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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z)

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Nous disons: en architecture, procédez de même; partez du principe un, n'ayez qu'une loi, la vérité; la vérité toujours, dès la première conception jusqu'à la dernière expression de l'oeuvre. Nous ajoutons: voici un art, l'art hellénique, qui a procédé ainsi à son origine et qui a laissé des ouvrages immortels; voilà un autre art, sous une autre civilisation, la nôtre, sous un autre climat, le nôtre, l'art du moyen âge français, qui a procédé ainsi à son origine et qui a laissé des ouvrages immortels. Ces deux expressions de l'unité sont cependant dissemblables. Il faut donc, pour produire un art, procéder d'après la même loi.

Avec cette persistance aveugle, qui donne souvent au défaut de compréhension les allures de la mauvaise foi, on nous répète: Vous prétendez nous faire adopter aujourd'hui les formes admises par les maîtres du moyen âge; et pourquoi celles-là plutôt que d'autres? toutes nous sont bonnes, toutes peuvent nous servir, car elles sont toutes du domaine de l'humanité. Nous répondons: L'objection part d'une pensée première à laquelle l'analyse fait défaut. Depuis le XVIe siècle, nous avons pris en France des formes produites en architecture par l'application du principe d'unité, dans certains milieux, pour l'unité même, sans recourir à la loi d'où découlaient ces formes. On a cru remplir les conditions d'unité parce qu'on adoptait plus ou moins fidèlement certaines formes des architectures antérieures à notre temps, formes qui étaient les conséquences du principe d'unité, mais qui, par cela même qu'elles étaient les conséquences d'un principe, ne sont pas le principe. Ceux qui ont pris l'habitude de procéder ainsi, c'est-à-dire de prendre la forme sans tenir compte du principe qui l'avait fait éclore, ne sauraient admettre qu'on puisse procéder autrement; et, nous voyant étudier et analyser les applications de la loi générale faite par les maîtres du moyen âge, ils admettent que nous devons procéder ainsi qu'eux-mêmes le font, c'est-à-dire que, prenant la forme, l'apparence purement plastique de l'architecture du moyen âge, nous considérons cette forme comme notre unité préférée, non comme une conséquence de la loi générale d'unité, et que, dès lors, nous aurions cette prétention de prescrire l'emploi de cette forme.

Pour être plus clair, ayons recours à une comparaison que chacun peut saisir. Il y a, dans la nature inorganique que nous avons sous les yeux, une quantité innombrable de cristaux qui sont la conséquence d'une loi de la cristallisation. Reproduire l'apparence plastique de ces cristaux en n'importe quelle matière, ou établir des conditions physiques ou chimiques à l'aide desquelles ces cristaux peuvent se former d'eux-mêmes sous l'empire de la loi générale, sont deux opérations très-distinctes. La première est purement mécanique et ne donne qu'un résultat sans portée; la seconde met un attribut de la création au service de l'intelligence humaine. La question est donc ainsi réduite à sa plus saisissante expression: copier en une matière quelconque des cristaux qui sont le produit d'une loi régissant la cristallisation; ou chercher la loi, afin qu'en l'appliquant, il en résulte naturellement les cristaux propres à la matière employée. Pour trouver cette loi, il faut nécessairement définir les qualités de ces cristaux, analyser leur substance et les conditions sous lesquelles ils prennent la forme que nous leur connaissons. Et serait-on bien venu, dans le domaine de la science, de dire à un chimiste qui cherche la loi de la cristallisation, qu'il prétend nous faire vivre dans une géode?

Malheureusement, ce qu'on ne se permettrait pas dans le domaine de la science, on se le permet, sans scrupules, dans le domaine de l'architecture, par suite de l'obscurité que l'on s'est complu depuis longtemps à jeter sur l'étude de cet art et ses principes. L'architecture n'est pas une sorte d'initiation mystérieuse; elle est soumise, comme tous les produits de l'intelligence, à des principes qui ont leur siége dans la raison humaine. Or, la raison n'est pas multiple, elle est une. Il n'y a pas deux manières d'avoir raison devant une question posée. Mais la question changeant, la conclusion, donnée par la raison, se modifie. Si donc l'unité doit exister dans l'art de l'architecture, ce ne peut être en appliquant telle ou telle forme, mais en cherchant la forme qui est l'expression de ce que prescrit la raison. La raison seule peut établir le lien entre les parties, mettre chaque chose à sa place, et donner à l'oeuvre non-seulement la cohésion, mais l'apparence de la cohésion, par la succession vraie des opérations qui la doivent constituer. Si large qu'on veuille faire la part à l'imagination, elle n'a, pour constituer une forme, que la voie tracée par la raison. Les génies n'ont pas procédé autrement, et leurs ouvrages ne nous charment que parce qu'ils s'emparent de notre esprit ou de notre coeur, en passant par le chemin de notre raison.

Nos monuments du moyen âge possèdent par excellence l'unité: 1° parce qu'ils remplissent exactement, scrupuleusement, servilement, les programmes donnés, et qu'ils sont ainsi la plus vive expression de la civilisation au sein de laquelle ils ont été construits; 2° parce que leur forme n'est que le résultat combiné des moyens employés; 3° parce que toutes leurs parties sont conçues de manière à satisfaire aux besoins pour lesquels ils sont élevés, et à assurer leur stabilité et leur durée; 4° parce que leur décoration procède suivant un ordre logique et est toujours soumise à la structure; 5° parce que cette structure elle-même est sincère, qu'elle ne dissimule jamais ses procédés et n'emploie que les forces nécessaires.

Nos monuments du moyen âge n'ont pas six unités, ils ont l'unité. Les articles du Dictionnaire font assez ressortir cette qualité, pensons-nous, pour qu'il ne soit pas nécessaire de s'étendre plus longtemps sur son importance.

V

VANTAIL, s. m. (ventail, wis, huis). Valve de menuiserie, tournant sur des gonds ou pivots, fermant la baie d'une porte. Il était d'usage, dans l'antiquité grecque, de suspendre souvent les vantaux au moyen de deux tourillons tenant au montant de feuillure. Ces tourillons entraient dans deux trous cylindriques ménagés sous le linteau et à l'extrémité du seuil. Ce procédé primitif obligeait de poser le vantail en construisant la porte. On voit encore des vantaux ainsi suspendus aux portes de monuments de la Syrie septentrionale qui datent des IVe et Ve siècles. Il faut savoir que ces vantaux sont de pierre (basalte généralement), et qu'il n'était pas possible de les suspendre autrement, puisqu'on ne pouvait y attacher des pentures. Toutefois ce procédé fut appliqué dans les Gaules aux portes de bois, et nous retrouvons cette tradition. conservée jusque vers la fin du XVIe siècle pour les constructions rustiques, notamment dans le Nivernais et en Auvergne.


Ces vantaux primitifs se composent d'un montant de feuillure A (fig. 1), pris dans un arbre branchu, de manière à trouver la traverse haute B dans le même morceau. Cette traverse haute s'assemble en C dans un montant de rive D, qui reçoit également le tenon E d'une traverse basse. Des planches épaisses sont chevillées sur cette membrure, qui n'est apparente qu'à l'intérieur. Les deux tourillons a et b entrent dans les trous cylindriques a', b', ménagés dans le seuil et dans une pierre tenant au jambage. Dans cette structure, il n'y a pas un clou; le tout est maintenu par des chevilles de bois. Ces sortes de vantaux sont doubles habituellement, et leurs montants de rive battent sur un arrêt tenant au seuil et sur une traverse haute de bois. Ils étaient fermés, à l'intérieur, par une barre de bois entrant dans les chantignoles G chevillées sur les montants de battement. Il y a tout à croire que cette façon de vantail remonte aux Gaulois, puisqu'on trouve encore la trace, dans des constructions privées de l'époque gallo-romaine, de ces trous cylindriques destinés à recevoir les tourillons des montants. On comprend sans peine combien ce grossier moyen de suspension des vantaux était défectueux. Les tourillons de bois roulaient difficilement dans leurs douilles de pierre b'; si les portes étaient d'une assez grande dimension, il fallait employer beaucoup de force pour faire pivoter les vantaux. Dès l'époque gallo-romaine, les pentures étaient en usage, puisqu'on en retrouve encore, et ce moyen de suspendre les huis fut généralement adopté à dater de la période carlovingienne (voyez SERRURERIE). Toutefois les vantaux furent composés au moyen de membrures sur lesquelles on appliquait des frises, si les portes étaient d'une assez grande dimension.

Le système de décharges pour empêcher les vantaux de donner du nez, c'est-à-dire de fléchir dans le sens de leur largeur sous leur propre poids, est toujours admis; on se sert même encore parfois, pendant le XIIe siècle, de bois branchus pour former ces décharges, ou du moins l'une d'elles; et les pentures de fer sont, ou apparentes à l'extérieur sur les frises, ou prises entre celles-ci et la membrure, comme dans l'exemple que nous donnons ici (fig. 2), qui est tiré d'une porte de l'ancienne église de Saint-Martin d'Avallon. On voit, dans cette figure qui présente l'un des vantaux vu du côté intérieur, que le montant de feuillure A est taillé dans un arbre branchu.



Des épaulements B et C, ménagés dans ce montant, reçoivent les pieds des décharges qui soulagent encore l'extrémité de la traverse haute D et le montant de battement E. Un gousset G réunit ce montant à la traverse basse H. Les pentures de fer sont prises entre cette membrure et les frises extérieures de revêtement, qui ne laissent voir que les chevilles qui les retiennent aux décharges et les têtes de clous qui les attachent à ces pentures. Ce travail assez grossier est cependant fort bien entendu au point de vue de la solidité et de l'usage. Bientôt l'exécution devint plus délicate, et les vantaux reçurent extérieurement diverses sortes de décorations, soit par l'application de pentures de fer forgé, soit par des revêtements de bois finement travaillés, soit par des peintures, des têtes de clous, des plaques de bronze ou de fer battu. Habituellement ces décorations dépendent de la structure.

 


Ainsi, par exemple, dans la figure 3 que nous donnons ici 306, on voit que le système de structure du vantail, composé d'un treillis de décharges compris entre les montants et les traverses, reproduit extérieurement, sur les frises, un treillis de moulures fines, perlées, avec têtes de clous aux rencontres (voyez le détail A). Ces clous s'engagent de quelques millimètres dans la saillie de ces moulures, ainsi que l'indique le profil B en C. Les têtes de clous sont garnies d'une rondelle de fer battu ornée (voy. en G). Les pentures sont, comme dans l'exemple précédent, prises entre la membrure et les frises de revêtement. Bien entendu la membrure est à l'intérieur. Les moulures en treillis sont clouées sur ces frises et correspondent au treillis des décharges. Les frises sont donc parfaitement maintenues par le parti décoratif, et les clous consolident les assemblages à mi-bois de la membrure treillissée. Ces bois croisés en tous sens, cloués ensemble, ne peuvent jouer, et la solidité de l'ouvrage est complète. Ces décorations rapportées extérieurement sur les frises ne sont pas toujours la reproduction de la structure des membrures; elles consistent souvent en des moulures clouées suivant certains compartiments géométriques, ainsi que l'ont pratiqué de tout temps les Arabes, en des formes empruntées à l'architecture, telles que frises, arcatures, gâbles, etc. 307. On voit encore, sur les vantaux des portes occidentales de la cathédrale de Sées des applications de ce genre qui figurent une sorte de grille composée de rangs de petites arcatures finement travaillées. Les rangées d'arcatures, au nombre de six, dans la hauteur du vantail, y compris le couronnement (voy. fig. 4), sont simplement clouées sur les frises qu'elles maintiennent planes.



En A, est tracé le détail en coupe d'une de ces arcatures avec sa colonnette, et en B la section de celle-ci. Les colonnettes, leurs chapiteaux et bagues sont faits au tour. Les rangs d'arcatures sont évidés dans une planche, et cloués, ainsi que l'indique notre tracé. Toute cette décoration était peinte, ainsi que le fond, de vives couleurs.

On trouve dans l'article MENUISERIE une assez grande variété de ces vantaux décorés, soit par application, soit par la combinaison des assemblages 308. Nous ne croyons donc pas nécessaire de nous étendre plus longuement ici sur ces ouvrages de bois.

Il arrivait aussi que l'on recouvrait les vantaux de portes au moyen de plaques de métal, bronze ou fer, et cela indépendamment des pentures 309. On voyait encore à la porte de gauche de la façade occidentale de l'église abbatiale de Saint-Denis, au commencement du dernier siècle, des vantaux de portes rapportés de Poitiers par Dagobert, et qui étaient recouverts de lames de bronze ajourées représentant des rinceaux avec des animaux. Ces vantaux avaient été replacés sur cette façade lors de sa reconstruction sous l'abbé Suger, comme des ouvrages dignes d'être conservés 310. Les moines et les chapitres détruisirent bon nombre de ces précieux objets depuis le règne de Louis XIV, et la révolution de 1792 jeta au creuset ce qui restait, si bien qu'aujourd'hui on a grand'peine, en France, à retrouver quelques traces de ces vantaux garnis de métaux plus ou moins habilement décorés. Quelques débris d'ouvrages de fer ont seuls échappé, à cause de leur peu de valeur, à ces dévastations. Des portes de trésors, de sacraires, laissent encore voir leurs revêtements de fer battu. Ces revêtements sont toujours faits au moyen de bandes de fer, car on ne fabriquait pas alors de la tôle: c'était au marteau que l'on pouvait obtenir des fers minces en pièces d'une faible dimension. Ces bandes étaient, le plus souvent, posées en treillis avec un clou à chaque point de rencontre.



La figure 5 présente un de ces vantaux bardés de bandes croisées de fer battu et reliées par des clous avec rosaces formant rondelles. En A, est donnée l'une de ces rosaces; en B, la section avec le croisement des fers, et en C, la section de la bordure d'encadrement 311. Ces sortes de vantaux n'ont que des dimensions médiocres. Dans la figure 5, entre les bandes croisées, on aperçoit le bois, mais il n'en était pas toujours ainsi: des ornements de fer battu découpés étaient parfois posés dans les intervalles de ces bandes (fig. 6); ils formaient des rosaces maintenues au centre par un clou et par les bandes, sous lesquelles leurs extrémités étaient pincées.



Ainsi le bois du vantail était presque totalement couvert par une armature solide qui composait une riche ornementation.



Le fragment que nous donnons ici paraît dater du XIVe siècle, et provient de la collection des dessins de feu Garneray 312. On bardait aussi les vantaux de bandes de fer horizontales posées à recouvrement.

Ces bandes étaient unies ou découpées en manière d'écailles ou de lambrequins (fig. 7), maintenues les unes sur les autres, ainsi que l'indique la section A, avec force clous qui pénétraient dans le bois. Ce vantail était attaché à une porte de l'abbaye de Saint-Bertin, à Saint-Omer 313. Il paraît également remonter au XIVe siècle. C'était ainsi (sauf les ornements) qu'étaient habituellement bardés des vantaux de poternes des châteaux, quelquefois même des habitations privées. On se contentait le plus souvent, pour les vantaux de portes des maisons et hôtels, de garnitures de têtes de clous plus ou moins ouvragées (voyez CLOU), posées en quinconce ou suivant la trace des traverses et décharges contre lesquelles les frises s'appliquaient.

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, il ne nous reste, en France, aucune trace de vantaux de portes du moyen âge revêtus de bronze; cependant plusieurs églises en possédaient. Dom Doublet 314 parle des portes faites d'après les ordres de l'abbé Suger pour la façade occidentale de la nouvelle église. Ces portes étaient, paraîtrait-il, très-richement décorées de lames de bronze doré et émaillé. «Il fit venir (Suger), dit D. Doublet, plusieurs fondeurs et sculpteurs expérimentés, pour orner et enrichir les battans de la porte principale de l'entrée de l'église, sur laquelle se void la Passion, Résurrection, Ascension, et autres histoires (avec la représentation dudit abbé prosterné en terre), le tout de fonte; et qu'il luy a convenu faire de grands frais, tant pour le métail, que pour l'or qui y a esté employé pareillement aussi pour les battans de la porte de main droite, en entrant, qu'il a fait enrichir de métail, or et esmail, laissant les anciens battans de la troisiesme porte de main gauche, qui estoient an premier bastiment de l'église.» Une inscription en vers était apparente sur le bronze de la porte principale. Nous la transcrivons ici d'après dom Doublet:

 
«Portarum quisquis attollere quæris honorem,
Aurum nec sumptus, operis mirare laborem,
Nobile claret opus, sed opus quod nobile claret;
Clarificet mentes, ut cant per lumina vera,
Ad verum lumen, ubi Christus janua vera,
Quale sit intus in his determinat aures porta,
Mens hebes ad verum per materialia surgit,
Et demersa prius bac visa Ince resurgit.»
 

Et sur le linteau au-dessus des vantaux:

 
 
«Suscipe vota tui judex districte Suggeri,
Inter oves proprias Cac me clementer haberi.»
 

Si le latin est médiocre, les pensées sont assez belles et bien appropriées à l'objet.

Nous ne chercherons pas, en l'absence de tout document graphique, à donner une restauration de ces monuments qui devaient être si intéressants.

On connaît les belles portes de bronze de la basilique normande de Monreale près Palerme, celles de la cathédrale de Pise, celles de Vérone. Ces vantaux sont composés par panneaux dans lesquels sont inscrits des sujets en bas-relief, avec ouvrages niellés et damasquinés. Il est à présumer que les vantaux des portes principales de l'église abbatiale de Saint-Denis étaient conçus de la même manière. On voit aussi sur le flanc méridional de la cathédrale d'Augsbourg des vantaux de portes revêtus de bronze, par panneaux, qui datent du XIIe siècle, mais qui contiennent des fragments provenant d'un monument beaucoup plus ancien. Si l'on s'en rapporte à certaines vignettes de manuscrits, on pourrait croire aussi que le moyen âge posait, sur les vantaux de portes, des revêtements de bronze par bandes horizontales, comme des frises superposées, décorées d'ornements et de figures.

Quant aux vantaux de bois composés par panneaux, nous renvoyons le lecteur à l'article MENUISERIE.

VERGETTE, S. f. (tringlette). Barre de fer carrée ou ronde, mince, qui sert à maintenir les panneaux des vitraux entre les barlotières. Les panneaux de vitraux s'attachent aux vergettes au moyen de petites bandes de plomb soudées aux plombs de sertissure des verres (voyez VITRAIL).

VERRIÈRE, s. f.--Voyez VITRAIL.

VERROU, s. m.--Voyez SERRURERIE.

VERTEVELLE, s. f.--Voyez SERRURERIE.

VERTU, s. f. L'iconographie du moyen âge met souvent en parallèle la personnification des vertus et des vices. L'antagonisme du bien et du mal est, comme on sait, une de ces idées admises chez presque tous les peuples de races supérieures. Nous la voyons se manifester dans les Védas, chez les Iraniens, chez les Égyptiens, et pendant l'antiquité païenne. Le monothéisme sémitique devait nécessairement repousser cette double influence, qui était, pour ainsi dire, le fondement du panthéisme. Les Juifs n'admettaient pas une puissance rivale de leur Jéhovah. Le péché, pour les Juifs, n'était qu'une infirmité attachée à l'homme, mais n'était pas supposé inspiré par une puissance supérieure à lui. La Genèse fait intervenir, il est vrai, entre le premier homme et la première femme, le serpent 315: «Le serpent étoit plus rusé que tous les animaux de la terre que l'Éternel Dieu avoit faits; il dit à la femme... etc.» Dans cet exemple, il n'est nullement question d'une puissance rivale, de l'Esprit du mal. Le serpent donne un conseil perfide; il n'est pas dit qu'un esprit ait revêtu sa forme, qu'il y ait un intérêt, qu'il en doive profiter; aucun esprit ne conseille à Caïn de tuer son frère. L'Éternel, voyant Caïn abattu lorsque son sacrifice est repoussé, lui dit: «Certes, si tu te conduis bien, tu seras considéré; si tu ne te conduis pas bien, le péché t'assiége à la porte, il veut t'atteindre, mais tu peux le maîtriser 316.» Pour les Grecs comme pour tous les peuples de race aryenne, le Mal était une force naturelle comme le Bien, force rivale, vaincue nécessairement, mais immortelle, luttant sans trêve, indépendante et vénérée, à cause de sa qualité divine. L'homme n'était qu'un jouet entre ces deux puissances, invoquant l'intervention de la bonne contre les actes de la mauvaise, mais ne croyant pas que sa volonté personnelle pût lutter contre cette dernière. Le panthéisme--nous parlons du panthéisme primitif appuyé sur l'observation des phénomènes naturels, et non du panthéisme énervé et superstitieux des derniers temps--considérait l'action des forces divines comme agissant bien au-dessus de la frêle humanité, comme engageant des luttes et exerçant sa puissance dans une sphère très-supérieure aux intérêts humains. L'homme était fatalement soumis à des décrets dont il ne pouvait pénétrer les motifs, et s'il invoquait les dieux, ce n'était jamais avec l'espoir de leur faire modifier en sa faveur le cours des choses. L'égoïsme sémitique admet que Jéhovah arrête la marche du soleil pour permettre à Josué d'écraser ses ennemis; on ne trouverait pas une légende analogue dans toute l'histoire religieuse des Aryas. Pour eux, les forces de la nature agissent dans la plénitude de leur puissance indépendante. Une divinité peut lutter contre le soleil, elle ne saurait lui commander d'arrêter son cours.

Ce préambule était nécessaire pour expliquer un phénomène philosophique qui se produit dans l'iconographie chrétienne de l'Occident, vers la fin du XIIe siècle. Alors les artistes, évidemment inspirés par les idées du temps, ne font plus intervenir, absolument, l'Esprit du mal; ils admettent des qualités bonnes et mauvaises, qualités inhérentes à l'homme; ils les personnifient. C'est un panthéisme circonscrit dans l'âme humaine au lieu d'avoir pour siége l'univers. Il est évident que le mot panthéisme ici ne peut rendre entièrement notre pensée; on n'adorait pas la Charité ou le Courage, on les personnifiait; on leur donnait un corps, des attributs, le nimbe même parfois; et si l'on ne rendait pas un culte à ces abstractions métaphysiques, la foule arrivait à les considérer comme des forces possédant une apparence sensible, des émanations divines. Il faut observer d'ailleurs que si les vertus sont personnifiées, les vices ne le sont point. Les vices, en opposition avec les vertus, sont représentés par un fait, non par un personnage; du moins est-ce le cas le plus habituel. Avant l'école laïque de la fin du XIIe siècle, les vertus comme les vices sont figurés par des faits tirés des Écritures. Dans la représentation des vices, le diable intervient toujours; c'est lui qui conseille et préside à l'exécution de l'acte mauvais, tandis que l'Esprit du mal n'intervient plus dans la représentation du vice opposé à la vertu, à dater de la fin du XIIe siècle. Ainsi, sur les ébrasements de la porte centrale de Notre-Dame de Paris, sont sculptées dans des médaillons douze Vertus, représentées par douze femmes drapées portant certains attributs; les Vices, en opposition, sculptés au-dessous de ces médaillons, sont figurés par des scènes. Exemples: La Foi, la première placée à la droite du Christ, porte un écu rempli par une croix. Au-dessous, un homme est agenouillé devant une idole. Le Courage, la première Vertu à la gauche au Christ, est vêtu d'une armure complète: cotte de maille sur sa robe, heaume sur la tête, bouclier sur lequel est un lion rampant à son bras gauche, épée nue dans sa main droite. Au-dessous, la Lâcheté: c'est un homme qui fuit devant un lièvre; il se retourne effaré et laisse tomber son épée 317.

C'est seulement vers la fin du XIIe siècle, ainsi que nous le disions, qu'apparaissent, sur nos monuments, ces représentations des Vertus, et, parmi ces sculptures, on peut citer comme des plus anciennes celles qui décorent les soubassements de la porte de gauche de la façade de la cathédrale de Sens. Elles montrent la Largesse, et en regard l'Avarice.



La Largesse (fig. 1) est une femme drapée, couronnée, assise. De ses deux mains, elle ouvre deux coffres remplis de sacs et d'écus. Deux lampes en forme de couronne sont suspendues à ses côtés; à ses pieds sont deux vases de fleurs.



L'Avarice (fig. 2) est une des belles sculptures de cette époque (1170 environ). Les cheveux épars sous un lambeau d'étoffe, la main gauche crispée, crochue, elle est assise sur un coffre qu'elle a fermé violemment de la main droite; sous ses pieds sont des sacs pleins d'écus. L'Avarice est ici personnifiée 318.

Guillaume Durand dit que les Vertus sont représentées sous la figure de femmes, parce qu'elles nourrissent et caressent l'homme 319; mais encore les artistes du moyen âge leur donnaient-ils un caractère énergique et militant. Dans les vitraux de la grande rose occidentale de Notre-Dame de Paris, les Vertus sont armées de lances et combattent les Vices, représentés par des personnages historiques parfois. Sardanapale représente la Folie; Tarquin, la Dissolution; Néron, l'Iniquité; Judas, le Désespoir; Mahomet, l'Impiété, etc.

C'est à la cathédrale de Chartres que les artistes du XlIIe siècle ont donné aux représentations des Vertus le plus complet développement. Là 320 les Vertus ne sont point opposées aux Vices, elles se déroulent sur les voussures, en pied, et sont divisées en trois ordres: les Vertus publiques et les Vertus privées. Les Vertus de l'homme privé sont placées dans la voussure intérieure, les Vertus de l'homme social dans la voussure extérieure; dans la voussure intermédiaire sont sculptées les Vertus domestiques. Chaque rang contient quatorze figures, en commençant par le voussoir de droite. À Chartres, les Vertus publiques présentent un grand intérêt iconographique. La première a perdu son titre; son bouclier est chargé de roses. Didron 321 la considère comme personnifiant la Mémoire.



La deuxième (fig. 3) représente la Liberté (Libertas): son écu est chargé de trois couronnes; elle tenait une lance dans sa main droite. La troisième est l'Honneur (Honor); son écu est chargé de mitres. La quatrième, qui a perdu son titre, est, d'après Didron, la Prière (Oratio); en effet, sur son écu est sculpté un ange tenant un livre. La cinquième, l'Adoration; un ange tenant un encensoir charge son écu. La sixième, la Vitesse, la Promptitude (Velocitas); trois flèches chargent son écu. La septième, le Courage (Fortitudo); sur son écu est un lion rampant. La huitième, la Concorde (Concordia); son écu est chargé de deux paires de colombes. La neuvième, l'Amitié (Amicitia); mêmes armes. La dixième, la Puissance; un aigle tenant un sceptre charge son écu. La onzième, la Majesté (Majestas); trois sceptres sur son écu. La douzième, la Santé (Sanitas) 322; trois poissons sur son écu. La treizième, la Sécurité (Securitas); un donjon sur son écu. La quatorzième, dont l'inscription est effacée, est désignée par Didron comme étant la Religion: un dragon mort sur son écu; un dragon vivant (le symbole du démon) sous ses pieds. Cette figure tient un étendard, et nous la désignerions plus volontiers comme représentant la Foi. Toutes ces statues tiennent des lances, des croix ou des étendards dans leur main droite, sont couronnées et nimbées. La sculpture est d'un beau style; leur allure est fière, les têtes expressives et les draperies jetées avec art. Remarquons, en passant, que la Liberté et la Promptitude, l'Activité, si l'on aime mieux, sont considérées comme des vertus du premier ordre, des vertus publiques; et avouons sincèrement qu'au milieu du XIXe siècle, nous ne les placerions pas sur nos églises. Pourrions-nous les sculpter même sur nos édifices civils? Nous y figurons l'Abondance, la Justice, l'Industrie; ou bien encore, la Religion, la Charité, la Foi, l'Espérance, et nous leur donnons l'apparence famélique et un peu niaise que l'on considère de notre temps comme l'attribut convenable à ces personnifications. Les oeuvres de nos artistes du XIIIe siècle nous paraissent plus vraies, plus vigoureuses et plus saines. Personne n'ignore que la plupart des critiques qui, par hasard, veulent dire un mot des arts du moyen âge, confondant volontiers les écoles et les époques, sans avoir pris la peine d'en examiner les produits, ne fût-ce que pendant un jour, reproduisent ce cliché accepté sans contrôle, savoir: que la sculpture du moyen âge est ascétique, maladive et comprimée sous une théocratie énervante... Nous n'avons nul désir de voir revenir la société vers ces temps, la chose serait-elle possible; mais nous voudrions que nos artistes montrassent dans leurs oeuvres, et dans la pensée qui les dirige, quelque chose de cette virilité si profondément empreinte dans la statuaire française des XIIe et XIIIe siècles. S'il s'agit de sculpture religieuse, on cherche aujourd'hui à satisfaire à nous ne savons quelle pensée pâle, étiolée, malsaine, sans vie, sorte de compromis entre des traditions affadies, mal comprises, et un canon classique; tandis que nous trouvons, dans cette statuaire de notre architecture du XIIIe siècle, un débordement de séve, un besoin d'émancipation de l'intelligence qui raffermit le coeur et pousse l'esprit en avant. Peu devrait nous importer qu'alors les évêques fussent des seigneurs féodaux, et que les seigneurs féodaux fussent de petits tyrans, si, sous ce régime, les artistes savaient relever le côté moral de l'homme et préparer des générations viriles. Ces artistes étaient dès lors en avant sur les nôtres, qui, trop peu soucieux de leur dignité, subissent la mythologie abâtardie et sénile de l'Académie, ou la religiosité fade des sacristies, sans oser exprimer une pensée qui leur soit propre. Si l'exécution, de nos jours, est belle, tant mieux, mais elle n'est qu'un vêtement qui doit couvrir une idée vivante, non des mannequins sortis d'un Olympe fané ou de l'oratoire des dévotes; Certes, les statuaires du moyen âge ont fait beaucoup de sculpture religieuse, ou du moins attachée à des édifices religieux, puisqu'on en élevait un grand nombre. Jamais cependant--que cela dépendît d'eux ou des inspirations auxquelles ils obéissaient--ils ne sont descendus à ces mièvreries avilissantes ou à ces platitudes que l'on donne aujourd'hui pour de l'art religieux. Les mâles sculptures de Chartres, de Reims, d'Amiens, de Paris, en sont la preuve. Il suffit de les regarder... sans avoir d'avance son siége fait.

306306 Tiré de vantaux des portes de la cathédrale de Coutances, et d'une porte, aujourd'hui détruite, que l'on voyait sur le côté de l'église du Mont-Saint-Michel en mer, XIIIe siècle.
307307 Voyez MENUISERIE, fig. 11.
308308 Voyez MENUISERIE, fig. 12.
309309 Voyez, à l'article SERRURERIE, quelques exemples de ces pentures.
310310 «Sur les anciens battans de la porte ancienne de l'église que fit bastir le Roy Dagobert, cecy est escrit en lettres très antiques et entrelacées l'unes dans l'autres, assez difficiles à lire: Hoc opus Airardus coelesti munere fretus. Offert ecce tibi Dyonysi pectore miti.» (D. Doublet, Antiq. et recherches de l'abbaye de St-Denys en France, liv. I, chap. XXXIII.)
311311 Il existe encore des vantaux de ce genre à Sens, à Rouen (cathédrales). Nous en avons vu dans beaucoup d'églises, d'où ils ont été enlevés depuis une vingtaine d'années, à cause probablement de leur état de vétusté. L'exemple donné ici à été dessiné par nous, dans un magasin de ferrailles à Rouen.
312312 Sans indication de provenance.
313313 Dessin de la collection Garneray.
314314 Antiq. et recherches de l'abbaye de Saint-Denys en France, liv. I, ch. xxxiii.
315315 Genèse, chap. iii, trad. de Cahen.
316316 Genèse, chap. iv.
317317 Voici quelles sont les Vertus représentées sur ces ébrasements, avec les actes vicieux en opposition.--À la droite du Christ: 1° La Foi. Au-dessous, l'adoration d'une idole.--2° L'Espérance, femme drapée portant un étendard sur son écu. Au-dessous, un homme se transperce avec son épée.--3° La Charité, tenant une brebis sur son giron (figure mutilée). Au-dessous, l'Avarice, tenant une bourse et enfermant des sacs dans un coffre.--4° La Justice: une salamandre couvre son écu (symbole du juste éprouvé par l'adversité). Au-dessous, l'Injustice (figure détruite).--5° La Prudence: son écu porte un serpent enroulé autour d'un bâton. Au-dessous, un homme errant, les vêtements déchirés, tenant une torche de la main droite et de la gauche un cornet: c'est la Folie.--6° L'Humilité: sur l'écu, un aigle au vol abaissé. Au-dessous, l'Orgueil, représenté par un homme emporté par un cheval fougueux qui le jette â la renverse. À la gauche du Christ: 1° La Force.--2° La Patience: un boeuf couvre son écu. Au-dessous, la Colère: une femme, les cheveux épars, chasse un religieux avec un bâton.--3° La Mansuétude: un agneau est sculpté sur son écu. Au-dessous, la Dureté: femme couronnée assise sur un trône, pousse du pied un suppliant agenouillé devant elle.--4° La Concorde: sa main droite déroule une banderole sur laquelle elle jette les yeux; sa gauche tient un cartouche sur lequel sont gravés un lis et une branche d'olivier. Au-dessous, deux hommes se battent.--5° L'Obéissance: un chameau agenouillé se voit sur son écu. Au-dessous, un homme fait un geste de mépris devant un évêque qui l'exhorte.--6° La Persévérance, une couronne suspendue sur l'écu. Au-dessous, un religieux quitte son monastère. (Voyez la Descript. de Notre-Dame de Paris, par MM. de Guilhermy et Viollet-le-Duc, 1856.)
318318 C'est ainsi qu'un trouvère du XIIIe siècle décrit la Largesse et l'Avarice: «Les .il. choses vi vis à vis: L'une fu grande et bien taillie, D'un blanc samit appareillie; Cote en ot, sorcot et mantel Afubli .i. poi en chantel; La face ot doucement formée, Qui fu si à point colorée Com nature le pot miex fère. Bouche et vermeille, et par miex plère Ot vairs iex, rians et fenduz, Les braz bien fez et estenduz, Blanches mains, longues et ouvertes. Aux templières que vi aperte. Apparut qu'ele et teste blonde, Je croi, plus que nule du monde. Corone et bele ou chief assise Qui li sist bien à grant devise. Son non enquis en tele manière: --Je vous pri, douce dans chière, Que me le diez de vous le non. -- Sire, fist-ele, mon renon Fu jadis chièri et amè; Mon non est LARGUECE clamé.-- De l'autre errez je la manière: Ele et forme et grande plenière; Noire estoit et descolorée, Fade en tout, et fu afublée D'une robe de vert esreuse; A véir fu pou deliteuse: «D'une vielle pane l'orrée De menu vair entrepelée. Tenues levres et bouche unquaise Ot; je ne sai s'el fu pusnaise; Ou nez ot estroites narrines Qu'ele ot gresle et lone et verrines; Les vaines parmi son visuge Qu'elle ot traités à grant outrage, Le col ot lonc, nervu et gresle, Noirs cheveus dont l'un l'autre mesle; Si ot granz mains et longue brache Dont el tient fort cels qn'ele embrache. Corone ot d'or trop merveilleuse, Mainte pierre i ot précieuse; Ele ot noirs iex, fens et poingnanz. A regarder mult resoingnanz. Quant je l'oi grant pose esgarder Et sa contenance avisée, Je enquis ma dame Larguece Qui estoit cele déablesse El me dist estoit AVARICE, Qui perist chascun par son visce.» (Additions aux poésies de Rutebeuf, édition des OEuvres de Rutebeuf, par A. Jubinal, 1839.)
319319 «Virtutes vero in mulieris specie depinguntur, quia mulcent et nutriunt.» (Rationale divin. offic., lib. I, cap. III.)
320320 Voussure de gauche du porche nord.
321321 Voyez l'intéressant article de Didron sur les Vertus de Notre-Dame de Chartre. (Annales archéologiques, t. VI, p. 35).
322322 La santé est un don et non une vertu; mais il est évident que le mot sanitas s'entend ici au moral. C'est de la santé de l'esprit qu'il s'agit, non de la santé physique.