrine en serrant la croix ansée, symbole de la vie. La tête est un portrait : face large et ronde, grands yeux, expression douce et insignifiante, lourde perruque surmontée de la coiffure et des longues plumes d’Amon ou de Mout. On se demande quel motif a poussé les Égyptiens à fabriquer ces pièces extraordinaires. Les deux reines étaient de petite taille et leur momie était comme perdue dans la cavité ; il fallut les caler à grand renfort de chiffons pour les empêcher de ballotter et de se détériorer. Grandeur à part, la simplicité est le caractère de ces deux cercueils comme elle l’est des autres cercueils royaux ou privés de cette époque qui sont parvenus jusqu’à nous. Vers le milieu de la XIXe dynastie, la mode changea. On ne se contenta plus d’une seule caisse sobrement ornée : on voulut en avoir deux, trois, même quatre, emboîtées l’une dans l’autre et couvertes de peintures ou d’inscriptions. Souvent alors l’enveloppe extérieure est un sarcophage à oreillettes carrées, à couvercle en dos d’âne, dont les fonds, peints en blanc, sont chargés de figures du mort, en adoration devant les dieux du groupe Osirien. Lorsqu’elle a la forme humaine, elle garde encore quelque chose de la nudité primitive : la face est coloriée, un collier recouvre la poitrine, une bande d’hiéroglyphes descend jusqu’aux pieds ; le reste est d’un ton uniforme, noir, brun ou jaune sombre. Les caisses intérieures étaient d’un luxe presque extravagant, faces et mains rouges, roses, dorées, bijoux peints et parfois simulés au moyen de morceaux d’émail incrustés dans le bois, scènes et légendes multicolores, le tout englué de ce vernis jaune dont j’ai parlé plus haut. Le contraste est frappant entre l’abondance d’ornements qu’on remarque à ces époques et la sobriété des époques antérieures : il faut se rendre à Thèbes même, au lieu de la sépulture, pour en comprendre la raison. Les particuliers et les rois des dynasties conquérantes employaient ce qu’ils avaient de ressources et d’énergie à se creuser des hypogées. Les parois en étaient sculptées ou peintes, le sarcophage était taillé dans un bloc immense de granit ou d’albâtre ouvragé finement ; peu importait que le bois où dormait la momie fût simplement décoré. Les Égyptiens de la décadence et leurs maîtres n’avaient plus, comme les générations qui les avaient précédés, la faculté de puiser indéfiniment dans les trésors de l’Égypte et des pays voisins. Ils étaient pauvres, et la médiocrité de leur budget ne leur permettait pas d’entreprendre de longs travaux : ils renoncèrent, ou du moins presque tous, à se préparer des tombes monumentales, et dépensèrent ce qui leur restait d’argent à se fabriquer de belles caisses en bois de sycomores. Le luxe de leurs cercueils n’est, en résumé, qu’une preuve de plus à joindre aux preuves déjà nombreuses que nous avons de leur faiblesse et de leur pauvreté. Lorsque les princes Saïtes eurent rétabli, pour quelques siècles, les affaires du pays, les sarcophages en pierre reparurent et l’enveloppe en bois reprit quelque chose de la simplicité des beaux temps ; mais ce renouveau ne dura pas, et la conquête macédonienne amena dans les modes funéraires la même révolution qu’autrefois la chute des Ramessides. On en revint à l’usage des caisses doubles et triples, aux excès de peinture, aux dorures criardes ; l’habileté des manœuvres d’époque gréco-romaine qui ont habillé les morts d’Akhmîm pour leur dernière demeure est moindre, leur mauvais goût ne le cède en rien à celui des fabricants de cercueils thébains qui vivaient sous les derniers Ramsès.

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