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Diderot et le Curé de Montchauvet

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L'estomac, tout farci de foin et de verdure,
Me donna des hoquets et des indigestions;
Il fallut recourir aux évacuations.
Mon premier médecin m'ordonna la rhubarbe;
Le lendemain, ce fut un furieux jour de barbe.12
 

III

Le Club holbachique s'était proposé d'achever de rendre fou le curé de Montchauvet, s'il y manquait quelque chose. Ils y réussirent; car, l'année suivante, le curé revint à Paris et n'hésita pas un seul instant à soumettre aux encyclopédistes la nouvelle pièce qu'il avait rimaillée au fond de son village. C'était la tragédie de Baltazard, dans laquelle, pendant quatre mortels actes, il s'agit de savoir, – selon la fameuse théorie inventée par l'abbé Le Petit, – si le roi soupera ou s'il ne soupera pas.

On voit d'abord paraître les deux mages, Hyrcan et Arbate. Baltazard vient d'être vaincu. Sans aucun doute, la défaite du roi les affecte profondément; mais ce qui les tourmente par-dessus tout, c'est la crainte de ne pas souper.

Pendant qu'ils délibèrent, sans rire, sur cette grave question, survient Aristée, femme du roi et fille d'Abradate, roi de la Susiane; elle vient (elle ne s'en cache pas) pour faire un monologue; mais comme la présence des deux mages la gêne: «Éloignez-vous…» leur dit-elle. Alors elle demande aux Dieux, qu'elle appelle «puissants moteurs», de lui rendre compte de l'indigne sort de son époux: «Que vais-je devenir?» s'écrie-t-elle:

 
Où fuir et dans quels lieux, quelle obscure contrée,
Dérober aux humains une reine éplorée?
 

Mais, tout bien réfléchi, elle ne veut pas se risquer

 
Chez un peuple farouche,
Sans espoir d'y fléchir des cœurs que rien ne touche.
 

Mieux vaut aller trouver Baltazard et périr avec lui. Baltazard lui épargne cette peine. Il vient,

 
Non pas brillant de gloire,
Et tel qu'à son départ il vantait sa victoire…
 

Il est vaincu, mais il n'est pas découragé. A l'entendre faire le récit de la bataille qu'il a perdue, on croirait presque qu'il l'a gagnée:

 
Je m'avance à grands pas dans le sein de la gloire;
Tout nage dans le sang; une grêle de dards
Fait du jour une nuit; ce n'est de toutes parts
Qu'un spectacle effrayant d'hommes qui s'embarrassent,
De chevaux renversés, de chars qui se fracassent.
 

Qu'allez-vous faire? lui demande Aristée. Tâchez de fléchir notre vainqueur:

 
S'il en est temps encor, proposez-lui la paix,
Et cherchez dans lui-même un ami pour jamais.
 

Non, répond Baltazard, je veux souper, et

 
Dans ces vases sacrés qu'à Sion on regrette
J'éteindrai mes chagrins, ma honte et ma défaite;
Et, dût vomir le Juif mille imprécations,
Je les ferai servir à mes libations.
 

Cette impiété donne le frisson à la reine. – Ne soupez pas, seigneur, lui dit elle, ou du moins ne soupez que si les mages l'ordonnent.

Baltazard est bien contrarié de voir que l'indifférence de la reine

 
Refuse à ses malheurs la moindre déférence.
 

Mais enfin il cède: il consultera les devins. Hyrcan et Arbate accourent. Secourez-moi, leur crie Baltazard du plus loin qu'il les voit. Dois-je souper ou ne pas souper? Et il a soin d'ajouter, afin de leur dicter leur réponse:

 
Parlez, et, consolant mon esprit agité,
Songez qu'un jour si beau flatte ma volonté
 

Les mages ont compris: Seigneur, il faut souper. Telle est leur réponse. Mais l'allégresse du roi est de courte durée. Survient Nitocris, sa mère, qui ne veut pas qu'on soupe.

– Y songez-vous, lui dit-elle,

 
Insensible à l'État, votre cœur le néglige,
Et vous n'allez au temple, où rien ne vous oblige,
Que pour sacrifier, au gré de vos désirs,
Moins à l'amour des dieux qu'à l'attrait des plaisirs,
Occupé d'une fête, où, parmi la crapule,
La nuit ne connaîtra ni remords ni scrupule!
 

Le roi n'écoute pas. Bien décidé à souper, il s'en va et laisse sa mère exhaler sa douleur dans un monologue. Il pousse l'audace encore plus loin: il dépêche vers elle les deux mages, qui la prient respectueusement de venir souper. Nitocris, comme on le pense bien, refuse énergiquement. Baltazard, ennuyé, vient la chercher lui-même.

Nitocris et son fils s'accablent mutuellement de reproches:

 
A quoi bon (dit Baltazard) m'opposer ce beau titre de mère
S'il ne devient pour moi qu'une loi trop amère,
Si vous me refusez jusqu'à de saints plaisirs,
Et ne me rappelez que peines et soupirs?..
Ah! comment osez-vous, après ce caractère,
Me nommer votre fils et vous dire ma mère?
– Ingrat! (répond Nitocris) puis-je oublier l'excès de cet amour
Qui, quoi que vous disiez, vous mérita le jour?
Et pouvois-je empêcher que le ciel vous fît naître
Dans le sein qu'il choisit pour vous procurer l'être?
Mais si vous le devez, ce jour, à Nitocris,
Montrez donc désormais que vous êtes son fils;
Commencez à briser cette chaîne fatale
Dont vous chérissez tant le poids qui vous ravale,
Ce joug empoisonné, que d'indignes flatteurs
Savent, pour vous séduire, orner de tant de fleurs…
 

L'hypocrite Baltazard feint de se rendre aux conseils de sa mère:

 
Je vais joindre Cyrus (lui dit-il) et, sans le moindre effroi,
Lui montrer que je sais vaincre et mourir en roi.
 

A peine Nitocris a-t-elle le dos tourné: «Allons souper», s'écrie-t-il.

Ainsi finit le troisième acte. Le quatrième s'ouvre par un monologue. Baltazard a changé d'idée: il ne soupera pas; il ne veut pas que sa mère regrette

 
De n'avoir enfanté qu'un fils pusillanime.
 

Mais il a compté sans les mages, Hyrcan et Arbate, qui viennent le relancer jusque dans son palais. Il se sent faiblir: aussi, pour se donner du courage, il se dit à lui-même:

 
… Soutiens-toi, Baltazard!
 

Les mages sont les plus forts: ils n'ont qu'à faire un signe, le tonnerre gronde, et le pauvre roi ne sait où se cacher:

 
Qu'entends-je, malheureux! Quelle indignation!
Ah! mages, détournez votre imprécation!
Un feu secret et prompt, qui déjà me dévore,
Me prouve que le ciel ordonne qu'on l'honore.
C'en est fait. Je me rends et n'écoute que lui,
Heureux si sa bonté me secoure (sic) aujourd'hui!
Allez donc, qu'au banquet toute ma cour s'empresse
De noyer pour jamais son deuil et sa tristesse!
 

On soupera donc, enfin! La table du festin est dressée: on la couvre des coupes sacrées du temple de Jérusalem.

Au moment où Baltazard demande à boire aux mages, Nitocris se présente et reproche à son fils de perdre le sentiment. (L'auteur voulait sans aucun doute dire le sens.)

Baltazard daigne à peine répondre:

 
Madame, jusqu'à quand votre importune voix!..
Donnez, mages, donnez; c'est trop me faire attendre.
 

Mais à peine les mages ont-ils présenté la coupe au roi, qu'on voit une main écrire sur la muraille les fameux mots: Mané, Thécel, Pharès.

 
Que vois-je, mes amis (s'écrie Baltazard), et quel spectre nouveau
Crayonne sur ces murs un effrayant tableau?
Voyez-vous, comme moi, cette main qui nous trace
Certains mots, où mon sang dans mes veines se glace?
Ma coupe malgré moi s'échappe de mes doigts,
Et je sens peu à peu se dérober ma voix.
Mes yeux sont chancelants; mes genoux s'entrechoquent,
Et toutes les horreurs à la fois me suffoquent.
 

Inutile d'ajouter que Baltazard est vaincu de nouveau et tué par Cyrus. Mais ce qu'il faut dire (car on ne s'en douterait guère), c'est que Cyrus, à peine entré dans Babylone, fait une déclaration des plus galantes à la reine Aristée. Celle-ci, comme on le pense bien, est furieuse:

 
Dois-je donc respecter (lui dit-elle) un bras qui n'a servi
Qu'à renverser un roi qu'il a trop poursuivi?
Taire tant de forfaits qu'un tyran autorise,
Et briser un pinceau qui te caractérise?
Barbare! je ne puis assez t'humilier!
 

Cyrus n'est pas très flatté de ces dédains; car, si on l'en croit, sans Aristée, le trône où il monte n'est plus

 
… qu'un redoutable ennui.
 

Mais il n'est pas au bout de ses peines. Nitocris vient lui reprocher la mort de son fils, et se tue presque sous ses yeux. Aristée veut en faire autant. Cyrus l'arrête. «Laisse-moi mourir,» lui crie-t-elle:

 
… Accorde au moins cette grâce dernière
Au reste infortuné d'une famille entière
 

Cyrus tient bon, l'empêche de s'occire, et met fin à la tragédie par ces vers mémorables, mais bien peu en situation, puisque Nitocris est morte:

 
 
Secourons Nitocris, et demandons aux dieux
Qu'ils fassent de ce jour un jour moins odieux!
 

Il est fâcheux que Grimm ne nous ait pas noté les divers incidents auxquels a dû donner lieu la lecture de ce chef-d'œuvre. Il se contente de dire: «Le curé nous a tenu parole; il est revenu avec une seconde tragédie, intitulée Baltazard, tout aussi bonne que la première. Je crois qu'il n'a pas pu trouver d'imprimeur. Mais il est reparti pour sa cure un peu plus content de nous.»

Dans la préface de Baltazard, le curé de Montchauvet nous en dira plus long: «Le peu de succès de ma première pièce m'avoit presque déterminé à n'en pas entreprendre une seconde. Cependant, je pensois que si Racine avoit été découragé par la médiocrité des Frères ennemis, nous n'aurions jamais eu ni Yphigénie (sic), ni Phèdre; et je repris la plume que la critique m'avoit presque fait tomber des mains. Je composai donc mon Baltazard après ma Bethsabée, à qui je donnai un frère, comme M. de Boissy l'a dit également du Méchant de M. Gresset. J'apportai à Paris cette seconde production de ma verve échauffée et de mon génie irrité par les difficultés, bien résolu de la sacrifier, si je ne me trouvois pas autant au-dessus de moi-même que je le désirois, et que Racine et Corneille s'étoient montrés supérieurs à eux-mêmes, à mesure qu'ils se familiarisoient davantage avec le génie dramatique. Il ne s'agissoit plus que de rencontrer des juges équitables qui m'éclairassent ou sur ma médiocrité ou sur mes progrès. Mais où trouver ces juges équitables dans une ville fausse comme celle-ci, où l'on semble prendre à tâche de décourager ceux qui donnent quelque espérance? Heureusement, un homme distingué par sa naissance, son goût, sa probité, et surtout par l'accueil qu'il daigne faire aux talents naissants, s'offrit à rassembler chez lui cinq ou six des meilleurs esprits, qui la jugeroient avec la dernière sévérité, et qui m'apprendroient par le jugement qu'ils en porteroient, celui que j'en devois porter moi-même. L'avouerai-je? L'examen fut sanglant, et je laissai mes critiques bien convaincus qu'ils avoient rempli le projet, que peut-être ils avoient formé, de me ramener à des fonctions que je reconnaîtrai sans peine avec eux très supérieures à l'occupation d'un poète, ce poète fût-il plus grand que Racine et Corneille. Mais je réfléchis sur leurs observations; je vis bientôt qu'il n'y avoit aucune pièce au monde sur laquelle on n'en pût faire d'aussi solides; et je parvins à me démontrer évidemment que ma seconde tentative dramatique m'avoit beaucoup mieux réussi que je n'aurois osé le penser, sans le suffrage de tous mes censeurs. Je dis le suffrage, car ce fut le véritable jour sous lequel je ne tardai pas à voir leur critique. Je me dis à moi-même: Comment! Voilà donc à quoi se réduit tout ce que les hommes de Paris, qui passent pour avoir le plus d'esprit, trouvent de répréhensible dans mon ouvrage? En vérité, il faut qu'il soit mieux que bien: je ne risque donc rien à le publier; et j'eus tout l'empressement que donne l'espoir du succès, de le porter à mon imprimeur. C'est donc à ces Messieurs plutôt encore qu'à moi que le lecteur en doit la publicité… J'en vais méditer une troisième. Je suis jeune, j'ai du courage, et pour peu que je m'élève à chaque essort (sic) que je prendrai, j'espère me voir enfin à une hauteur suffisante pour contenter la vanité d'un auteur qui n'en a pas beaucoup. Ainsi soit-il!»

12Voir à l'Appendice.