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Histoire de la Guerre de Trente Ans

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Instruit de tout ce qui se traitait à son avantage dans le cabinet de Ferdinand, Wallenstein prit assez d'empire sur lui-même pour cacher son triomphe intérieur et jouer le rôle d'un homme indifférent. Le temps de la vengeance était venu, et son cœur orgueilleux jouissait d'avance de rendre à l'empereur, avec usure, l'affront qu'il avait reçu. Il s'étendit avec une éloquence étudiée sur l'heureuse tranquillité de la vie privée, qui faisait sa félicité depuis son éloignement du théâtre politique. Il avait, disait-il, goûté trop longtemps les charmes de l'indépendance et du loisir, pour les sacrifier au vain fantôme de la gloire et à l'incertaine faveur des princes. Tous ses désirs de grandeur et de puissance étaient évanouis, et le repos était l'unique objet de ses vœux. Pour ne trahir aucune impatience, il refusa même l'invitation de se rendre à la cour de l'empereur; cependant, pour faciliter les négociations avec elle, il s'avança jusqu'à Znaïm, en Moravie.

On essaya d'abord de limiter, par la présence d'un surveillant, la grandeur du pouvoir qu'on allait lui remettre, et de réduire au silence, par cet expédient, l'électeur de Bavière. Les envoyés de l'empereur, Questenberg et Werdenberg, qui furent employés, comme anciens amis de Friedland, à cette négociation épineuse, eurent l'ordre de mettre en avant, dans leur proposition, le roi de Hongrie, qui devait suivre l'armée et apprendre l'art de la guerre sous la conduite de Wallenstein. Mais la simple mention de ce nom menaça de rompre toute la conférence. «Jamais, déclara hautement le duc, jamais il ne souffrirait un aide dans sa charge, quand ce serait Dieu même avec qui il devrait partager le commandement.» Mais, même après qu'on se fut désisté de cette condition odieuse, le favori et ministre de l'empereur, le prince d'Eggenberg, ami de Wallenstein et son constant défenseur, qu'on avait envoyé en personne auprès de lui, épuisa longtemps en vain son éloquence pour vaincre sa répugnance affectée. Le ministre avouait que «le monarque avait perdu, en se privant de Wallenstein, la plus précieuse pierre de sa couronne; mais cette décision, assez regrettée, il ne l'avait prise que par force et à contre-cœur; son estime pour le duc n'avait éprouvé aucun changement; sa faveur lui était demeurée constante. Une preuve irrécusable était la confiance exclusive qu'on mettait aujourd'hui dans sa fidélité et ses talents, pour réparer les fautes de ses prédécesseurs et changer toute la face des choses. Ce serait agir avec noblesse et grandeur de sacrifier un juste ressentiment au bien de la patrie; il serait beau, il serait digne de lui de confondre les calomnies de ses adversaires par un redoublement de zèle. Ce triomphe sur lui-même, disait enfin le prince, couronnerait ses autres mérites incomparables, et ferait de lui le plus grand homme de son siècle.»

Des aveux si humiliants, des assurances si flatteuses, parurent désarmer enfin la colère de Friedland. Mais il ne prêta pas l'oreille aux séduisantes propositions du ministre avant d'avoir pleinement déchargé son cœur de tous les reproches qu'il faisait à son maître, avant d'avoir étalé, avec une pompe fastueuse, toute l'étendue de ses mérites, et rabaissé profondément le monarque qui avait maintenant besoin de son secours. Comme s'il cédait seulement à la force des raisons qu'on avait fait valoir, il accorda, avec une orgueilleuse générosité, ce qui était le plus ardent désir de son âme, et daigna faire briller aux yeux de l'ambassadeur un rayon d'espérance. Mais, bien éloigné de faire cesser tout d'un coup l'embarras de l'empereur par un entier et absolu consentement, il n'accorda qu'une moitié de la demande, afin de mettre l'autre moitié, la plus importante, à un prix d'autant plus élevé. Il accepta le commandement, mais seulement pour trois mois, seulement pour mettre sur pied une armée, non pour la commander lui-même. Il voulait uniquement, par cette création, manifester sa capacité et sa puissance, et montrer de près à l'empereur la grandeur des secours dont lui Wallenstein pouvait disposer. Persuadé qu'une armée, que son nom seul aurait tirée du néant, y rentrerait, si elle était privée de son créateur, il ne voulait s'en servir que comme d'un appât, pour arracher à son maître des concessions d'autant plus importantes, et cependant Ferdinand se crut bien heureux d'avoir du moins gagné cela.

Wallenstein ne tarda pas longtemps à remplir sa promesse, que toute l'Allemagne raillait comme chimérique et que Gustave-Adolphe lui-même trouvait exagérée. Mais les bases de cette entreprise étaient dès longtemps posées, et il ne fit alors que mettre en jeu les machines qu'il avait préparées dans cette vue depuis plusieurs années. A peine la nouvelle de son armement se fut-elle répandue, que des bandes de soldats accoururent de toutes les extrémités de la monarchie autrichienne, pour tenter la fortune sous ce général expérimenté. Un grand nombre, qui avaient déjà combattu autrefois sous ses drapeaux, admiré de près sa grandeur et éprouvé sa générosité, sortirent de l'obscurité à cet appel, afin de partager avec lui, une seconde fois, gloire et butin. L'élévation de la solde promise en attira des milliers, et le riche entretien, qui était assuré au soldat aux dépens du paysan, fut pour celui-ci une invincible tentation d'embrasser plutôt lui-même cet état que de succomber sous l'oppression militaire. On contraignit toutes les provinces autrichiennes de contribuer pour cet armement coûteux; aucune condition ne fut exempte de taxes; aucune dignité, aucun privilége ne dispensaient de la capitation. La cour d'Espagne ainsi que le roi de Hongrie accordèrent une somme considérable; les ministres firent des dons magnifiques; et Wallenstein lui-même sacrifia deux cent mille écus de ses biens particuliers pour hâter l'armement. Il soutint sur sa cassette les officiers pauvres; et, par son exemple, par un brillant avancement, par des promesses plus brillantes encore, il excita les riches à lever des troupes à leurs frais. Qui mettait un corps sur pied avec ses propres ressources en avait le commandement. Dans la nomination des officiers, la religion ne faisait aucune différence: l'expérience, la richesse et le courage étaient plus considérés que la croyance. Cette justice égale envers les différentes sectes, et plus encore la déclaration que l'armement actuel n'avait rien à démêler avec la religion, tranquillisèrent le sujet protestant et le portèrent à contribuer comme les autres aux charges publiques. En même temps, le duc ne négligea pas de négocier, en son propre nom, avec les États étrangers pour obtenir des hommes et de l'argent. Il décida le duc de Lorraine à marcher une seconde fois pour l'empereur; il fallut que la Pologne lui fournît des cosaques, l'Italie des munitions de guerre. Avant que le troisième mois fût écoulé, l'armée, rassemblée en Moravie, ne se montait pas à moins de quarante mille hommes, la plupart tirés de ce qui restait de la Bohême, de Moravie, de Silésie et des provinces allemandes de la maison d'Autriche. Ce que chacun avait jugé inexécutable, Wallenstein, à l'étonnement de toute l'Europe, l'avait accompli dans un très-court espace de temps. La magie de son nom, de son or et de son génie avait appelé sous les armes plus de milliers d'hommes qu'on n'eût espéré avant lui d'en rassembler de centaines. Fournie, jusqu'à la profusion, de toutes les choses nécessaires, commandée par des officiers expérimentés, enflammée d'un enthousiasme qui promettait la victoire, cette armée nouvelle n'attendait qu'un signe de son chef pour se montrer digne de lui par de valeureux exploits.

Le duc avait rempli sa promesse, l'armée était prête à entrer en campagne: alors il se retira et remit à l'empereur le soin de lui donner un général. Mais il eût été aussi facile de lever une seconde armée comme celle-là, que de trouver pour elle un autre chef que Wallenstein. Cette armée, qui promettait tant de choses, la dernière espérance de l'empereur, n'était rien qu'un prestige, aussitôt que se dissipait l'enchantement qui l'avait produite. Wallenstein lui avait donné l'être: sans lui, elle rentrait dans le néant, comme une création magique. Les officiers étaient engagés envers lui comme ses débiteurs, ou liés étroitement, comme ses créanciers, à son intérêt et à la durée de sa puissance: il avait donné les régiments à ses parents, à ses créatures, à ses favoris. C'était lui, lui seul, qui pouvait tenir aux troupes les enivrantes promesses par lesquelles il les avait attirées à son service. Sa parole donnée était pour tous la seule garantie de leurs audacieuses espérances; une confiance aveugle en sa toute-puissance était l'unique lien qui confondait en un vivant esprit de corps les différents mobiles de leur zèle. C'en était fait de la fortune de chacun, aussitôt que se retirait celui qui en avait garanti l'accomplissement.

Quoique le refus de Wallenstein ne fût nullement sérieux, il ne se servit pas moins avec beaucoup de succès de cet épouvantail pour arracher à l'empereur l'acceptation de ses conditions exorbitantes. Les progrès de l'ennemi rendaient le péril chaque jour plus pressant, et le secours était si près! Il dépendait d'un seul homme de mettre une prompte fin à la détresse générale. Pour la troisième et dernière fois, le prince d'Eggenberg reçut donc l'ordre de décider son ami, même au prix des plus durs sacrifices, à se charger du commandement.

Il le trouva à Znaïm, en Moravie, fastueusement environné des troupes dont il faisait convoiter la possession à l'empereur. L'orgueilleux sujet reçut l'envoyé de son souverain comme un suppliant. «Jamais, répondit-il, il ne pourrait se fier à un rétablissement qu'il devait uniquement à la détresse, non à la justice de l'empereur. A la vérité, on le cherchait maintenant que le danger était au comble, et qu'on n'espérait de salut que de son bras, mais le service rendu ferait bientôt retomber son auteur dans l'oubli, et l'ancienne sûreté ramènerait l'ancienne ingratitude. Toute sa gloire était compromise, s'il trompait l'attente que l'on fondait sur lui; et son bonheur, son repos, s'il réussissait de la satisfaire. Bientôt se réveillerait contre lui l'ancienne jalousie, et le monarque dépendant d'autrui ne ferait nulle difficulté de sacrifier une seconde fois aux convenances du moment un serviteur qui aurait cessé d'être nécessaire. Il valait mieux pour lui abandonner tout de suite et librement un poste d'où il serait d'ailleurs précipité tôt ou tard par les cabales de ses adversaires. Il n'attendait plus de sûreté et de contentement qu'au sein de la vie privée, et c'était uniquement pour obliger l'empereur qu'il s'était arraché pour quelque temps, et bien malgré lui, à son heureuse tranquillité.»

 

Le ministre, fatigué de cette longue comédie prit alors un ton plus sérieux et menaça l'obstiné Wallenstein de toute la colère du monarque, s'il persistait dans sa résistance. «La majesté de l'empereur, lui dit-il, s'était assez profondément abaissée, et, au lieu d'émouvoir sa générosité par la condescendance, elle n'avait fait que caresser son orgueil et accroître son opiniâtreté. S'il fallait qu'elle eût fait inutilement ce grand sacrifice, il ne répondait pas que le suppliant ne se changeât en maître et que le monarque ne vengeât sur le sujet rebelle sa dignité offensée. Quelque faute que Ferdinand pût avoir commise, l'empereur avait le droit d'exiger la soumission; l'homme pouvait se tromper, mais le souverain ne pouvait jamais avouer son erreur. Si le duc de Friedland avait souffert par une injuste sentence, il serait dédommagé de toutes ses pertes; la majesté souveraine pouvait guérir les blessures qu'elle-même avait faites. Réclamait-il des garanties pour sa personne et des dignités, l'équité de l'empereur ne lui refuserait aucune demande légitime. Seule, la majesté méprisée ne se pouvait apaiser par aucune réparation, et la désobéissance à ses ordres effaçait même le plus éclatant mérite. L'empereur avait besoin de ses services, et, comme empereur, il les exigeait. Quelque prix que Wallenstein voulût y mettre, l'empereur le lui accordait. Mais il voulait l'obéissance; sinon, le poids de sa colère écraserait l'indocile serviteur.»

Wallenstein, dont les vastes possessions, enclavées dans la monarchie autrichienne, étaient sans cesse à la merci du pouvoir impérial, sentit vivement que cette menace n'était pas vaine; mais ce ne fut pas la crainte qui surmonta enfin son obstination simulée. Ce langage impérieux ne lui découvrit que trop clairement la faiblesse et le désespoir qui en étaient la source; l'empressement de l'empereur à lui accorder toutes ses demandes lui persuada qu'il touchait au terme de ses vœux. Il se déclara donc vaincu par l'éloquence d'Eggenberg et le quitta pour aller rédiger ses conditions.

Le ministre n'attendait pas sans angoisse un écrit où le plus orgueilleux des serviteurs avait l'audace de dicter des lois au plus orgueilleux des princes. Mais, si faible que fût sa confiance en la modestie de son ami, les prétentions excessives contenues dans cet écrit dépassèrent cependant de bien loin ses craintes les plus vives. Wallenstein demandait une autorité suprême et absolue sur toutes les armées allemandes de la maison d'Autriche et d'Espagne, avec le pouvoir illimité de punir et de récompenser. Ni le roi de Hongrie, ni l'empereur lui-même n'auraient la permission de paraître à l'armée, et moins encore d'y faire aucun acte d'autorité. L'empereur ne devait y disposer d'aucun emploi, y distribuer aucune récompense; aucune lettre de grâce ne devait être valable sans la ratification de Wallenstein. Il disposerait seul, à l'exclusion de tous tribunaux de l'empereur et de l'Empire, de tout ce qui serait confisqué ou conquis en Allemagne. On lui céderait, à titre de récompense ordinaire, un domaine héréditaire impérial, et en outre, comme don extraordinaire, un des pays conquis dans l'Empire. Toute province autrichienne lui devait être ouverte, comme refuge aussitôt qu'il en aurait besoin. Il demandait de plus que le duché de Mecklembourg lui fût garanti dans le traité de paix futur; enfin il voulait un congé formel et signifié longtemps d'avance, si l'on devait juger nécessaire de lui retirer une seconde fois le généralat.

Vainement le ministre le pressa de modérer ces demandes, par lesquelles l'empereur allait être dépouillé de tous ses droits de souverain sur l'armée et abaissé à n'être qu'une créature de son général. On lui avait trop laissé voir l'absolue nécessité de ses services, pour être encore maître du prix qu'il faudrait les payer. Si la force des circonstances obligeait l'empereur de consentir à ces demandes, ce n'était pas un simple mouvement de vengeance et d'orgueil qui engageait le duc à les faire. Le plan de la révolte future était tracé, et l'on ne pouvait se passer pour l'accomplir d'aucun des avantages que Wallenstein cherchait à s'assurer dans son traité avec la cour. Ce plan exigeait que toute autorité en Allemagne fût ravie à l'empereur et passât dans les mains de son général: ce but était atteint aussitôt que Ferdinand aurait signé ces conditions. L'usage que Wallenstein se proposait de faire de son armée, et qui certes différait infiniment du dessein qu'on avait en la lui remettant, n'admettait aucun partage de pouvoir, et bien moins encore un pouvoir supérieur au sien. Pour qu'il fût le seul maître de leur volonté, il devait paraître aux yeux des soldats comme le seul maître de leur sort; pour se substituer insensiblement à son chef suprême, et attribuer à sa propre personne les droits de souveraineté que lui avait seulement prêtés la puissance suprême, il devait éloigner soigneusement celle-ci de la vue des troupes. De là son refus obstiné de souffrir, à l'armée, aucun prince de la maison d'Autriche. La liberté de disposer à son gré de tous les biens confisqués et conquis dans l'Empire lui offrait des moyens redoutables pour acheter des partisans et des instruments dociles, et pour jouer le dictateur en Allemagne, plus que jamais empereur ne se l'était permis en temps de paix. Par le droit de se servir au besoin des pays autrichiens comme de lieux de refuge, il obtenait la libre faculté de tenir l'empereur comme prisonnier dans ses propres États et par sa propre armée, d'épuiser la substance de ces provinces et de miner la puissance de l'Autriche dans ses fondements. Maintenant, quoi que le sort décidât, Wallenstein, par les conditions qu'il arrachait à l'empereur, avait également bien pourvu, dans tous les cas, à ses intérêts. Si les événements se montraient favorables à ses audacieux projets, ce traité lui en rendait l'exécution plus facile; si les conjonctures en déconseillaient l'exécution, du moins ce traité avait été pour lui le plus magnifique dédommagement. Mais comment pouvait-il croire valable un pacte qu'il arrachait à son maître et qui était fondé sur un crime? Comment pouvait-il espérer d'enchaîner l'empereur par une obligation qui condamnait à mort l'homme assez téméraire pour l'imposer? Cependant, ce criminel, digne de mort, était maintenant, dans toute la monarchie, le serviteur le plus indispensable, et Ferdinand, exercé à la feinte, lui accorda tout ce qu'il demandait.

Les troupes impériales avaient donc enfin un chef digne de ce nom. Tout autre pouvoir dans l'armée, même celui de l'empereur, cessa dès le moment où Wallenstein prit le bâton de commandement, et tout ce qui n'émanait pas de lui était de nulle valeur. Des rives du Danube jusqu'au Wéser et à l'Oder, on sentit le lever vivifiant de l'astre nouveau. Déjà un nouvel esprit anime les soldats de l'empereur; la guerre entre dans une nouvelle phase. Les espérances des catholiques se raniment, et le monde protestant observe avec inquiétude le changement des conjonctures.

Plus il avait fallu acheter à grand prix le nouveau général, plus, à la cour de l'empereur, on se croyait en droit d'espérer de grandes choses; mais le duc ne se pressa point de remplir cette attente. Aux portes de la Bohême, avec une formidable armée, il n'avait qu'à se montrer pour vaincre les Saxons affaiblis et ouvrir avec éclat sa nouvelle carrière en reconquérant ce royaume. Mais, satisfait d'inquiéter l'ennemi avec ses Croates, dans des engagements qui ne décidaient rien, il lui laissa en proie la meilleure partie du pays et marcha vers son but particulier à pas mesurés et tranquilles. Son plan n'était point de vaincre les Saxons, mais de s'unir avec eux. Uniquement occupé de cette affaire importante, il laissait, en attendant, reposer ses armes, afin de triompher d'autant plus sûrement par la voie des négociations. Il mit tout en œuvre pour détacher l'électeur de l'alliance suédoise, et Ferdinand lui-même, toujours disposé à la paix avec ce prince, approuva cette conduite. Mais les grandes obligations que les Saxons avaient aux Suédois étaient encore trop présentes à leur mémoire pour permettre une si honteuse perfidie; et, si même ils en avaient senti la tentation, le caractère équivoque de Wallenstein et le mauvais renom de la politique autrichienne ne leur permettaient de prendre aucune confiance en la sincérité des promesses du duc. Trop connu pour un trompeur dans son rôle d'homme d'État, il ne trouva nulle créance dans l'unique occasion où, vraisemblablement, il était sincère, et les circonstances ne souffraient pas encore que, en découvrant ses vrais motifs, il mît hors de doute la sincérité de ses intentions. Il résolut donc à contre-cœur d'arracher par la force des armes ce qu'il n'avait pu obtenir par la voie des négociations. Il rassembla promptement ses troupes et parut devant Prague, avant que les Saxons pussent secourir cette capitale. Après une courte résistance des assiégés, la trahison des capucins en ouvrit l'entrée à un de ses régiments, et la garnison, réfugiée dans le château, rendit les armes à des conditions honteuses. Maître de la capitale, il espéra, pour ses négociations à la cour de Saxe, un accueil plus favorable; toutefois, en même temps qu'il les renouvelait auprès du général d'Arnheim, il ne négligea pas de leur donner plus de poids par un coup décisif. Il ordonna d'occuper en toute hâte les étroits passages entre Aussig et Pirna, pour couper à l'armée saxonne le retour dans son pays; mais la célérité d'Arnheim la déroba heureusement au péril. Après la retraite de ce général, Égra et Leutmeritz, derniers asiles des Saxons, se rendirent au vainqueur, et le royaume rentra sous la domination de son souverain légitime en moins de temps qu'il n'avait été perdu.

Moins occupé des intérêts de son maître que de l'exécution de ses desseins, Wallenstein songea alors à porter la guerre en Saxe, pour contraindre l'électeur, en ravageant ses États, à un accommodement particulier avec l'empereur, ou plutôt avec le duc de Friedland. Mais, si peu accoutumé qu'il fût d'ailleurs à soumettre sa volonté à la force des circonstances, il comprit néanmoins la nécessité de subordonner, pour le moment, à une affaire plus pressante son projet favori. Tandis qu'il chassait les Saxons de la Bohême, Gustave-Adolphe avait remporté sur le Rhin et sur le Danube les victoires que nous avons racontées, et déjà il avait porté la guerre, à travers la Franconie et la Souabe, aux limites de la Bavière. Maximilien, battu au bord du Lech et privé de son meilleur appui par la mort de Tilly, insistait auprès de l'empereur pour qu'il envoyât au plus vite de Bohême à son secours le duc de Friedland, et éloignât le danger de l'Autriche même, en défendant la Bavière. Il adressa sa prière à Wallenstein lui-même, et lui demanda de la manière la plus pressante de détacher du moins, en attendant, quelques régiments à son aide, jusqu'à ce qu'il vînt lui-même, avec l'armée principale. Ferdinand appuya cette prière de toute son influence, et les courriers se succédèrent auprès de Wallenstein pour le déterminer à marcher sur le Danube.

Mais on put voir alors combien Ferdinand avait sacrifié de son autorité en remettant à d'autres mains son pouvoir sur les troupes et les droits du commandement. Indifférent aux prières de Maximilien, sourd aux ordres réitérés de l'empereur, Wallenstein demeura inactif en Bohême et abandonna l'électeur à son sort. Le souvenir des mauvais services que Maximilien lui avait rendus autrefois auprès de l'empereur, à la diète de Ratisbonne, s'était gravé profondément dans le cœur implacable de Friedland, et les récents efforts de l'électeur pour empêcher son rétablissement n'étaient pas restés un secret pour lui. Le moment était venu de venger cette injure, et l'électeur éprouva durement qu'il s'était fait un ennemi du plus vindicatif des hommes. «La Bohême, répondit Wallenstein, ne pouvait rester sans défense, et le meilleur moyen de couvrir l'Autriche était de laisser l'armée suédoise s'affaiblir devant les forteresses de Bavière.» C'est ainsi qu'il châtiait son ennemi par le bras des Suédois; et, tandis que les places tombaient l'une après l'autre dans leurs mains, il laissait l'électeur languir vainement à Ratisbonne dans l'attente de son arrivée. Ce fut seulement quand la complète soumission de la Bohême ne lui laissa plus d'excuse, et quand les conquêtes de Gustave-Adolphe en Bavière menacèrent l'Autriche elle-même d'un danger prochain, qu'il céda aux sollicitations de l'électeur et de l'empereur, et qu'il se résolut à opérer avec Maximilien la réunion longtemps désirée, qui, d'après l'espoir général des catholiques, devait décider du sort de toute la campagne.

 

Gustave-Adolphe lui-même, qui avait trop peu de monde pour tenir tête aux seules forces de Wallenstein, craignit la jonction de deux armées si puissantes, et l'on s'étonne avec raison qu'il n'ait pas montré plus d'activité pour l'empêcher. Il semble avoir trop compté sur la haine qui divisait les deux chefs et ne permettait d'attendre aucune association de leurs armes pour un but commun; et quand l'événement démentit ses conjectures, il n'était plus temps de réparer cette faute. A la première nouvelle certaine qu'il reçut de leur dessein, il courut, il est vrai, dans le haut Palatinat, pour fermer le chemin à l'électeur; mais celui-ci avait déjà pris les devants, et la jonction s'était opérée auprès d'Égra.

Wallenstein avait choisi cette place frontière pour théâtre du triomphe qu'il était à la veille de remporter sur son orgueilleux adversaire. Non content de le voir à ses pieds comme un suppliant, il lui imposait encore la dure loi de laisser derrière lui ses États sans défense, de venir de bien loin au-devant de son protecteur, et de faire, par une avance si marquée, l'humiliant aveu de sa détresse et de ses besoins. Le prince orgueilleux se soumit, même à cet abaissement, avec tranquillité. Ce n'était pas sans un pénible combat qu'il s'était décidé à devoir sa délivrance à celui qui n'aurait jamais eu un tel pouvoir si les choses étaient allées selon ses vœux; mais, une fois décidé, il était assez homme pour supporter toute offense inséparable de sa résolution, et il était assez maître de lui-même pour mépriser de petites souffrances lorsqu'il s'agissait de poursuivre un grand but.

Mais, autant il en avait coûté pour rendre seulement possible cette réunion, autant il était difficile de s'accorder sur les conditions auxquelles elle devait avoir lieu et se maintenir. Les forces combinées devaient être sous les ordres d'un seul général, si l'on voulait atteindre le but de la réunion; et des deux côtés on sentait également peu d'inclination à se soumettre à l'autorité d'un rival. Si Maximilien s'appuyait sur sa dignité d'électeur, sur la splendeur de sa race, sur sa haute position dans l'Empire, Wallenstein ne fondait pas de moindres prétentions sur sa gloire militaire et sur le pouvoir illimité que l'empereur lui avait conféré. Autant la fierté du prince se révoltait de se trouver sous les ordres d'un serviteur impérial, autant l'orgueil de Friedland était flatté par la pensée de prescrire des lois à un esprit si impérieux. On en vint là-dessus à une lutte opiniâtre, mais qui finit, par un accord mutuel, à l'avantage de Wallenstein. Le commandement des deux armées, surtout aux jours de combat, lui fut attribué sans restriction, et tout pouvoir fut ôté à l'électeur de changer l'ordre de bataille et même la marche de l'armée. Il ne se réserva rien que le droit de punir et de récompenser ses propres soldats, et la libre disposition de ses troupes aussitôt qu'elles agiraient séparées de celles de l'empereur.

Après ces préliminaires, on hasarda enfin de paraître aux yeux l'un de l'autre; mais ce ne fut qu'après s'être promis l'oubli complet du passé et avoir réglé avec la dernière exactitude les formalités de l'acte de réconciliation. Comme ils en étaient convenus, les deux princes s'embrassèrent, à la vue de leurs troupes, et se donnèrent des assurances réciproques d'amitié, tandis que leurs cœurs débordaient de haine. A la vérité, Maximilien, consommé dans l'art de la dissimulation, fut assez maître de lui pour ne pas trahir par un seul trait de son visage ses véritables sentiments; mais dans les yeux de Wallenstein étincelait la maligne joie du triomphe, et la contrainte visible de tous ses mouvements décelait la force de la passion qui maîtrisait son cœur orgueilleux.

Les troupes combinées, bavaroises et impériales, composaient maintenant une armée d'environ soixante mille hommes, la plupart soldats éprouvés, devant lesquels le roi de Suède ne pouvait risquer de se montrer en campagne. Aussi, après avoir tenté vainement d'empêcher leur jonction, il se retira à la hâte sur la Franconie, et attendit un mouvement décisif de l'ennemi pour prendre sa résolution. La position de l'armée combinée, entre les frontières de Saxe et de Bavière, fit douter quelque temps encore si elle transporterait le théâtre de la guerre dans le premier de ces deux pays, ou si elle chercherait à éloigner les Suédois du Danube et à délivrer la Bavière. Arnheim avait dégarni la Saxe de troupes, pour faire des conquêtes en Silésie, non sans avoir l'intention secrète, comme beaucoup l'en accusent, de faciliter au duc de Friedland l'entrée de l'électorat et de pousser plus vivement l'esprit irrésolu de Jean-Georges à un accommodement avec l'empereur. Gustave-Adolphe lui-même, dans la persuasion que les vues de Wallenstein étaient dirigées contre la Saxe, y envoya promptement, pour ne pas laisser son allié sans secours, un renfort considérable, fermement résolu à le suivre avec toutes ses forces, aussitôt que les circonstances le permettraient. Mais bientôt les mouvements de l'armée de Friedland lui firent voir que c'était contre lui-même qu'elle avançait, et la marche du duc à travers le haut Palatinat mit la chose hors de doute. Il s'agissait maintenant pour Gustave de songer à sa propre sûreté, de combattre moins pour la domination que pour son existence en Allemagne, et d'emprunter ses moyens de salut à la fertilité de son génie. L'approche de l'ennemi le surprit avant qu'il eût eu le temps de rallier à lui ses troupes, répandues dans toute l'Allemagne, et d'appeler à son secours les princes alliés. Beaucoup trop faible par le nombre pour être en état d'arrêter la marche de l'ennemi, il n'avait plus que le choix de se jeter dans Nuremberg et de courir le risque de s'y voir enfermé par les forces de Wallenstein et vaincu par la famine, ou de sacrifier cette ville et d'attendre des renforts sous le canon de Donawert. Indifférent aux fatigues et aux dangers, lorsqu'il entendait la voix de l'humanité et l'appel de l'honneur, il choisit, sans hésiter, le premier parti, fermement résolu de s'ensevelir, avec toute son armée, sous les ruines de Nuremberg, plutôt que de fonder son salut sur la perte de cette ville alliée.

Aussitôt on fit des préparatifs pour entourer d'un retranchement la ville avec tous les faubourgs et établir, dans l'enceinte, un camp fortifié. Des milliers de bras se mirent sur-le-champ à cet immense ouvrage, et tous les habitants de Nuremberg furent enflammés d'un zèle héroïque, pour dévouer à la cause commune leur sang, leur vie, leurs biens. Un fossé, profond de huit pieds et large de douze, environna toutes les fortifications; les lignes furent défendues par des redoutes et des bastions, les avenues par des demi-lunes. La Pegnitz, qui traverse Nuremberg, partageait tout le camp en deux demi-cercles, reliés par des ponts nombreux. Environ trois cents pièces d'artillerie tiraient des remparts de la ville et des retranchements du camp. Les paysans des villages voisins et les bourgeois de Nuremberg mirent la main à l'œuvre, de concert avec les soldats suédois, en sorte que, dès le septième jour, l'armée put occuper le camp, et que, le quatorzième, tout cet immense ouvrage fut achevé.