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Uranie

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III

Depuis longtemps déjà le système tricolore avait fui sous notre essor. Nous passâmes dans le voisinage d’un grand nombre de mondes bien différents de la patrie terrestre. Les uns me parurent entièrement couverts d’eau et peuplés d’êtres aquatiques, les autres uniquement peuplés de plantes. Nous nous arrêtâmes près de plusieurs. Quelle inimaginable variété!

Sur l’un d’entre eux, tous les habitants me parurent particulièrement beaux. Uranie m’apprit que l’organisation y est toute différente de celle des enfants de la Terre et que l’être humain y perçoit les opérations physico-chimiques qui s’accomplissent dans l’entretien du corps. Dans notre organisme terrestre, nous ne voyons pas comment, par exemple, les aliments absorbés s’assimilent, comment le sang, les tissus, les os, se renouvellent; toutes les fonctions s’accomplissent instinctivement, sans que la pensée les perçoive. Aussi subit-on mille maladies, dont l’origine est cachée et souvent introuvable. Là, l’être humain sent les actes de son entretien vital, comme nous sentons un plaisir ou une douleur. De chaque molécule du corps, pour ainsi dire, part un nerf qui transmet au cerveau les impressions variées qu’elle reçoit. Si l’homme terrestre était doué d’un pareil système nerveux, en plongeant ses regards dans l’organisme par l’intermédiaire des nerfs, il verrait comment l’aliment se transforme en chyle, celui-ci en sang, le sang en chair, en substance musculaire, nerveuse, etc.: il se verrait lui-même. Mais nous en sommes loin, le centre animique de nos perceptions étant embarrassé par les nerfs multipliés des lobes cérébraux et des couches optiques.

Sur un autre globe que nous traversâmes pendant la nuit, c’est-à-dire du côté de son hémisphère nocturne, les yeux humains sont organisés de telle sorte qu’ils sont lumineux, qu’ils éclairent, comme si quelque émanation phosphorescente irradiait de leur étrange foyer. Une réunion nocturne composée d’un grand nombre de personnes offre un aspect véritablement fantastique, parce que la clarté comme la couleur des yeux changent suivant les passions diverses qui les animent. De plus, la puissance de ces regards est telle qu’ils exercent une influence électrique et magnétique d’une intensité variable, et qu’en certains cas ils peuvent foudroyer, faire tomber morte la victime sur laquelle se fixe toute l’énergie de leur volonté.

Un peu plus loin, mon guide céleste me signala un monde où les organismes jouissent d’une faculté précieuse, c’est que l’âme peut changer de corps sans passer par la circonstance de la mort, souvent désagréable, et toujours triste. Un savant qui a travaillé toute sa vie pour l’instruction de l’humanité et voit arriver la fin de ses jours sans avoir pu terminer ses nobles entreprises, peut changer de corps avec un jeune adolescent et recommencer une nouvelle vie, plus utile encore que la première. Il suffit, pour cette transmigration, du consentement de l’adolescent et de l’opération magnétique d’un médecin compétent. On voit aussi parfois deux êtres, unis par les liens si doux et si forts de l’amour, opérer un pareil échange de corps après plusieurs années d’union: l’âme de l’époux vient habiter le corps de l’épouse, et réciproquement, pour le reste de leur existence. L’expérience intime de la vie devient incomparablement plus complète pour chacun d’eux. On voit aussi des savants, des historiens, désireux de vivre deux siècles au lieu d’un, se plonger dans des sommeils factices d’hibernation artificielle qui suspend leur vie la moitié de chaque année et même davantage. Quelques-uns même parviennent à vivre trois fois plus longtemps que la vie normale des centenaires.

Quelques instants après, traversant un autre système, nous rencontrâmes un genre d’organisations tout autre encore et assurément supérieur au nôtre. Chez les habitants de la planète que nous avions alors sous les yeux, monde éclairé par un brillant soleil hydrogéné, la pensée n’est pas obligée de passer par la parole pour se manifester. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé, lorsqu’une idée lumineuse ou ingénieuse vient d’occuper notre cerveau, de vouloir l’exprimer ou l’écrire, et, pendant le temps que nous commençons à parler ou à écrire, de sentir déjà l’idée dissipée, envolée, obscurcie ou métamorphosée? Les habitants de cette planète ont un sixième sens, que l’on pourrait appeler autotélégraphique, en vertu duquel, quand l’auteur ne s’y oppose pas, la pensée se communique au dehors et peut se lire sur un organe qui occupe à peu près la place de votre front. Ces conversations silencieuses sont souvent les plus profondes et les plus précises; elles sont toujours les plus sincères.

Nous sommes naïvement disposés à croire que l’organisation humaine ne laisse rien à désirer sur la Terre. Pourtant, n’avons-nous jamais regretté d’être obligé d’entendre malgré nous des paroles désagréables, un discours absurde, un sermon gonflé de vide, de la mauvaise musique, des médisances ou des calomnies? Nos grammaires ont beau prétendre que nous pouvons «fermer l’oreille» à ces discours, il n’en est malheureusement rien. Vous ne pouvez pas fermer vos oreilles comme vos yeux. Il y a là une lacune. J’ai été fort surpris de remarquer une planète où la nature n’a pas oublié ce détail. Comme nous nous y arrêtions un instant, Uranie me signala ces oreilles qui se fermaient ainsi que des paupières. «Il y a là, me dit-elle, bien moins de sourdes colères que chez vous, mais les divisions entre les partis politiques y sont beaucoup plus accusées, les adversaires ne voulant rien entendre, et y réussissant effectivement malgré les avocats les plus loquaces.»

Sur un autre monde, dans lequel le phosphore joue un grand rôle, dont l’atmosphère est constamment électrisée, dont la température est fort élevée, et où les habitants n’ont guère eu aucune raison suffisante d’inventer des vêtements, certaines passions se traduisent par l’illumination d’une partie du corps. C’est en grand ce qui se passe en petit dans nos prairies terrestres, où l’on voit, pendant les douces soirées d’été, les vers luisants se consumer silencieusement dans une flamme amoureuse. L’aspect des couples lumineux est curieux à observer le soir dans les grandes villes. La couleur de la phosphorescence diffère suivant les sexes, et l’intensité varie suivant les âges et les tempéraments. Le sexe fort brûle d’une flamme rouge plus ou moins ardente, et le sexe gracieux d’une flamme bleuâtre, parfois pâle et discrète. Nos vers luisants seuls seraient aptes à se former une idée, très rudimentaire, de la nature des impressions ressenties par ces êtres spéciaux. Je n’en croyais pas mes yeux lorsque nous traversions l’atmosphère de cette planète. Mais je fus encore plus surpris en arrivant sur le satellite de ce singulier monde.

C’était une lune solitaire, éclairée par une sorte de soleil crépusculaire. Une vallée sombre s’offrit à nos regards. Aux arbres disséminés sur les deux flancs de la vallée pendaient des êtres humains enveloppés de suaires. Ils s’étaient attachés eux-mêmes aux branches par leur chevelure et dormaient là dans le plus profond silence. Ce que j’avais pris pour des suaires, c’était un tissu formé par l’allongement de leurs cheveux embroussaillés et blanchis. Comme je m’étonnais d’une pareille situation, Uranie m’apprit que c’est là leur mode habituel d’ensevelissement et de résurrection. Oui, sur ce monde, les êtres humains jouissent de la faculté organique des insectes qui ont le don de s’endormir à l’état de chrysalide pour se métamorphoser en papillons ailés. Il y a là comme une double race humaine, et les stagiaires de la première phase, les êtres les plus grossiers et les plus matériels, n’y aspirent qu’à mourir, pour ressusciter dans la plus splendide des métamorphoses. Chaque année de ce monde représente environ deux cents ans terrestres. On y vit deux tiers d’année à l’état inférieur, un tiers (l’hiver) à l’état de chrysalide, et au printemps suivant, les pendus sentent insensiblement la vie revenir dans leur chair transformée: ils s’agitent, se réveillent, laissent leur toison à l’arbre et se dégageant, êtres ailés merveilleux, s’envolent dans les régions aériennes, pour y vivre une nouvelle année phénicienne, c’est-à-dire deux cents ans de notre rapide planète.

Nous traversâmes ainsi un grand nombre de systèmes, et il me semblait que l’éternité entière n’aurait pas été assez longue pour me permettre de jouir de toutes ces créations inconnues à la Terre; mais mon guide me laissait à peine le temps de me reconnaître, et toujours de nouveaux soleils et de nouveaux mondes apparaissaient. Nous avions presque heurté dans notre traversée des comètes transparentes qui erraient comme des souffles d’un système à l’autre, et plus d’une fois encore je m’étais senti attiré vers de merveilleuses planètes aux frais paysages dont les humanités eussent été de nouveaux sujets d’études. Cependant la Muse céleste m’emportait sans fatigue toujours plus haut, toujours plus loin, lorsque enfin nous parvînmes à ce qui me parut être les faubourgs de l’univers. Les soleils devenaient plus rares, moins lumineux, plus pâles, la nuit était plus complète entre les astres, et bientôt nous nous trouvâmes au sein d’un véritable désert, les milliards d’étoiles qui constituent l’univers visible de la Terre s’étant éloignées et ayant tout réduit à une petite voie lactée isolée dans le vide infini.

«Nous voici donc enfin, m’écriai-je, aux limites de la création!

– Regarde!» répondit-elle, en me montrant le zénith.

IV

Mais quoi! Était-ce vrai? Un autre univers descendait vers nous! Des millions et des millions de soleils groupés ensemble planaient, nouvel archipel céleste, et allaient se développant comme une vaste nuée d’étoiles à mesure que nous montions. J’essayai de sonder du regard, tout autour de moi, dans toutes les profondeurs, l’espace infini, et partout j’apercevais des lueurs analogues, des amas d’étoiles disséminés à toutes les distances.

 

Le nouvel univers dans lequel nous pénétrions était surtout composé de soleils rouges, rubis et grenats. Plusieurs avaient absolument la couleur du sang.

Sa traversée fut une véritable fulguration. Rapidement nous filions de soleil en soleil, mais d’incessantes commotions électriques nous atteignaient comme les feux d’une aurore boréale. Quels étranges séjours que ces mondes illuminés uniquement par des soleils rouges! Puis, dans un district de cet univers nous remarquâmes un groupe secondaire composé d’un grand nombre d’étoiles roses et d’étoiles bleues. Tout à coup une énorme comète dont la tête ressemblait à une gueule colossale se précipita sur nous et nous enveloppa. Je me pressais avec terreur contre les flancs de la déesse qui, un instant, disparut pour moi dans un lumineux brouillard. Mais nous nous retrouvâmes de nouveau dans un désert obscur, car ce second univers s’était éloigné comme le premier.

«La création, me dit-elle, se compose d’un nombre infini d’univers distincts, séparés les uns des autres par des abîmes de néant.

– Un nombre infini?

– Objection mathématique, répliqua-t-elle. Sans doute un nombre, quelque grand qu’il soit, ne peut pas être actuellement infini, puisqu’on peut toujours par la pensée l’augmenter d’une unité, ou même le doubler, le tripler, le centupler. Mais souviens-toi que le moment actuel n’est qu’une porte par laquelle l’avenir se précipite vers le passé. L’éternité est sans fin, et le nombre des univers sera, lui aussi, sans fin.

«Regarde! Tu vois encore, toujours, et partout, de nouveaux archipels d’îles célestes, de nouveaux univers.

– Il me semble, ô Uranie! que depuis bien longtemps déjà, et avec une grande vitesse, nous montons dans le ciel sans bornes?

– Nous pourrions toujours monter ainsi, répliqua-t-elle, jamais nous n’atteindrions une limite définitive.

«Nous pourrions voguer là-bas, à gauche, à droite, devant nous, derrière nous, en bas, vers n’importe quelle direction, jamais, nulle part, nous ne rencontrerions aucune frontière.

«Jamais, jamais de fin.

«Sais-tu où nous sommes? Sais-tu quel chemin nous avons parcouru?

«Nous sommes… au vestibule de l’infini, comme nous y étions sur la Terre. Nous n’avons pas avancé d’un seul pas!»

Une grande émotion s’était emparée de mon esprit. Les dernières paroles d’Uranie m’avaient pénétré jusqu’aux moelles comme un frisson glacial. «Jamais de fin! jamais! jamais!» répétais-je. Et je ne pouvais dire ni penser autre chose. Pourtant la magnificence du spectacle reparut à mes yeux et mon anéantissement fit place à l’enthousiasme.

«L’Astronomie! m’écriai-je. C’est tout! Savoir ces choses! vivre dans l’infini. O Uranie! Qu’est-ce que le reste des idées humaines en face de la science! Des ombres, des fantômes!

– Oh! fit-elle, tu vas te réveiller sur la Terre, tu admireras encore, et légitimement, la science de tes maîtres; mais sache-le bien, l’astronomie actuelle de vos écoles et de vos observatoires, l’astronomie mathématique, la belle science des Newton, des Laplace, des Le Verrier, n’est pas encore la science définitive.

«Ce n’est point là, ô mon fils, le but que je poursuis depuis les jours d’Hipparque et de Ptolémée. Regarde ces millions de soleils, analogues à celui qui fait vivre la Terre, et comme lui, sources de mouvement, d’activité et de splendeur; eh bien, voilà l’objet de la science à venir: l’étude de la vie universelle et éternelle. Jusqu’à ce jour, on n’a pas pénétré dans le temple. Les chiffres ne sont pas un but, mais un moyen; ils ne représentent pas l’édifice de la nature, mais les méthodes, les échafaudages. Tu vas assister à l’aurore d’un jour nouveau. L’astronomie mathématique va faire place à l’astronomie physique, à la véritable étude de la nature.

«Oui, ajouta-t-elle, les astronomes qui calculent les mouvements apparents des astres dans leurs passages de chaque jour au méridien, ceux qui annoncent l’arrivée des éclipses, des phénomènes célestes, des comètes périodiques, ceux qui observent avec tant de soins les positions précises des étoiles et des planètes aux divers degrés de la sphère céleste, ceux qui découvrent des comètes, des planètes, des satellites, des étoiles variables, ceux qui recherchent et déterminent les perturbations apportées aux mouvements de la Terre par l’attraction de la Lune et des planètes, ceux qui consacrent leurs veilles à découvrir les éléments fondamentaux du système du monde, tous, observateurs ou calculateurs, sont des précurseurs de l’astronomie nouvelle. Ce sont là d’immenses travaux, des labeurs dignes d’admiration et de transcendantes œuvres, qui mettent en lumière les plus hautes facultés de l’esprit humain. Mais c’est l’armée du passé. Mathématiciens et géomètres. Désormais le cœur des savants va battre pour une conquête plus noble encore. Tous ces grands esprits, en étudiant le ciel, ne sont en réalité, pas sortis de la Terre. Le but de l’Astronomie n’est pas de nous montrer la position apparente de points brillants ni de peser des pierres en mouvement dans l’espace, ni de nous faire connaître d’avance les éclipses, les phases de la lune ou les marées. Tout cela est beau, mais insuffisant.

«Si la vie n’existait pas sur la Terre, cette planète serait absolument dépourvue d’intérêt pour quelque esprit que ce fût, et l’on peut appliquer la même réflexion à tous les mondes qui gravitent autour des milliards de soleils dans les profondeurs de l’immensité. La vie est le but de la création tout entière. S’il n’y avait ni vie ni pensée, tout cela serait comme nul et non avenu.

«Tu es destiné à assister à une transformation complète de la science. La matière va faire place à l’esprit.

– La vie universelle! fis-je. Est-ce que toutes les planètes de notre système solaire sont habitées?.. Est-ce que les milliards de mondes qui peuplent l’infini sont habités?.. Est-ce que ces humanités ressemblent à la nôtre?.. Est-ce que nous les connaîtrons jamais?..

– L’époque pendant laquelle tu vis sur la Terre, la durée même de l’humanité terrestre, n’est qu’un moment dans l’éternité.»

Je ne compris pas cette réponse à mes questions.

«Il n’y a aucune raison, ajouta Uranie, pour que tous les mondes soient habités maintenant. L’époque actuelle n’a pas plus d’importance que celles qui l’ont précédée ou celles qui la suivront.

«La durée de l’existence de la Terre sera beaucoup plus longue – peut-être dix fois plus longue – que celle de sa période vitale humaine. Sur une dizaine de mondes pris au hasard dans l’immensité, nous pourrions, par exemple, suivant les cas, en trouver à peine un actuellement habité par une race intelligente. Les uns l’ont été jadis; d’autres le seront dans l’avenir; ceux-ci sont en préparation, ceux-là ont parcouru toutes leurs phases; ici des berceaux, là-bas des tombes; et puis, une variété infinie se révèle dans les manifestations des forces de la nature, la vie terrestre n’étant en aucune façon le type de la vie extra-terrestre. Des êtres peuvent vivre, penser, en des organisations toutes différentes de celles que vous connaissez sur votre planète. Les habitants des autres mondes n’ont ni votre forme ni vos sens. Ils sont autres.

«Le jour viendra, et très prochainement puisque tu es appelé à le voir, où cette étude des conditions de la vie dans les diverses provinces de l’univers sera l’objet essentiel – et le grand charme – de l’Astronomie. Bientôt, au lieu de s’occuper simplement de la distance, du mouvement et de la masse matérielle de vos planètes voisines, par exemple, les astronomes découvriront leur constitution physique, leurs aspects géographiques, leur climatologie, leur météorologie, pénétreront le mystère de leur organisation vitale et discuteront sur leurs habitants. Ils trouveront que Mars et Vénus sont actuellement peuplés d’êtres pensants, que Jupiter en est encore à sa période primaire de préparation organique, que Saturne plane en des conditions toutes différentes de celles qui ont présidé à l’établissement de la vie terrestre et, sans jamais passer par un état analogue à celui de la Terre, sera habité par des êtres incompatibles avec les organismes terrestres. De nouvelles méthodes feront connaître la constitution physique et chimique des astres, la nature des atmosphères. Des instruments perfectionnés permettront même de découvrir les témoignages directs de l’existence de ces humanités planétaires et de songer à se mettre en communication avec elles. Voilà la transformation scientifique qui marquera la fin du dix-neuvième siècle et qui inaugurera le vingtième.»

J’écoutais, ravi, les paroles de la Muse céleste, qui illuminaient pour moi d’une lumière toute nouvelle les destinées de l’Astronomie et me pénétraient d’une ardeur plus vive encore. J’avais sous les yeux le panorama des mondes innombrables qui roulent dans l’espace et je comprenais que le but de la science devait être de nous faire connaître ces univers lointains, de nous faire vivre dans ces horizons immenses. La belle déesse continua:

«La mission de l’Astronomie sera plus élevée encore. Après vous avoir fait sentir, vous avoir fait connaître, que la Terre n’est qu’une cité dans la patrie céleste et que l’homme est citoyen du Ciel, elle ira plus loin. En découvrant le plan sur lequel l’univers physique est construit, elle montrera que l’univers moral est établi sur ce même plan, que les deux mondes ne forment qu’un même monde et que l’esprit gouverne la matière. Ce qu’elle aura fait pour l’espace, elle le fera pour le temps. Après avoir apprécié l’immensité de l’espace et avoir reconnu que les mêmes lois règnent simultanément en tous lieux et font de l’immense univers une seule unité, vous apprendrez que les siècles du passé et de l’avenir sont associés au temps présent et que les monades pensantes vivront éternellement par des transformations successives et progressives; vous apprendrez qu’il y a des esprits incomparablement supérieurs aux plus grands esprits de l’humanité terrestre et que tout progresse vers la perfection suprême; vous apprendrez aussi que le monde matériel n’est qu’une apparence et que l’être réel consiste en une force impondérable, invisible et intangible.

«L’Astronomie sera donc éminemment, et avant tout, la directrice de la philosophie. Ceux qui raisonneront en dehors des connaissances astronomiques resteront à côté de la vérité. Ceux qui suivront fidèlement son flambeau s’élèveront graduellement dans la solution des grands problèmes.

«La philosophie astronomique sera la religion des esprits supérieurs.

«Tu dois assister, ajouta-t-elle, à cette double transformation de la science. Lorsque tu quitteras le monde terrestre, cette science astronomique, que tu admires déjà si légitimement, sera entièrement renouvelée, dans sa forme comme dans son esprit.

«Mais ce n’est pas tout. Cette rénovation d’une science antique servirait peu au progrès général de l’humanité, si ces sublimes connaissances, qui développent l’esprit, éclairent l’âme et l’affranchissent des médiocrités sociales, restaient enfermées dans le cercle restreint des astronomes de profession. Ce temps-là va passer aussi. Le boisseau doit être renversé. Il faut prendre le flambeau à la main, accroître son éclat, le porter sur les places publiques, dans les rues populeuses, jusque dans les carrefours. Tout le monde est appelé à recevoir la lumière, tout le monde en a soif, surtout les humbles, surtout les déshérités de la fortune, car ceux-là pensent davantage, ceux-là sont avides de science, tandis que les satisfaits du siècle ne se doutent pas de leur ignorance et sont presque fiers d’y demeurer. Oui, la lumière de l’Astronomie doit être répandue sur le monde; elle doit pénétrer jusqu’aux masses populaires, éclairer les consciences, élever les cœurs. Et ce sera là sa plus belle mission; ce sera là son bienfait.»