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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O)

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Le gouvernement absolu de Louis XIV étouffe presque entièrement ce sentiment si actif encore jusqu'à la fin du XVIe siècle, et la maison du citadin français au XVIIe perd tout caractère individuel. L'habitation des villes devient un magasin de famille. Uniformément bâties, uniformément percées ou distribuées, ces demeures engloutissent les citoyens qui perdent, en y entrant, toute physionomie individuelle et ne se reconnaissent plus, pour ainsi dire, que par des noms de rues et des numéros d'ordre. Aussi nous voyons qu'en Angleterre, où le sentiment de la responsabilité personnelle, de la distinction de l'individu s'est beaucoup mieux conservé que chez nous, les habitants des grandes villes, s'ils possèdent des maisons à peu près semblables comme apparence, les possèdent du moins par familles et ne se prêtent que difficilement à cette réunion de nombreux locataires dans une même habitation. Ce fait nous paraît avoir une signification morale d'une haute importance, et ce n'est pas sans une vive satisfaction que nous voyons de nos jours ce sentiment de la distinction de la famille, de l'individualisme, s'emparer de nouveau des esprits, et réagir contre l'énervant système introduit en France sous le gouvernement de Louis XIV.

Chacun désire avoir sa maison: or, si l'immense majorité des habitants de nos grandes cités ne peut encore satisfaire ce goût à la ville, du moins cherche-t-on à s'affranchir des conditions fâcheuses de la demeure banale, en faisant élever ces myriades de petites maisons suburbaines qui peuplent tous nos environs, et dans lesquelles les familles même peu fortunées peuvent passer une bonne partie de l'année. Ce sera une des gloires du gouvernement actuel de la France d'avoir su prendre les mesures les plus radicales pour provoquer cette tendance saine des esprits: car, selon nous, un État ne pourra se dire moralement civilisé que le jour où chaque citoyen possédera son logis en propre, dans lequel il pourra élever sa famille, où il laissera les souvenirs du bien qu'il a pu faire ou des services qu'il a rendus à ses voisins. Les murs parlent, et tel homme qui fera une action honteuse dans le logement loué qu'il quittera dans six mois hésitera, entre les murs qui lui appartiennent et où ses enfants grandiront, à se livrer à ses mauvais penchants.

Il nous faut parler maintenant des hôtels, c'est-à-dire des maisons de ville qui appartenaient à des seigneurs ou à de riches particuliers et qui occupaient des espaces assez étendus, qui renfermaient des cours et même quelquefois des jardins, mais qui n'affectaient pas les dispositions de défense des palais seigneuriaux, qui n'étaient point munies de tours et de murailles crénelées. Ainsi que nous l'avons dit en commençant cet article, l'hôtel n'avait pas habituellement ses appartements d'habitation sur la voie publique, mais plutôt des communs, des dépendances, quelquefois un simple mur avec porterie. Autant les bourgeois, les marchands, tenaient à participer à la vie journalière de la rue (c'était d'ailleurs pour la plupart d'entre eux une nécessité), autant le noble et le négociant enrichi, menant un grand train, tenaient à se renfermer chez eux, à vivre à la ville de la vie féodale, isolée, n'ayant pas de communications habituelles avec le dehors. Le caractère de l'hôtel, ou, si on l'aime mieux, de la maison noble, diffère donc entièrement de celui de la maison du bourgeois. Ces sortes d'habitations ont dû subir plus de changements encore que les maisons des bourgeois. Occupant des espaces plus considérables, ayant successivement appartenu à des personnages riches, elles ont été modifiées suivant le goût du jour; nous ne trouvons plus en France d'hôtels antérieurs au XVe siècle, ou du moins les débris qui nous en restent n'ont qu'une médiocre valeur.


Un des plus anciens, parmi ces hôtels, se voit encore à Provins; il appartenait à quelque riche chanoine de Saint-Quiriace. Il se compose(31) «de deux corps de bâtiments distincts, séparés par un passage voûté. À gauche se trouvait la grande salle de réception placée au premier étage; on y arrivait de la cour par un escalier extérieur en bois. Trois fenêtres géminées ouvertes sur la façade qui regarde l'église éclairaient cette pièce; elle était chauffée par une grande cheminée en pierre et recouverte par une charpente apparente lambrissée en berceau. À droite du passage se trouvaient la cuisine et deux pièces placées entre cour et jardin et qui servaient à l'habitation 158

Dans quelques-unes de ces villes florissantes du Midi, aujourd'hui à peine connues, il existe encore des habitations des XIIIe et XIVe siècles qui participent à la fois de l'hôtel et de la maison. Le riche négociant de ces municipalités des bords de la Garonne, de l'Aveyron, du Tarn et du Lot, au sein desquelles les traditions gallo-romaines s'étaient assez bien conservées, prétendait, lorsqu'il construisait un hôtel, avoir des magasins sur la rue soit pour l'exercice de son propre négoce, soit pour louer. Ces constructions mixtes étaient fréquentes à Toulouse, à Alby, à Saint-Antonin, à Cordes, à Gaillac, à Villeneuve-d'Agen.



Nous donnons (32) le plan d'un de ces hôtels situé dans la grande rue de la ville de Cordes, en face la promenade de la Bride.

À droite et à gauche de l'entrée A, sont des magasins ou boutiques s'ouvrant sur la rue. En B est la cour principale et en C une petite cour de service à laquelle on arrive par un passage D. La salle ouverte E servait probablement d'écurie. F est un cellier. Un large escalier à vis G donne entrée dans la grande salle du rez-de-chaussée H, élevée de sept marches au-dessus du sol de la cour. Un passage I communique à un jardin K, situé en dehors du vieux rempart contre lequel est adossé l'hôtel. Des bâtiments d'une époque récente ont été construits en partie sur le jardin de a en b. Les boutiques LL n'avaient pas accès dans la cour et probablement ceux qui les occupaient logeaient ailleurs, à moins que ces magasins ne fussent à l'usage du propriétaire de l'hôtel. Le grand escalier G monte au premier étage dans une salle située au-dessus de celle H, et communique par un passage en bois M au logis de face dont la surface n'était divisée que par des cloisons. Un second étage s'élève encore sur ce logis de face et est desservi par le grand escalier et un second passage. L'écurie et le cellier ne possèdent qu'un rez-de-chaussée. Une petite terrasse N avec perron donne sur la cour en face de la salle H 159. Cette habitation, qui date des premières années du XIVe siècle, a tous les caractères de l'hôtel du moyen âge, bien que des boutiques s'ouvrent sur la rue et que le bâtiment de face serve de logement au premier et au second étage.

Les renseignements que l'on peut réunir sur les hôtels des XIIIe et XIVe siècles, dans les villes du Nord, ne sont pas assez complets pour nous permettre de donner des plans de ces habitations. Nous constatons seulement qu'elles contenaient des cours, avec portiques sur une ou deux faces, un corps de logis en retraite donnant sur la cour et sur un jardin, et des communs disposés dans le voisinage de la rue. Le plus ancien édifice de ce genre, encore entier, est l'hôtel de Jacques Coeur, à Bourges. C'est sur un fief établi sur les murs qui fermaient la ville que Jacques Coeur éleva cette splendide demeure 160.



Nous en donnons (33) le plan à rez-de-chaussée.

Les tours S, R, Q faisaient partie des remparts de la ville et furent utilisés. Celle S fut couronnée par un riche pavillon crénelé, et un escalier y fut accolé ainsi qu'à la tour Q. La disposition du rempart, formant un angle très-ouvert et sur lequel le mur de face fut monté, obligea l'architecte à donner à ses bâtiments la disposition biaise que nous voyons se reproduire dans la cour. Mais alors on ne songeait guère aux combinaisons symétriques et l'on profitait du terrain autant que cela était possible. L'entrée de l'hôtel est sur la rue en A et se compose d'une porte cochère avec poterne B à côté; l'escalier F monte à la chapelle située au-dessus de l'entrée. Du dehors, il était donc facile d'arriver à cette chapelle sans entrer dans l'intérieur de l'habitation. De l'entrée A, pour les voitures ou pour les cavaliers, et de la poterne B, on pénétrait dans la grande cour C, sous le portique fermé D et sous celui E. Ce dernier portique était ajouré sur une cour G, possédant un puits mitoyen G'. En H est l'escalier principal, donnant entrée, à rez-de-chaussée, dans une grande salle à manger I et dans une galerie de service J, communiquant aux cuisines disposées en K et K'. La cuisine K' possédait un four avec cheminée et fourneau potager. De la rue, on pouvait directement arriver aux cuisines par le couloir L et la petite cour de service L', mise en communication avec la grande cour par le passage L''. La grande salle à manger, chauffée par une immense cheminée c, est accompagnée d'une petite tribune I' destinée aux ménétriers. On arrivait à cette tribune sans passer par la salle mais par l'escalier f Sur l'aire de la salle I s'ouvre une trappe i donnant dans les caves. Cette trappe était-elle réservée au service du sommelier qui pouvait ainsi faire monter directement le vin frais dans la salle au moment des repas, ou bien, comme quelques-uns le prétendent, permettait-elle de jeter dans les caves l'argenterie en cas d'incendie: c'est ce que nous ne saurions décider. La grande cheminée c, de six mètres d'ouverture, était richement décorée; son manteau représentait une ville fortifiée, et des deux côtés deux statues d'Adam et d'Ève nus étaient séparées par l'arbre de science. M était l'office d'où, par un tour m, on faisait passer les plats dressés dans la salle. Le petit escalier droit que l'on remarque dans cet office descendait dans l'étage inférieur de la tour S, qui servait ainsi d'annexe à l'office. Donnant dans la petite cuisine K, est, au-dessous du four, une laverie voûtée et dallée avec gargouille aboutissant à un puits perdu. Des latrines pour les domestiques étaient placées à côté de cette laverie sous le massif de l'escalier. Un escalier n met cette cuisine en communication avec un entre sol de la tour S et un premier étage au moyen de la vis t. La petite cour L' possède un beau puits avec gargouille, permettant de remplir les réservoirs disposés dans la grande cuisine K. Des cuisines on apportait les mets dans l'office par le passage J qui se dégageait sous le grand escalier H. En passant sous l'escalier O, on trouvait un couloir qui mettait la grande cour en communication directe avec la place de Berri P. En TT' sont deux grandes pièces dont la destination n'est pas connue mais qui paraissent, par leur position, avoir dû servir de chambre avec garde-robe disposée dans la tour carrée R. Tout cet angle, compris la tour Q, constitue un appartement complet, indépendant, puisqu'on pouvait de la grande chambre T' descendre dans la petite cour G par l'escalier g, ou monter aux étages supérieurs. La conciergerie était en V. Quant à la galerie D, elle servait de lieu de réunion pour les pauvres auxquels on distribuait les restes de la table de Jacques Coeur. Ces pauvres n'avaient pas ainsi un accès dans l'hôtel et pouvaient attendre, à l'abri, que de la cuisine on leur apportât ce qui leur était réservé. Les escaliers X, H, O, g montent de fond et desservent les étages supérieurs.

 

Si ce plan est irrégulier, on doit reconnaître que sa disposition est bien entendue. Chaque service est à sa place, les communications entre eux sont faciles et cependant ils sont indépendants. À la droite de l'entrée, service de cuisine avec sa cour, sa sortie particulière et son grand portique de distribution d'aumônes. En face, l'escalier principal pour les appartements supérieurs et la salle à manger du rez-de-chaussée. À gauche, appartement complet, indépendant, avec sa cour et son portique, permettant d'entrer ou de sortir à couvert. Beaucoup d'hôtels du XVIIe siècle sont loin de présenter des distributions aussi commodes et aussi bien étudiées.



La figure 34 trace le plan du premier étage de l'hôtel de Jacques Coeur. L'escalier principal A donne entrée dans la grande salle B, qui possédait une estrade comme les grandes salles des châteaux. Les appartements d'habitation étaient en C; ils étaient mis en communication avec la grande salle B et avec la galerie D par des couloirs de service et des issues directes. De la galerie D on se rendait à la chapelle E, à laquelle aussi on montait directement du vestibule inférieur par l'escalier F. Une autre galerie G mettait également la chapelle en communication avec la salle J et l'appartement séparé K, lequel possédait un escalier L particulier. Le service de l'appartement principal C se faisait par l'escalier M ou par l'escalier X. Le salon I trouvait une issue par l'escalier N; la grande salle B elle-même, outre le grand escalier, était desservie par le second escalier O. Au premier étage comme au rez-de-chaussée, les divers services de cet hôtel étaient rendus indépendants, et les pièces destinées aux réceptions ne pouvaient gêner les dispositions privées des habitants. Comme dans les châteaux, on voit que le programme obligeait l'architecte à trouver des combinaisons de plans très-compliquées pour satisfaire aux goûts ou aux besoins particuliers du propriétaire. Il est certain que ces dégagements nombreux, dissimulés, paraissaient indispensables, et que l'on sacrifiait toute idée de symétrie aux nécessités de l'habitation, telles qu'on les comprenait alors. On observera que les appartements destinés à l'habitation se composent, outre les grandes pièces, de nombreux réduits, cabinets, garde-robes, qui ne laissaient pas d'être fort commodes; que toutes ces pièces, grandes et petites, sont éclairées.

Jacques Coeur, en utilisant les tours gallo-romaines des remparts, n'avait peut-être pas été fâché de donner à son hôtel un aspect de domaine féodal, et c'est, en grande partie, la conservation de ces tours qui a nécessité les irrégularités de ce plan. L'architecture adoptée se prête d'ailleurs à ces défauts de symétrie, et rien n'est plus pittoresque, plus brillant, que cet intérieur de cour, avec ses tourelles d'escaliers, ses combles distincts surmontés de tuyaux de cheminée, d'épis, de lucarnes, de faîtages de plomb, autrefois dorés et peints.



Nous présentons (35) une vue cavalière de cet hôtel, prise du point P' (voir le plan du rez-de-chaussée). La construction est partout traitée avec un soin extrême et la sculpture d'un charmant style, appropriée à chacun des services, entremêlée d'emblèmes, de devises, de coeurs, de plumes et de coquilles. Ainsi, au-dessus des trois baies de l'escalier de la chapelle, dans les tympans, le sculpteur a placé un prêtre revêtu de l'aube, se disposant à la bénédiction de l'eau; derrière lui un jeune clerc sonne la messe; puis vient un mendiant, appuyé sur une béquille, comme pour indiquer que le lieu saint est accessible à tous. Le second bas-relief représente des clercs préparant l'autel. Le troisième, des femmes qui arrivent à l'office, précédées d'un enfant qui ouvre une porte. En haut de l'escalier est un quatrième bas-relief représentant le Père Éternel avec deux anges en adoration. Au-dessus de la porte de l'escalier, côté des cuisines, est sculptée une large cheminée devant laquelle pend un coquemard; un enfant tourne la broche, une femme lave des plats, et un cuisinier pile des épices dans un mortier.

Parmi les devises gravées sur quelques tympans, ou peintes sur des vitraux, on lit celle-ci: «A coeurs vaillants riens impossible.» Puis ces mots énigmatiques: «Dieu. faire. taire. de. ma. joie.» ou bien encore ce dicton: «En bouche close n'entre mousche.» Jacques Coeur avait adopté pour armes: d'azur à la fasce d'or chargée de trois coquilles de sable, accompagnée de trois coeurs de gueule posés, 2 en chef, 1 en pointe.

Les voûtes de la chapelle sont entièrement peintes; dans chacun des triangles de cette voûte est un ange vêtu de blanc, tenant un phylactère et se détachant sur un fond bleu étoilé d'or. Ces peintures sont d'une bonne exécution et passablement conservées. On sait combien l'illustre négociant parvenu du XVe siècle paya cher ces magnificences. L'homme est une des individualités les plus remarquables de notre pays. Cette habitation est donc un édifice intéressant à tous les points de vue, parmi ceux de ce genre que nous possédons en France 161.

Nous allons arriver à la fin du XVe siècle, et décrire l'un des plus charmants hôtels de ce temps, si riche en constructions de ce genre.

Il existait encore, en 1840, rue des Bourdonnais, un hôtel dit de La Trémoille; c'était un fief régulier, créé à Paris sous Charles VI et relevant directement du roi, plus tard de l'évêque. Il fut rebâti, tel que nous l'avons vu, vers 1490, par Louis de La Trémoille, né en 1460. Ce fut ce Louis de La Trémoille qui prit le duc d'Orléans à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier en 1488; ce qui n'empêcha pas le Valois, devenu roi de France, de lui confier le commandement de l'armée du Milanais en 1500. Il fut tué à la bataille de Pavie. Voici (36) le plan du rez-de-chaussée de cet hôtel.



La porte d'entrée A, accompagnée de sa poterne a, s'ouvrait sur la rue des Bourdonnais; elle donnait entrée dans une cour assez spacieuse, possédant près de l'entrée un portique avec retour du côté droit. Au fond, s'élevait le logis principal. Sous une tourelle, portée sur deux colonnes à gauche, en B, était un passage mettant la cour en communication avec un jardin qui s'étendait jusqu'à la rue Tirechappe et qui, de ce côté, possédait une porte charretière avec communs à droite et à gauche pour les équipages et chevaux. Un grand perron C donnait entrée dans la grande salle D, dans l'escalier principal E, dans la salle F par la porte G et dans la petite pièce voûtée H, en descendant quelques marches. Continuant à descendre, on arrivait aux caves, bien voûtées et spacieuses. Une autre porte I, avec perron et montoir K, permettait de pénétrer directement de la cour dans les deux pièces M et L. Un second escalier N, de service, montait aux étages supérieurs et desservait même les combles. En O était une petite cour avec puits. Les cuisines et leurs dépendances se trouvaient en P; elles étaient en grande partie détruites et enclavées dans une propriété voisine. Un portique R, se reliant à celui de l'entrée du côté de la rue Tirechappe, permettait de passer à couvert de cette cuisine et des communs dans le logis principal en traversant le palier inférieur de l'escalier de service, et d'arriver ainsi à la salle à manger D. La conciergerie était disposée du côté de la rue Tirechappe en V. En Y, on découvrit un égoût fort bien construit, qui autrefois conduisait les eaux pluviales et ménagères sous cette rue. Au premier étage, la distribution du grand logis était la même que celle du rez-de-chaussée; le mur de refend b se trouvait cependant supprimé, les deux salles L et M profitaient de la largeur du passage B, et cette dernière donnait entrée dans l'oratoire ou cabinet placé dans la tourelle d'angle. Le portique Q ne formait, au premier, qu'une seule galerie coudée depuis le point S jusqu'au point T. Cette galerie, largement éclairée sur la cour, n'était percée sur la rue que par trois petites fenêtres. Le grand logis seul, entre cour et jardin, possédait un second étage desservi par les deux escaliers E, N. Le bâtiment des cuisines, les communs et le portique R n'avaient qu'un rez-de-chaussée. En X, nous donnons un ensemble de l'hôtel de La Trémoille avec les développements du jardin et des bâtiments des communs.

L'architecture de cet hôtel était une des plus gracieuses créations de la fin du XVe siècle. La tourelle de gauche, le grand escalier, les portiques avec leur premier étage, n'avaient subi que de légères mutilations. Quant à la façade du logis sur la cour, elle avait été fort gâtée, mais tous les éléments de sa décoration subsistaient par parties sous des plâtrages modernes. Du côté du jardin, la façade était très-simple. Ce qu'on ne pouvait trop admirer dans cette charmante architecture, c'était le goût délicat qu'y avait déployé l'architecte. L'assemblage des parties lisses et des parties décorées était des plus heureux. Tout cela fut jeté bas en 1840. De concert avec la commission des Monuments historiques, nous fîmes alors les plus pressantes sollicitations pour conserver ce chef-d'oeuvre. Toutefois, nous ne pûmes obtenir autre chose que le transport de quelques fragments à l'École des beaux-arts, où on les voit encore enclavées dans le mur de gauche en entrant.

 


Nous donnons (37) la façade du grand logis comprise entre la tourelle et l'escalier 162.

Tout le monde connaît l'hôtel de Cluny, qui contient aujourd'hui le musée des objets du moyen âge et qui est bâti sur les thermes de Julien; cet édifice est du même temps que l'hôtel de La Trémoille et présente une disposition analogue. Sur la rue des Mathurins, s'élève un mur de clôture crénelé, le logis est situé entre cour et jardin. Nous empruntons à M. le baron de Guilhermy cet aperçu sommaire de l'histoire de cet hôtel 163:

«Dans la première moitié du XIVe siècle, vers 1340, Pierre de Chaslus, abbé de Cluny, acheta l'emplacement du palais des Thermes, dans l'intention d'y construire un logis rapproché du collége que son abbaye possédait en face de la Sorbonne. Ce projet ne paraît pas avoir été suivi d'exécution; car ce ne fut qu'à la fin du XVe siècle que Jean de Bourbon, un des successeurs de Pierre de Chaslus, entreprit la construction de l'édifice qui subsiste encore. Quand ce prélat mourut, en 1485, les fondations sortaient à peine de terre. Jacques d'Amboise, qui réunissait en même temps les titres d'évêque de Clermont, d'abbé de Cluny, d'abbé de Jumiéges et d'abbé de Saint-Alyre, reprit, en 1490, l'oeuvre de son prédécesseur et la conduisit jusqu'à son entière perfection.»

Plus heureux que l'hôtel de La Trémoille, l'hôtel de Cluny fut conservé, grâce à la collection que Dusommerard sut y réunir et à la réputation européenne qu'acquit bientôt ce musée d'objets du moyen âge. En 1842, l'État acheta cet hôtel et la collection qu'il renfermait, se fit céder par la ville de Paris les restes des Thermes de Julien, et aujourd'hui cet ensemble est devenu le rendez-vous de toutes les personnes qui prennent quelque souci des choses du passé 164.



Nous donnons (38) le plan du rez-de-chaussée de cet hôtel. Le logis d'habitation est plus vaste que celui de l'hôtel de La Trémoille, mais le jardin était moins étendu. En A est la porte principale sur la rue des Mathurins-Saint-Jacques avec sa poterne A'. La conciergerie est en B; puis s'élève un portique C qui donne entrée dans les pièces H du rez-de-chaussée, pièces dans lesquelles on entre également par le grand escalier F et par une petite porte f. La cuisine est en D, avec son perron, et son escalier particulier P, ayant à la fois issue au dehors, sur le sol de la cuisine et dans la salle H'. Une porte g donne directement entrée de la cour dans cette cuisine. En I, est une pièce en retour sur le jardin avec escalier d'angle R, ayant porte sur le jardin, porte sur cette salle I et sur la galerie L. En K est une salle ouverte, sorte de préau couvert sous la chapelle située au premier étage. F est une cour avec entrée O dans l'une des salles antiques des thermes. M est également une salle antique dans laquelle probablement étaient disposées les écuries. La galerie L communiquait autrefois à des latrines. Le mur sur la rue est crénelé et était muni d'un chemin de ronde en bois porté sur des corbeaux détruits aujourd'hui et remplacés par des potences en fer. Un petit escalier S permet de descendre de la salle I dans le préau couvert K et de monter directement à la chapelle. Le jardin G, de 17 mètres de largeur sur 35 mètres de longueur environ, était bordé par des propriétés particulières. L'escalier principal F est terminé par une plate-forme à laquelle on arrive par un petit escalier à vis partant de l'étage sous comble. L'hôtel de Cluny, comme celui de La Trémoille, possède des caves, un rez-de-chaussée, un premier étage et un étage sous comble mansardé. Les constructions sont assez bien conservées. Les planchers anciens, formés de poutres recevant un solivage, sont encore apparents, et plusieurs des cheminées datent de la construction primitive. Bien que l'architecture des logis n'ait pas l'élégante délicatesse de l'hôtel de La Trémoille, cependant elle ne manque ni de grâce ni de style. Les fenêtres sont heureusement percées, les escaliers très-habilement disposés et la chapelle est un petit chef-d'oeuvre. Elle possède une absidiole portée en encorbellement sur la pile extérieure du préau couvert. Comme ce préau, elle est voûtée, et ses quatre voûtes en arcs d'ogives portent sur une colonne centrale 165. La figure 39 donne la vue cavalière de cet hôtel, prise du côté de l'entrée.



Il existe encore à Paris un hôtel de la fin du XVe siècle: c'est l'hôtel de Sens, qui servait de résidence aux archevêques de Sens lorsqu'ils séjournaient à Paris 166. Cet hôtel est situé au carrefour formé par la rencontre des rues de l'Hôtel-de-Ville, du Figuier, de l'Étoile, des Barrés et du Fauconnier. Il fut élevé par l'archevêque Tristan de Salazar, de 1475 à 1519. Les mutilations nombreuses qu'il a subies lui ont enlevé presque entièrement son caractère.

On voit encore de jolis hôtels de la Renaissance et du commencement du XVIIe siècle dans quelques villes de province. L'hôtel de Pincé, à Angers, est un charmant édifice du XVIe siècle; celui de Vauxluisant, à Troyes, qui date des premières années du XVIIe siècle, est remarquable par son plan et les heureuses silhouettes de ses bâtiments. À Toulouse, il reste encore bon nombre d'hôtels du XVIe siècle. L'oeuvre de Ducerceau (Les maisons des villes) présente de nombreux exemples de bons plans et de bâtiments d'un goût excellent.

Si les maisons, pendant le XVIIe siècle, ne furent plus guère que des logis banals, dans lesquels il est difficile de trouver la trace d'un art, il n'en fut pas de même des hôtels. Sous les règnes de Henri IV, de Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV, Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Caen, Nantes, virent élever quantité de beaux hôtels, qui conservaient encore la disposition des habitations des nobles et riches bourgeois du moyen âge et de la Renaissance. Les hôtels Lambert, Carnavalet, de Mazarin (Bibliothèque impériale), de Pimodan, de Soubise (archives de l'Empire), sont encore des modèles de grandeur et de bon goût qui font quelque tort à tout ce que l'on fait en ce genre de nos jours. C'est qu'il est plus facile d'acquérir la richesse que le sentiment de la grandeur et le goût.

MAISONS DES CHAMPS.--Ainsi que nous l'avons dit en commençant cet article, il ne faut pas confondre la maison des champs avec le manoir. Le manoir est l'habitation d'un gentilhomme, d'un chevalier, qui ne possède pas les droits seigneuriaux de haute et basse justice, mais qui est propriétaire terrien et qui n'a d'autre redevance à fournir au seigneur que le service militaire personnel (voy. MANOIR). La maison des champs, la masure, est l'habitation du fermier, du colon, du métayer, du bordier, du paysan. Les habitants des campagnes renouvellent moins souvent que ceux des villes leurs demeures, d'abord parce qu'ils sont plus pauvres, puis parce que leurs besoins varient peu. Un citadin de nos jours n'a rien conservé des habitudes de son aïeul, tandis qu'un paysan, au milieu du XIXe siècle, vit à peu près comme vivait celui du XIVe. Aussi, plus on descend les degrés de l'échelle et moins on trouve de différences entre les demeures des champs du moyen âge et celles de notre temps. En parcourant les campagnes de nos provinces françaises qui ont été particulièrement soustraites au contact des habitants des grandes villes, comme certaines parties du Languedoc, la Corrèze, l'Auvergne, le Berry, la Saintonge, la Bretagne, la Haute-Marne, le Morvan, le Jura et les Vosges, on découvre encore des habitations séculaires qui n'ont été que bien légèrement modifiées et nous fournissent, très-probablement par transmission, des exemples des demeures des campagnards gallo-romains.

En effet, dans ces habitations, on reconnaît l'emploi de certains procédés de construction qui conservent tous les caractères d'un art naïf, et si la matière est brute, si la main-d'oeuvre est grossière, l'application du principe est vraie et parfois tout empreinte de ce charme qui s'attache aux arts primitifs, pour qui sait voir. Il existe encore, au milieu des bois du Morvan, certaines demeures de paysans dans lesquelles un campagnard éduen, s'il revenait après dix-huit siècles, ne trouverait nul changement; et nous avons vu même, sur les bords de la Loire, de la Seine et dans les Vosges, des paysans demeurant dans des grottes creusées de mains d'hommes, qui sont conservées telles que les armées romaines ont pu les voir. La variété de ces demeures des champs sur le sol de la France est une des preuves de la conservation de traditions reculées; car si toutes nos maisons des villes se ressemblent aujourd'hui, il n'en est pas ainsi dans les campagnes, et la chaumière du Picard ne ressemble point à celle du Breton; celle-ci diffère essentiellement de la cabane du Morvandiau, qui ne rappelle en rien celle du Franc-Comtois, de l'Auvergnat ou du Bas-Languedocien.

Il nous est arrivé de nous arrêter dans certains villages de France, où chaque maison, faite sur un patron unique, conservait un caractère d'âpreté primitive fort éloigné de notre civilisation moderne, où tout tend à perdre sa physionomie propre. On ne s'attend pas, pensons-nous, à ce que nous donnions ici des maisons de paysans classées par époques certaines, comme nous avons pu le faire pour les habitations urbaines. La transmission de quelques types admis, depuis des siècles, interdit d'ailleurs ce classement. Puisque nous sommes amenés à croire que certaines provinces n'ont pas cessé d'élever les mêmes maisons rurales depuis l'époque de l'invasion des barbares, il est évident que nous pourrions difficilement distinguer une habitation du Xe siècle d'une autre du XIVe. Nous nous contenterons donc de fournir quelques-uns de ces types bien caractérisés, sans leur assigner une époque précise, et cela d'autant moins, que ces constructions, faites en général à l'aide des plus faibles ressources, n'ont pu résister à l'action du temps et n'ont conservé ce caractère primitif que par la reproduction des mêmes procédés, l'emploi des mêmes matériaux et la conformité des habitudes. Toutefois, les maisons rurales les plus anciennes, ou du moins celles qui paraissent avoir subi le moins d'altérations, appartiennent aux contrées du Centre et de l'Est. Dans le Morvan, la vieille maison du paysan ne présente à l'extérieur qu'une masse de pierres amoncelées. Des murs élevés en gros blocs de granit percés de petites ouvertures, un rez-de-chaussée très-bas, servant de cellier, de dépôt, de poulailler ou de porcherie. Porte élevée d'un ou deux mètres au-dessus du sol avec escalier et palier engagé dans la muraille; plafond formé de grosses poutres avec solivage. Grenier au-dessus protégé par une lourde charpente couverte en plaquettes de pierres appelées laves dans le pays (40).

158158 Voy. l'Archit. civ. et domest. par MM. Verdier et Callois, t. II, p. 205.
159159 Ces plans ont été relevés par M. Thomas, ex-architecte du Tarn. M. Thomas a fait sur les maisons de Cordes un travail intéressant déposé aux archives des Monuments historiques.
160160 Par une charte de 1224, Louis VIII permit aux habitants de Bourges de bâtir sur les remparts. Plusieurs tours et courtines devinrent ainsi des propriétés privées. En 1443, Jacques Coeur acheta de Jacques Belin, moyennant 1,200 écus, le fief comprenant deux tours des remparts de Bourges sur lequel il bâtit son hôtel. (Voy. les Antiq. et les monuments du Berry, par Hazé. 1834.)
161161 Ce charmant édifice, converti en palais de justice, avait subi de nombreuses mutilations. Placé aujourd'hui entre les mains d'un de nos confrères les plus distingués, M. Bailly, nous sommes assurés qu'il sera restauré avec le soin et le respect qu'il mérite.
162162 Voyez, pour les détails de cette tourelle et de l'escalier, l'Archit. civ. et domest. de MM. Verdier et Cattois, t. II.
163163 Voy. Itinéraire archéol. de Paris, Paris, 1855.
164164 M. Edmond Dusommerard, fils du fondateur de la collection, est depuis 1843 conservateur de ce musée qui, grâce à son intelligente direction, s'accroît chaque jour et est un des plus riches de l'Europe.
165165 Voir, pour les détails de cet hôtel, la Statistique monumentale de Paris, publiée par M. A. Lenoir, sous la direction du ministère de l'instruction publique.
166166 L'évêché de Paris fut, jusqu'au XVIIe siècle, suffragant de l'archevêché de Sens.