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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F)

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Le troisième étage (4) est entièrement détruit, et nous ne pouvons en avoir une idée que par les dessins de 1708, reproduits dans l'ouvrage de M. Deville 17. Ces dessins indiquent les mâchicoulis qui existaient encore à cette époque dans la partie supérieure et la disposition générale de cet étage, converti en plate-forme depuis le XVe siècle, pour placer de l'artillerie à feu. M. Deville ne paraît pas reconnaître de l'âge des voûtes qui couvraient encore en 1708 le second étage.



Cependant les profils des arcs de ces voûtes (5) font assez voir qu'elles appartiennent aux restaurations de la fin du XVe siècle. Primitivement, les étages du donjon, conformément à la méthode normande, n'étaient séparés que par des planchers en bois dont on trouve les traces sur les parois intérieures. Le plan de la plate-forme, donné dans les dessins de 1708, fait assez voir que le mur de refend n'existait plus au troisième étage. C'était de cet étage, en effet, que le commandement devait se faire et la défense s'organiser avec ensemble.

Ce plan donc (fig. 4) indique une seule salle X, avec un poteau central, destiné à soulager la charpente supérieure; un réduit Y, qui pouvait servir de chambre au commandant; les mâchicoulis percés dans la chambre Z, au-dessus de la grande rampe de l'escalier; les deux mâchicoulis aa, auxquels on arrivait par les deux baies bb; le couloir cc de défense, pris dans l'épaisseur du mur au-dessus des arcs de ces mâchicoulis, et les mâchicoulis d'angle dd. Dans ce plan, on voit aussi la défense de la traverse e qui commandait le dehors et permettait de voir ce qui se passait dans le fossé du côté de la porte. En f est une cheminée et en h un four, car le donjon contenait un moulin (à bras probablement). Nous ne possédons sur la disposition de l'étage supérieur crénelé que des données très-vagues, puisqu'en 1708 cet étage était détruit; nous voyons seulement, dans un compte de réparations de 1355 à 1380 18, que des tourelles couvertes de plomb terminaient cet étage; ces tourelles devaient être des échauguettes pour abriter les défenseurs, ainsi qu'il en existe encore au sommet du donjon de Chambois 19.



Le plan de cet étage, que nous donnons (6), indique en l, l' deux échauguettes; l'échauguette l' montrant son mâchicoulis i ouvert sur la rampe du grand escalier; de plus, en m, on aperçoit les ouvertures des autres mâchicoulis commandant les rentrants des contre-forts. Celui m' s'ouvrait sur la rampe inférieure du grand escalier, montant derrière un simple mur de garde non couvert, tracé en D' dans le plan du rez-de-chaussée, fig. 1.



La fig. 7 présente la façade du donjon d'Arques, sur la cour. En A est le débouché du grand couloir de la porte extérieure; en B, l'entrée de la rampe du donjon. Les autres parties de cette figure s'expliquent d'elles-mêmes par l'examen des plans.



La fig. 8 donne la coupe du bâtiment sur la ligne brisée AA, BB des plans. En C est le petit corps-de-garde tracé en C sur le plan du rez-de-chaussée; en D, l'escalier à révolution situé sous la grande rampe dont le palier arrive en E; on voit, en F, les mâchicoulis qui commandent ce palier. Aujourd'hui, la construction ne s'élève pas au-dessus du niveau G; en 1708, elle existait jusqu'au niveau H, et l'extrados des voûtes faites au XVe siècle ne dépassait pas ce niveau G: de sorte que les murs compris entre G et H servaient de merlons et les baies d'embrasures pour des bouches à feu. Les pièces braquées sur cette plate-forme contribuèrent, en tirant sur les troupes du duc de Mayenne, au succès de la bataille gagnée dans la vallée d'Arques par Henri IV.



La fig. 9 trace la coupe du donjon sur la ligne CC, DD des plans. En A se détache du corps principal le contre-fort servant de traverse, pour voir le fond du fossé et le commander du sommet du donjon. En B est tranché le couloir au niveau du deuxième étage qui commande le chemin de ronde D et le terre-plein C. En E se voient les grands mâchicoulis avec la défense supérieure à deux étages prise aux dépens des murs sur les arcs.



La coupe (10), faite sur la ligne EE, FF des plans, permet de comprendre la combinaison ingénieuse des escaliers. En A se profile la grande rampe arrivant au second étage avec les mâchicoulis supérieurs qui commandent ses dernières marches et son palier. En R, on voit l'un des deux trottoirs disposés pour recevoir les défenseurs de la rampe et pour écraser les assaillants. En D apparaît la trace de l'étroit degré intérieur qui aboutit au couloir S indiqué sur le plan du deuxième étage, et qui permet aux défenseurs de se dérober ou de sortir par l'escalier à révolution B. En C est un contre-palier qui commande les révolutions de l'escalier B.

Le château d'Arques, admirablement situé, entouré de fossés larges et profonds, commandé par un donjon de cette importance, devait être une place inexpugnable avant l'artillerie à feu. À peine construit, il fut assiégé par Guillaume le Conquérant et ne fut pris que par famine après un long blocus. Réparé et reconstruit en partie par Henri Ier en 1123, il fut assiégé par Geoffroy Plantagenet, qui ne put y entrer qu'après la mort de son commandant, Guillaume Lemoine, tué par une flèche; ce siége avait duré une année entière, 1145. Philippe-Auguste investit le château d'Arques en 1202, et leva bientôt le siége à la nouvelle de la captivité du jeune Arthur de Bretagne, tombé entre les mains de Jean sans Terre. Le donjon d'Arques fut la dernière forteresse qui se rendit au roi de France, après la conquête de la Normandie échappée des mains de Jean sans Terre. Henri Ier, comme nous l'avons dit, fit exécuter des travaux considérables au château d'Arques; mais l'examen des constructions existantes ne peut faire supposer que le gros oeuvre du donjon appartienne à cette époque. Peut-être Henri restaura-t-il les parties supérieures qui n'existent plus, peut-être même les grands mâchicoulis de la façade (fig. 7) datent-ils du règne de ce prince, car les arcs de ces mâchicoulis, que nous avons figurés plein cintre, sont des arcs brisés sur le dessin de 1708, tracé incorrect d'ailleurs, puisqu'il n'indique pas avec exactitude les parties de la construction que nous voyons encore debout. Quant aux dispositions générales, quant au système de dégagements, d'escaliers, avec un peu de soin on en reconnaît parfaitement les traces, et c'est en cela que le donjon d'Arques, qui jamais ne fut pris de vive force, est un édifice militaire du plus haut intérêt, et, malgré son état de ruine, beaucoup plus complet, au point de vue de la défense, que ne le sont les célèbres donjons de Loches, de Montrichard, de Beaugency, construits à peu près d'après les mêmes données. Ce qui fait surtout du donjon d'Arques un type complet, c'est sa position dans le plan du château; protégé par les courtines de la place et deux tours, il commande cependant les dehors; il possède sa porte de secours extérieure bien défendue; il protége l'enceinte, mais aussi il peut la battre au besoin avec succès; il est absolument inattaquable par la sape, seul moyen employé alors pour renverser des murailles; il permet de renfermer et de maintenir une garnison peu sûre, car ses défenseurs ne peuvent agir qu'en aveugles et sur le point qui leur est assigné. Une trahison, une surprise n'étaient pas praticables, puisque, une partie du donjon prise, il devenait facile à quelques hommes déterminés de couper les communications, de renfermer l'assaillant, de l'écraser avant qu'il ne se fût reconnu. Comme dernière ressource, le commandant et ses hommes dévoués pouvaient encore s'échapper. Le feu seul pouvait avoir raison de cette forteresse; mais quand on considère la largeur des fossés du château creusés au sommet d'une colline, l'élévation des murs, l'absence d'ouvertures extérieures, on ne comprend pas comment un assaillant aurait pu jeter des matières incendiaires sur les combles, d'autant qu'il lui était difficile de s'établir à une distance convenable pour faire agir ses machines de jet avec succès.

 

Les donjons normands et les donjons romans, en général, sont élevés sur plan rectangulaire; c'est une habitation fortifiée, la demeure du seigneur; ils contenaient des celliers ou caves pour les provisions, une chapelle, des salles avec cabinet, et toujours, au sommet, un grand espace libre pour organiser facilement la défense. La plupart de ces logis quadrangulaires possèdent leur escalier principal séparé du corps de la bâtisse, et quelquefois ce mur de refend qui les divise en deux parties égales. L'entrée est habituellement placée beaucoup au-dessus du sol, au niveau du premier étage. On ne peut s'introduire dans le donjon que par une échelle ou au moyen d'un pont volant avec escalier de bois que l'on détruisait en temps de guerre.

Le petit donjon de Chambois (Orne), qui date du XIIe siècle, présente la plupart de ces dispositions de détail. Son plan est rectangulaire, avec quatre renforts carrés aux angles. Une tour carrée, posée sur un de ses côtés, contenait dans l'origine de petits cabinets et un escalier de bois couronné d'une défense et ne montant que jusqu'au troisième étage. On arrivait à la défense du sommet par un escalier à vis pratiqué dans un des contre-forts d'angle. Les parties supérieures du donjon furent refaites au XIVe siècle et conformément au système de défense de cette époque; mais, des dispositions premières, il reste encore trois étages et un chemin de ronde supérieur extrêmement curieux. Le plan du donjon de Chambois est donné ci-contre par la fig. 11.



On voit, en A, la tourelle carrée accolée au corps de logis et dans laquelle, au XIVe siècle, on a fait un escalier à vis. Ce donjon n'était pas voûté, non plus que la plupart des donjons normands; les étages étaient séparés par des planchers en bois portés sur des corbelets intérieurs. Sa porte est relevée à six mètres au-dessus du sol, et s'ouvre sur le flanc de la tour carrée contenant l'escalier en bois; on ne pouvait arriver à cette porte, dont le seuil est au niveau du plancher du premier étage, qu'au moyen d'une échelle, et le donjon ne se défendait, dans sa partie inférieure, que par l'épaisseur de ses murs. Au commencement du XIVe siècle, l'ancien crénelage fut remplacé par un parapet avec mâchicoulis, créneaux et meurtrières. Sur les quatre contre-forts d'angle furent élevées de belles échauguettes avec étage supérieur crénelé, à la place, probablement, des anciennes échauguettes flanquantes.



Voici (12) l'élévation du donjon de Chambois du côté de la petite tour carrée avant la construction des crénelages du XIVe siècle. La bâtisse du XIIe siècle s'élève intacte aujourd'hui jusqu'au niveau B; c'est au niveau C que s'ouvre la poterne. Mais la particularité la plus curieuse du donjon de Chambois consiste en un chemin de ronde supérieur qui, sous le crénelage, mettait les quatre échauguettes et la petite tour accolée en communication les unes avec les autres, sans qu'il fût nécessaire de passer dans la salle centrale occupée par le commandant. La défense était ainsi complétement indépendante de l'habitation, et elle occupait deux étages, l'un couvert, l'autre découvert. Voici, en coupe (13), quelle est la disposition de ce chemin de ronde couvert qui fait le tour du donjon et réunit les échauguettes sous le crénelage. Ce chemin de ronde existe encore à peu près complet. Le donjon est construit en moellons réunis par un excellent mortier; les contre-forts d'angle sont bâtis en petites pierres d'appareil, ainsi que les entourages des baies.

Les donjons carrés, comme celui d'Arques, ceux de Loches, de Beaugency, de Domfront, de Falaise, de Broue, de Pons, de Nogent-le-Rotrou, de Montrichard, de Montbason, de Chauvigny, de Blanzac, de Pouzanges (Vendée), qui tous sont construits sous l'influence normande, pendant les XIe et XIIe siècles, n'étaient guère, à l'époque même où ils furent élevés, que des défenses passives, se gardant plutôt par leur masse, par l'épaisseur de leurs murs et la difficulté d'accès, que par des défenses proprement dites. C'étaient des retraites excellentes lorsqu'il n'était besoin que de se garantir contre des troupes armées d'arcs et d'arbalètes, possédant quelques engins imparfaits, et ne pouvant recourir, en dernier ressort, qu'à la sape. Mais si de l'intérieur de ces demeures on méprisait des assaillants munis de machines de guerre d'une faible puissance, on ne pouvait non plus leur causer des pertes sérieuses. Les seigneurs assiégés n'avaient qu'à veiller sur leurs hommes, faire des rondes fréquentes, s'assurer de la fermeture des portes, lancer quelques projectiles du haut des créneaux si les assaillants tentaient de s'approcher des murs, contre-miner si on minait; et d'ailleurs ils pouvaient ainsi rester des mois entiers, même devant un gros corps d'armée, sans avoir rien à craindre. Aussi était-ce presque toujours par famine que l'on prenait ces forteresses. Mais lorsque l'art de l'attaque se fut perfectionné à la suite des premières croisades, que les assiégeants mirent en batterie des engins puissants, que l'on fit des boyaux de tranchée, que l'on mit en usage ces longs chariots couverts, ces chats, pour permettre de saper les murs sans danger pour les mineurs, alors les donjons rectangulaires, si épais que fussent leurs murs, parurent insuffisants; leurs angles n'étaient pas flanqués et offraient des points saillants que le mineur attaquait sans grand péril; les garnisons enfermées dans ces réduits voyaient difficilement ce qui se passait à l'extérieur; elles ne pouvaient tenter des sorties par ces portes placées à plusieurs mètres au-dessus du sol; la complication des défenses était, dans un moment pressant, une cause de désordre; les assiégés eux-mêmes s'égaraient ou au moins perdaient beaucoup de temps au milieu de ces nombreux détours, ou encore se trouvaient pris dans les piéges qu'eux-mêmes avaient tendus. Dès le milieu du XIIe siècle, ces défauts de la défense du donjon normand furent certainement reconnus, car on changea complétement de système, et on abandonna tout d'abord la forme rectangulaire. Une des premières et une des plus heureuses tentatives vers un système nouveau se voit à Étampes. Le donjon du château d'Étampes, quoique fort ruiné, possède encore cependant plus de trois étages, et on peut se rendre compte des divers détails de sa défense. Nous ne saurions assigner à cette construction une date antérieure à 1150 ni postérieure à 1170. Quelques chapiteaux qui existent encore et le mode de bâtir appartiennent à la dernière période de l'époque romane, mais ne peuvent cependant dater du règne de Philippe-Auguste. La tradition fait remonter la construction du donjon d'Étampes au commencement du XIe siècle, ce qui n'est pas admissible. Philippe-Auguste fit enfermer sa femme Isburge, en 1199, dans le donjon que nous voyons encore aujourd'hui 20: donc il existait avant cette époque. Le chapiteau dessiné ici (14) ne peut laisser de doutes sur la date de cette forteresse: c'est bien la sculpture du commencement de la seconde moitié du XIIe siècle.



Le plan du donjon d'Étampes est un quatre-feuilles, ce qui donne un meilleur flanquement qu'une tour cylindrique. Il est posé à l'extrémité d'un plateau qui domine la ville d'Étampes, au-dessus de la gare du chemin de fer. Les défenses du château s'étendaient autrefois assez loin sur le plateau, se dirigeant vers l'ouest et le midi; aussi, du côté de l'ouest, ce donjon était-il protégé par un mur de contre-garde ou chemise dont on voit encore les soubassements.



Ce mur (15) se retournait probablement, faisant face au sud, et aboutissait à une sorte de chaussée diagonale A' destinée à recevoir l'extrémité du pont volant qui permettait d'entrer dans la tour par une poterne percée au-dessous du niveau du premier étage. Le rez-de-chaussée était voûté grossièrement en moellons, et ces voûtes reposaient sur une grosse colonne centrale qui montait jusqu'au deuxième étage. Il fallait du premier étage descendre au niveau du rez-de-chaussée par un escalier B, pris aux dépens de l'épaisseur du mur, qui n'a pas moins de quatre mètres. En C est un puits et en D une fosse de latrines. Du vestibule E de la poterne, tournant à main gauche, on descendait donc par le degré B à l'étage inférieur; tournant à main droite, on montait par quelques marches au niveau du premier étage. Le vestibule E était ainsi placé à mi-étage afin que l'assaillant, entrant précipitamment par la poterne et allant droit devant lui, tombât d'une hauteur de quatre mètres au moins en F sur le sol de la cave, où il se trouvait enfermé; les défenseurs postés sur la rampe ascendante de droite devaient d'ailleurs le pousser dans cette fosse ouverte. La rampe de droite arrivait donc au niveau du premier étage (16), en G; de là on entrait dans la salle par l'embrasure d'une fenêtre.



Mais si l'on voulait monter au second étage, il fallait entrer dans le petit corps-de-garde H, placé juste au-dessus du vestibule de la poterne et percé d'un mâchicoulis, prendre la rampe d'escalier I qui menait à un escalier à vis desservant le second étage et les étages supérieurs; l'arrivée au niveau du second étage était placée au-dessus du point G. La margelle du puits C était placée sur les voûtes du rez-de-chaussée: c'était donc du premier étage que l'on tirait l'eau nécessaire aux besoins de la garnison. En L se voit un cabinet d'aisances. Le premier étage était primitivement couvert par un plancher dont les poutres principales, conformément au tracé ponctué, portaient sur la colonne centrale. Vers le milieu du XIIIe siècle, ce plancher fut remplacé par des voûtes. Les profils d'arêtiers de ces voûtes, les culs-de-lampe qui les portent, et la façon dont ils ont été incrustés après coup dans la construction, sont des signes certains de la restauration qui a modifié les dispositions premières du donjon d'Étampes. Le petit corps-de-garde H, placé au-dessus de la poterne, contenait probablement le mécanisme destiné à faire jouer le pont volant s'abattant sur la chaussée A'.



Le second étage (17) était destiné à l'habitation du seigneur. Il est muni de deux cheminées O et possède des latrines en L. On voit en G' l'arrivée de l'escalier dans une embrasure de fenêtre dont le sol est placé un peu au-dessous du plancher. Quatre colonnes engagées portent deux gros arcs doubleaux diagonaux dont nous reconnaîtrons l'utilité tout à l'heure; de plus, deux autres arcs doubleaux sont bandés en P, pour porter le comble central. L'escalier à vis continuait et arrivait au niveau du troisième étage crénelé disposé pour la défense. Le comble se composait d'un pavillon carré pénétré par des croupes coniques.



Supposons maintenant (18) une coupe faite sur la ligne AB des plans. Nous voyons en F la fausse entrée intérieure percée au niveau du sol de la poterne et tombant dans la cave; en B', la rampe descendant sur le sol de cette cave le long du puits; en G, l'arrivée de la rampe au niveau du sol du premier étage; en H, la porte donnant entrée dans le corps-de-garde situé au-dessus du vestibule de la poterne et dans l'escalier, partie à vis, dont la première issue se voit en G', à quelques marches au-dessous du sol du second étage. En continuant à monter cet escalier à vis, on arrivait à la porte M, percée au niveau du plancher du troisième étage, au-dessus de la grand'salle, étage uniquement destiné à la défense. Mais pour que les défenseurs pussent recevoir facilement des ordres du commandant demeurant ans cette grand'salle, ou le prévenir promptement de ce qui se passait au dehors, on avait établi des sortes de tribunes T à mi-hauteur de cette salle, dans les quatre lobes formés par le quatre-feuilles, tribunes auxquelles on descendait par des échelles de meunier passant à travers le plancher du troisième étage, ainsi que l'indique le plan de la partie supérieure (19). Cette disposition avait encore l'avantage de permettre de réunir toute la garnison dans la grand'salle sans encombrement, et d'envoyer promptement les défenseurs aux créneaux. On retrouve en place aujourd'hui les scellements des poutres principales de ces quatre tribunes, les corbeaux qui recevaient les liens, les naissances des arcs doubleaux diagonaux et des arcs parallèles avec l'amorce des deux murs qu'ils portaient; les baies supérieures sont conservées jusqu'à moitié environ de leur hauteur.

 


Le plan (fig. 19) fait voir que la partie supérieure était complétement libre, traversée seulement par les murs portant sur les deux arcs doubleaux marqués P dans le plan du second étage, murs percés de baies et destinés à porter la toiture centrale. Les deux gros arcs doubleaux diagonaux supportaient le plancher et le poinçon du comble. En effet, ce plancher, sur lequel il était nécessaire de mettre en réserve un approvisionnement considérable de projectiles, et qui avait à résister au mouvement des défenseurs, devait offrir une grande solidité. Il fallait donc que les solives fussent soulagées dans leur portée; les arcs diagonaux remplissaient parfaitement cet office. L'étage supérieur était percé de nombreux créneaux, ainsi que l'indique une vue cavalière gravée par Chastillon, et devait pouvoir être garni de hourds en temps de siége, conformément au système défensif de cette époque. Ces hourds, que nous avons figurés en plan (fig. 19), se retrouvent en S' sur l'un des lobes de la tour en élévation extérieure (20).



Cette élévation est prise du côté de la poterne. Aujourd'hui les constructions supérieures, à partir du niveau V, n'existent plus; mais, quoique ce donjon 21 soit fort ruiné, cependant toutes ses dispositions intérieures sont parfaitement visibles et s'expliquent pour peu qu'on apporte quelque attention dans leur examen. La bâtisse est bien faite; les pieds-droits des fenêtres, les arcs, les piles et angles sont en pierre de taille; le reste de la maçonnerie est en moellon réuni par un excellent mortier. Le donjon d'Étampes devait être une puissante défense pour l'époque; très-habitable d'ailleurs, il pouvait contenir une nombreuse garnison relativement à la surface qu'il occupe.

Les donjons sont certainement de toutes les constructions militaires celles qui expliquent le plus clairement le genre de vie, les habitudes et les moeurs des seigneurs féodaux du moyen âge. Le seigneur féodal conservait encore quelque chose du chef frank, il vivait dans ces demeures au milieu de ses compagnons d'armes; mais cependant on s'aperçoit déjà, dès le XIIe siècle, qu'il cherche à s'isoler, à se séparer, lui et sa famille, de sa garnison; on sent la défiance partout, au dedans comme en dehors de la forteresse. La nuit, les clefs du donjon et même celles du château étaient remises au seigneur, qui les plaçait sous son chevet 22. Comme nous l'avons vu et le verrons, le véritable donjon est rapproché des dehors; il possède souvent même des issues secrètes indépendantes de celles du château, pour s'échapper ou faire des sorties dans la campagne; ses étages inférieurs, bien murés, sont destinés aux provisions; ses étages intermédiaires contiennent une chapelle et l'habitation; son sommet sert à la défense; on y trouve toujours un puits, des cheminées et même des fours. D'ailleurs, les donjons présentent des dispositions très-variées, et cette variété indique l'attention particulière apportée par les seigneurs dans la construction d'une partie si importante de leurs châteaux. Il est évident que chaque seigneur voulait dérouter les assaillants par des combinaisons défensives nouvelles et qui lui appartenaient. C'est à dater du XIIe siècle que l'on remarque une singulière diversité dans ces demeures fortifiées; autant de donjons en France, autant d'exemples. Nous choisirons parmi ces exemples ceux qui présentent le plus d'intérêt au point de vue de la défense, car il faudrait sortir des limites que nous nous sommes imposées dans cet ouvrage pour les donner tous.

Suger 23 dit quelques mots du château de La Roche-Guyon, à propos de la trahison de Guillaume, beau-frère du roi, envers son gendre Gui. «Sur un promontoire que forment dans un endroit de difficile accès les rives du grand fleuve de la Seine, est bâti un château non noble, d'un aspect effrayant, et qu'on nomme La Roche-Guyon: invisible à sa surface, il est creusé dans une roche élevée; la main habile de celui qui le construisit a coupé sur le penchant de la montagne, et à l'aide d'une étroite et chétive ouverture, le rocher même, et formé sous terre une habitation d'une très-vaste étendue. C'était autrefois, selon l'opinion générale, soit un antre prophétique où l'on prenait les oracles d'Apollon, soit le lieu dont Lucain dit:

 
... Nam quamvis Thessala vates
Vim faciat satis, dubium est quid tra erit illue,
Aspiciat Stygias, an quod descenderit, umbras.
 

De là peut-être descend-on aux enfers.»

Suger parle ainsi du château dont nous voyons aujourd'hui les restes. Les souterrains taillés dans le roc existent encore, et s'ils ne sont point des antres antiques, s'ils ne descendent pas aux enfers, ils datent d'une époque assez éloignée. Les logements n'étaient cependant pas creusés dans la falaise, ainsi que le prétend Suger, mais adossés à un escarpement de craie taillé à main d'homme (voy. CHÂTEAU, fig. 8 et 9). Le château de La Roche-Guyon est de nos jours à peu près méconnaissable par suite des changements qu'il a subis; on y retrouve quelques traces de bâtisses du XIIe siècle; quant au donjon, il est entièrement conservé, sauf ses couronnements, et sa construction paraît appartenir au milieu de ce siècle.



La fig. 21 donne, en A, l'emplacement du château de La Roche-Guyon. Par un pont volant B communiquant avec les étages supérieurs du château, on arrivait à la plate-forme C taillée dans la colline coupée à pic; cette plate-forme donnait entrée dans un premier souterrain ascendant, qui aboutissait à une seconde plate-forme D à ciel ouvert. Une coupure E interceptait toute communication avec une troisième plate-forme F. Un pont de bois, que l'on pouvait détruire en cas d'attaque, permettait seul d'arriver à cette troisième plate-forme. De là, par un long souterrain ascendant dont les marches taillées dans la craie et le silex n'ont pas moins de 0,30 c. à 0,40 c. de hauteur, on arrivait, en G, dans la seconde enceinte du donjon, bâti sur le penchant de l'escarpement. En K est tracée la coupe transversale de ce souterrain. Il était absolument impossible de forcer une semblable entrée, et l'assaillant qui se serait emparé du château eût été facilement écrasé par la garnison du donjon. Voyons maintenant comment sont disposées les défenses du donjon proprement dit, placé, à La Roche-Guyon, dans une position exceptionnelle.



Voici (22) le plan, à rez-de-chaussée, de ce donjon. C'est en A que débouche le passage souterrain; à côté sont disposées des latrines dans l'épaisseur de la chemise. Un petit redan commande l'orifice inférieur du tuyau de chute de ces latrines. Du débouché A pour monter au donjon, il faut se détourner brusquement à droite et monter le degré B qui aboutit à la poterne C. À gauche, on trouve l'escalier à vis qui dessert les étages supérieurs. Le palier devant la poterne, à l'extérieur, était en bois et mobile, ainsi que le ponceau D qui aboutissait au chemin de ronde E, commandant l'escarpement. En P est un puits; en S, un petit silo destiné à conserver des salaisons 24. De l'enceinte intérieure du donjon, on débouchait dans l'enceinte extérieure par deux poternes GG', qui sont intactes. Passant sur une fosse F, les assiégés pouvaient sortir au dehors par la poterne extérieure H, parfaitement défendue par les deux parapets se coupant à angle droit. En I, à une époque assez récente, on a percé une seconde poterne extérieure; mais, primitivement, la tour I était pleine et formait un éperon épais et défendable du côté où l'assaillant devait diriger son attaque. Un fossé taillé dans le roc entourait la première enceinte, et un système de palissades et de tranchées reliait le donjon à un ouvrage avancé indiqué dans les fig. 8 et 9 de l'article CHÂTEAU. Si nous coupons le donjon longitudinalement sur la ligne OX, nous obtenons la fig. 23.



Dans cette coupe, on voit comme les deux chemises de la tour principale s'élèvent en suivant la pente du plateau pour commander les dehors du côté attaquable, comme ces chemises et la tour elle-même forment éperons de ce côté. De la tour principale, la garnison se répandait sur le chemin de ronde de la seconde chemise au moyen du pont volant indiqué en D au plan; par une suite de degrés, elle arrivait au point culminant R. Par des portes ménagées dans le parapet de cette seconde enceinte, elle se jetait sur le chemin de ronde de la première, dont le point culminant est en T. Un assaillant ne pouvait songer à attaquer le donjon par les deux flancs M et N (voy. le plan fig. 22). Il devait nécessairement diriger son attaque principale au sommet de l'angle en I; mais là, s'il voulait escalader les remparts, il trouvait derrière les parapets les défenseurs massés sur une large plate-forme; s'il voulait employer la sape, il rencontrait une masse énorme de rocher et de maçonnerie. En admettant qu'il pût pénétrer entre la première et la seconde enceinte, il lui était difficile de monter sur le chemin de ronde de la chemise extérieure, et il se trouvait exposé aux projectiles lancés du haut des chemins de ronde de la première et de la seconde chemise. Les mêmes difficultés se rencontraient s'il voulait percer cette seconde chemise. S'il parvenait à la franchir, il lui était impossible de se maintenir et d'agir dans l'étroit espace laissé entre la seconde chemise et la tour. Il n'y avait d'autre moyen de s'emparer de ce donjon que de cheminer, par la mine souterraine, du point I au point S; or on comprend qu'une pareille entreprise fût longue et d'une exécution difficile, d'autant que l'assiégé pouvait contre-miner facilement entre les deux chemises et détruire les travaux des assiégeants.

1717 Histoire du château d'Arques, Rouen, 1839.
1818 Manuscrit de la bibliothèque impériale.
1919 Voir plus loin ce donjon.
2020 Dom Fleureau. Voy. la notice sur le donjon d'Étampes, insérée dans le t. XII du Bull. monum., p. 488, par M. Victor Petit.
2121 Connu sous le nom de tour de la Guinette.
2222 «Si que la nuyt venue qu'il le devoit livrer, il alla (le chambellan) prendre les clefz dessoubz le chevet de Gerart qui se dormoit avec ma dame Berte en son donion, et ouvrit la porte du chasteau au roy et aux Françoys.» (Gérard de Roussillon, édit. de Lyon, 1856.)
2323 Vie de Louis le Gros, ch. XVI. Mém. rel. à l'hist. de France, trad. de M. Guizot.
2424 Dans cette petite excavation, les pierres sont profondément pénétrées de sel.