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L'archéologie égyptienne

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D’autres morceaux moins connus sont pourtant très supérieurs à ceux-là. Le style s’en reconnaît aisément. Ce n’est plus le faire large et savant de la première école memphite, ni la manière grandiose et souvent rude de la grande école thébaine ; les proportions du corps s’amincissent et s’élongent, les membres perdent en vigueur ce qu’ils gagnent en élégance. On remarque en même temps un changement notable dans le choix des attitudes. Les Orientaux ont, à se délasser, des postures qui seraient des plus fatigantes pour nous. Ils passent des heures entières agenouillés ou assis comme les tailleurs, les jambes croisées et à plat contre sol ; ou bien ils se mettent à croupetons, les genoux réunis et pliés, le gras du mollet appliqué au revers de la cuisse, sans toucher le sol autrement que de la plante des pieds ; ou bien, ils s’assoient à terre, les jambes accolées, les bras croisés sur les genoux. Ces quatre poses étaient en usage, dans le peuple, dès l’ancien empire : les bas-reliefs le prouvent suffisamment. Mais les sculpteurs memphites avaient écarté de la statuaire les deux dernières, qu’ils jugeaient disgracieuses, et ne s’en servaient presque jamais. À voir le scribe accroupi du Louvre et le scribe agenouillé, on comprend le parti qu’ils savaient tirer des deux premières. La troisième fut négligée, pour les mêmes raisons sans doute, par les sculpteurs thébains. On commença à pratiquer la quatrième d’une manière courante, vers la XVIIIe dynastie. Peut-être n’était-elle pas auparavant de mode parmi les classes aisées qui, seules, étaient assez riches pour commander des statues ; peut-être aussi, les artistes n’aimaient-ils pas une position qui faisait ressembler leurs modèles à des paquets cubiques surmontés d’une tête humaine. Les sculpteurs de l’époque saïte n’eurent pas la même répugnance à en user que leurs prédécesseurs. Du moins ont-ils combiné l’action des membres de telle façon, qu’elle ne choque pas trop nos yeux et cesse presque d’être disgracieuse. Les têtes sont d’ailleurs d’une perfection qui rachète bien des défauts. Quelques-unes sont évidemment idéalisées : celle de Pedishashi a une expression de jeunesse et de douceur spirituelle qu’on n’est pas habitué à rencontrer sous le ciseau d’un Égyptien.

D’autres, au contraire, sont d’une sincérité brutale. Les rides du front, la patte d’oie, les plis de la bouche, les bosses du crâne, sont accusés avec une complaisance scrupuleuse sur la petite tête de scribe que le Louvre a récemment achetée, et sur celle que possède le prince Ibrahim au Caire.

L’école saïte était, en effet, partagée entre deux partis différents. L’un cherchait ses modèles dans le passé et s’efforçait de renouveler l’art amolli de son temps par un retour aux procédés des plus anciennes écoles memphites : elle y réussit, et si bien, qu’on a confondu parfois ses œuvres avec les œuvres les plus fines de la IVe et de la Ve dynastie. L’autre, sans s’écarter trop ouvertement de la tradition, étudiait de préférence le vif et se rapprochait de la nature plus qu’on ne l’avait fait jusqu’alors. Peut-être l’aurait-il emporté, si la conquête macédonienne et le contact prolongé des Grecs n’avaient détourné l’art égyptien vers des voies nouvelles. Le mouvement fut lent d’abord à se produire. Les sculpteurs habillèrent les successeurs d’Alexandre à l’égyptienne et les transformèrent en Pharaons, comme ils avaient fait avant eux les Hyksos et les Perses. Les pièces qu’on peut attribuer au règne des premiers Ptolémées ne diffèrent presque pas de celles de la bonne époque saïte, et c’est à peine si on remarque ça et là des traces d’influence grecque : ainsi le colosse d’Alexandre II, à Boulaq, est coiffé d’une étoffe flottante d’où s’échappent des boucles frisées.

Bientôt pourtant, la vue des chefs-d’œuvre de la Grèce détermina les Égyptiens d’Alexandrie, de Memphis et des grandes villes du Delta à modifier leur manière de procéder. Une école mixte s’établit, qui combina certains éléments de l’art indigène avec d’autres éléments empruntés à l’art hellénique. L’Isis alexandrine du musée de Boulaq a encore le costume de l’Isis pharaonique : elle n’en a plus la sveltesse et le maintien guindé. Une effigie mutilée d’un prince de Siout, qui est également à Boulaq, pourrait presque passer pour une mauvaise statue grecque. Un certain Hor, dont le portrait a été découvert en 1881, au pied du Komed-damas, non loin de l’emplacement du tombeau d’Alexandre, nous a laissé l’œuvre la plus forte qu’on ait de ce genre hybride.

La tête est un bon morceau, d’un travail un peu sec. Le nez mince et long, les yeux rapprochés, la bouche petite et pincée aux coins, le menton carré, tous les traits concourent à prêter à la figure un caractère de dureté et d’obstination. La chevelure est coupée ras, pas assez cependant pour qu’elle ne se sépare naturellement en petites mèches épaisses. Le corps, revêtu de la chlamyde, est assez gauchement taillé et trop étroit pour la tête. L’un des bras pend, l’autre est ramené sur le ventre ; les pieds manquent. Tous ces monuments sont sortis des fouilles récentes. Je ne doute pas que le sol d’Alexandrie ne nous en rendît beaucoup de pareils, si on pouvait l’explorer méthodiquement. L’école qui les produisit se rapprocha de plus en plus du style des écoles grecques, et la raideur, dont elle ne se dépouilla jamais entièrement, ne lui fut pas sans doute comptée comme un défaut, à une époque où certains sculpteurs au service de Rome se piquaient d’archaïsme. Je ne serais pas étonné si l’on venait à lui attribuer les statues de prêtres et de prêtresses revêtues d’insignes divins, dont Hadrien décora les parties égyptiennes de sa villa de Tibur. Hors du Delta, les écoles indigènes, livrées à leurs propres ressources, languirent et dépérirent peu à peu. Ce n’est pas que les modèles, ni même les artistes grecs, fissent entièrement défaut. J’ai découvert ou acheté dans la Thébaïde, au Fayoum, à Syène, des statuettes et des statues de style hellénique, d’un travail correct et soigné. Une d’elles, qui provient de Coptos, parait être une réplique en petit, d’une Vénus, analogue à la Vénus de Milo. Mais les sculpteurs du pays, trop inintelligents ou trop ignorants, ne surent pas tirer de ces modèles le parti que les Alexandrins avaient tiré des leurs. Quand ils voulurent prêter à leurs figures la souplesse et la plénitude des formes grecques, ils ne réussirent qu’à leur faire perdre la précision sèche, mais savante que leurs maîtres avaient acquise. Au lieu du relief fin, délicat, peu élevé, ils adoptèrent un relief très saillant au-dessus du fond, mais d’une rondeur molle et d’un modelé sans vigueur. Les yeux sourient niaisement, l’aile du nez se relève ; la commissure des lèvres, le menton, tous les traits du visage sont tirés et semblent vouloir converger vers un même point central, qui est placé au milieu de l’oreille. Deux écoles, indépendantes l’une de l’autre, nous ont légué leurs œuvres. La moins connue florissait en Éthiopie, à la cour des rois à demi civilisés qui résidaient à Méroé. Un groupe, venu de Naga en 1882 et conservé à Boulaq, nous montre où elle en était arrivée au 1er siècle de notre ère.

Un dieu et une reine, debout côte à côte, sont ébauchés tant bien que mal dans un bloc de granit gris. L’œuvre est fruste, lourde, mais ne manque pas de fierté et d’énergie. L’école qui l’avait produite, isolée et comme perdue au milieu de peuplades sauvages, tomba rapidement dans la barbarie et succomba probablement vers la fin du siècle des Antonins. L’Égyptienne se soutint quelque temps encore à l’abri de la domination romaine. Les Césars, non moins avisés que les Ptolémées, savaient qu’en flattant les sentiments religieux de leurs sujets égyptiens, ils assuraient leur domination sur la vallée du Nil. Ils firent restaurer ou rebâtir à grands frais les temples des dieux nationaux, sur les plans et dans l’esprit d’autrefois. Thèbes avait été détruite par le tremblement de terre de l’an 22 avant J.-C. et n’était plus pour eux qu’un lieu de pèlerinage où les dévots venaient écouter la voix de Memnon, au lever de l’aurore. Mais Tibère et Claude achevèrent la décoration de Dendérah et d’Ombos, Caligula travailla à Coptos, les Antonins à Philae et à Esnéh. Les escouades de manœuvres qu’on employait en leur nom en savaient encore assez pour tracer des milliers de bas-reliefs selon les règles d’autrefois. Ce qu’ils faisaient est mou, disgracieux, ridicule ; la routine seule guidait leur ciseau : c’était la tradition antique, affaiblie et dégénérée si l’on veut, mais vivante encore et capable de ce renouvellement. Les troubles qui éclatèrent au milieu du IIIe siècle, les incursions des Barbares, les progrès et le triomphe du christianisme amenèrent la suspension des derniers travaux et la dispersion des derniers ouvriers : ce qui restait de l’art national mourut avec eux.

Chapitre V. Les arts industriels

J’ai dit brièvement ce que furent les arts nobles ; il me reste à parler des arts industriels. Le goût du beau et l’amour du luxe avaient pénétré de bonne heure toutes les classes de la société. Vivant ou mort, l’Égyptien aimait avoir autour de lui et sur lui des bijoux et des amulettes de prix, des meubles soignés, des ustensiles élégants. Il voulait que tous les objets à son usage eussent, sinon la richesse de la matière, au moins la pureté de la forme, et la terre, la pierre, les métaux, le bois, les produits des pays ou des contrées lointaines, furent mis à contribution pour contenter ses exigences.

1. La pierre, la terre et le verre

On ne saurait parcourir une galerie égyptienne sans être surpris du nombre prodigieux de menues figures en pierre fine qui sont parvenues jusqu’à nous. On n’y voit pas encore le diamant, le rubis ni le saphir ; mais, à cela près, le domaine du lapidaire était aussi étendu qu’il l’est aujourd’hui et comprenait l’améthyste, l’émeraude, le grenat, l’aigue-marine, le cristal de roche, la prase, les mille variétés de l’agate et du jaspe, le lapis-lazuli, le feldspath, l’obsidienne, des roches comme le granit, la serpentine, le porphyre, des fossiles comme l’ambre jaune et certaines espèces de turquoises, des résidus de sécrétions animales comme le corail, la nacre, la perle, des oxydes métalliques comme l’hématite, la turquoise orientale et la malachite. Le plus grand nombre de ces substances étaient taillées en perles rondes, carrées, ovales, allongées en fuseau, en poire, en losange. Enfilées et disposées sur plusieurs rangs, on en fabriquait des colliers, et c’est par myriades qu’on les ramasse dans le sable des nécropoles, à Memphis, à Erment, près d’Akhmîm et d’Abydos. La perfection avec laquelle beaucoup d’entre elles sont calibrées, la netteté de la perce, la beauté du poli, font honneur aux ouvriers ; mais là ne s’arrêtait pas leur science. Sans autre instrument que la pointe, ils les façonnaient en mille formes diverses, cœurs, doigts humains, serpents, animaux, images de divinités. C’étaient autant d’amulettes, et on les estimait moins peut-être pour l’agrément du travail que pour les vertus surnaturelles qu’on leur attribuait. La boucle de ceinture en cornaline était le sang d’Isis et lavait les péchés de son maître.

 

La grenouille rappelait l’idée de la renaissance ; la colonnette en feldspath vert, celle du rajeunissement divin. L’œil mystique, l’ouza, lié au poignet ou au bras par une cordelette, protégeait contre le mauvais œil, contre les paroles d’envie ou de colère, contre la morsure des serpents.

Le commerce répandait ces objets dans les régions du monde antique, et plusieurs d’entre eux, ceux surtout qui représentaient le scarabée sacré, furent imités au dehors par les Phéniciens, par les Syriens, en Grèce, en Asie Mineure, en Étrurie, en Sardaigne. L’insecte s’appelait en égyptien khopirrou, et son nom dérivait, croyait-on, de la racine khopiri, devenir. On fit de lui, par un jeu de mots facile à comprendre, l’emblème de l’existence terrestre et des devenirs successifs de l’homme dans l’autre monde. L’amulette en forme de scarabée est donc un symbole de durée présente ou future ; le garder sur soi était une garantie contre la mort.

Mille significations mystiques découlèrent de ce premier sens. Chacune d’elles fut rattachée subtilement à l’un des actes ou des usages de la vie journalière, et les scarabées se multiplièrent à l’infini. Il y en a de toute matière et de toute grandeur, à tête d’épervier, de bélier, d’homme, de taureau, les uns fouillés aussi curieusement sur le ventre que sur le dos, les autres plats et unis par-dessous, d’autres enfin qui retiennent à peine le vague contour de l’insecte et qu’on appelle scarabéoïdes. Ils sont percés, dans le sens de la longueur, d’un trou par lequel on passait une mince tige de bois, un fil de bronze ou d’argent, une cordelette pour les suspendre. Les plus gros étaient comme l’image du cœur. On les collait sur la poitrine des momies, ailes déployées, et une prière, tracée sur le plat, adjurait le cœur de ne point porter témoignage contre le mort au jour du jugement. Pour plus d’efficacité, on joignait à la formule quelques scènes d’adoration : le disque de la lune acclamé par deux cynocéphales sur le corselet, deux Ammon accroupis sur les élytres, sur le plat la barque solaire, et, sous la barque, Osiris-momie, accroupi entre Isis et Nephthys qui l’enveloppent de leurs ailes. Les petits scarabées, après avoir servi de phylactère, finirent par n’être plus que des bijoux sans valeur religieuse, comme les croix que nos femmes portent au cou en complément de leur toilette. On en faisait des chatons de bague, les pendeloques d’un collier ou d’une boucle d’oreille, les perles d’un bracelet. Le plat est souvent nu, plus souvent orné de dessins creusés dans la masse, sans modelé d’aucune sorte ; le relief proprement dit, celui du camée, était inconnu des lapidaires égyptiens avant l’époque grecque. Les sujets n’ont pas été encore classés, ni même recueillis entièrement. Ce sont de simples combinaisons de lignes, des enroulements, des entrelacs sans signification précise, des symboles auxquels le propriétaire attachait un sens mystérieux, et que personne, sauf lui, ne pouvait comprendre, le nom et les titres d’un individu, des cartouches royaux ayant un intérêt historique, des souhaits de bonheur, des éjaculations pieuses, des conjurations magiques. Plusieurs scarabées d’obsidienne et de cristal remontent à la VIe dynastie. D’autres, assez grossiers et sans écriture, sont en améthyste, en émeraude et même en grenat ; ils appartiennent aux commencements du premier empire thébain. À partir de la XVIIIe dynastie, on les compte par milliers, et le travail en est d’un fini proportionné au plus ou moins de dureté de la pierre. C’est, du reste, le cas pour toutes les sortes d’amulettes. Les têtes d’hippopotame, les âmes à visage humain, les cœurs qu’on ramasse à Taoud, au sud de Thèbes, sont à peine ébauchés ; l’améthyste et le feldspath vert d’où on les dégageait présentaient à la pointe une résistance, presque invincible. Au contraire, les boucles de ceinture, les équerres, les chevets en jaspe rouge, en cornaline et en hématite, sont ciselés jusque dans les moindres détails ; les pierres étaient de celles qu’un instrument médiocre attaque sans difficulté. Le lapis-lazuli est tendre, cassant ; il tient mal ses arêtes et semble ne se plier à aucune finesse. Les Égyptiens y ont façonné pourtant des portraits de déesses, des Isis, des Nephthys, des Nit, des Sokhit, qui sont de véritables merveilles de délicatesse. Les reliefs du corps y sont poussés avec autant d’assurance que s’ils étaient ménagés dans une matière moins capricieuse, et les traits du visage, ne perdent rien à être étudiés à la loupe. La plupart du temps on a procédé d’une autre méthode. Au lieu de détailler le relief, on l’a abrégé autant que possible, et on l’a procuré par larges plans contrariés, sacrifiant le rendu de chaque partie à l’effet de l’ensemble. Les saillants et les creux du visage sont accentués fortement. L’épaisseur du cou, la coupe de la gorge et de l’épaule, l’étroitesse de la taille, l’évasement des hanches, la rondeur du ventre sont exagérés. Une arête presque tranchante dessine la ligne de la cuisse et du tibia. Les pieds et les mains sont légèrement agrandis. Tout cela est le produit d’un calcul à la fois hardi et judicieux. Une réduction mathématiquement exacte du modèle n’est pas aussi heureuse qu’on pourrait croire, lorsqu’il s’agit de sculpter en miniature. La tête perd son caractère, le cou paraît trop faible, le buste n’est plus qu’un cylindre inégalement bosselé, les extrémités ne semblent plus assez solides pour soutenir le poids du corps, les lignes principales ne se démêlent plus du chaos des secondaires. En supprimant le plus des formes accessoires, et en développant celles qui contribuent à l’expression, les Égyptiens ont échappé au danger de ne faire que des figurines insignifiantes. L’œil rabat de lui-même ce qu’il y a de trop dans ce qu’il voit et suppose le reste. Grâce à cette tricherie habile, telle statuette de divinité, qui mesure à peine trois centimètres, a presque l’ampleur et la gravité d’un colosse.

Le mobilier des dieux et celui des morts étaient pour une bonne part en pierre solide et durable. J’ai signalé ailleurs les petits obélisques funéraires qui proviennent des tombes de l’ancien empire, les bases d’autel, les stèles, les tables d’offrandes. La mode était de fabriquer les tables en albâtre ou en calcaire au temps des pyramides, en granit ou en grès rouge sous les rois thébains, en basalte ou en serpentine, à partir de la XXVIe dynastie ; mais la mode n’avait rien d’obligatoire, et l’on en trouve de toute pierre à toutes les époques. Quelques-unes ne sont que des disques plats ou creusés légèrement en cuvette. D’autres sont rectangulaires et étalent, à la partie supérieure, des pains, des vases, des quartiers de bœuf et de gazelle, des fruits sculptés en relief. Dans celle de Sitou, la libation, au lieu de s’écouler au dehors, était recueillie dans un bassin carré, divisé en étages pour montrer la hauteur de l’eau du Nil dans les réservoirs de Memphis, aux différentes saisons, vingt-cinq coudées en été pendant l’inondation, vingt-trois en automne et au commencement de l’hiver, vingt-deux à la fin de l’hiver et au printemps. Ces formes diverses prêtent peu au beau ; une des tables de Saqqarah est pourtant une œuvre véritable d’art. Elle est en albâtre. Deux lions debout, accotés, soutiennent une tablette rectangulaire, inclinée en pente douce ; une rigole conduit la libation dans un vase placé entre la queue des deux bêtes. Les oies en albâtre de Lisht ne manquent pas non plus de mérite ; elles sont coupées en long par le milieu et dûment évidées en manière de boîte. Celles que j’ai vues ailleurs, et en général toutes les figures d’offrandes, pains, gâteaux, têtes de bœuf ou de gazelle, grappes de raisin noir en calcaire peint, sont d’un goût douteux et d’une main maladroite. Elles ne sont pas d’ailleurs très fréquentes, et je n’en ai guère rencontré en dehors des tombes de la Ve et de la XIIe dynastie. Les canopes, au contraire, étaient toujours d’un travail très soigné. On n’employait que deux sortes de pierre à les fabriquer, le calcaire et l’albâtre ; mais les têtes qui les surmontent étaient souvent en bois peint. Les canopes de Pepi Ier sont en albâtre ; en albâtre aussi les têtes humaines des canopes qui appartenaient au roi enterré dans la pyramide méridionale de Lisht. L’une d’elles est même d’une finesse d’exécution qu’on ne saurait comparer qu’à celle de la statue de Khâfrî. Les statuettes funéraires les plus vieilles que nous ayons jusqu’à présent, celles de la XIe dynastie, sont en albâtre, comme les canopes ; mais, à partir de la XIIIe, on en taillait en calcaire fin. Le travail en est de valeur très inégale. Quelques-unes sont de véritables chefs-d’œuvre et nous rendent la physionomie du mort aussi fidèlement qu’une statue pourrait le faire. Les vases à parfums complétaient le mobilier des temples et des tombes. La nomenclature est loin d’en être fixée, et la plupart des termes spéciaux, que les textes nous fournissent, restent encore sans équivalent pour nous. Le grand nombre était en albâtre, tourné et poli : les uns, disgracieux et lourds ; les autres d’une élégance et d’une diversité de galbe, qui fait honneur à l’esprit inventif des ouvriers.

Ils sont fuselés et pointus par en bas, ou arrondis de la panse, étroits à la gorge, plats à la base.

Ils n’ont point d’ornements, si ce n’est parfois deux boutons de lotus, en guise d’anse, deux mufles de lion, une petite tête de femme, qui fait saillie à la naissance du goulot.

Les plus petits n’étaient pas destinés à contenir des liquides, mais des pommades, des onguents médicinaux, des pâtes miellées. Une des séries les plus importantes comprend des flacons au ventre rebondi, garnis au cou d’un léger rebord cylindrique et d’un couvercle plat.

Les Égyptiens y mettaient la poudre d’antimoine avec laquelle ils se noircissaient les sourcils et les yeux. Cet étui à kohol était un des objets de toilette le plus répandu, le seul peut-être dont l’usage fût commun à toutes les classes de la société. La fantaisie s’en mêlant, on lui donna toute sorte de formes empruntées à l’homme, aux plantes, aux animaux. C’est un lotus ouvert, un hérisson, un épervier, un singe serrant une colonne contre sa poitrine ou grimpant le long d’une jarre, une figure grotesque du dieu Bîsou, une femme agenouillée dont le corps évidé contenait la poudre, une jeune fille qui porte une amphore. L’imagination des artistes une fois lancée dans cette voie ne connut plus de limites, et tout leur fut bon, le granit, le diorite, la brèche et le jade rosé, l’albâtre, puis le calcaire tendre, dont le grain se prêtait mieux à rendre leurs caprices, puis une substance plus complaisante et plus souple encore, la terre peinte et émaillée. Si l’art de modeler et de cuire la terre ne s’est pas développé aussi pleinement en Égypte qu’il a fait en Grèce, ce n’est pas faute de matière première. La vallée du Nil fournit en abondance une argile fine et ductile, dont on aurait pu tirer le plus heureux parti si on s’était donné la peine de la préparer avec soin ; mais on lui préféra toujours les métaux et la pierre dure pour les objets de luxe, et le potier se contenta de fournir aux besoins les plus communs du ménage ou de la vie courante. La terre était prise sans choix, à l’endroit même où l’ouvrier se trouvait pour le moment, mal lavée, mal pétrie, puis façonnée au doigt, sur un tour en bois des plus primitifs, qu’on manœuvrait avec la main.

La cuisson était fort inégale. Certaines pièces ont été à peine exposées à la flamme et fondent au contact de l’eau ; d’autres ont la dureté de la tuile. Les tombes de l’ancien empire renferment chacune quelques vases d’une pâte jaune ou rouge, mêlée souvent, comme celle des briques, de paille ou d’herbe finement hachée. Ce sont des jarres de forte taille, sans pied, ni anse, à la panse ovoïde, au col bas, à l’orifice largement ouvert et bordé d’un bourrelet, des marmites et des pots de ménage où l’on emmagasinait les provisions du mort, des coupes plus ou moins profondes, des assiettes à fond plat, semblables à celles que les fellahs emploient aujourd’hui encore, parfois même des services de table ou de cuisine en miniature, destinés à remplacer les services de grandeur naturelle, trop coûteux pour les pauvres gens. La surface est rarement vernie, rarement polie et lustrée, le plus souvent recouverte d’une couche uniforme de peinture blanchâtre, qui n’a point reçu le coup de feu et se détache au moindre choc. Aucun dessin à la pointe, aucun ornement en creux ou en relief, aucune inscription, mais, autour du col, les traces de quatre ou cinq filets parallèles noirs, rouges ou jaunes. Les poteries des premières dynasties thébaines que j’ai recueillies à El-Khozam et à Gébéléïn sont plus soignées d’exécution que celles des dynasties memphites. Elles se répartissent en deux classes. La première comprend des vases à panse lisse et nue, noire par en bas, rouge sombre par en haut. L’examen des cassures montre que la couleur était mêlée à la pâte pendant le brassage : les deux zones, préparées séparément, étaient soudées ensuite de façon assez irrégulière, puis glacées uniformément. La seconde classe contient des vases de formes très variées, souvent bizarres, d’une terre rouge ou jaune terne, grands cylindres fermés par un bout, plats, oblongs, rappelant la coupe d’un bateau, burettes conjuguées, deux à deux, mais ne communiquant pas ensemble.

 

L’ornementation est répandue sur toute la surface et consiste d’ordinaire en raies droites, tirées parallèlement l’une à l’autre ou entre-croisées, en lignes ondées, en rangées de points ou de petites croix combinées avec les lignes, le tout en blanc quand le fond est rouge, en rouge brun quand il est jaune ou blanchâtre. De temps en temps, des figures d’hommes ou d’animaux s’intercalent au milieu des combinaisons géométriques. Le dessin en est rude, presque enfantin, et c’est à peine si l’on y reconnaît des troupeaux d’antilopes ou des scènes de chasse à la gazelle. Les manœuvres qui produisaient ces esquisses grossières étaient pourtant contemporains des artistes qui décoraient les grottes de Béni-Hassan. Pour la période des grandes conquêtes, les tombeaux thébains nous ont fourni de pleins musées de poteries, malheureusement assez peu intéressantes. D’abord des figurines funéraires, rapidement modelées à la main dans des galettes d’argile allongées. Un peu de terre pincé entre les doigts, et le nez sort de la masse ; deux pastilles et deux moignons ajoutés après coup représentent les yeux et les bras. Les plus soignées ont été façonnées dans des moules en terre cuite dont nous possédons de nombreux spécimens. Elles étaient généralement coulées d’une seule pièce, puis retouchées légèrement, cuites, peintes, au sortir du four, en rouge, en jaune et en blanc, chargées enfin d’hiéroglyphes à la pointe ou au pinceau. Plusieurs sont d’un style très fin et égalent presque les figurines en calcaire : celles du scribe Hori, conservées au musée de Boulaq, ont environ quarante centimètres de haut et montrent ce que les Égyptiens auraient pu faire en ce genre s’ils avaient voulu s’y adonner. Les cônes funéraires étaient des objets de pure dévotion, que l’art le plus consommé n’aurait pas réussi à rendre élégants. Figurez-vous une masse de terre conique, étirée de long, timbrée à la base d’un cachet sur lequel étaient imprimés le nom, la filiation, les titres du possesseur, et enduite jusqu’à la pointe d’une couche de couleur blanchâtre : c’étaient des simulacres de pains d’offrandes, destinés à nourrir le mort éternellement. Beaucoup des vases qu’on déposait dans la tombe sont peints en imitation d’albâtre, de granit, de basalte, de bronze ou même d’or, et sont la contrefaçon à bon marché des vases en matières précieuses que les riches donnaient aux momies. Parmi ceux qui ont servi à contenir de l’eau et des fleurs, quelques-uns sont revêtus de dessins au trait rouge et noir, cercles et rubans concentriques, méandres, emblèmes religieux, lignes croisées simulant des filets à mailles étroites, cordons de fleurs ou de boutons, tiges chargées de feuilles qui descendent du goulot sur la panse ou remontent de la panse au goulot : ceux du tombeau de Sennotmou avaient, sur l’une des faces, un large collier, analogue au collier des momies, et peint des plus vives couleurs pour imiter les fleurs naturelles ou les émaux.

Les canopes en terre cuite, rares à la XVIIe dynastie, deviennent de plus en plus fréquents à mesure que Thèbes s’appauvrit. Les têtes qui les recouvrent sont ordinairement jolies de coupe et d’expression, surtout la tête humaine. Modelées à la main, évidées pour diminuer le poids, puis cuites longuement, on les revêtait chacune des couleurs particulières au génie qu’elles représentaient. Vers la XXe dynastie, l’usage s’établit d’y enfermer le corps des animaux sacrés. Ceux qu’on trouve près d’Akhmîm contenaient des chacals et des éperviers ; ceux de Saqqarah, des serpents, des rats embaumés, des œufs ; ceux d’Abydos, des ibis. Les derniers sont de beaucoup les plus beaux. La déesse protectrice Khouit étend ses ailes sur la panse, tandis qu’Hor et Thot présentent la bandelette et le vase à onguent : le tout est en bleu et rouge sur fond blanc. À partir de l’époque grecque, la pauvreté augmentant toujours, la fabrication s’étendit des canopes aux cercueils. L’isthme de Suez, Ahnas-el-Médinéh, le Fayoum, Assouân, la Nubie, possèdent des nécropoles entières ou l’on ne rencontre que des sarcophages en terre cuite. Plusieurs ont l’apparence des caisses oblongues, arrondies aux deux bouts, au couvercle en dos d’âne. Celles qui ont encore la forme humaine sont de style barbare. La tête est surmontée d’une sorte de boudin qui simule l’ancienne coiffure égyptienne, les traits du visage sont indiqués en deux ou trois coups de pouce ou d’ébauchoir : deux petites pelotes, appliquées gauchement sur la poitrine, marquent un cercueil de femme. Même en ces derniers temps de la civilisation égyptienne, les pièces les plus grossières sont les seules qui gardent la teinte naturelle de la terre. Là, comme ailleurs, on la cachait presque toujours sous une couche de couleur ou d’émail richement coloré.

Le verre a été connu en Égypte de toute antiquité. La fabrication en est représentée dans quelques tombeaux, plusieurs milliers d’années avant notre ère.

L’ouvrier, assis devant le foyer, recueillait au bout de sa canne une petite quantité de matière en fusion, et la soufflait prudemment, en ayant soin de la maintenir à la flamme pour l’empêcher de durcir pendant l’opération. L’analyse chimique montre que le verre égyptien avait à peu près la même composition que le nôtre ; mais il renferme, outre la silice, la chaux, l’alumine, la soude, des quantités relativement considérables de substances étrangères, cuivre, oxyde de fer et de manganèse, dont on ne savait pas le débarrasser. Aussi n’est-il presque jamais d’une teinte très pure ; il a une nuance incertaine qui tire sur le jaune ou sur le vert. Certaines pièces, de mauvaise fabrication, se sont décomposées dans toute leur épaisseur, et tombent, à la moindre pression, en lamelles ou en poussière irisée. D’autres n’ont pas trop souffert du temps ou de l’humidité, mais elles sont striées et pleines de bulles. D’autres enfin, mais peu, sont d’une homogénéité et d’une limpidité parfaites. La vogue ne s’attachait pas, comme chez nous, aux verres incolores ; elle était aux verres de couleur, opaques ou transparents. On les teignait en mêlant des oxydes métalliques aux ingrédients ordinaires, du cuivre et du cobalt pour les bleus, du cuivre pour les verts, du manganèse pour les violets et pour les bruns, du fer pour les jaunes, du plomb ou de l’étain pour les blancs. Une variété de rouge haricot renferme trente pour cent de bronze et s’enveloppe d’une couche de vert-de-gris sous l’influence de l’humidité. Toute cette chimie était empirique et de pur instinct. Les ouvriers trouvaient autour d’eux les éléments nécessaires, ou les recevaient du dehors, et s’en servaient tels quels, sans être toujours assurés d’obtenir l’effet qu’ils recherchaient : beaucoup de leurs combinaisons les plus harmonieuses étaient dues au hasard, et ils ne pouvaient pas les reproduire à volonté. Les masses qu’ils obtenaient de la sorte atteignaient parfois des dimensions considérables : les auteurs classiques nous parlent de stèles, de cercueils, de colonnes d’une seule pièce. À l’ordinaire, on n’employait le verre qu’à la fabrication des petits objets, surtout à la contrefaçon des pierres fines. Si peu coûteuses qu’elles fussent sur les marchés de l’Égypte, elles n’étaient pas accessibles à tout le monde. Les verriers imitèrent l’émeraude, le jaspe, le lapis-lazuli, la cornaline, et cela avec une telle perfection que nous sommes souvent embarrassés aujourd’hui pour distinguer les pierres vraies des fausses. On les coulait dans des moules en pierre ou en calcaire à la forme qu’on voulait, perles, disques, anneaux, pendeloques de colliers, rubans et baguettes étroites, plaques chargées d’hommes ou d’animaux, images de dieux et de déesses. On en faisait des yeux et des sourcils pour le visage des statues en pierre ou en bronze, des bracelets pour leurs poignets, on les sertissait dans le creux des hiéroglyphes, on les découpait en hiéroglyphes, on en composait des inscriptions entières qu’on encadrait dans le bois, dans la pierre ou dans le métal. Les deux caisses où reposait la momie de Notemit, mère du pharaon Hrihor-Siamon, sont décorées de cette manière. Une feuille d’or les recouvre en entier, à l’exception de la coiffure et de quelques détails : les textes et les parties principales de l’ornementation sont formés d’émaux, dont les teintes vives se détachent sur le ton mat de l’or. Les momies du Fayoum étaient enduites de plâtre ou de stuc, où l’on incrustait les scènes et les légendes qu’on se contentait de peindre partout ailleurs. Les plus grandes étaient composées de plusieurs morceaux de verre, rapportés et retouchés au ciseau à l’imitation d’un bas-relief. Ainsi, la déesse Mâït a les nus, la face, les mains, les pieds, en bleu turquoise, la coiffure en bleu très sombre, la plume en filets alternativement bleus et jaunes, la robe en rouge haricot. Sur le naos en bols, récemment découvert dans le voisinage de Daphné, et sur un fragment de cercueil du musée de Turin, les hiéroglyphes en verre multicolore ressortent directement sur le fond sombre du bois. Le tout forme un ensemble d’un éclat et d’une richesse à peine concevables. Verres filigranés, verres gravés et taillés, verres soudés, verres simulant le bois, la paille, la corde, les Égyptiens n’ont rien ignoré. J’ai eu entre les mains une règle carrée, formée de baguettes multicolores agglutinées, et dont la tranche laissait lire le cartouche d’un des Amenemhât : le motif se prolongeait dans la masse, et, à quelque endroit de la hauteur qu’on le coupât, le cartouche reparaissait. Les verres à miniatures remplissent presque à eux seuls une vitrine entière du musée de Boulaq. Ici, c’est un singe à quatre pattes, qui flaire un gros fruit posé à terre. Là, un portrait de femme, dessiné de face, sur fond blanc ou vert d’eau encadré de rouge. La plupart des plaques ne représentent que des rosaces, des étoiles, des fleurs isolées ou mariées en bouquet. Une des plus petites porte un bœuf Apis, à la robe blanche et noire, debout, marchant : le travail en est si délicat qu’il ne perd rien à être examiné à la loupe. La plupart des objets de ce genre ne sont pas antérieurs à la première dynastie saïte ; mais les fouilles exécutées à Thèbes ont prouvé que, dès le Xe siècle avant notre ère, le goût et, par suite, la fabrication des verres multicolores étaient chose commune en Égypte. On a recueilli, à Gournét-Murraï et à Shéikh-Abd-el-Gournah, non seulement les amulettes à l’usage des morts, colonnettes, cœurs, yeux mystiques, hippopotames debout sur leurs pattes de derrière, canards accouplés, en pâtes bleues, rouges, jaunes, mélangées, mais des vases du type de ceux qu’on est accoutumé à considérer comme étant de travail phénicien et cypriote. Voici, par exemple, une petite œnochoé en verre bleu clair semi-opaque : l’inscription au nom de Thoutmos III, les oves du goulot et les palmes de la panse sont tracés en jaune.

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