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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z)

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En voici un autre (fig. 10) 32, qui était placé à Fontevrault, contre le mur du bas côté, à la droite du maître autel (côté de l'évangile). C'était celui de l'évêque Pierre de Poitiers (XIIIe siècle). La statue, couchée sur un lit drapé, est entourée de figurines en ronde bosse représentant les religieux assistant aux funérailles de l'évêque. Parmi ces religieux, on distingue l'abbesse de Fontevrault et un abbé, tous deux tenant la crosse, signe de leur dignité. Les autres personnages portent des croix et des cierges. La chasuble de l'évêque était d'un bleu verdâtre, aux croisettes d'or, doublée de rouge; sa mitre blanche avec un bandeau rouge, l'aube blanche, l'étole verte, les chaussures noires. L'abbesse était vêtue de noir, et les religieux, les uns de blanc, les autres de vert, se détachant sur un fond rouge. Une arcature couvrait le sarcophage, mais elle était déjà détruite du temps de Gaignères, qui nous a laissé le dessin de ce curieux monument.

On voit encore dans la cathédrale de Limoges, adossé au collatéral nord, un de ces tombeaux en forme de niches ou chapelles, datant du XIVe siècle: c'est celui de l'évêque Bernard Brun. Ce monument est gravé dans l'ouvrage de M. Gailhabaud 33. Au fond de la niche, séparée par une pile centrale, des bas-reliefs représentent des sujets de la légende de sainte Valérie, un crucifiement, un couronnement de la Vierge et un jugement dernier. Il faut citer aussi les deux jolis tombeaux appartenant à la même époque, et qui sont adossés au mur de la chapelle de la Vierge, dans la cathédrale d'Amiens. Ils sont en forme de niche couverte par une arcade basse surmontée d'un gâble. Sur le socle, portant les statues couchées des défunts, sont sculptés, dans de petites niches, des personnages religieux, chanoines et laïques, qui composent le cortége accompagnant les corps à leur dernière demeure. Les écus armoyés des deux personnages, un évêque et un chanoine, sont peints au fond des niches.

Un des monuments funéraires les plus intéressants, affectant la forme d'une niche avec sujets, est le tombeau du prêtre Bartholomé, placé dans l'église de Chénerailles (Creuse), et dont il fut probablement le fondateur. Ce tombeau, engagé dans la troisième travée du côté méridional, est posé à 2 mètres au-dessus du pavé, et est taillé dans un seul bloc de pierre calcaire. Son architecture présente un arc en tiers-point avec deux contre-forts. L'enfoncement est divisé en zones, dans chacune desquelles se détachent des personnages en ronde bosse. La zone inférieure représente la scène de l'ensevelissement du mort. La sainte Vierge occupe, dans la zone du milieu, le sommet d'un édicule avec escalier. Saint Martial gravit l'escalier, un encensoir à la main. Sur le terrain à la droite de la Vierge, est représenté le martyre de saint Cyr et de sa mère sainte Julite. À sa gauche, le prêtre Bartholomé, agenouillé, est présenté à l'enfant Jésus par son patron, et saint Aignan, évêque. Sous l'arcade est sculpté un crucifiement. Sur deux phylactères placés sous la seconde et la première zone, on lit: «Hic. jacet. dominus. Bartholomeus. de Plathea. presbiter. qui. obiit. die. fest. V. M. (Virginis Marioe) anno. Dni. M°CCC 34

La sculpture de ce petit monument est d'un style médiocre, mais sa composition est heureusement trouvée.



Voici (fig. 11) un autre exemple de ces tombeaux adossés, en forme de niche, avec effigie du mort. Cet exemple date de 1300 environ. Le nom du défunt ne nous est pas conservé. Ce tombeau fut incrusté après coup dans le mur du collatéral nord de l'église de Saint-Père (Saint-Pierre) sous Vézelay. Le fond de la niche est occupé par un bas-relief d'un bon style. Au centre, le Christ assis reçoit de saint Pierre agenouillé un objet brisé qu'il tient dans sa main droite. De l'autre côté, la sainte Vierge semble intercéder auprès de son divin Fils. Deux anges thuriféraires terminent la scène. Évidemment, la Vierge et saint Pierre font ici valoir auprès du Juge suprême les mérites du mort, qui pourrait être un des fondateurs des portions de cette église reconstruites vers la fin du XIIIe siècle. L'objet que tenait saint Pierre était-il le simulacre de l'église restaurée? Cela paraît plausible. Ce monument est d'ailleurs fort mutilé, et la statue du personnage vêtu d'habits civils est complétement fruste. La sculpture et l'architecture étaient peintes et dorées. L'inscription, également peinte, et dont on distingue à peine quelques lettres sous le badigeon; était placée sous le bas-relief.

On le reconnaît facilement, la donnée de ce tombeau est la même que celle adoptée pour le beau monument de Saint-Denis, élevé à Dagobert. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'insister davantage sur ce genre de sépultures en forme de niches ou chapelles adossées, et nous passerons à l'examen des tombeaux isolés, en commençant par les plus simples et qui sont aussi les plus anciens.

Sur les sommets des Vosges, près de Saverne, on trouve des restes d'enceintes et de débris qui remontent à une époque reculée, et particulièrement, entre Saverne et Dabo, de nombreux cimetières ont été découverts. La plupart des tombes qu'ils renferment présentent une disposition singulière. Ces monuments funéraires consistent en une auge ou un simple trou en terre, entouré de pierres sèches, contenant un vase cinéraire; le tout est couvert par une pierre en forme de prisme triangulaire, légèrement convexe. À la base de la face antérieure est percé un trou en façon de petit arc, et correspondant une cavité faite aux dépens du bloc 35.



La figure 12 montre un de ces monuments en coupe (A), et le couvercle séparé en B. Parfois, mais plus rarement, ces couvercles ne sont pas curvilignes (fig. 13).



La rouelle gauloise, des imbrications ou des ornements dans le style gallo-romain les décorent. M. le colonel Morlet, qui a mis en lumière ces découvertes, considère en effet, et avec raison, ces tombeaux comme postérieurs à la conquête des Gaules par les Romains; les objets, médailles et vases trouvés autour d'eux, les inscriptions qui sont gravées sur leurs parois, ne peuvent laisser de doutes à cet égard.

«Les monuments funèbres que recèlent les sommets des Vosges, entre Saverne et Dabo, n'étaient pas répandus au hasard sur ces hauts plateaux, dit en terminant M. le colonel Morlet, mais réunis en de véritables cimetières entourés de temples, d'autels et d'habitations; ils annoncent la présence permanente d'une population nombreuse, chargée de défendre les grands camps fortifiés dont nous voyons les traces.

Favorisées par la configuration du sol qui descend en pente douce vers la Lorraine, tandis qu'il s'arrête brusquement à pic du côté de l'Alsace, ces positions ont dû être occupées et fortifiées dès la plus haute antiquité, pour arrêter les invasions d'outre-Rhin. Bien avant les Romains, il y eut donc de sanglants combats sur cette barrière naturelle, où chaque invasion kymrique, celtique et germanique, vit s'élever de nouveaux travaux de défense, au-dessus desquels l'époque gallo-romaine a laissé une dernière empreinte.

C'est ainsi, sans doute, que les tombeaux décrits ci-dessus se trouvent mêlés à des ruines d'une époque plus ancienne, telles que ces grandes murailles doubles du Gros-Limmersburg, où je ne puis reconnaître l'art romain.

La monnaie de Titus trouvée au Kempel, ainsi que la bonne facture du vase découvert au même lieu, annoncent que ces nécropoles existaient dès les premiers temps de l'ère chrétienne.

Ces tombeaux n'ont rien de germanique; ils sont gaulois de l'époque romaine. Leur caractère spécial consiste dans la petite ouverture que l'on voit toujours à leur base, et dans l'arc aigu qui termine généralement leur sommet.

 

L'ouverture de la base est difficile à expliquer, à moins d'admettre que ce soit un moyen de communiquer avec les cendres du mort et de faire des libations.

L'arc aigu, dont on retrouve l'image exacte dans les monuments funèbres de l'Asie Mineure, ne serait-il pas l'indice d'une tradition antérieure à l'invasion celtique, qui se serait conservée chez une tribu campée au sommet des Vosges?»

En effet, des tombeaux lyciens, en grand nombre, se terminent à leur sommet par une sorte de couvercle ou de couverture imitée d'un ouvrage de bois, qui affecte la forme d'un prisme curviligne 36, et, en pénétrant dans l'extrême Orient, on retrouve des sépultures hindoues qui présentent la même apparence géométrique. Sans attacher à ces rapports plus d'importance qu'il ne convient, il est nécessaire d'en tenir compte, car nous voyons cette forme de recouvrement du corps persister chez les populations sorties de l'Orient septentrional.

La loi salique mentionne la construction, la balustrade, le petit édifice ou le petit pont placé au-dessus d'un homme mort 37. Grégoire de Tours 38 à propos d'un vol avec effraction commis dans la basilique Saint-Martin de Tours, dit que les voleurs s'étaient introduits par une fenêtre en montant sur un treillis qu'ils avaient enlevé sur la tombe d'un mort (Qui ponentes ad fenestram absidoe cancellum, qui super tumulum cujusdam defuncti erat....). Les Anglo-Saxons avaient pour habitude de poser sur la tombe du mort une sorte de berceau de bois ou de fer (hearse), que l'on recouvrait d'un poêle 39. Or, la forme des tombeaux lyciens, celle des tombes des Vosges, indiquent l'aristato 40 que cite la loi salique, le hearse des Anglo-Saxons, les catafalques figurés dans la broderie de Bayeux (dite tapisserie de la reine Mathilde); et bien que les pierres des Vosges recouvrent des urnes cinéraires, et que les Francs ni les Anglo-Saxons ne brûlassent leurs corps, il est difficile de ne pas admettre pour cette forme de tombeaux, figurant un poêle recouvrant une carcasse de bois ou de fer, une origine pareille. Observons que cet aristato, ce hearse, recouvrent, non pas le mort, mais la sépulture du mort; c'est ce que nous appelons aujourd'hui un catafalque. Ce n'est pas la bière, mais le signe honorable et visible qui indique la place de la tombe.



Le tombeau lycien déposé au British Museum présente cette particularité curieuse (fig. 14), que le sarcophage proprement dit A, qui est de marbre, et dans lequel étaient déposés les restes du mort, prend la figure propre à cette matière, tandis que la partie BC de recouvrement, quoique taillée de même dans des blocs de marbre, affecte l'apparence d'une structure de bois. Le sommet curviligne C est même revêtu de son poêle, simulant une étoffe dont la broderie est figurée par des bas-reliefs très-plats, et les ornements de métal que ce poêle pouvait recevoir, par des mufles de lion saillants. Il y a donc, dans ce tombeau, la sépulture proprement dite et le catafalque qui la surmonte. Même disposition en petit, dans les tombes des Vosges, pour les tombeaux dont parle Grégoire de Tours; pour le monument de Beauchamp, où l'effigie du mort, placée sur le sarcophage, est recouverte d'un berceau de fer sur lequel le poêle était posé. Même disposition adoptée pour le tombeau du religieux Guillaume, déposé autrefois près de la porte du chapitre, dans le cloître de l'abbaye de Noaillé (fig. 15), et qui date de la fin du XIIe siècle 41. Cette pierre n'est autre chose que le catafalque, la représentation de l'aristato, du poêle posé sur une carcasse et recouvrant la place où repose le mort.



Mais voici un exemple intéressant qui se présente et qui donne plus de valeur aux observations précédentes. La petite église de Saint-Dizier, en Alsace, renferme plusieurs tombeaux, et entre autres celui attribué à saint Dizier, évêque, dit la légende. Ce tombeau, qui d'ailleurs ne remonte pas au delà du milieu du XIIe siècle, n'est autre chose qu'une pierre creusée en forme de petite cellule, avec deux portes (fig. 16).



La cellule, monolithe, est terminée à sa partie supérieure par deux pentes recouvertes de riches ornements. «Jusqu'en 1835», dit M. Anatole de Barthélemy, auquel nous empruntons ce détail 42, «on faisait passer par ces ouvertures les personnes atteintes d'aliénation mentale.....» Voilà l'aristato, le poêle, le catafalque antique recouvrant le corps d'un saint, et pourvu de propriétés miraculeuses. Le corps est enseveli, et sa place est consacrée par cet édicule qui reproduit toujours la disposition que nous trouvons en Lycie, sur les sommets des Vosges, à l'abbaye de Noaillé, et que nous allons voir se développer avec l'art du XIIIe siècle à son apogée.

Citons d'abord le charmant tombeau de Saint-Étienne, placé dans l'église d'Obazine (Corrèze). L'effigie du saint, couchée, est garantie du contact par une arcature à jour; au-dessus de l'arcature est un riche poêle formant comble à deux pentes, et couvert de bas-reliefs. Des moines sortent de leurs cercueils et viennent se prosterner devant la Vierge. Des anges tenant des flambeaux apparaissent à mi-corps entre les gâbles sculptés sur les rampants, terminés par une crête feuillue 43. Mais voyons comment, sur des données beaucoup plus simples, ce souvenir du tombeau antique s'est perpétué. Dans le cimetière qui entoure encore l'église de Montréal (Yonne), on remarque plusieurs tombes dont voici (fig. 17) la forme. Cette pierre, en façon de comble croisé, recouvre, sur des cales, la sépulture.



Le tracé A donne le détail des trois pignons de l'extrémité postérieure et du croisillon. Quant au pignon B de l'extrémité antérieure, il est muni d'une petite niche avec coupelle formant bénitier. Une croix à plat est sculptée sur le faîte de ce comble. Ne trouve-t-on pas là comme une dernière trace des traditions antiques, christianisée? Mais cette disposition devait fournir des motifs d'architecture autrement riches. On n'enterrait guère dans les cimetières que des personnes peu considérables, tandis qu'à dater du XIIIe siècle, les églises étaient réservées aux sépultures des grands. En outre des sépultures adossées aux murs, en forme de niches, et des tombes plates dont nous parlerons tout à l'heure, on élevait un assez grand nombre de monuments dont la donnée se rapprochait du tombeau catafalque. L'effigie du mort était posée sur une sorte de crédence ajourée, placée sur la sépulture. Un dais tenu par des pilettes formant clôture tenait lieu du poêle, de l'aristato dont nous avons parlé. Il ne semble pas que dans les provinces du nord de la France on ait adopté (si ce n'est pendant les époques mérovingienne et carlovingienne) la disposition de certaines sépultures italiennes et orientales chrétiennes, disposition qui consistait en un sarcophage recevant réellement le corps, élevé sur des pieds et surmonté d'un édicule en façon de dais. Le tombeau du roi Guillaume Ier, déposé dans la basilique de Montreale, à Palerme, était ainsi conçu. Il consiste en une cuve de porphyre élevée sur deux pieds ajourés Un toit reposant sur six colonnes de porphyre protége la cuve. Alors (au XIIe siècle), en France, on plaçait les corps en terre, dans un cercueil de pierre, de bois ou de métal, et le monument visible n'était, comme nous l'avons déjà dit, qu'un simulacre, une indication de la place où reposait ce corps. Il est fort important de ne pas perdre de vue ce principe qui influe sur la composition de tous les monuments funéraires français, depuis le XIIe siècle au moins.

Quand saint Louis fit refaire, dans l'église abbatiale de Saint-Denis, la plupart des tombeaux de ses prédécesseurs, l'artiste chargé de ce travail adopta un parti mixte. Ne voulant pas encombrer le transsept au milieu duquel ces tombes sont placées, et ayant à ménager la place, n'ayant pas peut-être des ressources suffisantes, il ne put élever un édicule sur chaque sépulture. Les rois et reines furent placés sur des socles deux par deux; derrière leur tête fut dressé un dais double en forme de chevet ou de dossier, et deux colonnettes accompagnant et surmontant ces dais permirent de poser sur leurs chapiteaux, et entre leurs fûts, des flambeaux. Peut-être, certains jours, des poêles d'étoffe attachés à ces colonnettes étaient-ils tendus sur chaque tombe. C'est ici l'occasion de parler des illuminations des tombes, usage qui remonte à une très-haute antiquité. Les Grecs illuminaient les monuments funèbres, et la plupart des tombeaux qui existent encore en si grand nombre dans la Syrie centrale sont surmontés de pyramides disposées de façon à placer des lampes sur de petites consoles ménagées à cet effet le long des pans inclinés 44. Depuis l'établissement du christianisme dans les Gaules, on illuminait les cimetières à l'occasion de certaines fêtes, et chaque nuit un fanal était allumé dans leur enceinte. Quelques tombeaux du moyen âge possèdent encore les herses de fer qui étaient destinées à porter des cierges, et les tombeaux relevés par Louis IX à Saint-Denis adoptent ce parti.

 


La figure 18 représente un de ces tombeaux doubles 45. Cette disposition, très-originale, ne paraît pas être une exception, car souvent on remarque sur les parois des socles recevant des effigies de morts, les traces de supports de pierre, de métal ou même de bois, portant ces herses de cierges et peut-être des poêles d'étoffe. Les tombes avec dais fixes de pierre ou de bois ne sont qu'un dérivé du même principe. On en voyait beaucoup autrefois dans nos églises abbatiales, à Royaumont, aux abbayes de Saint-Denis, de Longpont, d'Eu, de Braisne, de Saint-Seine, de Poissy; aux Jacobins, aux Célestins de Paris. Quelques cathédrales en possédaient également, Amiens, Rouen, Sens. On en voit encore dans celles de Limoges et de Narbonne, autour du choeur.

Voici entre autres la tombe de Charles, comte d'Étampes, petit-fils de Philippe le Hardi, qui était placée dans l'église des Cordeliers, à Paris, derrière le grand autel 46. Ce comte d'Étampes mourut en 1336 (fig. 19).



La statue, de marbre blanc, repose sur une dalle de marbre noir, avec socle orné d'arcatures de marbre blanc sur fond noir. Un dais d'un charmant travail protége la tête; l'épitaphe est gravée derrière ce dais. L'édicule à jour, en pierre, était entièrement peint et doré, et le plan présente une disposition curieuse. Établi entre les deux gros piliers, derrière le choeur, ce plan est tracé de manière à échapper ces piliers et à laisser l'architecture du dais indépendante (fig. 20) 47.



Les voûtes étaient peintes d'azur avec fleurs de lis d'or, et les petits contre-forts plaqués de compartiments de verres colorés par dessous, comme ceux que l'on voit encore dans certaines parties de la sainte Chapelle de Paris.

Quelquefois le socle portant la statue était ajouré: tel était le tombeau d'un sire de Coucy, placé entre deux piliers, à gauche du grand autel de l'abbaye de Longpont, et qui datait de la fin du XIIIe siècle 48. Ce tombeau était, comme le précédent, entièrement peint. Le vêtement guerrier du personnage appartient aux dernières années du XIIIe siècle.

Maintenir l'intégrité d'un principe et en tirer des conséquences très-variées, c'est le fait d'un art qui a trouvé sa voie. Le programme du monument catafalque est adopté dès le XIIIe siècle, pour la sépulture des personnages considérables, de préférence au tombeau en forme de niche; cependant quelle variété non-seulement dans les détails de ces édicules, mais aussi dans la façon d'interpréter ce programme!



Voici, par exemple (fig. 21), encore un des monuments funéraires de l'abbaye de Longpont, qui était placé à la gauche du grand autel. C'est celui d'une femme. L'effigie de la morte n'est plus placée sur la crédence qui recouvre la place de la sépulture, mais sous cette crédence ajourée, tandis qu'un crucifix richement décoré est déposé sur la crédence. Un édicule à peu près semblable au précédent recouvre ce simulacre 49. Ce tombeau date du commencement du XIVe siècle. Citons encore, parmi les tombeaux catafalques les plus remarquables de cette époque, celui de l'archevêque Pierre de la Jugée, placé entre deux des piliers du choeur de la cathédrale de Narbonne (côté méridional). Pourquoi la statue et l'un des charmants bas-reliefs de ce tombeau ont-ils été enlevés pour être déposés au musée de Toulouse? Nous ne saurions le dire. Comment la cathédrale de Narbonne ne réclame-t-elle pas ces fragments, afin de les réintégrer? Cela ne peut s'expliquer que par une indifférence profonde pour ces précieux restes, devenus si rares dans nos anciennes églises, et cependant laissés à l'abandon ou même dégradés journellement, quand les fabriques ne les font pas enlever pour placer quelque décoration nouvelle d'un goût équivoque. Ce tombeau de la cathédrale de Narbonne, bien que mutilé de la façon la plus sauvage, est encore un véritable bijou, conservant ses peintures d'un goût charmant et des statuettes d'un style excellent.



Nous en traçons le plan (fig. 22). Le choeur étant à un mètre en contre-haut du collatéral, de ce côté un rang inférieur de bas-reliefs compense la différence de niveaux.



La figure 23 donne la coupe du monument avec l'indication des peintures qui se trouvaient au-dessus de la tête du prélat. Deux anges enlèvent son âme au ciel. Sous le formeret, des quatrefeuilles armoyés aux armes du défunt alternent avec des oiseaux affrontés. Les voûtes sont peintes en bleu, et tous les profils de tons variés, d'une harmonie très-heureuse.



La figure 24 donne la face du tombeau du côté du collatéral. Les deux bas-reliefs, d'albâtre dur, représentent, celui du haut des évêques dans des niches avec gâbles, celui du bas des chanoines deux par deux, assistant aux obsèques. Ce tombeau, ainsi que quelques autres qui existent encore dans la cathédrale de Narbonne, forme clôture du choeur. La même disposition existe à Limoges, et existait à Amiens, avant l'établissement des ridicules décorations de plâtre qui déshonorent le choeur de la cathédrale, et qui sont dues à l'un de ses évêques du dernier siècle 50.

Parmi les tombeaux de la cathédrale de Limoges, citons celui qui est placé entre les piliers, côté sud du choeur. Ce tombeau, d'un évêque, présente une de ces dispositions originales que les artistes du moyen âge savaient toujours trouver.



Un tracé perspectif (fig. 25), en fera saisir l'effet du côté du collatéral. Deux thuriféraires entr'ouvrent un rideau qui laisse voir la statue couchée du prélat. La voûte de l'édicule est en berceau, et des bas-reliefs décorent ses pieds-droits. Devant le socle, des chanoines sont sculptés dans de petites niches. Ce monument date également du XIVe siècle. Cette disposition fut conservée jusqu'à l'époque de la renaissance, et nous possédons un grand nombre de représentations de tombeaux, avec dais plus ou moins riches, protégeant l'effigie du mort. On retrouve encore l'application de ce principe dans les célèbres tombeaux de Louis XII, de François Ier et de Henri II, érigés à Saint-Denis Cependant le programme des XIIIe et XIVe siècles est modifié sur un point capital. Dans ces derniers monuments, les personnages sont représentés avec les apparences de la mort sous le cénotaphe; vêtus, vivants et agenouillés au-dessus. Le monument recouvrant la sépulture de François Ier montre non-seulement les figures nues du roi et de la reine Claude sous le cénotaphe, mais encore, sur le couronnement, les mêmes figures agenouillées, vêtues et accompagnées du dauphin François, du prince Charles d'Orléans et de Charlotte de France, qui mourut âgée de huit ans. Disons, en passant, que ce tombeau, attribué par quelques-uns à des artistes italiens, est dû à Philibert de l'Orme, comme architecte; à Pierre Bontems, maître sculpteur, bourgeois de Paris, qui s'engagea, par un marché en date du 6 octobre 1552, moyennant 1699 livres, à faire une partie des célèbres bas-reliefs du stylobate, et une figure du couronnement; à Germain Pilon, qui exécuta pour 1100 livres les huit figures de Fortune (sous la voûte du cénotaphe); à Ambroise Perret, qui fit les quatre évangélistes; et enfin, pour l'ornementation, à Jacques Chantrel, Bastile Galles, Pierre Bigoigne et Jean de Bourgy. Les belles figures couchées appartiennent à l'école française, et paraissent être sorties des ateliers de Jean Goujon. Quant à la statuaire du tombeau de Henri II, elle est tout entière de la main de Germain Pilon 51.

Depuis la fin du XVe siècle, beaucoup de monuments funéraires adoptèrent cette disposition, d'une représentation du mort sous le cénotaphe, et du même personnage vivant, agenouillé sur le couronnement; puis on en vint à supprimer parfois l'effigie du cadavre, et à ne plus montrer que les figures des personnages agenouillés sur un socle, ou sur le simulacre d'un sarcophage. Toutefois ces compositions n'apparaissent pas en France, que nous sachions, avant la seconde moitié du XVe siècle.

Au XVIe, elles deviennent assez fréquentes. Le tombeau de Charles VIII, à Saint-Denis, présentait cette disposition.

Charles VIII mourut le 7 avril 1498, par conséquent son tombeau appartient déjà au style dit de la renaissance française. Il était fort beau 52, et a été gravé plusieurs fois. Gagnières, dans sa collection 53, en a donné un bon dessin. Comme corollaire de ces tombeaux cénotaphes, il faut citer les monuments appliqués contre les murs, et qui présentent sur une surface verticale comme le développement de toutes les parties qui constituent le mausolée, avec soubassement, image du mort et dais.

Ces sortes de monuments sont assez rares en France; le défaut d'espace et aussi le défaut d'argent faisaient parfois adopter ce parti. Nous en connaissons deux beaux exemples dans l'ancienne cathédrale de la cité de Carcassonne. L'un date du milieu du XIIIe siècle, c'est celui de l'évêque Radulphe. Le simulacre du sarcophage, qui persiste tard dans les provinces méridionales de la France, est posé sur trois colonnettes et paraît engagé dans la muraille. Des chanoines, sous une arcature, assistent aux obsèques. Sur le sarcophage se dresse debout, en bas-relief, la figure de l'évêque bénissant. Un gâble orné de fleurons et de crochets couronne le tout.



L'autre tombeau (fig. 26) date du commencement du XIVe siècle: c'est celui de l'évêque Pierre de Roquefort, qui fit rebâtir le choeur de l'église et deux chapelles voisines du transsept 54. Ce monument, ainsi que le montre notre tracé, présente en rabattement, dirons-nous, la disposition des tombeaux cénotaphes; l'évêque n'est pas couché sur le socle, qui n'est qu'un placage, mais se dresse sur ce socle; il est couronné par un dais plaqué; un chanoine et un diacre accompagnent la figure principale dans deux arcatures latérales. Ainsi que nous le disions, cette disposition est rare en France, et nous n'en connaissons pas d'exemple, encore existant, dans les provinces du Nord.

Il nous reste à parler des plates tombes, avec effigies en relief ou simplement gravées sur la pierre ou sur le métal. Ces tombes sont de deux sortes: ou les effigies des morts sont posées sur un socle très-bas présentant une faible saillie au-dessus du sol, ou elles sont au ras même du sol, de façon à permettre de marcher dessus comme sur un dallage. Nous ne doutons pas que les premiers de ces tombeaux étaient garnis d'un poêle d'étoffe aux anniversaires ou à certains jours solennels, et nous en donnerions comme preuve les attaches de tiges de métal ou les douilles dont on trouve fréquemment la trace le long des socles. Pour les seconds, ils n'étaient qu'un signe apparent indiquant la place de la sépulture.

Il existe des plates-tombes d'une époque assez ancienne, c'est-à-dire remontant au XIIe siècle, mais qui, tout en présentant peu de relief, formaient cependant assez de saillie sur le sol pour qu'on ne pût marcher dessus, tandis que ce n'est que vers 1225 que l'on commence à voir des plates-tombes au ras du sol, et seulement gravées.

Il faut cependant mentionner ici une tombe très-singulière, qui autrefois était placée dans le choeur de l'église Saint-Germain des Prés, à Paris, et qui est aujourd'hui déposée à Saint-Denis: c'est celle de Frédégonde. Dom Bouillard 55 prétend que cette princesse avait été enterrée dans la basilique de Sainte-Croix et de Saint-Vincent, du côté du nord, près du gros mur qui soutenait le clocher. La tombe actuelle ne remonte pas au delà de la première moitié du XIIe siècle. C'est une plaque de pierre de liais incrustée de fragments de pâtes de verre et de pierres dures, entremêlés de filets de cuivre. Des réserves laissées dans la pierre forment les linéaments du vêtement. La tête, les mains et les pieds, entièrement unis aujourd'hui, étaient très-probablement peints. Nous ne connaissons pas d'autre exemple de ce genre de monuments funéraires 56; et il est difficile de découvrir les motifs qui déterminèrent les religieux de Saint-Germain des Prés à faire exécuter ce monument suivant un procédé aussi peu usité. Était-ce pour imiter une mosaïque beaucoup plus ancienne qui aurait été faite par encloisonnements, sur des indications d'artistes byzantins? Était-ce l'essai d'un artiste occidental? Nous ne saurions le dire. D'autres plates-tombes en mosaïque existent en France, celle, entre autres, de l'évêque d'Arras, Frumaldus, mort en 1180 57, et celle trouvée dans les ruines de l'abbaye de Saint-Bertin, avec la date de 1109; mais ces tombes sont exécutées suivant le procédé ordinaire du mosaïste employé en Italie et en France au XIIe siècle, procédé qui ne ressemble en rien à celui adopté pour l'effigie de Frédégonde.

Il nous reste deux belles tombes datant du XIIe siècle, qui représentent, en plat relief les effigies des rois Clovis Ier et Childebert Ier. Ces tombes, qui proviennent de l'abbaye Saint-Germain des Prés, sont maintenant déposées à Saint-Denis. Le relief de ces figures est trouvé aux dépens d'une cavité faite dans une épaisse dalle de pierre. Elles avaient remplacé, dans l'église Saint-Germain des Prés, des monuments beaucoup plus anciens, mais fort dégradés, lorsque l'abbaye fut prise par les Normands.

3232 Collect. Gaignères, Bibl. Bodléienne d'Oxford.
3333 L'architecture et les arts qui en dépendent.
3434 Voyez, dans les Annales archéol., Didron, la notice de M. l'abbé Texier sur ce monument, et la gravure de M. Gaucherel, t. IX, p. 193.
3535 Voyez l'intéressante Notice de M. le colonel de Morlet sur ces monuments (Strasbourg, 1863).
3636 Voyez, entre autres, les beaux exemples de ces tombeaux déposés au British Museum.
3737 Le texte 5e dit: «Si quelqu'un a détruit le petit édifice, qui est le petit pont, tel qu'on le fait suivant l'usage de nos pères...»
3838 Lib. VI, cap. X.
3939 Voyez l'ouvrage du docteur Rock: The Church of our fathers, et la notice de M. Ernest Feydeau, Annales archéol., t. XV, p. 38,--Voyez le monument de Beauchamp.
4040 Voyez du Cange, Gloss.
4141 Voyez les portefeuilles de Gaignères, Bibl. Bodléienne.
4242 Annales archéol., t. XVIII; p. 49.
4343 Voyez, dans les Annales archéol., la gravure de ce tombeau, t. XIX, p. 315.
4444 Voyez l'ouvrage de M. le comte Melchior de Vogüe, Syrie centrale.
4545 Toutes les effigies de ces tombeaux replacés depuis peu dans le transsept, où ils se trouvaient avant 1793, sont anciennes. Les socles, dossiers et colonnettes, ont été rétablis d'après les dessins de Gaignières et sur des fragments déposés dans les magasins de l'abbaye.
4646 L'effigie de l'arbre blanc existe encore à Saint-Denis. C'est une statue d'un admirable travail.
4747 Voyez les portefeuilles de Gaignières, Bibl. Bodléienne d'Oxford.
4848 Ce tombeau n'existe plus, mais il est reproduit par Gaignières; et bien que celui-ci n'en donne pas l'épitaphe, les armoiries (fascé de vair et de gueules) ne laissent aucun doute sur la qualité du personnage.
4949 Voyez la collection de Gaignières, Bibl. Bodléienne d'Oxford.
5050 Parmi ces ornements, d'un goût déplorable, qui vinrent remplacer de précieux monuments que leur caractère, sinon leur valeur comme art, eût dû au moins faire respecter, il faut signaler une certaine Gloire, de bois doré, qui vient étaler ses rayons de charpente et ses nuages de plâtre sur les piliers de l'abside jusqu'à la hauteur de la galerie, et détruit ainsi l'effet merveilleux de ce rond-point avec sa chapelle absidale.
5151 Voyez, pour de plus amples détails sur ces tombeaux, la Monographie de l'église royale de Saint-Denis, par M. le baron de Guilhermy, 1848.
5252 Voici ce qu'en dit dom Doublet (Hist. de l'abb. de Saint-Denys en France), 1625, liv. IV. «Son effigie (du roi Charles VIII) revestue à la royalle, et de genoux au-dessus du tombeau, est représentée après le naturel, laquelle est de fonte; le haut du dit tombeau couvert de cuivre doré, et au devant de l'effigie il y a un oratoire, ou appuy, et couvert de cuivre doré, sur lequel est posée une couronne avec un livre ouvert, aussi de cuivre doré. Pareillement y a aux quatre coins quatre anges de fonte bien dorez et eslabourez, lesquels tiennent les armoiries des royaumes de Naples et Sicile, aussi de fonte, dorées et peintes. Aux costés du tombeau y a des niches rondes, et au dedans, des bassins de cuivre bien doré, et en iceux bassins de basses figures de fonte bien dorées.» D. Millet, dans son Trésor sacré de l'abbaye royale de Saint-Denys en France, 1640, dit: «Son sepulchre (du roi Charles VIII) est le plus beau qui soit dans le choeur, sur lequel on voit son effigie représentée à genouil près le naturel, une couronne et un livre sur un oratoire (prie-Dieu), et quatre anges à genoux aux quatre coings du tombeau, le tout de cuivre doré, sauf l'effigie dont la robe est d'azur, semée de fleurs de lys d'or.»
5353 De la Bibl. Bodléienne. Voyez la gravure de l'ouvrage de Félibien, Abbaye royale de Saint-Denis.
5454 Voyez CATHÉDRALE, fig. 49. Le tombeau de Pierre de Roquefort est placé contre le mur occidental de la chapelle du nord. Ce prélat est mort en 1321.
5555 Histoire de l'abbaye royale de Saint-Germain des Près. Paris, 1724.
5656 Cette tombe a été souvent reproduite par la gravure et la chromolithographie (voyez la Statistique de Paris, par M. Alb. Lenoir; l'ouvrage de M. Gailhabaud, l'Architecture et les arts qui en dépendent; D. Bouillard, Hist. de l'abbaye de Saint-Germain des Près; Alex. Lenoir, Musée des monuments français; de Guilhermy, Monographie de l'église royale de Saint-Denis).
5757 Voyez l'ouvrage cité de M. Gailhabaud.